génération en génération depuis une longue suite de siècles : aussi voit-on, dans le
tableau précédent, les différentes unités de mesure qu’il contient, exprimées tout-
à-la-fois en pieds philétéréens et en pieds Italiques, afin que chacun pût au besoin,
en y recourant, traduire facilement ces unités de mesure les unes par les autres.
Ce même tableau indique évidemment que la coudée cessa d’être la base du
système métrique des Egyptiens, après qu’il eut été modifié par les Ptolémées.
Ils substituèrent à cette unité de mesure primitive le pied royal ou philétéréen,
qui en étoit les deux tiers, de même que le pied du stade Olympique étoit les
deux tiers de la coudée Grecque.
Ainsi la canne ou acène des arpenteurs, dont la longueur avoit été jusqu’alors
de sept coudées, fut réduite, par les auteurs du système métrique qui vient d’être
exposé, à six coudées deux tiers, ou à dix pieds philétéréens (1), nombre rond que
l’on ne put obtenir qu’en diminuant d’un tiers de coudée la longueur de la canne.
Quant à la longueur absolue de ce pied, il suffit, pour la retrouver, de déterminer
précisément celle du pied Italique, puisque, suivant l’indication de Héron,
ces deux unités de mesure étoient entre elles dans le rapport de 16 à t î - f ,
ou de 6 à y.
Il faut remarquer d’abord que la dénomination d’italique étoit spécialement
attribuée aux mesures Romaines dans l’antiquité. Censorin appelle, en effet, stade
Italique une mesure itinéraire de six cent vingt-cinq pieds (2). Or le stade Grec de six
cents pieds Olympiques équivaloit àsix cent vingt-cinq pieds Romains, suivant toutes
les évaluations données du stade par Vitruve, Strabon, Columelle et Pline (3). Le
(1) Quelques personnes, et notammentM.Sevin(Mémoires
de l’Académie des inscriptions, t. X I I , p . 209) ,
ont pensé que le nom de philéréréen donné au pied
Egyptien de Héron étoit dû à Philétère, premier roi de
Pergame. Cependant les longues inimitiés qui divisèrent
les successeurs d’A lexandre, durent s’opposer à ce que les
princes qui gouvernèrent l’E g yp te , y introduisissent une
unité de mesure à laquelle un de leurs rivaux avoit donné
son nom. II me semble que la dénomination de philéréréen
trouve une explication plus vraisemblable dans la traduction
faite en grec par Eratosthène du catalogue des rois de
Thèb e s , et les annotations de Jablonski sur ce catalogue.
V o ic i ce qu’on lit dans la Chronologie sacrée de Des-
yignoles, t. I l , p . y3 8 cl 739 :
Thebceorum rex quart us , D l A B IE S , filiu s Athonis ,
qui dicitur humanior, annis 19 , anno mundi3033.
Eratosthène ayant traduit le nom Egyptien par
le grec Jablonski fait de cette traduction l’analyse
suivante :
JVomen regis nostri Ægyptiacum, si scriptura Syncelli
sincera est , videtur significare mellitum, suavem. Nam
EfîSCIÏ, qu& vox oppido frequenter occurrit, mel dicitur;
TXÈ&SUH {al. E&ICJLt ) , dans mella, id e s t, mellitus,
jucundus. Eratosthenes id interpretatur (piKtTuiçe/r, quasi
dicas amantem amicorum, ve/suavem et humanum. Coe-
terùm observari adhuc velim, 1. 'TXE&XCJU hodieque ab
Ægyptiis non aliter quàm sic pronuntiari, ut Eratosthenes
extulit, Diab io; 2. explicationem meani confirmari
ex Ægyptiorum doc tri n a hieroglyphica. Testent do A mm.
AJarcellinum (lib. XVII, pag. 9 1 , ed. Lindenb. ) : Per
speciem A p i s , mella conficientis, indicant regem; moderato
ri cum jucunditate aculeos quoqueinnasci debere, his signis
ostendentes. (Chronologie sacrée, à Vendroit cité ; Pauli
Emesti Jablonski i Opusc. Lugd. Bat. 1804,1.1, p. 62.)
Admettant donc, avec Am m ien -M a rc e llin , que les
Egyptiens aient représenté un roi par la figure d’une
abeille,et avec Jablonski, que fiMTwgpf soit la traduction
d’un mot Egyptien signifiant littéralement qui donne du
miel, ne s’ensuit-il pas que le nom générique philétéréen
étoit synonyme du mot royal! ce que confirme d’ailleurs
le témoignage de Hé ron, qui appelle le pied Alexandrin
de seize doigts, pied royal ou philétéréen.
- (2) Stadiurn autan in hac mundi mensura, idpoiissiniùm
intelligendum est quod Itaiicum vocant;pedum sexcentorum
viginti quinque. (Censorinus, de die natali, cap. 13. )
(3) V itru ve, en parlant de la mesure de la terre d’Era -
tosthène, lib. 1 , cap. 6 , évalue le mille Romain à huit
stades, c’est-à-dire, suppose six-cent vingt-cinq pieds
Romains égaux à six cents pieds Grecs.-ll confond au reste,
dans ce passage, le stade d’Eratosthène avec le stade
Grec. Pline est tombé dans la même erreur.
Strabon, liv. v u , p .322, évalue aussi le mille Romain
à huit stades.
Stadiurn habet passus CX XV, hoc est, pedes DCX X V j
quoe octies multiplicata, efficit mille passus ; sic veniunl
quinque millia pedum. ( Columella, lib, V, cap. 1. )
Stadiurn centum viginti quinque. ( Plinii Histor. natur,
lib. 1 1, cap. 23 et 108. ),
stade de Censorin, de six cent vingt-cinq pieds, n’est donc appelé Italique que
pour indiquer l’espèce particulière de pied dont il étoit composé ; c’est-à-dire, le
pied Italique ou Romain.
Plusieurs étalons de pieds Romains ont été mesurés en 1756 par M. l’abbé
Barthélémy et le P. Jacquier (1). Soit que l’usage qu’on avoit fait de ces pieds
eût altéré leur longueur, soit que les anciens ne missent pas le même soin que
nous dans l’étalonnage de leurs mesures, les modèles dont il s’agit, connus depuis
long-temps des antiquaires, ne sont point égaux entre eux. Le moindre est, de 1 2 8
lignes du pied de France, et le plus grand, de 130 lignes -f— ; ce qui
donne, pour leur longueur moyenne, 129 lignes ou om.2926.
Représentant par cette quantité le pied Italique de Héron, dont le rapport
au pied philétéréen ou royal étoit celui de y à 6, on obtient, pour ce dernier,
om.3y 11 ; et, comme il étoit les deux tiers de la coudée Egyptienne, on trouve
pour celle-ci, déduite du pied Romain, om.y266, valeur qui, à quatre dixièmes
de millimètre près, est précisément égale à celle, de la coudée du nilomètre d’Élé-
phantine. .
Avant que les Ptolémées eussent introduit en Egypte un système de mesures
analogue à celui dés Grecs, on avoit traduit par pied le léreth ou la demi-coudée
Égyptienne. On retrouve, comme nous l’avons vu, cette unité de mesure sous la
dénomination de pied, dans l’expression du côté de la base de la grande pyramide
conservée par Pline, et dans le stade d’Ératosthqpe. Ce pied antique occupant
dans le système métrique Alexandrin la même place que le spithame dans
le système des Grecs, il étoit naturel de lui affecter la même désignation.
II est à remarquer aussi que les Septante ont traduit par le mot spithame celui de
çéreth, dans tous les endroits de la Bible où il se rencontre (2).
De même, après l’adoption du pied royal ou philétéréen, il se forma, de six
cents de ces pieds, un nouveau stade appelé stade Alexandrin, lequel étoit à celui
d’Ératosthène dans le rapport réciproque des pieds dont ils étoient composés,
c’est-à-dire, dans le rapport de 4 à 3.
Ces deux stades ayant été souvent confondus par les Grecs et les Latins, il
en est résulté qu’ils ont attribué différentes longueurs à la mesure itinéraire connue
dans l’antiquité sous le nom de schène: mais, puisque l’ancien pied, ou le £éreth,
étoit formé de douze doigts, et le pied philétéréen de seize doigts de la coudée
Égyptienne, il est évident que la mesure dont il s’agit devoit contenir quarante
stades d’Ératosthène (3), et trente stades Alexandrins, comme le porte l’exposition
de Héron; ce qui concilie les prétendues contradictions que l’on avoit cru
remarquer dans le témoignage des anciens géographes sur la valeur du schène, et
fixe définitivement sa longueur à 6324 mètres (4).
(1) Voyage en I ta lie , de M. Barthélémy ; Par is, (3) V o y e z la note (2) ci-devant, page 33.
an X — 1802; pages384. et suiv. (4) Strabon {Lutetia: Parisiorum, typis regiis, 1620,
(2) Le mot £éreth se trouve dans plusieurs chapitres lib. x i , p. 518, et lib. x v i i , p. 804) assure, d’après ses
de la Bible. I Rois, ch. X V I I , v. 3 ; Isaïe, ch. X L , v . i 2 ; propres observations et le témoignage d’A rtémidorc, que
Exod. ch. X X V I I I , v. iy , et ch. X X I X , v. 9 ; 1 Samuel, la longueur du schène n’étoit point uniforme en Egypte.
ch. x v i i , v. 4.; Ezéchiel, c/t. X L i l l , v. 13. D ’A nville a combattu cette opinion avec succès dans son