
et la graisse sans détruire les fibres ni la peati. On employoit le natrum tel qu’on
le tire de plusieurs lacs de Í Egypte où il se trouve abondamment à l’état de
carbonate de soude. Les substances aromatiques dont on se servoit, réunissoient à
leurs qualités balsamiques des propriétés styptiques et absorbantes, qui agissoientsur
les corps a 1 instar du tan ; mais on voit que 1 action de ces substances, quoique
prolongée pendant plusieurs jours, n’auroit pas suffi pour dessécher entièrement
les cadavres. Il est certain que les embaumeurs, après'les avoir lavés avec cette
liqueur vineuse et balsamique qu’Hérodote et Diodore appellent vin de palmier, et
les avoir remplis de résines odorantes ou de bitume, les plaçoient dans des étuves,
où, à laide dune chaleur convenable, ces substances résineuses s’unissoient intimement
aux corps, et ceux-ci arrivoient en peu de temps à cet état de dessiccation
parfaite dans lequel on les trouve aujourd’hui. Cette opération, dont aucun
historien n’a parlé, étoit sans doute la principale et la plus importante de l'embaumement.
Au reste, ce qui pouvoit contribuer de la manière la plus efficace à la perfection
de 1 embaumement des Égyptiens et à la conservation merveilleuse des
momies, c étoit le climat de l’Égypte, et principalement cette température élevée
et toujours égale qui règne dans l'intérieur des chambres sépulcrales et dans
tous les lieux souterrains spécialement consacrés aux sépultures.
Ayant eu occasion de visiter plusieurs de ces caveaux, j’ai examiné avec beaucoup
d attention un grand nombre de corps embaumés qui s’y trouvoient : je
décrirai en détail les diverses sortes de momies que je suis parvenu à reconnoître ;
j indiquerai les substances qui m’ont paru avoir été employées dans leur préparation,
et les Soins particuliers que chaque espèce d’embaumement devoit exiger.
Je n entreprendrai pas d’expliquer les motifs qui ont pu porter les anciens
Egyptiens à mettre autant de luxe dans leurs funérailles, à attacher un si grand prix
a la conservation des cadavres, et a se construire des tombeaux aussi somptueux
qu’indestructibles. Tous ceux qui ont essayé de traiter ce sujet, n’ont encore pu
nous donner aucune notion certaine des dogmes de la religion de cet ancien
peuple, dont les moeurs, le caractère et les connoissances dans un grand nombre
d arts, ne seront connus que lorsqu’on aura une intelligence parfaite des écrits
hiéroglyphiques traces en caractères ineffaçables sur tous les monumens que les
Égyptiens ont voulu transmettre à la postérité, et qui renfennent, sans doute ,
la partie la plus intéressante de 1 histoire de ces peuples autrefois si puissans et
si célèbres.
C étoit ordinairement dans l’intérieur des montagnes que les Égyptiens fàisoient
construire leurs tombeaux, qui devoient aussi servir à toute leur famille. Les grottes
profondes que l’on trouve en si grand nombre dans les deux chaînes de montagnes
qui s etendent de chaque coté du Nil, depuis le Caire jusqu’à Syène, ne sont autre
chose que les anciens tombeaux des habitans des nombreuses villes qui ont existé
dans cette partie de 1 Égypte ; ces vastes et magnifiques appartemens souterrains,
places a plusieurs lieues du Nil, dans l’enfoncement de la montagne qui sépare du
désert de la Libye la plaine où étoit située l’antique Thèbes, ont également été
construits pour servir de sépulture aux premiers souverains de l’Égypte ; les hn-
menses caveaux et les puits profonds que l’on trouve dans la plaine de Saqqârah,
appelée par les voyageurs la plaine des momies, n’ont été creusés que pour servir
de cimetière aux habitans de la ville de Memphis, comme les superbes pyramides
avoient été élevées pour renfermer les corps des rois et des princes.
Quoiqu’on ne puisse pas déterminer d’une manière certaine à quelle époque et
sous quel règne les Égyptiens ont commencé à embaumer leurs morts et' à les
conserver dans ces demeures souterraines, où ils pouvoient aller les visiter et jouir
du bonheur de voir tous leurs ancêtres comme s’ils étoient encore vivans ( i ), tout
porte à croire que les premiers tombeaux ont été construits dans cette partie dé
l’Égypte qui a été la première habitée et la plus florissante. Ainsi les tombeaux
des rois de Diospolis ou de l’ancienne Thèbes, ceux qu’on trouve dans les environs
de cette grande cité qui a été la première capitale de l’Égypte, peuvent être regardés
comme plus anciens que les caveaux souterrains de Saqqârah et que les pyramides
de Memphis et de Gyzeh.
Je n’entrerai dans aucun détail sur la construction des tombeaux où les Égyptiens
alloient déposer leurs morts, ni sur l’explication des tableaux historiques sculptés
et peints à fresque dans l’intérieur de toutes les chambres sépulcrales, dont les uns
représentent des sacrifices et des offrandes aux dieux, les autres des marches militaires
et des combats, mais le plus souvent des scènes domestiques, telles que des
jeux, des chasses, des pêches, des moissons, des vendanges, et un grand nombre
d’arts. Ces tableaux de la vie humaine, qui se répètent dans plusieurs grottes, sont
ordinairement terminés par un convoi funèbre. La réunion de quelques grottes
et de plusieurs, chambres ainsi décorées qui se communiquent les unes aux autres
par de longs corridors et des carrefours, forme une espèce de ville souterraine
qu’on appeloit sans doute la ville des morts.
Les Musulmans, qui ont aussi une grande vénération pour les morts, conservent
quelques restes de cet ancien usage. En Égypte et dans toutes les contrées qui sont
soumises aux lois du Prophète, on trouve à côté des villes, et généralement auprès
de tous les lieux habités, un vaste terrain toujours bien situé, souvent ombragé
d’arbres antiques et majestueux, décoré de plusieurs mosquées, et rempli d’une
multitude de tombeaux, dans lesquels chaque famille va déposer ses morts-; ce lieu
se nomme la ville des tombeasix. Les naturels de l’Égypte, les Qobtes, ainsi que les
Mahométans, observent encore, en rendant les derniers devoirs à leurs parens,
plusieurs cérémonies absolument semblables à celles des anciens : à la mort d’un
père, d’un époux, d’un enfant, &c. les femmes se rassemblent autour du corps,
elles poussent des cris perçans ; ensuite, le visage couvert de boue, le front ceint
d’un bandeau, les cheveux épars et la gorge découverte, elles accompagnent le
mort jusqu’au tombeau, en se lamentant et en se frappant la poitrine.
La description générale des anciennes catacombes de l’Égypte se trouvant parmi
les descriptions des antiquités (a), je me bornerai à observer que rien ne m’a paru
( i ) Diod. Sicul. Bibl. hist. lib. i , sect. 2 , cap. 34-
( 2 ) Voyeç la Description des hypogées de la ville de T h èb e s , A . D . vol. 1.