
à la Société,da Journal. On en eft redevable à un écrivain , qui jufqu’ici n’avoit lait de
mal à perfonne , mais qui juge à propos de fe faire connaître dans la république des Lettres
par l’obligation oit l’on fe trouve de fe plaindre hautement de lui. Cependant jl n’a'pas
même la trille gloire d’être l’auteur de cette critique, mais, feulement celle d’avoir imprimé
& défiguré quelques remarques .écrites à la hâte par un ami, qui , apparemment ne les
aurait pas faites, s’il avoit prévu qu’elles dûffent .être publiées fans fon aveu. L ’auteur d»
la première partie de l’ex trait, qui contredit même la .fécondé, tant fon continuateur \
fçu joindre habilement l’une avec l ’autre, ne nous a pas laiffé ignorer fës fentimens fur cette
infidélité : nous croyonsdui faire plaifir, & nous fommes ffirs de lui faire honneur, en publiant
la déclaration exprelfe qu’il a fouvent réitérée de n’avoir aucune part à une production
qu’il defapprouye. Il ferait facile de démontrer ic i, fi on ne l’avoit-déjà fait ailleurs
que le critique ,n’a ni entendu , ni peut-être lû l’ouvrage qu’il cenfure., en fe rendant l’écho
d’un autre. Auffi les Journaliftes des Savans n’ont pas tardé à defavoucr leur confrère. On
attendoit cette démarche de leur difcernement, & fur-tout de, l’équité, d’un magiftrat (a),
ami de l’ordre & de§ gens de Lettres, homme de Lettres lui-même, qui cultive les Sciences
par goût, & non par oftentâtion ; qui par l’appui qu’il leur açcorde, montre qu’il fait
parfaitement difcerner les limites de la liberté & de la licence, & dont l’éloge n’eft point
ici l’ouvrage de l’adulation & de l’intérêt. L ’auteur du Difcours préliminaire, jalofix de
repouffer des attaques perfonnelles, les, feules au fond qui l’intéreflent, a réclamé avec
confiance & avec fuccès les lumières & l’autorité d’un fi excellent ju g e , en homme qui a
toujours refpeflé la Religion dans fes écrits, & qui ofe défier tout LeSeur fenfé de lui faire
iur ce point aucun reproche raifonnable.
f éS foft permis de nous arrêter un moment ici fur ces accufàtions vagues d’irréli-
g io n , que l’on fait aujourd’hui tant de v ive voix que par écrit contre les gens de L e ttre s
Ces imputations , toujours férieufes par leur o b je t, & quelquefois par les fuites qu’elles
peuvent avoir, ne font que trop fouvent ridicules en elles-mêmes par les fondemens fur
lelquels elles appuient. A in fi, quoique la fpiritualité de l ’aine foit énoncée & prouvée en
plufieurs endroits de ceDiétionnaire, on n’a pas eu honte denous taxer de Matérialifme
pour avoir foutenu ce que toute l’Eglife a crû pendant douze fiecles, que nos idées viennent
des fens. On nous imputera des abfurdités auxquelles nous n’àvons jamais penfé Les
Leéleurs indifférens & de bonne foi iront les chercher dans l’Encyclopédie, & feront bien
étonnés d’y trouver tout le contraire.. On accumulera contre nous les reproches les plus
graves & les plus oppofés. C ’eft ainfi qu’un célébré E c r iv a in ,.qui n’eftni Spinoûfte ni Déifie
s eft vu acculer dans une gazette fans aveu d’être l’un g t l’autre, quoiqu’il foit auflî im p ôt
fible d’être tous les deux à la fois , que d’être tout enfemble Idolâtre & Juif. Le cri ou le mépris
public nous difpenferqnt fans doute de repouffer par nous-mêmes de pareilles attaques-
mais à l ’occafion de la feuille hebdomadaire dont nous venons de parler, & qui nous a fait
le même honneur qu’à beaucoup d’autres, nous ne pouvons nous difpenfér de dévoiler à la
république des Lettres les hommes foibles & dangereux dont elle a le plus à fe défier &
l’efpece d’adverfaires contre lefquels elle doit fe réunir. Ennemis apparens de la perfecu-
rion qu’ils aimeraient fort s’ils étoient les maîtres de l’exercer , las enfin d’outrager en
pure perte toutes les puiffances fpirituelles & temporelles, ils prennent aujourd’hui i l trille
parti de décrier fans raifon & fans mefure ce qui fait aux yeux des Etrangers la gloire de
notre N ation, les Ecrivains les plus célébrés, les Ouvrages les plus applaudis, & les corps
littéraires, les plus eftimables ; ils les attaquent, non par intérêt pour la Religion dont ils violent
le premier précepte, celuide la vérité, de la charité, & de la juftice ; mais en effet pour
retarder de quelques jours par le nom de leurs adverfaires l’oubli où ils font prêts à tomber •
femblables à ces avanturiers malheureux qui ne pouvant foutenir la guerre dans leur pays "
vont chercher au loin des combats & des défaites ; ou plutôt femblables à une lumière
prête à s’éteindre, qui ranime encore fes foibles relies pour jetter un peu d’éclat avant
que de difparoitre.
Ofons le dire avec fincérité, & pour l’avantage de la Philofophie, & pour celui de la
Religion meme. On aurait befoin d’un écrit férieux & raifonné contre les perfonnes malintentionnées
& peu mftruites, qui abufent fouvent de lâReligion pour attaquer mal-à-
propos les Philofophes ; c’eft-à-dire pour nuire à fes intérêts en tranfgreffant fes maximes
C ëlt un ouvrage qui manque à notre fiecle.
Les critiques de la derniere claffe, & auxquelles nous aurons le plus d’égard, confif-
tent dans les plaintes de quelques perfonnes à qui nous n’aurons pas rendu juftice. On nous
trouvera toujours difpofés à réparer promptement ce qui pourra offenfer dans ce livre
non-feulement les perfonnes eflimées dans la littérature, mais celles même qui font le
moins connues , quand elles auront fujet de fè plaindre (/•). Nous en auons déjà donné
H M. de la Moig™>n de Malesherbes, qui préftfe 4 la Librairie & au Jounral des Savans.
i ir) Voyc^ 1 Avemüement du lecond Volume.
D É S E D I T E U R S . x i î j
des preuves. Përfonne n’eft moins avide que nous du bien des autres, St n’applaudit avec
plus de plaifir à leurs travaux & à leur fuccès. Au défaut d’autres qualités , nous tâcherons
de mériter le fuffrage du Public, par le foin que nous aurons de chercher la vérité, plus chere
pour nous que notre ouvrage* Sc bien plus que notrerfortune 5 de la dire tout-à-la fois avec la
févérité qu’elle e x ig e , & avec la modération que nous nous devons à noys mêmes ; de nou-
trager jamais perfonne , mais de ne refpeéter auffi que deux chofes, la Religion & les Lois t
(nous ne parlons point de l’autorité, car elle n’en eft point différente, & n’eft fondée que fur
elles) j de rendre aux ennemis même de l’Encyclopédie la juftice la plus exacte $ de donner
fans affeftation & fans malignité aux auteurs médiocres, même les plus vantés, la place que
leur affignent déjà les bons juge s, Sc que nos defcendans leur deftinent $ de diftinguer,
comme nous le devons, ceux qui fervent la république des Lettres fans la juger, de ceux
qui la jugent fans la fervir ; mais fur-tout de célébrer en toute occafion les hommes vraiment
illuftres de notre fiecle, auxquels l’Encyclopédie fe doit par préférence. Elle tâchera
de leur rendre d’avance ce tribut fi jufte , qu’ils ne reçoivent prefque jamais de leurs contemporains
fans mélange & fans amertume, qu’ils attendent de la génération fuivante, &
dont l’efpoir les foûtient Sc les confole ; foible reffource fans doute ( puifqu’ils ne commencent
proprement à vivre que quand ils ne font plus ) , mais la feule que le malheur de
l’humanité leur permette. L ’Encyclopédie n’a qu’une chofe à regretter, c ’eft que notre
fuffrage ne foit pas d’un allez grand prix pour les dédommager de ce qu’ils ont à fouffrir,
& que nous nous bornions à être innocens de leurs peines, fans pouvoir les foulager. Mais
ce foible monument que nous cherchons à leur confacrer de leur vivant même, peu nécefc
faire à ceux qui en font l’o b je t , eft honorable à ceux qui l’élevent. Les fiecles futurs, s’il
parvient jufqu’à eu x , rendront à nos fentimens Sc à notre courage la même juftice que
nous aurons rendue au génie, à la v e r tu , Sc aux talens ; Sc nous croyons pouvoir nous
appliquer ce mot de Cremutius Cordus à Tibere : » Non-feulement on fe fouviendra de
» Brutus Sc de Caflius, on fe fouviendra encore de nous. »
L ’ufage fi ordinaire & fi méprifable de décrier fes contemporains & fes compatriotes *
ne nous empêchera pas de prouver par le détail des faits, que l ’avantage n’a pas été en
tout'genre au côté de nos ancêtres j Sc que les Etrangers ont peut-être plus à nous envier
, que nous à eux. Enfin nous nous attacherons autant qu’il fera poflible, à infpirer aux
gens de Lettres cet efprit de liberté & d’union, qui fans les rendre dangereux, les rend eftimables
j qui en fe montrant dans leurs ouvrages, peut mettre notre fiecle à couvert du reproche
que faifoit Brutus à l’éloquen ce de Cicéron, d’être fa n s reins Sc fans vigueur} qui
femble , nous le difons a v e c jo i e , faire de jour en jour de nouveaux progrès pajbmi nous *
que néanmoins certains Mecenes voudroient faire paffer pour cynique, ôc qui le fera ü l’on
v eu t, pourvû qu’on n’attache à ce terme aucune idée de révolte ou de licence. Cette maniéré
de penfer, il eft v ra i, n’eft le chemin ni de l’ambition, ni de la fortune. Mais la médiocrité
des defirs eft la fortune du Philofophe ; & l’indépendance de tout, excepté des devoirs
, eft fon ambition. Senfibles à l’honneur de la république des Lettres, dont nous faifons
moins partie par nos talens que par notre attachement pour e l le , nous avons réfolu de
réunir toutes nos forces, pour éloigner d’e lle , autant qu’il eft en nous, les périls, le dé-
périffement & la dégradation dont nous la voyons menacée j qu’importe de quelle voix elle
fe le rv e , pourvu que fes vrais intérêts foient connus de ceux qui la compofent ?
Malgré ces difpofitions nous n’efpérons pas à beaucoup près réunir tous les fufîrages ;
mais devons*nous le defirer? Un ouvrage tel que l’Encyclopédie a befoin de cenfeurs, Sc
même d’ennemis. Il eft vrai qu’elle a jufqu’ici l’avantage de ne compter parmi eux aucun
des Ecrivains célébrés qui éclairent la Nation Sc qui l’honorent ; & ce qu’on pour-
foit faire peut-être de plus glorieux pour e lle , ce feroit la lifte de fes partifans & de fes
adverfaires. Elle doit néanmoins à ces derniers plus qu’ils ne penfènt, nous n’ofons dire
qu’ils ne voudroient. Elle leur doit les efforts & l’émulation des Auteurs ; elle leur doit
1 indulgence du Public, qui finit toujours Sc commence quelquefois par être jufte, & que
l’animofité bleffe encore plus que la fatyre n’amufe. S’il a favorifé l’exécution de cet ouvrage,
ce n’eft pas que les défauts lui en ayent échappé, & comment l’auroient-ils pû? Mais
il a fenti que le vrai moyen d’animer les Auteurs, & de contribuer ainfi par fon fuffrage
au bien & à la perfeéfion de ce DiêKonnaire , étoit de ne pas ufer envers nous de cette
févérité qu’il montre quelquefois, Sc que le defir de lui plaire nous eût fait fupporter avec
courage.
L ’Encyclopédie a donc des obligations très-réelles au mal qu’on a voulu lui faire. Elle
ne peut manquer fur-tout d’intéreffer en général tous les gens de Lettres,' qui n’ont ni préjugés
à foutenir, ni Libraires à protéger, ni compilations paffées, préfentes, ou futures à
faire valoir. C ’eft auffi à eux que nous nous adreflons , en demandant pour la derniere fois
leurs lumières Sc leur fecours. Nous les conjurons de nouveau de fe réunir avec nous pour