IV. Dans les travaux entrepris sous les rois Égyptiens et Persans pour établir
la communication du Nil avec la mer Rouge, on n’a creusé entièrement que la
partie du canal qui se rendoit du Nil vers le bassin de l’intérieur de l’isthme.
V L autre partie de l’isthme n’a été coupée entièrement ni par les anciens
rois Egyptiens, ni par les rois Persans, et il est douteux qu’elle l’ait été entièrement
sous Ptolémée Philadelphe.
VI. Letat de l’isthme de Suez n’a éprouvé aucun changement appréciable
depuis les premiers temps historiques. La distance de la mer Rouge aux villes de
Bubaste sur le Nil, et de Péluse sur la Méditerranée, est restée constamment
la meme.
VII La ville d’Héroopolis n’étoit point au nord de l’isthme, comme d’Anville
a voulu le prouver, mais au sud. Toutes les preuves dont s’étayoit la première
opinion, sont fondées, en dernière analyse, sur une méprise de la version Grecque
des ôeptante.
VIII. La détermination rigoureuse de la latitude d’Héroopolis est antérieure aux
travaux de l’école d’Alexandrie : elle appartient à un grand travail très-ancien et
tres-exact, qui embrasse les positions géographiques les plus importantes des parties
du globe alors connues. <
IX. Héroopolis, ainsi que Babylone, sont d’anciens noms Égyptiens, altérés par la
prononciation des Grecs. ; ... . r
X. Il existe encore quelques données pour déterminer la position de l’ancienne
ville d Avaris, citée par Manéthon comme le siège des rois pasteurs.
XI. La route que suivoient les caravanes, alloit directement de la mer Rouee
jusqua la ville d-’Abou-Keycheyd (ou Avaris). Cette route seroit encore préférable
a celle que suivent aujourd’hui les caravanes Turques.
XII. La ville d’Arsinoé, bâtie pour le service du canal, étoit située, non pas à
Suez comme l’a cru d’Anville, mais plus au nord, à l’embouchure même du
canal. Cleopams n’étoit qu’une portion de la même ville.
XIII. Le canal achevé par Ptolémée Philadejphe n’a pas rempli son objet; il
n a ete cl aucun usage pour le commerce.
XIV. Ptolemée Philadelphe, après ses immenses travaux, fit abandonner au
commerce et la route de l’isthme et la navigation du golfe Héroopolitique, pour
lui ouvrir une autre route plus avantageuse.
Parmi ces questions, les plus importantes pour notre sujet concernent, i.° les
travaux de. cet ancien canal destiné à joindre les deux mers, 2.0 les changemens
arrives dans letat de l’isthme, et 3.” la position d’Héroopolis: ce sont celles que
nous nous sommes attachés principalement à développer ; elles ont entre elles
étroites liaisons, et la solution d’une question entraîne en quelque sorte celle des
autres. Les résoudre toutes par des moyens différens et indépendans les uns des
autres, cetoit donc réellement multiplier les preuves pour chacune.
C H A P I T R E II.
Relations des Egyptiens dans l ’Orient avant la conquête d ’A lexandre.__
Opinion avancée sur l ’ancien état de l ’Isthme.
L ’antiquité de la navigation sur la mer Rouge est prouvée par le témoignage
des anciens écrivains. Homere, qui, dans 1 Odyssée, semble avoir pris à tâche de
décrire les usages des nations étrangères a la Grèce, et de rappeler toutes les
connoissances géographiques que l’on avoit de son temps, représente Ménélas naviguant
sur le golfe Arabique, et nomme une partie des peuples qui habitoient le
long des côtes (1). Ce voyage n’est assurément qu’une fiction du poëte ; mais elle
prouve que cette navigation étoit déjà célèbre chez les Grecs.
Avant cette époque, de nombreuses flottes équipées par les rois d’Égypte
avoient deja parcouru letendue de cette mer, et pénétré jusque dans l’O.céan.
Sésostris, au rapport d'Hérodote et de Diodore de Sicile (2), avoit feit construire
une flotte de quatre cents voiles, avec laquelle il subjugua toutes les provinces
maritimes et toutes les îles de la mer Érythrée (3) jusqu’aux Indes. Ce fût
la première fois, disoient les prêtres d ’Héliopolis à Hérodote (4 ), que l’on fit voir
sur la mer Rouge de grands vaisseaux de guerre. Mais cette circonstance elle-même
ne suppose-t-elle pas que depuis long-temps on y fkisoit usage de petits navires
pour le commerce!
Les successeurs de Sésostris suivirent cet exemple, et équipèrent sur la mer
Rouge des flottes considérables (y).
Ces expeditions maritimes ne se reduisoient pas à de simples incursions; elles
avoient pour objet des conquêtes, des établissemens sur les côtes, et elles eurent
des effets durables. Les tributs imposés aux peuples de ces contrées (6), et plusieurs
pioductions de ¡Afrique méridionale, de llnde et de l’Arabie, dès-lors en usage
chez les Égyptiens, montrent assez qu’il ne s’agit pas seulement de communications
accidentelles et passagères, mais de relations entretenues d’une manière
suivie.
Les côtes méridionales de l'Afrique (7) fournissoient aux Égyptiens, entre autres
pioduits du sol, d e lo r , de lebène, de l’ivoire, des dents et des peaux d’hippopotame
: l’Arabie fournissoit de l'or, de l’argent, du fer, de la myrrhe, de l’encens (8) ;
llnd e, différentes sortes de pierres précieuses et diverses matières minérales qui
ont ete travaillées en Égypte dès les temps les plus anciens.
(1) Odyssée, liv. i v .
(2) Herodot. Euterpej Diod . Sicul. Biblioth. hist. 1. 1 ,
sect. 2.
(3) Il feut se rappeler que, chez les anciens, le nom de
la mer Erythrée ne s’appliquoit pas seulement au golfe.
Arabique, mais encore à toute la portion de l’Ocean qui
esta l'orient du détroit et qui s’étend vers les Indes. ( Arrian.
Peripl, maris Erythmi.)
(4) Herodot. Euterpe.
(5) Ibid.
(6) Diod . Sicul. Biblioth. hist. lib. i.
(7) Ibid.
(8) Plin. Histor. nat. lib. VI ; Diod . Sicul. Biblioth.
hist. lib. I , sect. i.