
trous, ainsi que de l’art de jouer Se cette flûte en la doigtant ; choses qui, avant lui,
étoient restées ignorées, suivant Apulée (j). C ’est dans ce sens qu’il faut entendre
ce passage de Plutarque (2) : « Hyagnis fut le premier qui joua des flûtes, et puis,
» après lui, son fils Marsyas, ensuite Olympe (3). » Plutarque, sans doute, pensoit
comnje nous, puisquil dit plus loin : « Car ce n’a été ni Marsyas, ni Olympe, ni
» Hyagnis, qui a trouvé l’usage de la flûte, comme quelques-uns l’estiment ; ce que
» l’on peut connoître parles danses et les sacrifices que l’on fait au son des haut-
» bois et des flûtes à Apollon, ainsi qu’Alcée, entre autres, l’a laissé par écrit en
« quelqu’un de ses hymnes. Et.de plus, son image en l’île de Délos tient en sa
» main droite son arc, en sa gauche les Grâces, dont chacune tient un instrument
» de musique : l’une tient la lyre, l’autre le hautbois, et celle du milieu la flûte,
» qu*elle approche de sa bouche. Et afin que vous ne pensiez pas que j’aie imaginé
» ceci, Anticlès et Ister le marquent ainsi dans leurs commentaires, &c. »
Juba, auteur ancien, cité par Athénée (4ÿ , rapporte l’invention du monaule à
Osiris, roi et dieu d’Égypte. Mais si le monaule n’étoit qu’un simple tuyau de
paille , comme 011 nous 1 apprend, et s’il n’avoit point de trous pour le doigter, ce
ne pouvoit être encore là un instrument de musique. D’ailleurs, Jablonski (5) nous
prouve que le nom d Osiris ne fut connu en Égypte que 3 20 ans après la fuite des
Israélites sous la conduite de Moïse, et 1325 ans (6) avant l’ère Chrétienne. Il s’ensuit
donc que cette espèce de flûte et la précédente furent connues en Phrygie (7 )
avant de l'être en Egypte, et même avant que le nom d’Osiris y fût connu (8).
Quoi 'qû il en soit, il ne nous paroît guère possible qu’Hyagnis soit parvenu
a donner-a la flûte, ainsi qu à 1 art d en jouer, un degré de perfection suffisant pour
quon ait'pu (admettre, sans scandale, à accompagner les chantsreligieux, aussitôt
que semble l’annoncer la chronique des Marbres de Paros, à moins que ce n’ait été
pour renforcer les cris aigus que poussoient les Corybantes avec leurs voix efféminées,
pendant les danses qu’ils exécutoient en l’honneur de la mère des dieux.
Nous ne trouvons point, dans les temps reculés, d’exemple où la flûte ait été
associée à la voix, plus ancien que celui qui nous est offert au premier livre des
R °k ,(9 ) >'°ù A est dit que des prophètes descendaient de la montagne, accompagnés
des sons de la lyre, de la cithare , de la Jlule, et -au bruit des tambours : c’est sous
le règne de Saiil, vers lan io y o avant J. C. Mais nous doutons encore qù’une
pareille réunion d instfümens d’espèces si opposées, et lorsque l’art d’en jouer
étoit encore si récent et si peu connu, ait été employée en cette occasion à d’autre
dessein que celui de produire un bruit agréablement tumultueux, mais cadencé,
afin d exciter ou d entretenir dans Je coeur et dans tous les sens des prophètes
( I 1 V oy éi la note 2 de la page 409. ( 7 ) Tous les poëtes Grecs et Latins s’accordent una-
(2) D e la Musique, page 661, A . nimement à reconnoître les Phrygiens comme les inven-
I ( 3) Il paroît, par ce qne Plutanjue dit plus bas (710». 66s, teurs de la flûte. Isidore ( Origin. lib. I I I , cap. 7 ,
C ) , qu il y eut deux Olympe ; que celui-ci étoit Ie,pre- Musical Artis ) a suivi cette tradition, qui remonte à
niier, fils de Marsyas. une très-haute antiquité.
( 4) Dcipn. lib. i v , cap. 2 3 , pag. 175- ■ (8 ) Cependant Tzetzès n’hésite pas à regarder Mer-
I j 1 -I unth, Æpypt. tom. I , lib. 1 1 , cap. 1 , g. 16. cu re , Osiris, N o é et fîacchus, comme étant contem-
(6 ) On ne peut point accorder ce calcul avec celui porains (chiliàde IV , liv. 1 1 , v. 825 et suiv.).
des Tables chronologiques de John Biair. (9) Cap. 10, v. 5.
il
cette agitation, ce trouble,que les anciens croyôiént nécessaire pour faire naître
l’enthousiasme prophétique. Il n y a aucune apparence de raison à supposer que
le mélange confus du son des lyres, des flûtes,des cithares, joint au bruit des
tambours, ait pu faire un ensemble mélodieux' et utile au chant. On peut donc
assurer qu’avant le règne de David on n’avoit encore admis l’usage de la flûte,
de la lyre, de la cithare , &c. ni dans les cérémonies, du culte, ni pour accompagner
le chant; et cela, parce que l’àrt de jouer de ces’ instrumens étoit encore
trop récent et trop imparfait.
D ’après cela, l’on doit être convaincu que les Egyptiens n’avoient pas fait de
plus grands progrès que les Hébreux dans l’art de jouer des instrumens à vent et
à cordes : premièrement, parce qu’étant plus éloignés que ceux-ci des peuples
qui inventèrent et perfectionnèrent ces instrumens, la connoissance ne put leur en
parvenir aussitôt ; secondement, parce que leur caractère, ennemi de toute innovation
, ne les disposoit pas à s’y adonner; troisièmement, parce que la nature de
leur musique et leurs premières institutions y étoient contraires.
Comme il se pourroit néanmoins qu’une certaine antipathie de caractère qui
exista toujours entre les Hébreux et les Egyptiens, eût fait rejeter par ceux-ci ce
que les autres auroient approuvé ; pour mieux nous assurer du premier état- de
l’art musical dans l’antique Egypte', prenons un autre moyen de comparaison plus
direct et plus immédiat : les anciens Grecs peuvent nous l’offrir, puisqu’ils furent
civilisés et instruits par des colonies -d’Egyp tiens,. et qu’ils en conservèrent très-
long-temps la religion, les"lois, les moeurs et les usages.
Homère, qui a décrit avec tant d’exactitude dans sôn Iliade et dans son Odyssée
les moeurs.des anciens Grecs, est un guide sûr qui ne peut nous égarer. Rien
ne peut assurément faire concevoir une plus haute idée du chant, que les éloges
que reçoivent les chantres Phémius et Démodocus, et le récit que nous fait ce
prince des poëtes,des effets que ces chantres produisoient parleur art. Cependant
il garde le silence le plus absolu sur le mérite de la musique instrumentale : partout
il nous présente l’art de jouer des instrumens dans un état extrêmement
peu avancé ; ce qui prouve que les anciens Grecs, qui avoient reçu des'Egyptiens
la musique déjà très - perfectionnée quant au chant,» qui ne cessoient d’aller
en Égypte se pénétrer des principes de cet art, qui faisoient le plus>grand cas
des hymnes éruditifs et sacrés que Musée et Orphée leur avoiént apportés de
ce pays, ne s’attachoient pas encore beaucoup à l’art de jouer des instrumens.
La lyre*, cet antique instrument inventé depuis tant de siècles par Mercure, n’é-
toit encore employée par eux que pour guider et soutenir la voix; elle étoit
même tellement subordonnée au chant, qu’Homère ne parle nullement de son
effet particulier ; et certes, ce poëte, qui n’a rien oublié de ce qui étoit tant
soit peii mémorable, n’auroit pas négligé de nous apprendre ce qui concernoit
la musique instrumentale.
Le Phrygien Olympe ( i) , le plus ancien connu sous ce nom, près de deux
( i ) Plutarque, Dialogue sur la musique ancienne , ce dialogué, Mémoires de l'Académie des inscriptions
pag. 660, H. Voyez aussi les Remarques de Burette sur et belles-lettres, art. x x x , page 254> to™- X,* in-4.*