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introduites, se tire de diverses lois des empereurs d’O rient, par lesquelles il fut
ordonné de placer dans les églises et autres lieux publics les étalons que les provinces
receyoient de Constantinople (i). Ces lois ont poiir objet de réprimer les
fraudes et les exactions que commettoient les percepteurs de l’impôt, en abusant
de l’ignorance où le peuple étoit des nouvelles mesures dont on avoit ordonné
l’emploi ; ignorance dont on n’auroit point eu à prévenir les effets, si chaque
province eût conservé ses anciennes mesures. Au reste , l’introduction du pied
Romain eut lieu en Egypte comme dans les Gaules, où nous le retrouvons
encore aujourd’hui formant exactement le quart de notre aune Française.
Après avoir conclu l’origine du pikbèlédi, de la détermination de sa longueur,
nous allons essayer de remonter, par une marche analogue, à l’origine de la coudée
du nilomètre actuel.
Les travaux de Fréret et de Bailly ont donné tant de célébrité à cette coudée,
que l’Institut du Kaire, à l’instant même de sa formation, reconnut l’importance
d’en assigner le rapport aux mesures Françaises. Notre collègue M. Le Père,
inspecteur divisionnaire des ponts et chaussées, s’en est occupé le premier. Je
n’anticiperai point sur la description détaillée du nilomètre de Raoudhah, qu’il
publiera bientôt; je dirai seulement que les accroissemens du fleuve y sont
mesurés sur une colonne de marbre à base octogone, divisée en seize parties
légèrement inégales entre elles, mais dont la longueur réduite fut trouvée,
par M. Le Père, précisément équivalente à vingt pouces du pied de France, ou
à om.y 4 12- C e résultat fut confirmé, quelque temps après, par différentes personnes
qui répétèrent cette opération. Enfin, ayant mesuré moi-même, au mois
de prairial an 9 [juin 1801], la Colonne du mékyâs, j’ai remarqué que les
huit coudées inférieures étoient ensemble de 4ra-34^> et les huit supérieures de
4 ” .3 i5 ; ce qui donne pour chacune de ces parties deux coudées réduites, dont
l’une est de onl.y4 3 25> e t fautre de om.53937, entre lesquelles la coudée moyenne
est, ainsi que l’avoit trouvé M. Le Père, de om. j 4 12-
11 reste donc incontestablement prouvé que la coudée du nilomètre n’avoit
point été mesurée avant l’expédition des Français en Egypte, et qu’elle a toujours
été supposée de six lignes trop longue dans les différens systèmes métrologiques
le plus généralement adoptés.
Parmi les khalifes qui protégèrent les sciences et qui les cultivèrent, les historiens
» L e pied, de quatre palmes; dupondium de Columelle. Animadvertendum est antiquos
si La coudée, de deux pieds ou de trente-deux doigts; pedemproassesivepondo habuisse, quodin duodecim æquas
» Le pas simple, de deux pieds et demi; partes divideretur, unde Columella, lrb. v i , cap. 18, dupon•
s» Le pas double, de cinq pieds, dium dixit pro duobus pedibus. ( Annotationes Gulielmi
» L a coudée employée pour mesurer les ouvrages de Philandri in M. Vitruvii Poil, de Architectura Iib. v ;A r -
» maçonnerie et de charpente, est composée d'un pied gentoraii, an. 1550, pag. 238.) Pes qui as et pondo habetur
» et demi ou de vingt-quatre doigts. » ( unde dupondium Columella, Iib. V, cap. I , et lib. XII,
On voit que Héron, dans l’énumération qu’il fait de cap .2 ) , sedecimsesquunces continet. (lbid .p.298.) Georgii
ces mesures, conserve au sphhame la dénomination Latine Agricolæ, t/e mensuris quibus intervalla metimur, p. 213
de dodrans, sous laquelle il étoit connu des Romains; ce et 2 14- Doçtrina deponderibus et mensuris, auctore Daniele
qui prouve évidemment l’origine Romaine de cette unité Angelocratore, pag. 33.
de mesure et de tout le système dont elle fait partie. (1) Voye^ le Code Théodosien, tome I V , p . yyi e t332,
L a coudée de deux pieds, de la série précédente, est le et la novelle 128, chap. x v du Digeste.
Arabes citent particulièrement Al-Mamoun, dont le règne commença l’an
814 de l’ère vulgaire. Ce khalife introduisit l’usage d’une nouvelle coudée, à laquelle
on rapporte qu’il donna la longueur de la coudée naturelle d’un esclave
Éthiopien employé près de lui, d’où elle reçut le nom de coudée noire, qui rappela
son origine (1).
Edouard Bernard dit formellement, d’après le témoignage de plusieurs écrivains
Orientaux, que la coudée noire servoit à mesurer les ouvrages d’architecture,
les marchandises précieuses, et les accroissemens du Nil (2). Golius nous apprend
de plus, dans ses notes sur l’Astronomie d’Alfèrgan, que le mékyâs actuellement
existant à la pointe méridionale de l’île de Raoudhah, fut commencé sous le règne
d’Al-Mamoun, et terminé par son successeur Al-Mutéwakkel (3) ; circonstance
d’où l’on doit naturellement conclure que les coudées qui y sont tracées sont les
coudées noires du premier.
Le même Golius cite ailleurs le passage d’un auteur Arabe qui, définissant la
canne ou kassab employée dans l’arpentage, dit qu’elle est composée de sept
coudées noires et un neuvième (4 ). Il suffit donc, pour déterminer la valeur de
cette coudée, de connoître exactement celle de la kassab dont il vient d’être
fait mention. J ai mesuré avec le plus grand soin, dans toutes les parties de l’Egypte,
celle qui est employée à l’arpentage des terres : sa longueur, que j’ai indiquée
dans mon Mémoire sur l’agriculture et le commerce du Saïd (5), est de six piks bé-
lédi et deux tiers, ou de 3”.85, qui, divisés par 7 et -f-, donnent, pour la valeur
de la coudée noire de l’arpenteur citée par Golius, o».y4 1 ; quantité précisément
égale à la longueur moyenne des coudées tracées sur la colonne du mékyâs,
lesquelles sont, par conséquent, des coudées noires du khalife A l-M a moun,
ainsi que nous venons de l’avancer.
Quand au pik stambouli, ou coudée de Constantinople, la date de son introduction
en Egypte, parfaitement connue, ne remonte qu a la conquête de ce
pays par le sultan Sélim, en 15 17. Elle sert, dans les marchés du Kaire , à
mesurer les draps importés d’Europe, tandis que le pik bélédi est exclusivement
employé à mesurer les toiles de lin ou de coton et les étoffes de soie
de fabrique Égyptienne. M. Costaz a trouvé que la longueur du pik de Constantinople
étoit de om.6 y y , ou de 7 millimètres, plus grande que celle trouvée par
le docteur Greaves, qui en a donné le rapport au pied Anglais égal à celui de
11 à 5.
On peut maintenant, en résumant les recherches qui précèdent, tracer l’histoire
des mesures de longueur usitées en Egypte depuis la plus haute antiquité
jusqua nos jours; ce que nous croyons d’autant moins dénué d’intérêt, que si l’on
entreprenoit d assigner les variations successives que ces mesures ont éprouvées
chez les différentes nations de l’Europe, l’on remonteroit à peine au - delà de
(1) N ota Jacobi Golii ln Alfirgan. Amstelodami, 1669; (3) N o ix GoUi ad Alftrgan. pag. I j6 .
. ‘ (4) N o ta Golii ad Aljergan. pag. 74 et 7 j .
(2) Lduardi Bernardi, de ponderibus et mensuris anti- (5) Décade Égyptienne (au Kaire, an v m j , tome III,
quorum, pag. 217. page <f2<