des villes bien connues, et l’on peut présumer que les autres désignoient quelques
détachemens de troupes Assyriennes levés chez quatre peuples différens soumis à
cet empire. Tous les jours, des cheykhs de ville, de village, de tribu, se font la
guerre entré eux; et, plus d’une fois dans sa vie, le cheykh de quelques Bédouins
a été en guerre avec le sultan du puissant empire des Turcs. Quelle que fût, au surplus,
la puissance des princes qiii soumirent la Pentapole(i) .Abraham, réuni à trois
cheykhs du désert, Aner, Escol et Mambré , pouvoit surprendre et battre les vainqueurs.
L ’histoire nous présente une foule d’événemens semblables. Ainsi Klialed, à
la tête de trois mille Arabes, détruisit, sous le règne d’Héraclius, après un combat
des plus opiniâtres j une armée de vingt mille hommes des meilleures troupes de
l’Empire ; à une époque plus récente, A ’iy fils de Dâher, avec cinq cents Bédouins,
battit vingt-cinq mille Driises; et de nos jours enfin, sur les bords du Jourdain, au
pied du montTabor , quinze cents Français, commandés par Kléber, ont fait fuir
devant eux une armée composée de cent peuples divers, disoient les gens du pays,
et aussi nombreuse que les étodes du firmament et les sables de la mer (2).
Le nom de roi, donné fréquemment dans la Bible au chef d’une seule ville ou
d’une tribu, a pu, à la vérité, jeter quelque merveilleux dans le récit de la
victoire d’Abraham, parce que nous attachons à ce mot l’idée d’une grande puissance
; mais les mêmes mots n’ont pas toujours signifié les mêmes choses, et
ils changent encore de valeur suivant les différens pays. Le cheykh de quelques
milliers d’hommes, en Orient, se fera appeler le prince des princes ; le titre de
roi fut celui de Louis X IV et du héros des Thermopyles; on le donné, sur
la côte d’Afrique, au chef de quelques bourgades de nègres; Cicéron fut salué
par les troupes du titre d’empereur après son expédition de Cilicie, et cependant
on ne confondra pas la puissance de ce vertueux citoyen avec celle des tyrans
qui élevèrent leur trône sur les débris de la république Romaine.
Abraham, après avoir délivré L o t, revint dans la vallée de Mambré; et c’est
plusieurs années après que la Genèse place l’embrasement de Sodome et de
Gomorrhe, occasionné probablement par la foudre ou une éruption volcanique.
Le séjour que fit ensuite Abraham dans les états d’Abimelech, roi des Philistins;
les boeufs, les brebis que ce prince reçut du chef des Hébreux; tout cela
est encore conforme à ce qui se passe de nos jours, lorsque des tribus errantes
veulent s’établir sur des terres qui ne leur appartiennent point.
Abraham laissa plusieurs fils ; les plus célèbres furent Ismaël et Isa'ac. Le premier
devint, par son courage, le chef des nombreuses tribus qui forment aujourd’hui
la nation Arabe (3), et qui, suivant l’usage du désert, prirent alors son nom
et s’appelèrent ses enfàns : l’autre succéda à son père; ses courses, ses'guerres,
ses alliances, sa vie enfin, rappellent l’existence privée et politique d’un chef de
Bédouins.
Après la mort d’Isaac, ses fils Jacob et Esaü se séparèrent; et les tribus qui
(1) Pentapole, « r a mhitç , les cinq villes ; ce nom (2) On a évalué cette armée à environ cinquante mille
a été donné à plusieurs associations de villes. La Pen- hommes, dont plus de moitié de cavalerie,
tapole du Jourdain se composoit des villes de Sodome, (3) V oyez mon Mémoire sur les tribus Arabes des
de Gomorrhe, d’Adama, de Seboïm et de Bala. déserts de l'Egypte, É . M ., tome L " , page 580,
suivirent ce dernier, prirent par la suite le nom d’Iduméens. Jacob eut la plus
grande part dans l’héritage de son père ; les pasteurs qui restèrent près de lu i,
s’appelèrent indifféremment Hébreux ou Israélites : cette dernière dénomination
venoit du surnom d’Israël que Jacob portoit depuis son retour de la Mésopotamie.
Jacob eut douze fils ; le plus célèbre fut Joseph. Je ne rappellerai pas sa touchante
histoire; tout le monde la connoît, et sait qu’elle est parfaitement dans
les moeurs des peuples de l’Orient. Les noms de ses deux fils et de ses frères
distinguèrent plus tard les tribus d’Israël.
Jacob étoit déjà très-avancé en âge, lorsque la famine le força de quitter les
environs de Bersabée, et de se réfugier en Egypte, où il obtint du Pharaon la
permission de s’établir dans la terre de Gessen.
La dynastie des rois pasteurs occupoit alors le trône d’Egypte ; nous croyons
du moins en voir la preuve dans l’accueil fait précédemment à Abraham, dans
l’élévation de Joseph et l’établissement accordé à Jacob et à ses fils, toutes choses
incompatibles avec la haine superstitieuse qu’auroient éprouvée des princes de
race Égyptienne pour des pasteurs de troupeaux (1).
Cette remarque va nous aider à suppléer à la longue lacune que présentent les
livres saints depuis la mort de Joseph jusqu’à la naissance de Moïse; nous essaierons
du moins, par un aperçu rapide de l’établissement et de la chute de la dynastie
des rois pasteurs en Egypte, de jeter quelque lueur sur cette partie de l’ancienne
histoire des Hébreux.
D e la Conquête de l ’Egypte p ar les Pasteurs, et des Hébreux depuis la mort
de Joseph ju sq u ’à leur fu ite dans le Désert.
L es migrations des peuples ont presque toujours été occasionnées moins par
l’appât d’un climat plus heureux que par la crainte d’un ennemi qui leur apportoit
des fers; et souvent les fugitifs, devenus conquérans par nécessité, ont fondé
des empires puissans.
Lorsque le seul amour de la domination, de la gloire ou des richesses, fait
prendre les armes à une nation, elle peut agrandir considérablement son territoire,
mais elle ne l’abandonne point. L ’attachement au pays natal est de tous les
temps comme de tous les lieux ; et lorsque les provinces conquises, les colonies
lointaines, forment des états indépendans, elles conservent avec la mère-patrie des
relations de respect et d’amour que l’intérêt peut troubler quelquefois, mais ne peut
anéantir entièrement qu’après bien des siècles.
En nous apprenant l’envahissement de l’Egypte (2) par une armée de pasteurs
(1) Par pasteurs, on doit entendre ic i les peuples ( î) Manélhon dans Joseph , Réponse à Appitm, iiv. i ,
q u i, à la manière des Arabes Bédouins, n’avoient point chap. 5.
de demeures fixes, et vivoient du produit de leurs trou- Manéthon étoit Égyptien , et de la race sacerdotale ;
peaux : car les Égyptiens élevoient aussi des b estiaux, il occupoit la place de grand - prêtre à Héliopolis , et
et ceux qui les gardoient n’étoîent point en horreur a de conservateur des archives sacrées , lorsqu il écrivit
leurs compatriotes. l’histoire d’Égyptë. U n pareil Ouvrage nous paroît mériter