
 
		réunissent pour attribuer aux Égyptiens l’invention de ‘la géométrie (1) ¡science dont  
 le  nom  seul,  expliqué  littéralement,  annonce qu’elle se  réduisoit  dans  son  origine  
 aux opérations  de  l’arpentage. 
 On sait que le peuple  d’Égypte étoit partagé  en plusieurs  castes  (2), et  que l’étude  
 et la pratique des sciences etoient uniquement réservées aux prêtres, qui composoient  
 la première  de  ces  castes.  Parmi  les  livres Hermétiques'confiés  à  leur  gardé,  et  
 dont  eux  seuls  avoient  connoissance,  suivant Clément d’Alexandrie,  il y en  avoit  
 deux  consacrés à la description détaillée de  l’Égypte et du cours du Nil  (3)  :  c e to it ,  
 à proprement parler,  une  espèce  de  cadastre  dont  ils  étoient  dépositaires. 
 Si 1 on considere que les debordemens du Nil peuvent, chaque année, confondre  
 les  propriétés  en  faisant  disparoitre  une  partie  de  leurs  limites  ,  on  concevra  
 aisément que  le  droit  de  conserver  les registres  qui  contenoient  la  description  de  
 ces propriétés, etoit un  des  principaux  privilèges  de  l’ordre  sacerdotal.  Il  de voit  
 nécessairement  donner  à  ceux  qui  en  jouissoient un  crédit  d’autant  plus  grand  et  
 une  influence  dautant plus  marquée,  que  Ion  éprouvoit  plus  souvent  le  besoin  
 de  s adresser  a  eux pour  obtenir  des  renseignemens  qu’eux seuls  étoient  capables  
 de fournir.  Ceci explique  le  soin  que  prenoient les prêtres  de  conserver dans  leurs  
 familles le genre d instruction  qui pouvoit contribuer  le plus  sûrement  au maintien  
 de  la  considération  et  des  privilèges  de  leur  caste. 
 «  Les prêtres, dit Diodore  de Sicile,' instruisent  leurs enfans  en  deux sortes de  
 »  sciences qui ont leurs caractères  ou leurs lettres particulières ; savoir,  les  sciences  
 »  sacrées et les sciences profanes : mais ils leur font apprendre sur-tout la géométrie et  
 »  1 arithmétique, car, comme le fleuve, en se débordant  tous les ans,  change souvent  
 »  la face de  la  campagne  et confond  les  limites des héritages,  il n’y a  que des  gens  
 »  habiles  dans  l’art  d’arpenter  et  de mesurer  les  terres qui,  en  assignant  à chacun  
 »  ce  qui  lui  appartient,  puissent  prévenir  les  procès  qui  naîxroient  continuelle-  
 » ment  entre  les  voisins.  Ainsi  l’arithmétique  leur  sert  non-seulement  pour  les  
 »  spéculations de la géométrie, mais encore pour les besoins de la société  (4). » 
 Ces  témoignages  prouvent  suffisamment  que  l’arpentage  des  terres  étoit  une  
 des  principales  fonctions  des  pretres  Égyptiens.  Malheureusement  la  perte  de  
 leur  ancienne  langue  et  la destruction  des  ouvrages  qui auroient  pu  nous éclairer  
 sur l’état  de  leurs  connoissances, nous réduisent  aujourd’hui à  rechercher, dans  un  
 tres-petit  nombre  de passages  anciens  et  dans  quelques  usages  conservés  jusqu’à  
 présent,  loriginedes mesures agraires, leurs valeurs  primitives, et l’ordre des clian-  
 gemens  que  le  système  de  ces mesures a  éprouvés. 
 Les  pretres  Égyptiens,  aux  récits  desquels  Hérodote  doit,  comme  011  sait,  
 la  connoissance de  la plupart  des  faits  qu’il nous a  transmis,  apprirent  à cet historien  
 que  Sésostris,  un  de  leurs  anciens  rois,  avoit  partagé  l’Égypte  entre  tous  
 ses  habitans,  et  qu’il  avoit  donné  à  chacun  une  portion  égale  de  terre,  sous  la 
 ( I l   Plato, U Phædrû. Herodot. Hist. Iib. n ,  cap.  109.  (a)  Herod.  ibid. cap.  164.  Diodor.  ihid. cap, 24  et 29. 
 Strabo, G'ograph.  Iib.  x v n ,  pag.  657  et  787.  Diod or. (3)  Clem. Alexand. Smm.  Iib. v ,   pag.  566. 
 bicul. BMmh.  iib.  I ,   sect.  I I ,  cap. 22.  Jamblicut,  (4)  Diod ore  de  S ic ile,  liv.l, sect.  / / / traduc tion  de de Vua Pythagcræ,  cap. 2 2 ,  & c . & c .  l’abbé  Terrasson, umel.",pag.  172. 
 condition 
 condition  de  payer un tribut annuel.  « Si  le fleuve enlevoit à quelqu’un une partie  
 »  de sa  propriété ,J1  alloit  trouver  le  roi,  et  lui  exposoit  ce  qui  étoit  arrivé.  Le  
 »  prince  envoyoit  sur  les  lieux  des  arpenteurs  pour  voir  de  combien  l’héritage  
 »  étoit  diminué,  afin  de  ne  faire  payer  la  redevance  qu’à  proportion  du  fonds  
 »  qui  restoit  (¡j-.  »> 
 Les chronologistes placent le  règne  de  Sésostris  environ quinze cents ans  avant  
 notre  ère  :  ainsi.il  reste constant,  par  ce  passage,  que  l’art  de mesurer  les  terres  
 en  Égypte  remontoit, dès  le  siècle d’Hérodote, à  une  haute  antiquité,  et  que  les  
 terres  cultivées, étoient  les  seules/assujetties  à  payer  l’impôt. 
 Dans  un autre  endroit,  le même  historien rapporte  « que  les  gens de  guerre  et  
 »  les prêtres  étoient les seuls  qui, pour marque  d’un honneur  insigne,  possédoient  
 »  chacun  douze  mesures  de  terre  .exemptes  de  toute  sorte  de  charges  et  de  
 »  redevances (2).- »  Il  traduit par le mot Grec ¿'yugjc [arôme]  le nom de  la mesure  
 agraire  dont  il  est? question  ici.  C’étoit,  suivant  la  définition  qu’il  en  donne,  
 un  carré  dont  le  côté  avoit  de  longueur  cent  coudées  d’Égypte  ( 3 ),  et  dont  
 la  superficie  jé*0*?  égale  à  celle, qu’une  paire  de  boeufs  pouvoit  labourer  en  
 un  jour. 
 Nous  avons‘'retrouvé  l’ancienne  coudée d’Égypte  dans  le  nilomètre d’Éléphan-  
 tine,  et nous  avons  fait voir .que  la découverte  de  cette unité  de  mesure  dissipoit  
 toutes les incertitudes que l’on  avoit eues  jusqu’à  présent  sur sa véritable  longueur.  
 Sa  valeur  exacte  est  comprise  entre  om,52 3  et  om,y 27  (4)  :  Ie  côté  de  l’aroure  
 Égyptienne  étoit,  par  conséquent,  de  J2m,3  ou  de  32'",7;  et  sa  surface,  de  
 2756 mètres  éarrés  environ. 
 Mais  on conçoit que,  dans la pratique  du  mesurage  des  terres,  on  auroit perdu  
 beaucoup de temps  si  l’on avoit mesuré Je côté de l’aroure en appliquant successivement  
 le long de cette  ligne  une  coudée simple; on  fut donc naturellement  conduit  
 à substituer  à  cette mesure  une  unité  de  mesure  plus  longue  formée  d’un  certain  
 nombre de coudées,  et. l’on  obtint ainsi pour l’arpentage  un  instrument particulier. 
 ( 1 )  Hérodote^ liv. i l , chap, i 09 fträduct. de Larcher. —   
 Moïse  attribue  à; Joseph  ce  que  les  prêtres  Egyptiens  
 attribuoient  à  Sésostris  sur  la  redevance  que  les  terres  
 supportoient ;  il  indique même en quoi elle consistoit  :  Emit igitur Joseph omnein terrain Ægypti ,  vénden-  
 tibus singulis possessiones suas prce magnitudine famis ;  
 subjecitque eam Pharaoni, 
 Et cunctos populos ejus à novissimis  terminis Ægypti  
 usque ad extremos fines ejus, 
 P raster terrain sacerdotum , q u æ  à rege tradita fuerat eis,  
 quitus et statuta cibaria ex horreis publicis præbebantur,  
 et idcirco non sunt compulsi vendere possessiones suas. 
 Dixit ergo Joseph ad populos : En ut cernìtis, et vos et  
 terram restrain Pharao possidet : occipite semina , et serite  
 agros , 
 Utfruges haberepossitis.  Quintana partem  regi dabitis :  quatuor reliquas permit to vobis in sementem, et in cibum fa-  
 miliis et liberis vestris. 
 Qui responderunt : Salus nostra in manu tua est : respiciat  
 nas tantum dominus noster, et latti serviemus regi. 
 A. 
 Ex eo tempore usque in proesentem diem, in universa terra  
 Ægypti regibus quinta pars solvitur, et factum est quasi in  
 legem, absque terrasacerdotali, quce libera ab hac conditione  
 fuit. ( Genesis, cap. XLVII, vers. 20, 21, 22,23, 24,23  
 ' et *26. ) 
 -  S’il  faut  en  croire  Paul  Orose,  prêtre  Espagnol,  qui  
 voyagea  en  Afrique et  en  Sy r ie ,  et  qui  écrivit  son Histoire  
 dans le  V.c siècle,  les  impôts  en  nature qu’on levoit  
 en  Égypte  à-cette  époque,  étoient  encore  perçus  sur  le  
 même pied.  | Quanquatn ht/jus temporis (J osephi patriarchs) argumen-  
 ium, historiis fastisque reticentibus, ipsa sibi terra Ægypti  
 testis pronunciat : quai tunc redacta in potestatem regiam,  
 restitutaque cul to ri bus suis, ex ornni fiructu suo usque- ad  
 nunc quinta* partis  incessabile vectigal exsolvit.  (Paul.  
 Oros. Hist.  lib. I ,  cap.  8.) 
 (2)  Herodot. Hist.  Iib.  I I ,   cap.  168. 
 (3 ) Ibid.  .  ■ ■ 
 (4)  Mémoire sur le nilomètre d’EIéphantine,  ci-dessus,  
 pag. t8. 
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