
avoient établis comme autant de lois, dont la moindre infraction entraînoit une
peine afïïictive pour celui qui i’avoit commise. De l’accord de ces chants et de
ces danses, ils avoient formé un genre de pantomime qu’on exécutoit dans les
temples et hors des temples , les jours^de féte et de repos. Platon a donné à ce . genre
le nom de cliorèe, en le faisant dériver de qui signifie joie.
Ces exercices- étoient également utiles sous le rapport des moeurs, dont ils
offraient les pins belles images ; sous'le rapport de la musqué, par la merveilleuse
mélodie des chants j g | les accompagnoient et dont l’expression étoit toujours
choisie avec discernement et Ken adaptée ;'sous le rapport de la danse, par la grâce
par alhisrôn à la première verdure, au printemps : cé’chant
étoitxonsacréà Cérès et àProserpine. Selon Photius, Bibl.
pag» 983, il y avoit des chants consacrés exclusivement
aux dieux, d’autres destinés aux hommes, et des chants
qui avoient i une et 1 autre destination. Les chants consacrés
uniquement aux dieux, ctoient les Hymnes-, les Prosodies,
les Péans, les Nomes, les Adoniques, les Io-bac-
khùjues et les Hyporchêmes. Les chants destinés aux
hommes , étoient les Encomies, les Épicinies, les Scolies,
les Erotiques, XesÉpithalames, les Hyménées, les Si lies, les
Thrènes et les Epicedies. Les chants consacrés aux dieux
et aux hommes étoient les Parthénies, les Daphnépho-
ries, les Osc/iophories et les Euctiques. On fait encore
mention d’un hymne appelé Keston, c’es t-à -d ire , la
Ceinture, composé par Plris en l’honneur de Vénus, qu’il
révérait comme la première de toutes les divinités. ( Vide
Joannis Malaise Chronogr. Byzant. Corp. tom. X X I I I ,
pag. 38.) II y avoit en outre la chanson Oupingipour
les nouvelles accouchées { elle étoit consacrée à D ian e) ;
la chanson ou le thrène Olophyrmos, mot qui signifie
plainte, douleur ( ce chant étoit réservé pour les jours •
d’adversité et d ’affliction ) ; la chanson Ialemos, c’est-à-
dire, chant froid et lugubre: cette chanson étoit destinée
aux funérailles. Euripide, dans sa tragédie des Phéniciennes,
appelle ainsi les cris de douleur que font entendre
les mères et leurs filles, à la mort d’ÉtéocIe et
de Polynice, qui s’étoient tués l’un l’autre dans un combat -
singulier : ’laMfui q juaitpcor. ‘Iccaî/mi q mpQiiuv. Quel deuil
pour les mères ! quel deuil pour les filles ! II ajoute que ces
plaintes retentissoient dans les maisons; ce qui présente
une très-grande analogie entre ces plaintes et les cris
que les Egyptiennes font encore entendre aujourd’h u i,
d’abord sur les terrasses des maisons, puis dans l’ intérieur
de leurs appartenions, chaque fois qu’ il est mort un de
leurs parens, ou quelque autre personne qui leur est chère.
Elles répètent ces cris ordinairement tout le jour ; quelquefois
elles les continuent pendant plusieurs jours, en témoignant
leurs regrets par des plaintes semblables à celles
que nous venons de citer de la tragédie d ’Euripide. II y
avoit encore la chanson Alinos ou Linos, également propre
à la tristesse et à la jo ie , parce que, sans doute, elle tempérait
l’excès de l’une et de l’autre, en rappelant le
calme dans 1 ame. Hérodote nous assure que cette chan-
son étoit d ’origine Egyptienne, et que c ’étoit Ia‘ rhéme
qui étoit connue en Egypte sous le nom de Maneros;
ce chant a v o it , en effet, les qualités et les propriétés
que les Egyptiens s’appliquoient à donner à leurs chants.
Pausanias, au contraire, croyoit que cette chanson!
appartenoit aux Grecs, qui I’avoient consacrée à chanter
à mort de Linus, un des inventeurs de la musique en
Grèce. On cite aussi la chanson. C ha rond as , qui se
chantoit.à table; la chanson Alêtês, qui étoit celle, des
vagabonds, des mendiàns/ainsi que l’indique le mot; la
chanson Katabaucalêses, qui étoit propre aux nourrices
(celle-ci procurait un doux sommeil aux enfans); la chanson
Epimylios, ce st-a-dire , des meuniers, ou de ceux qui
tournent la meule ou la roue : elle appartenoit encore à
ceux qui puisoient de l’eau par le .moyen d’une roue
a chapelet, parce que l’action et les mouvemens .de
ceux-ci étoient à peu près semblables à ceux des premiers;
il y avoit néanmoins une chanson propre aux pui-
seurs d eau, c’étoit celle qu’on^nommoit Himæos, C ’est
sans doute la chanson qu’Aristophane (P a n . act. V , sc. 2 ,
v * 41 ) appelle ¡¿toyioçpétpov, chanson aussi des .gnisejirs
d eau. Les puiseurs d’ eau, en Egypte^ ont conservé jus-
q u à ce jour cet ancien usage: ils règlent de même tous
leurs mouvemens sur la mesure“ de certains chants qui
leur sont propres. On peut en voir quelques-uns que nous
avons notés, dans notre Mémoire sur rétat actuel dé l’art
musical en E g yp te, É. M. 'tom. I " pag. 7j j . II y
avoit encore une autre chanson Ioulos, qui étoit celle
des cardeurs de laine. II a été parlé plus haut d’un
hymne de ce nom qui étoit consacré à Gérés et à Proserpine.
On connoissoit encore, sous le .nom d’Elinos,
une chanson pour les tisserands; une autre sous le nom
de Lityersês, qui étoit celle des moissonneurs. On
attribue l’invention de cette' chanson à un certain Li-
tyersès, fils de Midas ; mais ce qu’on ajoute .en disant
qu il habitoit a Célènes, que là il artîroit les passa
is et ‘les contraignoit à moissonner, qu’ensuite il leur
coupoit la tête et renfermoit leurs corps dans les gerbes,
nous semble porter le caractère de la plupart des anciennes
fables, qui, sous l’apparence d’une action épouvantable
ou absurde, présentent une allégorie ingénieuse
et philosophique : mais le sens apparent n’étoit fait que
pour le peuple, qui aime le merveilleux et qui ne respecte
ordinairement que ce qui l’etonne ; le sens caché étoit
pour les gens instruits. La chanson de ceux qui mettoient
en gerbe portoit aussi le nom d’Ioulos; c’est, comme on
vo it, la troisième chanson de ce nom. Celle-ci étoit sans
doute particulièrement consacrée à Cé rès, comme la première
I étoit peut-être plus spécialement à Proserpine;
car on sait que Cérès. présidoit aux moissons, et qu’on
rendoit grâces à Proserpine de la première verdure du
printemps, des premières fleurs et des premiers fruits. II
serait possible d ailleurs que les moissonneurs eussent
et le rhythme des mouvemens ; et enfin par la parfaite harmonie, la décence et la
beauté de la composition ainsi que de l’exécution des chants et des danses. Ils
embrassoient toutes les parties de l’éducation ( i ) : ne point savoir chanter, ne point savoir
danser, étoit n'avoir aucune éducation (2); c’étoit ne savoir se modérer et se régler ni
dans ses paroles, ni dans les expressions de sa voix, ni dans ses mouvemens, ni dans
ses actions (3) : car alors on ne séparait point la décence de la grâce, ni l’utile du
juste, ni le beau du bon ; chacune de ces qualités n’étoit regardée comme accomplie
qu’autant qu’elle réunissoit toutes les autres en même temps.
Afin que chacun pût se livrer à ce's èxërcices et ; s’entretenir toujours dans les
adressé cette chanson à l’une et à l’autre de ces divinités,
tantôt pour implorer leur secours, tantôt pour leur en
rendre grâces. La chanson des bergers et des bouviers étoit
connue sous le nom de Bôucolismos. L a chanson de celles
qui barattoient le lait "ou qui faisoient le beurre , s’appeloit
Tyrocopicos ou Krousityros. On parle aussi d’une chanson
poürcelles quipiloient ou écrasoient les fruits; mais nous en
ignorons le nom. Il y en avoit sans doute encore beaucoup
d ’autres de ce genre qui ne nous sont point parvenues. II
devoit y avoir également des chansons propres à chaque
profession,et elles devoient être en grand nombre; d.n cite
celle des baigneurs-étuvistes seulement, sans nous en faire
conpoître le nom, et l’on ne parle pas des autres.
Q u an fâu x chants-ou chansoris qui s’exécutoient avec
accompagnement de flûte , elles avoient pour objet quelque
événement de joie ou d’affliction publique, et toure
sorte dé-divertissemens et d’exercices ou de travail. Telles
étoient la chanson- Ji 6/nos., qui étoit propre aux danses
joyeuses et aux festins; la chanson Hêdykomos , qui avoit
à peu près la même destination que la première ; la chan-
’son Epiphaltos, c’est-à-dire1, en l’honneur du phallus; la
chanson Choreas, pour les chorées ou danses en choeur;
la chanson Polémicos, pour les combats ; la chanson
Gingras, pour les plaintel'et les lamentations. II y avoit
ensuite des chansons pour les danses lascives, telles que
.celle qu’on nommoit Môthon. Ces danses, qui sembloipnt
avoir pour but d’inspirer la volupté et d’exciter à la luxùre,
étoient fort anciennes : vraisemblablement elles ne furent
pas engendrées par une passion libidineuse; chez aucun
peuple policé, la décence, le bon ordre, les lois, n’auroient
jamais permis de les admettre sous ce rapport : -nous
sommes persuadés que , comme toutes les danses .religieuses
anciennes, elles ont eu d’abord pour objet de représenter
par une pantomime les sentimens et les dispositions
qu’inspirait ou que pouvoit accorder la divinité à laquelle
elles étoient consacrées, en prenant sans doute le respectueux
engagement de n’en point profaner l’usage. Il est vraisemblable
que ces danses voluptueuses s’exécutoient en
l’honneur deBacchus,et principalement dans les fetes qu’on
appeloit Bacchanales; que, respectées dans leur principe,
elles n’ inspirèrent plus par la suite autant de vénéra- j
■lion, et devinrent une occasion de débauche; que des
temples, où elles ne purent plus être tolérées, elles se répandirent
dans le public. C ’est-là, selon nous, l’origine des
danses Gaditanes, dont les poëtes Latins nous ont donné
des descriptions si lubriques, ainsi que celle des danses qui
sont encore en usage aujourd’hui parmi íes danseuses de profession
en Egypte. V oyez notre Afemoire sur l ’état actuel de
l'art musical en Egypte, chap. I I , art. V, des A ’ouâlem, des
Ghaouâzy ou danseuses publiques, l i t c. É. M. t. I.cr, pag. 694*
Tous ces chants, ainsi que les.’danses auxquelles ils
répondoient, furent donc empruntés ou au moins imités
des chants et des danses cotisacrés par les anciens
Egyptiens, pour chaque divinité, pour chaque fête, pour
chaque saison, pour chaque circonstance, pour chaque
éta t,p ou r chaque âge et pour chaque sexe; car c’éfoit
là ce qui' composoit la chorée, qui étoit chez eux le
principal objet de l’éducation. Sophocle ( QEdip. Colon.
v. 1218 ) parait avoir voulu faire allusion à cettë sorte
d’éducation , quand il donne à la parque qui tranche le
fil de nos jou rs, l’épithète de ttyoQgç, awçÿç, privée de
danse, privée’ det chant.
( 1 ) On pensoit enebre ainsi chez les Grecs au temps
où vivoit Thémistoc le, puisqu’il passa pour manquer
absolument d’éducation , et qu’il se couvrit pour toujours
de honte, en avouant qu’il ne savoit ni chanter
ni jouer de là lyre.
( 2 ) Plat, de Legib. Iib. I I . Ces idées, nous sont si
peu familières et sont si opposées à l’opinion ‘que nous
donnent notre musique et notre danse.. actuelles, que
nous ne saurions trop répéter qu’il ne s’agit pas ici
d’arts semblables à .ceux que nous nommons ainsi ; que
ceux-ci ne sont tout au plus qu’une extension ou plutôt
un abus et une dépravation des premiers, lesquels con-
sistoient, l*unà s’énoncer avec grâce, décence et énergie,
l’autre à joindre au discours une contenance et des
gestes analogues au sentiment exprimé par les paroles
( Plat, de Legib. Iib. v i l ). La musique et la danse
étoient, suivant Platon, une imitation, une image des
moeurs; aussi elles étoient enseignées et cultivées avec
autant de soin que l’est aujourd’hui là grammaire. C e
que pensoit Platon à cet éga rd, étoit conforme au
sentiment de tous les philosophes de son temps , et
même de savans distingués qui ont vécu fort long-temps
après lui. Clément d’Alexandrie étoit aussi’ de cet avis,
puisqu’il dit.(Jmwi. Y l »pag. 6 59 ) : E s t ergç attingenda
mu sic a ad mores ornandos 'et cpmponendos. Et plus bas :
Es t autem supervacanea respuenda musica, quæ frangit
animas et varié ajficit passionlbus, ut qu<x sit aliquando
qüidem lugubris, aliquando vero impudica et incuans ad
libidinem, aliquando autem lymphata ei insana.
(3.) .Tout ce qui est dit i c i , et la plupart des choses
que nous dirons ailleurs, nous l’empruntons de Platon
ou des autres auteurs qui ont le mieux connu l’antique
Egypte, et qui eux-mêmes y ont été témoins de' presque
tout ce qu’ils nous -rapportent.