» nuit approchoit, la position d’Adjeroth étoit inconnue, et l’on courait le danger
» de s’égarer. Les généraux Bonaparte etBerthier, accompagnés chacun d’un homme
» à cheval, prirent les devants, en se dirigeant au galop sur le point où le soleil se
» couchoit ; cette direction les conduisit heureusement à Adjeroth : le général en
» chef ordonna de tirer un coup de canon, d’allumer des feux sur les tours du
» château, et fit porter, sur quelques points élevés de la route qu’il venoit de par-
» courir, des fanaux dont les caravanes sont toujours munies pour éclairer leur: marche
» dans la nuit. Ces fanaux sont fo rt simples : c’est un réchaudcylindrique dans lequel
y* on entretient un feu v if et brillant, en y brûlant des morceaux tres sées de sapin ; ces
» réchauds sont fixés à la partie supérieure d ’un bâton de cinq à six pieds de .hauteur,
» qu’on fiche en terre lorsqu’on veut s ’arrêter. S i la caravane marche 'la nuit, elle a. à sa
» tête plusieurs hommes qui portent de pareils réchauds, qu’ils ont soin de tenir .élevés, afin
33 que leur fiamme soit aperçue de chaque voyageur. Tout, le monde fut rallié dans la
» soirée ( 1 ). »
On dira, sans doute, que ce n est point de semblables réchâüds qui formoient
la nuée, la colonne de feu, dont il est question dans la Bible, puisqu’on.lit, au
verset 21 du chapitre 13 de l’Exode, que le Seigneur marchoit devant les,Hébreux.
Mais cette expression doit-elle être prise littéralement, lorsqu’on sait qu’ùn peuple
éminemment religieux rapporte tout à Dieu, et que les, Israélites, en particulier,
admettoient dans la poesie, .et la prose elle-même^les/hyperboles les plus, outrées!
Chez nous, dont la langue a tant de réserve, tarit de .sagesse ou d’entraves*, ne
voyons-nous pas des hommes être appelés des anges,des êtres divins, des créatures
célestes! Supposons-nous un instant dans la position des ^Hébreux; um’étranger
marche a notre tête pour nous diriger dans des déserts qui nous sont inconnus,
et le réchaud enflammé qu’il porté, en l’air , jette durant le jour une fumée et
durant la nuit Une flamme sur laquelle notre troupe se dirige. Rien certainement
de plus simple, rien de plus facile à raconter dans le style le moins poétique:
mais n envisageons plus la chose en elle-même considérons' ses résultats, et nous
changerons de langage. Comment cet homme, dirons-nous, s!est-il présenté au
moment précis où nous en avions un si grand besoin ! Que nous sommes heureux
de lavoir ! C est un homme divin, c’est un ange , c’est un d iru .ix tout s’agrandissant
en proportion dans le langage de l’enthousiasme, le réchaud enflammé se transformera
en colonne de feu, en colonne de nuée, en gioirè du Seigneur (2).
Ce qui prouve que Moïse ne vouloit pas* présenter ce fait, comme surnaturel,
cest qui! nous apprend lui-même que cé fut.-son beau-frère, Arabe Madia-
nite, qui guida les Israélites. Voici ce qu’on lit à ce sujet dans les Nombres,
chap. 10:
2p. « Moïse dit a Hobab, fils de Raguel, Madianite, son allié : Nous nous en
» allons au dieu que le Seigneur nous doit donner : venez avec nous, afin que nous
» vous comblions de biens, parce que le Seigneur en a promis à Israël.
( t ) Courrier de l'Egypte, n.° 24. L e 27 nivôse, an 7 des sept églises d’A s ie , les auges de ces églises : „ E c rivez,
de la république Française. - ' »■ „ lui dît le Sis de Dieu', à l’angéde l'église d’Éplièsc, & c . »
(2) Saint Jean, dans l'Apocalypse, appelle les évêques Angelo Ephesi ecclesioe scribe, ¿Te.
30. » Hobab lui répondit : Je nirai point avec vous, mais je retournerai en
» mon pays où je suis né.
31. ar Ne nous abandonnez pas, répondit Moïse, parce que vous savez en quels
» lieux nous devons camper dans le désert, et vous serez notre conducteur.
32. » Et quand vous serez venu avec nous, nous vous donnerons ce qu’il y
a> aura de plus excellent dans toutes les richesses que le Seigneur nous doit
■» donner.
33. Ils partirent donc de la montagne du Seigneur, et marchèrent pendant
23 trois jours. Uarche de l’alliance du Seigneur alloit devant eux, marquant le lieu
33 où ils devoient camper pendant ces trois jours. 33
Certes, si l’ange du Seigneur eût réellement marché devant les Hébreux, Moïsé
n auroit pas eu besoin de son beau-frère pour guide, et ne lui auroit pas promis
tant de richesses pour le décider à rester près de lui.
Ces expressions, que Efieu ou ses anges guidoient l’armée de Moise sous la forme
de fumée ou de flamme, signifient donc seulement que l’arche, sanctuaire de la loi
divine, et trône du Seigneur, étoit portée à la tête de l’armée (1).
Cette manière de diriger la marche des troupes par des signaux de feux que
l’on plaçoit dans les haltes au-dessus de la tente du général, n’appartient pas aux
seuls Hébreux. On sait qu’elle étoit en usage chez les Perses, et on relira sûrement
ici avec intérêt le passage suivant de Quinte-Curce, à cause de sa ressemblance
frappante avec les chapitres 9 et 10 des Nombres. Quinte-Curce dit, en
parlant d’Alexandre : Tuba, cùm castra movere vellet, signum dabat, cujus sonus plerum-
que, tumultuantiumfremitu exoriente, haudsatis exaudiebatur. Ergo perticam , quoe undique
conspici possetj supra, proetorium statuit / ex qua signum eminebat panter omnibus conspi-
cuum : observabatur ignis noctu, fumusinterdiu (2). « Lorsqu’il vouloit décamper, la
33 trompette donnoit le signal; mais, comme le tumulte empêchoit, la plupart du
33 temps, d’en entendre le son, il fit placer au-dessus de sa tente une perche qui
33 pût être aperçue de tout le monde, et à son sommet l’on élevoit le signal du
33 départ : c’étoit du feu pendant la nuit, de la fumée pendant le jour. 33
On lit dans le chapitre 9 des Nombres : 15. « Le jour que le tabernacle fut dressé,
33 il fut couvert dune nuée : mais, depuis le soir jusqu’au matin, on vit paroître
33 comme un feu sur la tente.
16. 33 Et ceci continua toujours. Une nuée couvrait le tabernacle pendant le
33 jour; et pendant la nuit, c’étoit comme une espèce de feu.
17. 33 Lorsque la nuée qui couvrait le tabernacle se retirait de dessus et
33 savançoit, les enfans d’Israël partoient; et lorsque la nuée s’arrêtoit, ils cam-
33 poient en ce même lieu. 33
( 1 ) L ’arche étoit un coffre de bois de sethim, revêtu Les deux côtés les plus longs de l’arche étoient munis
de lames d’or. Elle avoit deux coudées et demie de long, chacun de deux anneaux, dans lesquels on glissoit les
une coudée et-demie de large, et une coudée et demie de bâtons qui servoient à la porter sur les épaules. O n peut
haut; les tables de la loi y étoient renfermées. Le cou- voir dans l’Atlas des antiquités, p l. I I , A . vol. I , f i g , x,
vercle de l’arche se nomnroit.propitiatoire,- il étoit sur- le dessin d’un bas-relief de l’ île de P h ilæ , qui a une
monté de deux chérubins d’o r , dont les ailes étendues grande analogie avec l’arche, ainsi que lia' déjà remarqué
formoient une espèce de siège surlequel étoit censée reposer M. Lancret, Description de Vile de Philæ , pag. 27.
la majesté invisible de Dieu. Nombres, chap. 7 , v..8p. (2) D e rebus gestis Alex. lib. v , cap. 7.