On fait venir cubitus de cubare (i), parce qu’à table on s’appuyoit sur le coude:
qubd ad cibos sumendos itt ipso cubamus. Mais cette idée est bizarre > et même
absurde. D ’où viendroit ensuite le mot cubare (a)! Vossius croit que cubitus vient
du grec xü&tov, employé par Hippocrate (3). Mais cubitus semblerait plutôt dériver
de cubas, o_.it xé'oiTîv de /uïGoç. On donnoit Je nom de juî£o$ à une mesure de
capacité (4)-
il faut faire attention que ho'ob n exprime en arabe un cube qu’à raison de ce
qu’il signifie primitivement osselet du talon, lequel est de forme à peu près cubique
(y) ; aussi les osselets à jouer s’appellent également ko’ob [talus quo luditur].
Les dés à jouer, ou cubes parfaits, ont été substitués à l’osselet, qui avoit une
forme moins régulière, mais qui en a donné le type; de là le premier cube. L ’étude
des propriétés géométriques de cette figure a pu prendre naissance dans ces jeux.
Je conjecture que le mot de lo ’ob est ancien, et qu’il a produit xuÊoç et cubus.
Kt/Coç, en grec, veut dire, comme tes sera, un dé à jouer, aussi-bien qu’une figure
de géométrie. Remarquez ¿çyayOssç, qui signifie à-la-fois le talon et un dé à jouer;
il en est de même en latin de talus, ce qui est bien remarquable, et aussi, comme
on a dit plus haut, de ko’ob en arabe.
Ce mot de ko’ob veut dire proprement, en arabe, l’articulation du pied et de la
jambe, et toute articulation semblable. Or je trouve dans J. Pollux que l’on don-
noit le nom de xvGoi aux vertèbres du cou. Si les Grecs ont emprunté de l’Orient
leur mot x.ûCoc, ils ont dû le prendre dans le même sens, pour distinguer l’os du
coude de celui du talon : peut-être, celui-ci étant appelé kvGoî, ont-ils appelé l’autre
xJ C it s ï . D ’ailleurs xJSmv ne veut pas dire chez eux coudée, mais seulement os du
coude, comme àyzàv, et il est employé fort rarement; c’est le mot intypc,, dont je
parlerai bientôt, qui signifie la mesure d’une coudée. L ’origine de cubitus, que les
Romains ont également employé pour désigner le coude et la coudée, me paraît
donc remonter à un ancien mot Oriental, auquel correspond aujourd’hui le mot
ko’ob, qui se traduit par os tali et osselet, ou par toiêo;, d’où xvGmt.
On a dit, d’après un passage de Platon, qu’Archytas le Pythagoricien inventa
le cube (6) : mais on n’a pas attendu Archytas pour la découverte d’une figure
aussi simple et aussi commune ; ou plutôt cette forme se trouve fréquemment dans
la nature, et elle n’a pu être le fruit d’aucune invention. C’est sans doute une figure
particulière que Platon avoit en vue.
( 1 ) Isidor. Origin. lib . X I , cap . I.
(2) Cubare ne vient-il pas de eu bus, bien que Vossius
le fasse dériver de vJojta, caput atque oculos declinare ut
soient dormientes ! La forme d’un lit est, en général, cubique
ou en parailélipipède. Selon Scaliger, dans son
commentaire sur Varron, tom. I l , pag. y o , on appeloit
cuboe en langue Sabine les lits militaires.
(3) KvCmiv, os cubiti ; ap. Diosc. et Galen. in Lexico
Hippocratico. Je trouve dans J* Pollux le mot kuCitsç, et
KuCnifay, c’est-à-dire frapper du coude, mutiv tu àyxuvi.
(4) Selon Festus, cité par Vossius, le xvGoç étoit une
mesure égale à l’amphora, ou au quadrantal Romain, qui
avoit un pied cube. KvGoçGrteci vocant, quodRomani quadranta!
( dit V ossius), ut est apud A . Gellium ( lib. X,
cap. 2 0 ) , ubi addit , « twGouç esse figuram ex orniti genêre
» quadra tain, quales sunt, inquit Varrò, tesserai quibus in
» alveolo luditur, ex quo ipsa quoque appellata luiGoi »
(vide et Vitruv.). Quadrantal,,..,, quodpedein quaquaver-
siirn haberet quadratimi. un de Onomasticon (praefat. lib.V):
«■ Quadrantdl,vjÎGoç, idem est quod amphora ( F estus), ca-
» piebat odo congios, Ò “c.»
Vartabe avoit une coudée dans tous les sens.
(5) la note 4 , page précédente.
(6) II ne faut pas prendre cette assertion au pied de
la lettre. ( Voyeç Diogene Laërce, qui cite la République
de Platon, lib. v i l i , in Archyta.)
On ne trouve nulle part l’étymologie de tcù x««. J’ai toujours soupçonné que
ce mot, qui en grec n’a point de racine connue, venoit de l’Orient, et qu’il déri-
voit d’un mot analogue à avec l’article Égyptien. Or je trouve en hébreu D1D,
chus; c’est le nom d’une mesure Hébraïque de capacité, la même que l'epha ( i) ,
c’est-à-dire, que l’artabe Égyptienne, selon S. Épiphane : donc saVcapacité est
d’une coudée cube (2). Ce mot Hébreu chus signifie toujours vase ou calice. Il se
rencontre en chaldéen et en arabe, comme en grec.
On trouve, dans le Dictionnaire Qobte de Kircher (pag. 77), un mot qui a
de l’analogie avec x»« : c’est celui de kuu (m), avec le sens de coudée. Il est
encore bien remarquable que l’on trouve en syriaque le mot de kou’o js-as pour
cubitus ; ce qui se rapproche fort de Kcni et de l’arabe ko’ob. Enfin, en arabe, on
trouve aussi ka et kou £ 7 (3).
Je suis donc porté à croire que '/[<, vient d’un ancien mot Égyptien, qui,
joint à l’article m , a donné naissance à -rniyyi (4). Quant au mot pyk des Arabes,
il vient évidemment de
Cette origine du mot Grec Tchypi vient confirmer ma conjecture sur celle du
latin cubitus. Dans les deux cas, nous voyons la mesure de la coudée tirer son nom
de celui d’une mesure cubique. Il est probable que cette mesure étoit une coudée
cube. Au reste, la même idée viendra à l’esprit de tous ceux qui réfléchiront à
l’analogie des mots cubitus et cubicus.
Le nom de la coudée, selon Jablonski, est en égyptien « ¿ ¿ s (y). On le trouve
en effet par-tout (6) dans la Bible Qobte, notamment au livre d’Ézéchiel ( 7). Le
mot Hebreu aimnah, TO3X, qui signifie coudée, 'est dans le plus grand rapport avec
le qobte mahi, et Ion ne peut disconvenir de la communauté d’origine entre
ces deux mots : celui-ci exprime à-la-fois l’avant-bras et la mesure qui a cette
longueur ; il en est encore de même en arabe du mot dera
En éthiopien, la coudée se dit emmat, h00'}'; en syriaque, ammo \L? : ainsi le
qobte mahi se retrouve évidemment dans les mots Hébreu, Éthiopien et Syriaque.
Jablonski croit que la fable des pygmées, m-puMm, ou hommes d’une coudée
■rniyya-îoi, tire son origine de ce que, dans la langue allégorique et dans les figures
sacrées, les prêtres représentoient par seize enfans d’une coudée de haut les seize
coudées de la crue annuelle du Nil. En effet, Pline et Philostrate parlent de seize
images pareilles placées autour du Nil, et il existe au Vatican une peinture semblable.
Tout le monde connoît la statue du Nil, environnée de seize enfàns pareils.
(1) Ed. Bernard compare le chus au cufiglus Atticus; pag. 53; tom. I I , pag. 958, & c . et les autres lexiques,
ce qui est bien différent. Suidas, J. Pollu x, Etymol. magn. tfc . )
(2) On dérive o r d in a i r em e n t d e g s » , capio, capax (5) Jabl. Panth. Æpypt. part. I I , pag. 173.
sum> (6) Dans VApocalypse, 1.7, version Qob te,
(3) k Dictionnaire de'Castell. la coudée est exprimée par le mot çytJUTT; mais ce mot
(4) Je crois qu’ il seroit déplacé de rechercher ici les veut dire palme. (V o y e z plus bas au mot Stade, §. v in . )
autres sens du mot et ceux du mot àymv qui s’y (7) Ezech. cap. 40, jv. 5 ; cap. 43 , y . 13, Ms. n. ° 2 A
rapportent. ( Voyez le Lexique d’Hésychius, tom. I , ( Voyei ci-dessus, pag. 748, et plus loin, pag. 758.)
A . C c ^ c c c j