
^ions pas, dit-il, d’occafionner^trop de déchet » notfs
voudrions quand les chanvres-font rudes, qu’on les
-fît paffer fous des-maillets avant que de des efpader.
Le chanvre a commencé à être un peu nettoyé-,
■ démêlé, & affiné dans l’attelier des efpadeurs ; les
-coups de maillet ou d'efipade qu’il y a reçus , en ont .
fait fortir beaucoup de poufliere, de .petites chene-
vottes , & en ont féparé quantité de mauvais brins
de chanvre : de plus, les fibres longitudinales ont
commencé à'fe defunir ; mais elles ne fe font pas en- ;
tierement féparées, la plupart tiennent encore les ;
unes aux autres, ce font les dents des peignes qui
doivent achever cette féparation ; elles doivent,
-comme l’on dit, -refendre le chanvre ; mais elles feront
plus, elles détacheront encore beaucoup de
petites chenevottes qui y font reliées, elles achèveront
de féparcr tous les corps étrangers qui feront
mêlés avec le chanvre, & les brins trop courts ou
-bouchonnés qui ne peuvent donner que de l’étoupe ;
enfin elles arracheront prefque toutes les pattes-, qui
font toûjours épaiffes, dures, & ligneufes. Ainfi
les peigneurs doivent perfectionner ce que les efpa-
*deurs ont ébauché. Parcourons donc leur attelier ;
connoiffons les inftrumens dont ils fe fervent -;
voyons travailler les peignoirs ; examinons les dif-
férensétats du chanvre à mefure qu’on le peigne.
L’attelier des.peigneurs, qu’on voit PL /. troijîeme
divifion, eft une grande falle dont le plancher doit
être élevé , & qui doit, ainfi que celui des efpadeurs -,
être percé deplufieurs grandes fenêtres, afin que la
poufliere qui fort du chanvre fatigue moins la poitrine
des ouvriers ; car elle eft prefque aufli abondante
dans cet attelier que dans celui des efpadeurs, Mais
les fenêtres doivent être garnies de bons contrevents
, pour mettre les ouvriers à l’abri du vent &
de la p l u i e & même du foleil quand il eft trop
•ardent.
Le tour de cette falle doit être garni de fortes tables
R , folidement attachées fur de bons tréteaux
de deux piés & demi de hauteur, q ui doivent être
ficellés par un bout dans le mur, 6c foûtenus à l’autre
bout par des montans bien folides.
Les peignes font les feuls outils qu’on trouve dans
l ’attelier dont nous parlons ; on les appelle dans
quelques endroits des ferans.
Ils font compofés de fix ou fept rangs de dents de
fe r , à-peu-près femblables à celles d’un rateau ; ces
dents font fortement enfoncées dans une épaiffe
planche de chêne : il y a des corderies où on ne fe
iert que de peignes de deux groffeurs ; dans d’autres
i l y en a de trois, & dans quelques-unes de quatre.
Les dents des plus grands S ont i z à 13 pouces de
longueur ; elles font quarrées, greffes par le bas de
fix à fept lignes, & écartées les unes des autres par
la pointe, ou en comptant du milieu d’une des dents
au milieu d’une autre , de deux pouces.
Ces peignes ne font pas deftinés àpeigner le chanvre
pour l’affiner, ils ne fervent qu’à former les peignons
ou ceintures ; c’eft-à-dire à réunir enfemble ce qu’il
faut de chanvre peigné & affiné pour faire un paquet
fuffifamment gros , pour que les fileurs puiffent le
mettre autour d’eux fans en être incommodés, &
qu’il y en ait afliez pour faire un fil de la longueur de
la corderie ; nous appellerons ce grand peigne le
.peigne pour les peignons.
Le peigne de la fécondé grandeur T , que nous appellerons
le peigne à dégroffir, doit avoir les dents
.de fept à huit pouces de longueur, de fix lignes de
grofleur par le bas, & elles doivent être écartées les
unes des autres de quinze lignes , en prenant toûjours
du milieu d'une dent au milieu d’une autre,
pu en mefurant d’une pointe à l’autre.
C ’eft fur ce peigne qu’on paffe d’abord le chanvre
pç>ur çter la plus greffe étoupe ; U dans quelques
corderies on s’en tient à cette feule préparation pouf
tout le chanvre qu?on prépare, tant pour les cables
que pour toutes les manoeuvres courantes : dans
d’autres on n’employe ce chanvre dégroffi que pour
les cables.
Le peigne de la troifieme grandeur V , que !nôus
appellerons peigne à affiner, a les dents de quatre à
cinq-pouces de longueur, cinq lignes de grofleur par
le bas, & éloignées les unes des autres de dix à dou*
ze lignes.
C’eft fur ce peigne qu’on paffe dans quelques cor*
deries le chanvre qu’on deftine à faire les haubans &
les autres manoeuvres tant dormantes que courantes.
•Enfin il y a des peignes X , qui ont les dents encore
plus courtes, plus menues & plus ferrées que
les précédons ; nous les appellerons des peignes fins.
C ’eft avec ces peignes qu’on prépare le chanvre le
plus fin, qui eft deftiné à faire de petits ouvrages,
comme le fil de v o ile , les lignes de lo c , lignes à
tambours, &c. Il eft bon d’obferver:
i°. Que les dentsdoivent être rangéesen échiquier
ou en quinconce , ce qui fait un meilleur effet que fi
elles étoient rangées quarrément, & vis-à-vis les
unes des autres, quand même elles feroient plus
ferrées. Il y a la vérité beaucoup de peignes où les
dents font rangées de cette façon : mais, il y en a
aufli où elles le font fur une même ligne ; & c’eft un.
grand défaut, puifque plufieurs dents ne font que
l’effet d’une feule.
z°. Que les dents doivent être taillées en lofan-
ge , & pofées de façon que la ligne quipafferoit par
les deux angles aigus, coupât perpendiculairement
le peigne fuivant fà longueur : d’où il réfulte deux
avantages ; favoir, que les dents réfiftent mieux aux
efforts qu’elles ont à fouffrir, & qu’elles refendent
mieux le chanvre ; c’eft pour cette fécondé raifon
qu’il faut avoir grand foin de rafraîchir de tems en
tems les angles & les pointes des dents, qui s’é-
mouffent àffez v îte , & s’arrondiffent enfin en travaillant.
Quand cm a efpadé une certaine quantité de chanvre
, on le porte à l’attelier des peigneurs.
Alors un homme fort & vigoureux prend de fa
main droite une poignée de chanvre, vers le milieu
de fà longueur : il fait faire au petit bout de cette
poignée un tour ou deux autour de cette main, de
forte que les pattes & un tiers de la longueur du chanvre
pendent en-bas ; alors il ferre fortement la main,
ôc^faifant décrire aux pattes du chanvre une ligne
circulaire, il les fait tomber avec force fur les dents
du peigne à dégroffir, & il tire à lui, ce qu’il répété
en engageant toûjours de plus en plus le chanvre dans
les dents du peigne, jufqu’à ce que fes mains foient
prêtes à toucher aux dents.
Par cette opération le chanvre fe nettoye des chenevottes
& de la poufliere ; il fe démêle, fe refend,
s’affine ; & celui qui étoit bouchonné ou rompu ,
refte dans le peigne, de même qu’une Dartie des pattes
; je dis une partie, car il en relierait encore beaucoup
fi l’on n’a voit pas foin de le moucher. V oici comment
cela fe fait :
Le peigneur tenant toûjours le chanvre dans la même
fituation de la main droite, prend avec fa main
gauche quelques-unes des pattes qui relient au bout
de fa poignée, il les tortille à l’ extrémité d’une des
dents du peigne ; & tirant fortement de la main droite,
il rompt le chanvre au-deffus des pattes qui relient ainfi
dans les dents du peigne, 8c il réitéré cette manoeuvrq
jufqu’à ce qu’il ne voye plus de pattes au bout de la
poignée qu’il prépare ; alors il la repafl'e deux fois
lur le peigne , 6c cette partie de fon chanvre eft
peignée.
Il s’agit enfuite de donner à la pointe qu’il tenoit
dans fa main une préparation pareille à celle qu’il a
donnée à la tête ; mais comme ce travail eft le même
, à la réferve qu’au lieu de la moucher on ne fait
que rompre quelques brins qui excédent un peu la
longueur des autres -, nous ne répéterons point ce
que nous venons de dire en parlant de la préparation
de la tête, nous nous contenterons de faire les remarques
fiüvantes.
On commence à peigner le gros bout le premier ;
■ parce que les pattes qui s’engagent dans les dents du
peigne, ou qu’on tortille autour quand on veut moucher
, exigent qu’on faffe un effort auquel ne réfifte-
iroit pas le chanvre qui aurait été peigné & affiné auparavant
: c’eft aufli poùr cette raifon que les bons
peigneurs tiennent leur chanvre allez près des pattes ,
parce que les brins dechanvre diminuant toûjours de
grofleur, deviennent de plus en plus foibles.
Il eft important que les peigneurs commencent par
n’engager qu’une petite partie de leur chanvre dans
ie peigne , & qu’à diférentes reprifes ils en engagent
toûjours de plus en plus jufqu’à la partie qui entre
dans leur main, èri prenant les mêmes précautions
îjù’bn prendrait pour peigner des cheveux. En effet
, on peigne le chanvre pour l’affiner & pour le démêler
; cela étant, on conçoit qui fi d’abord on en-
gageoit une grande longueur de chanvre dans le peigne
, il fe feroit des noeuds qui réfifteroient aux efforts
te s peigneurs, jufqu’à ce que les brins qui forment ces
noeuds fiiflent rompus.
On ne démêlerait donc pas le chanvre, on le rompra
it, & on feroit tomber le premier brin en étoupe,
ou on l’acourciroit au point de n’en faire que du fe-
fcond brin , ce qui 'diminuerait la partie'utile, eh
augmeritant celle qui ne l’eft pas tant : on prévient
cet inconvénient en n’engageant que peu-à-peu le
chanvre dans lë peigne, & en proportionnant l’effort
à la force du brin; c’eft-là où. un peigneur habile fe
peut diftirigner, ënfaifant beaucoup plusdepremiéir
brin qu’un mal-adroit.
Il faut qiié les peigneurs foiènt forts ; car s’ils hè
ferraient pas bien la main, ils laifferôient couler lè
prefhier b rin, qui fê bouchonnerait & fe convertirait
èfi étoupe ; d’ailleurs un homme foible né peut
jamais bien engager fon chanvre dans lës dents du
peigne, ni donner en-arrierë un coup de foiiët, qui
eft très-àvahtagelix pour détacher les chénevottes :
enfin quoique le métier de peigneur paroiflebien fini*
p le , il ne laiffe pas d’ëxigerde l’adreffe, & une certaine
intelligence, qui fait que les bons peigneurs tirent
d’un même chanvre beaucoup plus de premier
brin que ne font les apprentis.
Le chanvre eft quelquefois fi long qu’on eft obligé
rie le rompre ; car fi on le coupoit, les brins Coupés
fe termineraient par un gros bout qui ne fe joindrait
pas fi bien aux autres brins , quand ôri en feroit du
f il, que quand l’extrémité du chanvre Ce termine ëh
pointe : il faut dôric rompre leschanvresquifont trop
longs, mais il lé faut faire avec certaines précautions
que nous allons rapporter.
Si l’on pôuvôit prolonger dans le fil lës brins de
chanvte fuivant toute leur longueur, aflïiréihent ils
ne pourraient jamais être trop longs; ils fe joindraient
mieux les uns aux autres, & on ferait difperifé de les
tordre beaucoup poür lës empêcher de fë feparer ;
mais quand le chanvre eft long de fix à fëpt piés , lës
fileurs ne peuvent l’étehclre dans le fil de toute fa îoh-
gùeui1, ils font obligés dé le replier, cè qui huit bëâii-
coup à la perfëéliôn du fil ; d’ailleurs, Corinne nous le
dirons à C article C o rderie, il fuffit que lé preiriiér
brin ait trois piés dé long.
Quand donc on eft obligé de rompre lë chancre,
les peigneurs prennent dê la main gauche line petite
partie de la poignée, ils la tortillent autour d’une
des dents de peigne à dégroffir ; & tirant fortement
de la main droite, ils rompent le chanvre, en s’y
Tome I II,
prenant de la même façon que quand ils le mouchent :
cette portion étant rompue, ils en prennent une autre
qu’ils rompent dé même,& ainfi fucceffivement
jufqu’à ce que toute la poignée foit rompue.
A l’occafion de cette pratique,on peutremarquer
deuxehofes; la première, qu’il feroit bon,tant pour
moucher qüe pour rompre lë chanvre, d’avoir à côte
des peignes une efp'ece de rateau qui eût les dents
plus fortes que celles des peignes ; ces dents feroient
taillées en fôfange, & ne ferviroient qu’à Cet ufa-
ge ; car nous avons remarqué que par ces opérations
on force ordinairement les dents des peignes &
on les dérange, ce qui fait qu’ils ne font plus fi bons
pour peigner, ou qu’on eft obligé de les réparer fréquemment.
En fécond lieu, fi le ckanvre n’eft pas exceflive-
merit long , il faut déferidre très-expreffémènt aux
peigneurs de le rompre ; il vaut mieux que les fileurs
ayent plus de peine à l’employer, que de laiffer rogner
un pie ou un pié & demi de chanvre qui tombe-
toit en fécond brin ou en étoupe.
Mais quelquefois le chanvre eft fi exceflivement
long qit’il faut abfolument le rompre ; toute l’attention
qu’il faut avoir, c eft que les peigneurs le rompent
par le milieu : car il eft beaucoup plus avanta-
geüx de n’avoir qu’un premier brin un peu court ,
que de convertir en fécond brin ce qui peut fournir
du premier.
A mefure que les peigneurs ont rompu une pincée
de chanvre,. ils l’engagent dans les dents du peigne,
pour là joindre enfuite au chanvre qu’ils tiennent dans
leur riiâiri, ayant attention que les bouts rompus ré-
pôridérit à la tête de la queue ; & enfùitë ils peignent
le tout énfemblè , afin d’en tirër tout Ce qui a affez
de lôngueür pour fournir du premier brin.
Nous avons dit qü’ôn peigÇioït le chanvre poür le
débàrfàffer dé les cheiiëvotrës , de là poufliere, 8c
de fon étoupe; pôurlë démêler-, lèteFendrë, & l ’af-
firiér; mais il y ä dei peignéiirs pàféffëux, timides ou
mal-àdrôits , q u i, de Crainte de fe piquer lès doigts,
ri approchent jamais là main du peigne ; alors ils né
préparent que les bouts, & le miliéii des poignées
refte prefque brut, ce qui èft un grand défaut fainfl
il faut obliger les peigneurs à faire paffer fur le peigne
toute la longeiir du chanvre, & s’attacher à examiner
lè miliëü des pôighéësi1 1 •
Malgré cette attention, quelqu’habile que foit un
peigneur, jamais le milieu dès poignées ne fera aufli-
bien affiné que les extrémités , parce qu’il n’eft pas
pôffiblé que le milieu paffe aufli fréquemment & aufli
parfâiièirient fur lé peigne.
C ’eft pour remédier à cet inconvénient que M.
Duhamel voudraitqu’ilÿ eût dans tous Iesatteliers
te s peigneurs quelques fers ou quelques frotoirs.
' NôüS allons décrire ces inftrumens le plus en abre-
H qu’il nous fera poffible , en indiquant la manière
dë s’ëri fervir, & leurs avantages.
Le CevA eft un morceau de ter plat, large detrois
à quatre pouces, épais de deux lignes, long de deux
piés & demi, qui eft folidement attaché , dans une
fituation verticale , à un poteau par deux bons barreaux
de fer qui font foudés à fes extrémités ; en-
firi le bord intérieur du fer plat forme un tranchant
moufle.
Le peignoir B tient fa poignée de chanvre comme
s’il là Vouloit paffer für le peigne, excepté qu’il prend
dans fà riiairi le gros bout, & qu’il laiffe pendre le
plus de chancre qu’il lui eft poffible, afin de faire
paffer le milieu fur le tranchant du fer ; tenant donc
la poignée de chanvre comme nous venons de le dire
, il la paffe dans lè f e r , & retenant le petit bout
de la mairi gauche, il appuie le chanvre fur le tranchant
moufle du fer; & tirant fortement la main
droite y le chanvre frote fur le tranchant ; ce qui