étoit facile de trouver la cause probable de ces deux dénominations dans la
similitude de sons que devoient avoir, pour des oreilles étrangères, les noms de
Sais et de Tanis en langue Egyptienne (i), puisque nous voyons la ville de Tanis
etre appelée Tzoan ou Tzoain, et Sais être nommée Stn ou Sein, dans le texte
Hébreu de la Bible; les Arabes donner le-nom de San aux ruines de Tanis, et
celui de Sâ à celles de Sais.
Je sais bien que M. Larcher pense que, par Tzoan, les Hébreux ont voulu
désigner Sais, et non Tanis, qui, selon lui, a toujours été une trop petite ville
pour avoir pu être la résidence d’un des Pharaons d’Egypte. J’ai, je crois, contre
Cette opinion plusieurs faits bien positifs.
1.“ Les Septante, qui devoient connoître parfaitement la géographie de l’Égypte,
et chez qui la tradition des anciens événemens de l’histoire Juive s’étoit certainement
conservée, ont traduit Tzoan par Tanis.
2.° Les auteurs Qobtes nomment Sais, S o i, Cz-s; et Tanis, Djane ou Djani,
2 S * .« k , o u 2£z.su. a On auroit tort de croire, ainsi que l’observe M. Étienne
» Quatremère (2), que Djane ri est qu’une corruption du mot Grec T ¡¿vif. Djane
» est visiblement l’origine du mot Hébreu; il désigne en langue Égyptienne un
» terrain bas. Ce nom convient parfaitement à la ville de Tanis, située dans la pro-
» vince que les Arabes appellent Asfel-al-Ard., la partie basse de la terre. »
3.0 Lorsque les Hébreux s’enfuirent d’Égypte, ils habitoient la terre de Gessen, à
l’extrémité de la vallée nommée aujourd’hui Saba'h-byâr, ainsi que je crois l’avoir
prouvé dans un de mes Mémoires (3); les courses fréquentes que Moïse fit de
son peuple à la cour du Pharaon, et la marche de ce prince pour atteindre les
Hébreux fugitifs, annoncent assez qu’il habitoit alors une ville plus rapprochée de
la vallée que n’est Sais.
4.0 Les ruines de San attestent la grandeur et l’ancienne magnificence de Tanis.
« Il paroît que c’étoit une ville immense»', dit le général Andréossy (4 ), qui a parcouru
ces lieux en observateur éclairé. « On voit dans son intérieur une espèce
» de forum ou place publique, de la forme d’un carré long, ayant une grande entrée
» du côté du canal de Moueys, et des issues dans les parties latérales. Le grand axe
» de ce forum est dans la direction de l’est à l’ouest : on aperçoit sur ce grand axe
» plusieurs monumens détruits et des obélisques brisés et renversés. »
y.° Strabon dit positivement que Tanis est une grande - ville ; et si Joseph (5)
rapporte que Titus aborda dans la petite ville de Tanis, cela prouve seulement
qu’à cette époque elle étoit déjà déchue de son ancien état.
6 ° Enfin M. Larcher se trompe encore en confondant Tanis,Talus, avecThen-
nisus, ©eviwre«, qui étoit située au milieu du lac (6).
Hérodote n’est pas le seul, comme nous l’avons vu par le passage de Strabon
( i ) Sais et Tanis é ta ie n t des noms donnés à ces villes (4) Mémoire sur le lac Menza leh , É . M . tom. J.cr,
par les G recs, q u i, plus qu’aucun autre peuple, dénatu- pa g . 276.
ro ien t les noms é trangers. (5) Guerre des Juifs contre les Romains, liv . IV ,
- (2) Mém. sur CEgypte, tom. I.er, pag. 290. chap. 42- '
(3) Notice sur le sé/our des Hébreux en Egypte et sur (6) Les ruines de Thennisus sont nommées encore
leur fu ite dans le désert, «-après page 307. aujourd’hui Tennys par les Arabes.
cite
De la Branche Mendésienne.
Apres la branche Saitique, que nous venons de déterminer, la branche Sében-
nytique donnoit encore naissance, selon Hérodote (9), à la branche Mendésienne,
dont Strabon place 1 embouchure immédiatement à l’ouest de laTanitique. Nous
(1) Réponse à Appion , liv. I , ch. 5.
(2) Lvpàr J t iv YQjup tcû SettTH ota/v î mitai , xtipivnv
/àÀv S3& ç àvasn\\\v 7eu BytCashou tmu/mv , x aA o v p ém Â
oern 7»? etp^ttctç dtoxoyiaç ACa&iv , tso tiiv ix-nai 71 , xs/ï i t ï ç
7ii%mv oyppa7B.7WK im in o tv , tvoiximç « J t» jyù tjAhSoç otiXituy
i i ç iIKOOt YÇ/J. 11 CJZL&CÇ /M e /d J k ç àvJpèûY Qp&f ÇUAîUCmV.
Inveniens autan in prafectura Saite civitatem opportu-
nissimam, positam ad orientent Bubastis fluminis, qute
appellabatur à quadam antiqua t/teologia A varis , banc
fabricants est et mûris maximis communivit, collocans ibi
multimdinem arma to ru ni usque ad ducenta quadraginta
millia virorum eam custodientium.
(3) On pourroit peut-être reculer vers le sud l’origine
de la branche Tanitique, jusqu’au point où l’ancien canal
de Felfel est dérivé du N il. C e canal se réunit à
celui de Moueys, à trois mille mètres environ à l’est du
village d’A tryb.
(4) Auprès des ruines de cette ville est un petit village
qui en a conservé le nom. Cette particularité a échappé à
quelques géographes modernes, qui placent Bubastc en
cet endroit. II est à remarquer d’ailleurs que , selon Ptolé-
A .
mée, Athribis étoit dans le D e lta , tandis que Bubaste
étoit à l’est de la branche la plus orientale du N il ; ce
qui concorde parfaitement avec la position que nous
don nons à ces deux villes, et avec le cours que nous assignons
aux différentes branches du Nil.
(5) II ne faut pas oublier que la partie supérieure
de la branche de Damiette, jusqu’à Semenhoud, appartient
à la branche Sébennytique d’Hérodote.
(6) Voye^j dans la Décade Egyptienne, le Mémoire de
M. Malus sur la branche Tanitique.
(7) Sorte de barques dont les plus grandes sorit du port
d’environ soixante tonneaux ; elles vont à la voile et à la
rame.
(8) Le village d’Horbeyt, dont le nom rappelle celui de
Pharbætus, autrement Phi-Arbait, est entouré de décombres
qui indiquent qu’il a existé en cet endroit une
ville de l’ancienne Egypte. On y a trouvé les débris
d’un colosse, des tronçons de colonnes, et des frag-
mens en granit siliceux qui ont appartenu à d’anciens
édifices.
(9) Hist. lib. I l , §.. 17.
O o
,8 7
cité plus haut, qui ait nommé Sditique la branche qui passoit à Tanis ; un passage
de Flavius Joseph où cet historien cite Manéthon (i ), prouve qu’en langue Grecque
on désignoit sous le nom de S dite la partie orientale de la basse Egypte (2). ■
Il est donc prouvé pour moi que la branche Sa&'tique d’Hérodote est là
Tanitique de tous les autres écrivains de Iantiquité; et comme cette branche
venoit, selon eux, immédiatement après la Pélusiaque, en allant de l’est à l’ouest1,
et qu’Hêrodote la fait dériver de la Sébennytique, nous la retrouvons dans le canal
de Moueys (3), dont l’origine est à trois quarts de lieue au-dessous des ruines
d’Athribis (4), sur la rive droite delà branche de Damiette (y). A la hauteur dé
Bubaste, ce canal se divise en plusieurs bras : c’est le plus occidental qui appartient
a la blanche Tanitique, il passe ensuite a el-Qanyat, gros village situé sur sa rive
droite, et dont quelques gens du pays donnent le nom au canal. 11 laisse à sa droite
les villages de Fassoukah, Bycheh, Menzel-Hayân, Horbeyt, Kafr-A’bd-allah, Kafi-
Genât, Kafr-el-Gerâd, Atryf, Kafr-Zeneyn, Sân, et, à sa gauche, Tell-Hamâm,
Mobâcher, Koufour-Negoum, Kafr-Chenyt, A ’bd-allah, Lebâydeh. Il se jette dans
le lac Menzaleh , au-dessous des ruines de Tanis, et son cours se prolonge à travers
ce la c, jusqu’à la bouche. d’Omm-fareg.
Le canal de Moueys a tous les caractères d’un bras naturel du Nil (6). Navigable
huit mois de I année pour les plus grands mâch (7), il arrose les terres d’une
partie de la province de Charqyeh. Ses nombreuses dérivations se réunissent en
plusieurs endroits a celles de la branche Pélusiaque. Je citerai, entre autres, le canal
de Beny-Cheblengâ à Bubaste, et celui de Chobraouyn à Horbeyt (8).