
leur autorité. Divers paffages de l’Ecriture , & la
tradition confiante de l’Eglife nous enseignent, qu’il
n’y en a point de plus relpe&able. Nous avons déjà
eu occafion de citer ces paroles de Jefus-Chrift, ubi
funt duo vel très, 8cc. Nous avons vu que les peres
de Chalcédoine en font l’application aux conciles, 8c
en tirent cette conféquence , qu’à plus forte raifon
Jefus - Chrift ne refulèra point fon afliftance à cinq
cents vingt évêques affemblés en fon nom. Nous
ajouterons ici que le cinquième concile général, ou
le fécond de Conflantinople , prend dans le même
fens ce texte de l’évangile, 8c reconnoît l’autorité
fuprême des conciles généraux, qu’il démontre en le
Servant de différentes preuves. Il fe fonde i° . fur ce
que les apôtres, quoiqu’ils fuffent tellement remplis
de la grâce du Saint-Elprit qu’ils n’euffent pas befoin
les uns des autres pour être inflruits de ce qu’ils dévoient
faire, cependant ne voulurent rien llatuer à
l ’égard des cérémonies légales , qu’ils n’euffent dé-1
libéré enfemble, & que chacun d’eux n’eût appuyé
fon avis fur les faintes Ecritures. z°. Sur ce que la décifion
des apôtres conçûe en ces termes , vijum efi
Jpiritui fanclo & nobis, 8cc. témoigne affez qu’elle eft
faite 8c prononcée en commun. L’on peut étendre
plus loin la réflexion des peres de Conflantinople,
& avancer avec confiance comme une fuite naturelle
de cette réflexion, que les apôtres en attribuant
à l’infpiration divine ce qu’ils ont défini, nous auto-
rifent à regarder comme décidé par le Saint-Efprit,
tout ce qui l’eft par l’Eglife affemblée. 30. Sur l’exemple
non interrompu de l’Eglife : car les faints
peres en différens tems ( c’eft le concile qui parle ) ,
fe font affemblés dans les conciles pour décider en
commun les queftions qui s’étoient élevées, 8c pour
condamner les héréfies, parce qu’ils étoient fermement
perfuadés que les examens qui fe font en commun
, 8c où l’on pefe les raifons alléguées de part 8c
d’autre, faifoient briller la lumière de la vérité , 8c
difîipoient les ténèbres du menfonge ; tom. F. des
conciles, pag. 46’/. & fuivantes. Mais non-feulement
les peres de Chalcédoine 8c ceux de Conflantinople
relevent l’autorité des conciles oecuméniques au-def-
fus de toute autre, nous voyons encore que les fou-
verains pontifes ont tenu le même langage. Céleftin
premier nous en donne une haute idée dans une lettre
au concile d’Ephefe, où il dit que les apôtres ont été
inflruits par Jefus-Chrifl, que les évêques ont fuccé-
dé aux apôtres , qu’ils ont reçû leur puiffance du
même Jeliis-Chrift ; par conféquent que le concile eft
faint, & mérite la plus profonde vénération ; tome
JII. des conciles, pag. Si 4. Grégoire le grand eft encore
plus énergique furcefujet,dansune lettre adref-
fée aux patriarches Jean de Conflantinople, Elogius
d’Alexandrie, Jean de Jérufalem, Anaftafe d’Antioch
e, pour leur faire part de fon éle&ion & leur envoyer
fa profeflion de foi, fuivant l’ufage de ce tems-
l à , obfervé par les papes & autres évêque? des
grands fiéges, nouvellement élus. Voici comme ce
faint pontife s’exprime vers la fin de cette lettre :
ficut fancli evangelii quatuor libros ,fic quatuor concilia
fufcipere ac venerari me fateor. . . & quifquis eorum foli-
ditatem non tenet , etiamfi lapis ejfe cernitur , tamen
extra cedificium jacet.........cunclas vero , quas preefata
concilia veneranda perfonas refpuunt, refpuo ; quas ve-
nerantur , ampleclor ; quiadum univerfali funtconfenfu
conflituta, fe, & non ilia defiruit, quifquisprefumit aut
folvere quos ligant, aut ligare quos folvunt. Lib. I. re-
gefii, epijl, 24. Le commencement du canon 3 . de la
dijlinclion / i. renferme à-peu-près les mêmes fen-
timens. Gratien attribue ce canon à Gelafe, mais il
eft incertain qu’il foit de ce pape ; quelques - uns le
donnent à Damafe, & d’autres fur la foi de plufieurs
manuferits, prétendent qu’il eft du pape Hormifdas.
M, Baluze dans fa note fur çe canon , conjecture
que le decret qu’il contient, a d’abord été fait par
le pape Damale ,8c enfuite renouvellé par Gelafe 8c
Hormifdas. Quoi qu’il en foit, l’auteur de ce canon
déclare que la fainte églife romaine après les livres
de l’ancien 8c du nouveau Teftament, ne reçoit rien
avec plus de refpeét que les quatre premiers conciles.
En effet la vénération pour ces conciles a été pouffée
fi loin , que Grégoire le grand, comme nous venons
de le v o ir , les compare aux quatre évangiles ; 8c
Ifidore de Seville dans le canon premier, paragraphe
premier de la même dijlinclion , allure qu’ils renferment
toute la fo i, étant comme quatre évangiles , 8c autant
de fleuves du paradis. Les papes ont reçû avec
le même refpeft les quatre conciles qui ont fuivi ces
premiers ; c’eft ce que prouve la profeflion de foi
qu’ils faifoient d’une maniéré folennelle, & fous la
religion du ferment, fi-tôt qu’ils ét.oient élevés au
pontificat, avant même que d’être confacrés. Cette
profeflion de foi étoit enfuite rédigée par écrit par les
notaires de l’églife romaine, 8c dépofée fur l’autel
& le corps de faint Pierre. On en trouve la formule
dans le diurnal romain 8c dans les notes de M. Bignon
fur le huitième concile général, tome FU I . des
conciles, pag. 4$ 2. Suivant cette formule, le nouveau
pape promettoit d’obferver en tout 8c avec le
dernier fcrupule les huit conciles généraux , d’avoir
pour eux la vénération convenable, d’enfeigner ce
qu’ils enfeignoient, & de condamner de coeur 8c de
bouche ce qu’ils condamnoient.
Ces témoignages non fufpe&s en faveur des conciles,
font voir combien il eft déraifonnable de pen-
fer que les conciles oecuméniques foient fujets à l’erreur.
Ceux qui n’ont pas là-deffus des idées faines ,
abufent d’un paffage de S. Auguftin, lib. II. de bap-
tifmo contra Donatijlas, cap. iij. où ce faint doéleur
enfeigne que les conciles qui fe tiennent dans chaque
province, cedent à l’autorité des conciles univerfels
compofés de toute la chrétienté ; mais que ces mêmes
conciles univerfels, lorfque l’expérience nous a appris
ce que nous ignorions , font fouvent réformés
par d’autres qui leur font poftérieurs , 8c qui ont
également l’avantage d’être oecuméniques. Ipfa concilia
( ce font les propres termes de ce pere ) qu<s
perjingulas religionesvelprovincias jiunt, plenariorum
conciliorum autoritati , qua jiunt ex univerfo orbe ckrif-
tiano , Jine ullis ambagibus cedunt : ipfaque plenaria ,
feepe priora pojlerioribus emendantur, cum aliquo expérimenta
rerum aperitur quod claufum erat, & cognof-
citur quod latebat. Quelques-uns croyent écarter
la difficulté que ce paffage femble faire naître , en
l’appliquant au concile générai d’une nation, de l’A frique
par exemple ; mais cette conje&ure eft détruite
par cela feul , que faint Aug'uftin appelle ici
les conciles généraux , ceux qui font compofés de
toute la chrétienté. On ne répond pas avec plus de
folidité, en difant que ces paroles doivent s’entendre
des ftatuts des conciles généraux, dans les caufes
de fait 8c de pure difeipline, 8c non des queftions
de foi. En effet ce faint pere dans cet ouvrage traite
la fameufe queftion, fi on doit réitérer le baptêmç
conféré par les hérétiques, qui avoit été agitée auparavant
entre faint Cyprien 8c le pape Etienne :
or cette queftion appartient certainement à la foi &
à la doftrine de l’Eglife , 8c non à la pure difeipline.
Saint Auguftin réfute en cet endroit les Donatiftes
qui objeéloient l’autorité de faint Cyprien & des
conciles tenus à l’occafion de la difpute fur le baptême,
8c il dit que les conciles , &c. Je crois donc
qu’il faut ici expliquer faint Auguftin , non par les
noms, mais par la chofe même , & la forme intérieure
fuivant laquelle les conciles ont été célébrés.
Il y a des conciles qui paroiffent généraux à caufe de
la forme extérieure dont ils font revêtus, mais qui
ont un vice intérieur qui porte atteinte à leur validité.
Ces conciles, eu égard à ce vice , ne doivent
point être réputés généraux ; ils ne le font que de
nom 8c nullement d’effet ; tels font les faux conciles
d ’Ephefe 8c de Rimini, dont nous avons déjà parlé :
les conciles de cette efpece, peuvent être réformés
par des conciles vraiment oecuméniques, 8c qui ne
donnent aucune prife pour les attaquer. Voilà, fi je
ne me trompe, le fens de faint Auguftin ; cespan>
le s , foepe priora pojlerioribus emendantur, femblent
l’indiquer. Sape, dit-il, c’eft-à-dire que cela arri-
voit non pas quelquefois, mais fréquemment ; 8c
cependant nous ne trouvons nulle part aucun exemple
que des conciles reconnus pour oecuméniques par
toute l’Eglife , ayent jamais été réformés par d’autres
conciles poftérieurs ; ainfi c’eft une entreprife
téméraire que de vouloir jetter des doutes fur l’infaillibilité
des conciles généraux. Il n’eft pas moins
abfurde, 8c contraire à l’efprit des anciens papes,
de prétendre qu’ils n’ont de validité qu’autant que
les fouverains pontifes les approuvent. Les défen-
feurs de cette opinion ont eu recours, pour établir
leurfyftème , aux canons de la diftinélion 1 7 ; la critique
que nous en avons faite, fuffit pour ruiner de
fond en comble les induirions qu’on veut tirer de
cês canons. Nous avons lieu au contraire de conclure
d’après les paffages que nous avons rapportés,
que les conciles tirent d’eux-mêmes leur autorité, 8c
qu’ils n’ont pas befoin de la confirmation du pape.
Nous ne diflimulons point que le confentement du
fouverain pontife ne foit d’un grand poids, 8c qu’il
ne foit à defirer que l’évêque du premier fiége, le
chef vifible & minifteriel de l’Eglife catholique, ac-
quiefee à ce qu’elle a décidé ; afin qu’on puiffe op-
pofer avec plus de force & d’une façon plus évidente
le confentement de l’Eglife univerfelle à ceux qui
veulent en troubler la paix. Mais file pape refufe de
fouferire au concile , s’il n’adopte point la décifion de
l ’Eglife univerfelle, alors le concile général peut exercer
envers lui fon autorité comme envers les autres
membres de l’Eglife ; c’eft ce qu’a décidé formellement
le concile de Confiance ,fejf. 3 . 8c celui de Bâle,
fejf. 2. Cette décifion que les ultramontains qualifient
d’erronée, contient la do&rine de l’églife gallicane
8c desuniverfités du royaume, principalement
de celle de Paris. Elle a été foûtenue par Gerfon
chancelier de cette univèrfité , par Pierre d’A illy
grand-maître de la maifon de Navarre, enfuite évêque
de Cambrai 8c cardinal, & par un nombre infini
de théologiens & de canoniftes. Charles VII. roi
de France, qui connoifloit bien les droits de fa couronne
, l’a fait inférer dans la pragmatique fanftion,
de l’avis de tous les ordres du royaume : voici les
paroles tirées tant du decret du concile de Bafle , que
de la pragmatique fanérion. E t primo déclarât quod
ipfafynodus, in Spiritufanclo légitimé congregata , generale
concilium faciens , & ecclefiam militantem repre-
fentans , poteflatem habet a Chrifio immédiate. Cui quili-
bet cujufcumque Jlatus , conditionis , vel dignitatis ,
etiamfi papalis exiftat, obedire tenetur in his quee pertinent
adfidem, & extirpationemfchifmatis , & genera-
lemreformaiïonemecclejitz D û , in capite & in membris.
prag. fané!, tit.j.p. J . 8c 4. On trouve cette doélrine
mife dans tout fon jour dans le chapitre douzième des,
preuves des libertés del’églife gallicane, 8c dans M.
Dupin, doéleur de Sorbonne, dijfert. 6'. deantiquâ, ec-
clefice dtfciplinâ, 6* vetutijjimce dijciplince mohumentis ,
où il démontre i° . que l’autorité du concile général
e ft fupérieure à celle du pape : z°. que le concile
général a la puiffance de faire des canons qui aftrei-
gnent même le pape : 30. que \e concile général a le
droit de juger le pape, 8c de le dépofer s’il erre dans
la foi. Il eft donc fuivant nos moeurs permis d’appel-
ler des décifions du pape au concile général, comme
d’un juge inférieur à un fupérieur, chapit, 12. des
Tome. I I I .
mêmes preuves, où l’on rapporte des exemples très-
remarquables de ces fortes d’appels, tel que celui
de Philippe-Ie-Bel de la bulle de Boniface VIII.
celui des prélats , des fujets 8c des univerfités du
royaume dans la même caufe ; tels font encore les
appels au futur concile, interjettes par les procureurs
généraux, lorfqu’il fut queftion d’abroger la pragmatique
fanélion, &pluueurs autres de cette elpece
interjettés en diverfes occafions par l’univerfité de
Paris, 8c conçus dans les termes les plus forts. Nous
renvoyons ,1e leéteur aux fources que nous venons
d’indiquer.
Au refte, ce que nous avons dit de l’autorité fu-
prème des conciles ne regarde que la foi qui eft immuable
, & non la difeipline qui peut changer ; &
c’eft pourquoi les différentes églifesont reçû ou rejet-
té divers canons des conciles, fuivant qu’elles les ont
jugés conformes ou contraires à leurs ufages. Par
exemple, l’églife de Rome a reçû les canons du concile
de Sardique, en vertu defquels il étoit permis à
un évêque quife croyoit injuftement condamné, de
s’adreffer au pape, & de faire examiner de nouveau
fa caufe : les Orientaux & les Grecs n’ont point voulu
les admettre, comme étant contraires aux canons des
conciles de Nicée 8c d’Antioche. De même ceux du concile
d’Antioche ont été adoptés par l’Eglife univerfelle
, quoiqu’elle ait conftamment rejetté la foi de
ce concile où les Ariens furent les maîtres. D ’un autre
cô fé , l’églife romaine a fouferit au fymbole du
fécond concile générai, mais elle a toujours refufé
d’admettre le cinquième canon de ce concile , qui ordonne
que l’évêque de Conflantinople aura la place
d’honneur après l’évêque de Rome, attendu que
Conflantinople étoit la nouvelle Rome. Le canon
vingt-huitieme du concile de Chalcédoine, par lequel
on étend & on augmente les privilèges déjà
accordés à l’églife de Conflantinople, déplut pareillement
aux Romains ; les légats du pape S. Léonré-
fifterent vigoureufement à ce decret, 8c S. Léon lui-
même témoigna beaucoup de zele contre cette entreprife.
A l’égard de la définition de foi, il fe hâta
d’en faire part aux églifes d’Occident, de leur apprendre
que la vérité avoit triomphé, 8c que l’hé—
réfie avoit été condamnée avec fes auteurs 8c feS
partifans. Enfin la foi du concile de Trente a été re-
çûe par l’églife gallicane ; mais elle en a rejetté tous
les points de difeipline qui ne s’accordent ni avec
l’ancienne ni avec nos moeurs.
Après avoir rempli les différens objets que nous
nous étions propofés par rapport aux conciles généraux
, il nous relie à p^rler des conciles particuliers ,
fur lefquels nous nous étendrons peu, cette matière
étant 8c plus fimple 8c moins importante. Ces conciles
font de trois fortes, fa voir les nationaux, les
provinciaux, & les diocéfains.
Les conciles nationaux font ceux qui font convoqués
, foit par le prince, foit par le patriarche, foit
par le primat, 8c où l’on raffemble les évêques de
toutes les provinces du royaume. Nous difons que
ces conciles font convoqués foit par le prince , foit par
le patriarche, ou même le primat ; car il n’ell pas douteux
que ce droit n’appartienne aux fouverains, nos
conciles de France fourniffent à ce fujet une foule
d’exemples. Du tems de l’empire romain, nous
voyons les conciles des Gaules’ convoqués par les
empereurs, comme le concile d’Arles qui fut convoqué
par Conftantin l’an 3 14, dans la caufe des Donatiftes
; celui d’Aquilée, qui eft plûtôt un concile
d’Italie que des Gaules , convoque par Gratien l’an
381. Nous lifons dans les a£tes de ce concile ces>.
paroles de S. Ambroife ; Nos in Occidentis partibus,
conflituti, convenimus ad Aquiltienfiumcivitatem, jux-
ta imperatoris proeceptum. Et dans la lettre fynodale
du même concile adreffée aux empereurs, lés peres
L L l l l