ensuite l’invention. C e s t lui-même, on n’en peut douter, que l’historien de ce
pays, Sanchoniaton, nomme Taaut, et auquel il attribue l’invention des lettres et
des hiéroglyphe^; car le nom de Theuth a été diversement prononcé, suivant la
diversité des langues ou des dialectes, dans lesquels il a pjissé. On le reconnoît
aisément encore dans la plupart des altérations qu’il a subies. C’est toujours l’inventeur
des lettres qu’on a désigné par les^noms de Thoyth, Thoth, Tliath,
Taaut, Thaauth, Thputh\, Soth',‘ Sothen , Sot Un| / is, D is, &'c.; niais tout nous
porte a croire que ce nom étoit originairement une qualification qui intfiquoit le
talent de l ’auteur, plutôt qu’un nom propre et individuel (i).
Les Grecs ont rendu ce meme nom, dans leur langue, par celui d’Hermès, qui est
aussi un nom de qualité de cette espèce. Platon, dans son Cratylus, ou Traité de la
vraie signification des mots, nous donne l’étyqiologie de ce, nom Grec,.qui, selon lui,
signifie celui qui inventa l art de la jparole, ou l orateur par excellence (2]. Il y a apparence
que Theuth dut être qualifie ainsi par les Égyptiens, puisque leurs anciennes
traditions lannonçoient comme ayant fa it sa principale étude de l ’harmonie et de la
propriété expressive des sons (3). Il fut en effet honoré comme un dieu en Égypte (4 )
pour avoir analysé les divers mouvemens et effets de l’organe de la parole, pour
avoir distingué les uns des autres ces effets en les désignant par des signes particuliers
dont il composa 1 écriture, pour avoir établi toutes ces choses sur des
principes fixes et en avoir facilite 1 usage par des réglés sûres dont se forma l’art de
la grammaire. Sous tous ces rapports, comme on voit, la signification d’Hermès
désigne parfaitement le talent de Theuth. Il est donc probable que les Grecs n’ont
fait que traduire dans leur langue le nom Égyptien de l’inventeur des lettres
et de 1 éloquence, ainsi quils lavoient fait à l'égard du nom des autres dieux
d’Égypte auxquels ils rendoient un culte.
Nous ignorons si le nom de Mercure, par lequel on" a depuis traduit celui
d Hermès, signifie étymologiquement aussi la même chose ; mais il est certain
que les poètes Latins, et particulièrement Horace, Ovide et Properce, ont également
célébré sous ce nom celui qui inventa les lettres (5), l’éloquence et la
ut pertculum faciat sitne ex eo cynocephalorum genere qui Jablo’nski, Panthéon Ægypt. lit), y , cap. j , Francofurti,
litteraruin gnari sunt, et an litteras pingat : pingit itaque ty o i, in-8.e
m ea tabella litteras. Proeterea hoc animal JV1èrcurio dica- (2) Zoëga ( D e orig. obelisc. sect. IV , pag. 2 1 1 ; 1707,
tum est, qui litteraruin omnium,particeps est. Les marques in-fol. ) trouve l'étymologie du nom à!Hennis dans les
distinctives du greffier des rites sacrés des anciens deux mots Egyptiens ED -W M [er-emi] , qui signifient
Egyptiens avoient aussi quelque rapport avec cette figure, pater scientiæ.
Clément d’Alexandrie, Strom. Ii-b. v i , page 633, nous (3) Diod . Sic. Biblioth. hist. lib. I , cap. 16 , p. 48.
d i t , en parlant de ce greffier des rites sacrés, : Deinceps (4) Plat. Philebus.
autem kçyygy^MtTtiiç, id est scrtba sacrorum , pennas ha- (5) Plutarque donne aussi ce nom à celui qui inventa les
bens in capite et librum in manibus, ac régulant in qua est lettres en Egypte. Oppien, dans les vers suivans, désigne
atramenlum ad scribendum-, et juncus quo scribunt, pro- plus particulièrement. Mercure comme l’inventeur de
greditur. l’éloquence:
Nota. L a description que Clément d’Alexandrie fait ic i A - j i»a . . _* . . . . tSupa. 3• * M\»o voua• v n k.\ A>m, M1 ayoç ao• id.e u.,
tie 1 ecruoire en forme de réglé, dont se servoient les an- *r > .» ■ . / \ > / .<«
- 6 ' '^ . , , ,î , . .7 EpjMWf A cty>pLw n x, a\XMt\nuç atfaovç
ciens Egyptiens, et dans laquelle etoient contenus I encre vî2to« k
e t le jonc ou roseau pour écrire, pourroit encore s’appliquer
à Técritoire actuellement en usage parmi les Égyptiens Donaverô Musarumque et Apollinissunt carmina,
modernes. - Mercurius autem concionem et robusut certatnina
< Q V id . Jambl. de M y staiis Ægyptwrum, initio; et ................ D, Phntim,, lib. h, jeqq.
palestre ; arts qui, clans leur origine, n’étoicnt jamais séparés de la musique, laquelle
devoit en diriger l’étude.
Toutefois l'éloquence, la musique et la palestre précédèrent nécessairement
l’écriture ; et quandnEdà ne seroit appuyé d’aucun témoignage, la réflexion seule
nous le feroit sentir. L es premières ont du naître par l’impulsion naturelle de nos
besoins mêmes; et la dernière suppose déjà dès relations sociales trop étendues,
pour être entretenues immédiatement et avec le simple Secours de la'voix.
En vain nous objecteroit-on que Platon, darifson Tintée, ou plutôt le prêtre Égyptien
que ce philosophe y fait parler dans un entretien avec Solon, assure qu’on avoit
coutume d’écrire et de conserver de temps immémorial, dans les temples, tout ce
qui! y avoit de mémorable; que les prêtres qui étoient chargés de ce soin, avoient
plusieurs sortes d’écritures’(i), dont deux qu’ils mettoient le plus souvent en usage,
1 une appelée 1 écriture sacrée ou les hiéroglyphes (2), et l’autre K écriture vulgaire : tout
cela ne détruit point les preuves que nous avons données de l’antériorité de la
tradition orale et chantée sur la tradition écrite, et de la résistance qu’on opposa
long-temps à l’introduction de celle-ci en Égypte comme ailleurs.
Les hiéroglyphes ne peuvent être regardés comme étant de la plus haute antiquité,
puisqu’on voit encore en Nubie des monumens très - anciens d’architecture
Égyptienne qui sont absolument dénués d’hiéroglyphes et de sculpture quelconque.
Les pyramides n’offrent non plus aucune trace d’hiéroglyphes ou de sculpture quelconque,
soit àl’extérieur, soit dans l’intérieur; le sarcophage en pierre que renferme
la chambre nommée la chambre du Roi dans la grande pyramide, est aussi tout uni
et sans le moindre ornement/Si celui qu’on voit dans la mosquée dite de Saint-
Athanase à Alexandrie, est au contraire entièrement couvert d’hiéroglyphes parfaitement
bien exécutés, c’est qu’il est postérieur à l’époque de l’exécution de ces
premiers monumens dont nous venons de parler, époque où les hiéroglyphes
n’étorent point encore connus; à plus forte raison, l’écriture alphabétique, quia dû
être la dernière inventée de toutes les écritures, ne dut pas être non plus connue
des premiers Égyptiens.
On a pu croire d’abord que cette discussion nous écartoit de notre principal
objet; et cependant c’est par elle-même que nous levons les plus grandes difficultés
qui auraient pu embarrasser notre marche, et que tous les doutes, à l’égard de la
nature et de l’objet de l’antique musique, sont dissipés. On doit sentir maintenant
que la première cause de la dépravation de cet art fut nécessairement celle qui le
sépara des autres arts qui sont du ressort de la voix, en l’éloignant des principes
qui I unissoient a la parole ; celle qui le frustra du droit de propager la tradition,
( i ) Nous avons remarqué des écritures cursives et
hiéroglyphiques de diverses espèces en différens endroits,
et particulièrement dans une des grottes de la montagne
de Syou t, dont l’entrée étoit petite et fort incommode -,
et où nous nous sommes Introduits avec M. le baron
Fou rie r , notre collègue à la Commission des sciences
et arts d’Egypte.
(-) V o ic i ce qu’on lit dans le fragment de Sanchoniaton
cité par Eusèbe dans sa Préparation évangélique, lib. I ,
cap. Plioenicum theologia, pag. 36 A , gr. et Iat. Paris,
1628, in-fol. : « Misor eut pour fils T a a u t , l’inventeur
»des premiers élémens de l’écriture, que les Egyptiens
»nomment Thoor, les Alexandrins Thoyth, et les Grecs
» Hermès. »
Plus lo in , le même auteur ajoute: « Le dieu Taaut
» ayant déjà représenté Uranus, forma aussi des images
» de Cronus, de Dagôn et des autres dieux, et fit les ca-
» ractères sacrés des élémens, les hiéroglyphes.»