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 possible,  les parties  élevées du  grément  et  du  chargement  qui  pourroient  donner  
 de  la  prise  au  vent  du  nord  et  retarder  la marche  du  bâtiment. 
 L ’examen  des  diverses  parties  qui  composent  ces  embarcations,  et  l’étude  
 des  manoeuvres  exécutées  par  les  hommes  qui  les  conduisent,  nous  donneront  
 quelques  lumières  sur  le  degré  d’avancement  auquel  l’art  de  la  navigation  étoit  
 parvenu dans  l’ancienne Egypte  : nous  serons aidés dans ces recherches par  d’autres  
 représentations  de  barques  dont  nous  parlerons  bientôt.  Fixons  d’abord  notre  
 attention  sur  la  voilure. 
 I 
 La  voile  est  carrée  :  elle  est  attachée  par  son  bord  supérieur  à  une  vergue  
 horizontale  suspendue au  mât  ;  son bord  inférieur est  tendu  sur une  autre  vergue,  
 brl  La  figure  de  la  voile  carrée  se  retrouve  fort  souvent,  en  Egypte,  dans  les  basreliefs  
 des  monumens  anciens;  on  la  voit  même  parmi  les  hiéroglyphes  ( i) ,  où  
 elle  est  probablement  le  symbole  du  navire  :  cependant  l’usage  de  cette  sorte  
 de  voile  est  aujourd’hui  inconnu  dans  la  navigation  du  Nil;  on  ne  la  voit  plus  
 il  qu’auprès  des  embouchures'à Damiette  et  à  Rosette,  où  elle  est  employée  sur 
 de  très-petits  canots;  mais  cet  usage  cesse  dès  qu’on  s’éloigne  de  la  mer  de  
 plus  d’un  myriamètre.  La  voile  triangulaire,  dont  la  figure  ne  se  trouve  jamais  
 sur  les  monumens,  est  aujourd’hui  la  seule  que  l’on  connoisse  sur  le  Nil  :  
 donnant  plus  qu’aucune  autre  la  facilité  de  courir  près  du  vent,  cette  voile  est  
 avantageuse  pour  avancer  au  travers  des  serpentemens  que  présente  toujours  le  
 cours  des  fleuves.  La  voilure  du  navire  représenté  dans  les  grottes  A'Elethyia  ne  
 paroît  commode  que pour courir  vent  arrière,  ou  très-près  de cette  direction.  Je  
 fais  cette  conjecture  d’après  la manière  dont  la  voile  est  installée. 
 En  examinant  le  bâtiment  sous  voile  qui  est  peint  dans  la  grotte  principale,  
 nous  n’y  trouvons  aucune  trace  de  haubans  :  on  sait  que  ce  nom  désigne  des  
 cordages  qui  sont  attachés  par  un  bout  au  sommet  du  mât,  et  par  l’autre  à  
 différens points  des  deux bords;  ces  cordages,  fortement  tendus,  assurent  la  position  
 du mât  en  résistant aux  efforts  que  fait sur  lui  la  voile  lorsqu’elle  est  chargée  
 de  vent.  Un  bas-relief qui  se  trouve  dans  la  seconde  grotte  (2),  est moins  incomplet  
 sous  ce  rapport. On  y  voit  une  barque  dessinée  sur  une plus  grande  échelle :  
 elle  porte  du  côté  de  la  poupe,  entre  la  chambre  et  le  gouvernail,  quatre  poteaux  
 assemblés  dans leurs parties supérieures par des  traverses auxquelles sont attachées  
 deux  cordes  bien  tendues  qui  vont  chercher  le  sommet  du mât.  Tant  que  
 le  vent  soufflera  de  l’arrière,  ces  deux  cordes  soutiendront tout  son effort;  mais,  
 dès  que  la  barque  lui  présentera  le  travers,  le  mât,  que  rien  ne  soutient  dans  les  
 sens  latéraux;  courra  risque  d’être  renversé  à  droite  ou  à  gauche.  Il  paroît  
 que  la  crainte  de  cet  événement  avoit  empêché  de  fixer  l’une  des  extrémités  
 inférieures  de  la  voile,  et  qu’elle  avoit  fait  imaginer  la  manoeuvre  dont  est  
 chargé  cet  homme  que  l’on  voit  assis  sur  l’avant  du  bâtiment,  tenant  entre  ses  
 mains  deux  cordes  qu’il  tire  pour  orienter  la  voile  et  pour  lui  faire  prendre  le 
 (1)  Elle  se retrouve  dans  notre bas-relief,  aux deux  endroits  suivans  : 
 Bande  I V ,  dans la colonne au-dessus  de la main  gauche de la fig.  i oo ;  Bande  I I ,  au-dessus de  la  fig.  48*  
 {2)  Planche 70 ,  fig.  3. 
 d ’ e l e t h y i a .  6 7 
 vent  :  si  le mât  étoit  menacé,  il  suffiroit  de  lâcher  les  cordes  pour  le  sauver;  
 car  des-lors  la  voile  cesserait  dêtre  tendue  et  de  fatiguer  le  sommet  du  mât.  
 Dans  la  barque  du  grand  bas-relief,-  on  voit  un  marinier  chargé  de  la  même  
 fonction (i);  il a devant  lui  deux  poteaux:auxquels  il peut attacher  le  cordage qu’il  
 tient  à  la main  :  il  est possible  qu’il  prenne ce  parti  lorsqu’on  a  et que  les marins  
 appellent  un  temps fa it,  et  lorsqu’on  est  certain  que  la  partie  du  fleuve  que  l’on  
 va  parcourir  suit une  direction  à-peu-près  constante, et n’a  point  de  contour où  
 le  bâtiment  doive  recevoir  le  vent  par  le  travers.  Il  faut  remarquer  que  cette  
 barque  est  la  seule  où. de  pareils  poteaux  existent  du  côté  de  la  proue. 
 La  construction  du  gouvernail  na  pas  ete  uniforme  :  on  peut  remarquer,  par  
 exemple,  que  les gouvernails  des  deux  barques  représentées  dans  la figure  y  de  la  
 planche  70 ,  ont  très-peu  de rapport  avec  celui de la figure  3  et  des autres  embarcations  
 dont  nous  nous  sommes  déjà  occupés.  Le  gouvernail  de  la  figure  y  se  
 retrouve  souvent  sur  des  tableaux représentés  dans  les bas-reliefs  de  divers monumens. 
   On  a  le  dessin  de  .deux  bateaux  de  ce  genre  dans  les  planches  11  et  37.  
 Un  bas-relief de  Thèbes  (2)  en  contient  deux  autres  où  ce  gouvernail  est  représenté  
 avec  des  développemens  qui nous  mettent  en  état  de  concevoir  son mécanisme  
 et son jeu. 
 Sur  l’arrière  du  bâtiment,  très-près  des  deux  bords,  on  a  fait  passer  à  travers  
 la  carène  deux  avirons  dont  les  nageoires  vont  plonger  dans  l’eau  :  ces  avirons  
 sont  ajustés  pour  basculer  autour  d’un  axe  planté  dans  le  bordage  ,  et  peuvent  
 être  mis  en  mouvement  indépendamment  l’un  de  l’autre.  Abandonnés  à  leur  
 propre  poids,  ils  prennent  naturellement  la  position verticale  : quand on veut  les  
 écarter  de cette  position,  on  abaisse  le  bras  supérieur  vers  l’intérieur  du  bateau.  
 La planche  11  montre  que  le  pilote  se  sert  d’une  corde  pour  opérer  ce mouvement. 
  Il est actuellement facile de comprendre comment, à l’aide de  ce mécanisme,  
 on  peut modifier  la  direction  du  bâtiment. 
 Supposons  la barque  en mouvement,  et  les  deux  avirons  levés de  manière que  
 leurs nageoires  soient  tout-à-fait hors  de  l’eau ;  la  barque  continuera à se mouvoir  
 sans  être  détournée  de  la  direction qu’elle  avoit  d’abord  prise  :  mais,  si  on  laisse  
 tomber dans 1 eau  l’un des deux avirons,  celui  de droite,  par exemple,  sa nageoire  
 y  rencontrera  une résistance  qui  ralentira  son mouvement ;  alors  le  côté  droit  de  
 la barque ne pourra plus  avancer  avec  la même  vitesse  que  le  côté  gauche :  cette  
 différence de  vitesse  fera tourner la barque vers  la droite.  On peut varier d’une infL  
 nite de maniérés la position des deux avirons; mais  il  arrivera  toujours que le bateau  
 tournera vers le  côté  où  la  nageoire plongera le plus profondément dans l’eau. 
 II  falloir  d assez  grands  efforts  pour  manoeuvrer  ces  deux  avirons  :  c’est  probablement  
 ce  qui  a  fait  inventer  le  gouvernail  qui  nous  reste  à  examiner.  En  
 observant  celui-ci  dans  la  barque  descendante  du  bas-relief  de  la  grotte  principale  
 (3),  où  toutes  les  parties  sont  présentées  sans  confusion,  iLest  aisé  de 
 (1)  Planche 6 8 , fig.  122. 
 (2)  Voyez  planche de  bas-reliefs  de  Karnak  renfermant  deux barques et  une marche de prisonniers. 
 (3)  Bande  V ,   à  gauche  de  la  verticale  k . 
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