
à quoi fe borne notre travail. Bien éloignés de nous parer de cette fcience univerfelle, qui
feroit pour nous le plus fûr moyen de ne rien favoir | nous ne nous fommes engagés ni à corriger
les fautes qui peuvent fe gliffer dans les morceaux qui nous ont été fournis ni à recourir
aux livres que nos Collègues ont pû confulter. Chaque Auteur eft ici garant de fon
ouvrage, c ’eft pour cela que l’on a défigné celui de chacun par des marques diftinêlives -
en un mot perfonne ne répond de nos articles que nous, & nous ne répondons que de nos
articles : l’Encyclopédie eft à cet égard dans le même cas que les Recueils de toutes nos
Académies. Il n’eft point d’ailleurs de Leêleur équitable qui ne doive ici fe mettre à notre
p la ce , & juger avec impartialité des difficultés de toute efpece que l’on a dû éprouver pour
faire concourir tant de perfonnes à un même objet. On n’a jamais dû s’attendre, & il eft
impoflible par une infinité de raifons, que tout foit de la même force dans l’Ency clppédie.
Mais la route eft du moins ouverte, & c’eft peut-être avoir fait quelque chofe:; d’autres
plus heureux arracheront en paix les épines qui relient encore dans cette terre que la defti-
née lévere ou propice nous a donnée à défricher. Les enfans, dit le Chancelier Bacon, font
foibles & imparfaits au moment de leur naiffance, & les grands ouvrages font les enfans
du Tems.
Auffi nous avons déclaré bien fincerement, que nous regardions ce Diêlionnaire comme
très-éloigné de la perfeêlion à laquelle il atteindra peut-être un jour. Nous ignorons dans
quelles vûes on nous a fait tenir un langage tout oppofé. On a paru auffi trouver fort
étrange qu’une fociété confidérable de gens de Lettres & d ’Artiftes pût même commencer
un pareil ouvrage. C e reproche eft d’autant plus fingulier, qu’il a été tait par un Ecrivain qui
entreprend de juger feul ou prefque feul de tout ce qui paroît en matière d’Arts & de Sciences
; qui du moins par un rapport fidele & un examen profond, doit mettre le Public en état
de juge r, & qui par conséquent doit être parfaitement inftruit d’une infinité de matières.
Pourquoi la nature n’auroit-elle pas répandu fur plufieurs ce qu’elle a pû réunir dans un feul ?
Nous avons témoigné au nom de nos Collègues & au nôtre, & nous témoignons encore
notre reconnoiffançe à tous ceux qui voudront bien nous faire appercevoir nos fautes.
Nous efpérons feulement que pour avoir remarqué des erreurs dans cet ouvrage immenfo,
on ne prétendra point l’avoir jugé. De plus, la reconnoiffance dont nous parlons doit s’étendre
, comme il eft jufte, fur ceux qui nous adrefferont direêlement & immédiatement
leurs remarques. Un tel procédé ne peut avoir pour objet que le bien public & celui de l’ouvrage
: & ces fortes d’obfervations en effet font d’ordinaire les plus importantes. Des perfon-
nes bien intentionnées fe font, par exemple, plaintes avec raifon que fauteur de rarticle
A m o u r , tant cenfuré par d’autres^eût oublié de contàcrer un article particulier à I’Amour
5>e D ieu : cette ornimon réellement confidérable, fera réparée comme elle le doit être à
Fartiçle C harité , ainfi que celle de l’article A ffinité en C himie, qui fera fuppléé à
l ’article Rapport où eft fa véritable place.
: D ’autres omiffions moins importantes & moins réelles, nous ont été reprochées de v ive
voix. Nous y avons ailément répondu; en montrant dans l’Ouvrage même les endroits dont
U s’âgiffoit à leur ordre alphabétique. C e qu’il y a d’extraordinaire, cfoft que quelques-uns
de ceux qui nous ont fait l’obje&ion , n,ous avoient affûré qu’ils avoient cherché ces articles.
Pouvons-nous donc trop infifter fur la priere que nous faifons à nos Leêleurs de ne
s’en rapporter qu’à leur propre examen, & à un examen férieux ?
- Néanmoins il n’eft guere poffible de fe flatter qu’on n’ait abfolument omis aucun article
dans ce Diêlionnaire : mais on n’en pourra bien juger qu’après la publication de tout l’ouvrage.
Nous croyons du moins n’avoir oublié aucun des articles effentiels, tels qu’A R T ,
A berration , D ynamique , & plufieurs autres qui ne fe trouvent point dans l’Encyclopédie,
Angloife 5 c’eft principalement de ces articles que nous avons voulu parler quand
nous.avons d it , qu’un article omis dans une Encyclopédie, rompt l’enchaînement & nuit
à la forme & au fond : l’oubli de quelques articles moins importans rompt feulement quelques
fils de la chaîne, mais fans la couper tout-à-fait.
On a trouvé dans cet Ouvrage quelques détails qui n’ont pas paru nobles. Ces détails qui
réunis enfemble compoferoient à peine une feuille des deux premiers volumes, fembleront
peut-être fort déplacés à tel Littérateur pour qui une longue differtatfon fur la cuifine& fur
la coëffüre des anciens, ou fur la pofition d’une bourgade ruinée ,• ou fur le nom 'dé baptême
de quelque écrivain obfcur du dixième fiecle, feroit fort intéreffante & fortpÿécieufo;
Q uoi qu’il en foit, on doit fe reffouvenir que c’eft ici non-feulement un Diêlionnaire des
Sciences & des beaux-Arts, mais encore un Diêlionnaire (économiquef un Diêlionnaire
des métiers ; on n’a dû en exclure aucun, par la même raifon qu’on a donné rang parmi les
Sciences à la Philofophie fcholaftique , au Blafon, à la Rhétorique qu’on enfeigne-encore
dans certains Collèges. Au relie , on fera fort attentif fur ce point à écouter la voi* du Public
5 & s’il le juge à-propos , oa abrégera ou on fupprimera déformais ces d é t a i l
Plufieurs perfonnes ont penfé que les articles de Géographie étoient de trop dans ce Livre
: on a crû devoir les y faire entrer, parce qu’il fe trouve à chaque inftant dans l’Encyclopédie
des noms de lieux relatifs, foit au commerce, foit à d’autres objets, & qu’on
eftbien-aifede ne pas aller chercher ailleurs. De plus, ces articles extraits pour la plû-
partfort en abrégé du Diêlionnaire in-douze de Laurent Echard , ne feroientpas vraif*
fomblablement la dixième partie de 17/z-douze, & peut-être pas la deux centième de l’Encyclopédie.
Notre guide pour la Géographie dans les volumes fuivans, & dans celui-ci,
eft le Diêlionnaire Géographique Allemand de Hubner ; ouvrage fort complet & plus
exaêl que nos Diêlionnaires François.
Après l’avis que nous avons donné, que chacun de ceux qui ont travaillé à cette E ncyclopédie
, foit Auteurs, foit Editeurs, eft ici garant de fon ouvrage & de fon ouvrage feul j
nous ajouterons que ceux d’entre nos Collègues qui jugeront à propos de répondre aux critiques
que l’on pourra faire de leurs articles, feront les maîtres de publier leurs réponfes
au commencement de chaque volume. A l’égard des critiques qui nous regarderont per-
fonnellement l’un ou l’autre, ou qui tomberont fur l’Encyclopédie en général, nous en
diftinguerons de trois efpeces.
Dans la première claffe font les critiques purement littéraires. Nous en profiterons fi elles
font bonnes , & nous les laiderons dans l’oubli fi elles font mauvaifes. Prefque toutes celles
qu’on nous a' faites jufqu’ic i, ont été par malheur de cette derniere efpece, fur-tout quand
elles ont eu pour objet des matières de raifonnement ou de Belles-lettres, dans lefquelles
nous n’avions fait que fuivre & qu’expofer le fentiment unanime des vrais Philofophes &
des véritables gens de goût. Mais il eft des préjugés que la Philofophie & le goût ne fçau-
roient guérir, & nous ne devons pas nous flatter de parvenir à ce que ni l’un ni l’autre ne
peuvent faire.
Au refte , nous croyons que la démocratie de la république des Lettres doit s’étendre à
tou t, jufqu’à permettre & fouffrir les plus mauvaifes critiques quand elles n’ont rien de per-
fonnel. Il fuffit que cette liberté puiffe en produire de bonnes. Celles-ci feront auffi utiles
aux ouvragés, que les mauvaifes font nuifibles à ceux qui les font. Les Ecrivains profonds
& éclairés, qui par des critiques judicieufes ont rendu ou rendent encore un véritable fervice
aux Lettres, doivent faire fupporter patiemment ces cenfeurs fubalternes , dont nous ne
prétendons défigner aucun, mais dont le nombre fe multiplie chaque jour en Europe ; qui,
fans que perfonne l’e x ig e , rendent compte de leurs Jeêlures , ou plutôt de ce qu’ils n’ont
pas lû ; qui femblables aux grands Seigneurs , qu’a fi bien peints Moliere , favent tout fans
avoir rien appris, & raifonnem prefque auffi bien de ce qu’ils ignorent que de ce qu’ils
croyent connoître ; qui s’érigeant fans droit & fans titre un tribunal où tout le monde eft
appellé fans que perfonne y comparoiffe , prononcent d’un ton de maître & d’un ftyle qui
n’en eft p as , des arrêts que la voix publique n’a point diêlés ; qui dévorés enfin par cette
jaloufie baffe, l’opprobre des grands talens & la compagne ordinaire des médiocres avi-
liffent leur état & leur plume à décrier des travaux utiles.
Mais qu’une critique foit bien ou mal fondée , le parti le plus foge que les Auteurs in-
téreffés ayent à prendre, c ’eft de ne pas citer leurs adverfaires devant le Public. La meilleure
maniéré de répondre aux critiques littéraires qu’on pourra faire de l’Encyclopédie en
général, feroit de prouver qu’on auroit pû encore y en ajouter d’autres. Perfonne peut-être
ne feroit plus en état que nous de faire l’examen de cet ouvrage , & de montrer que la malignité
auroit pû être beaucoup plus heureufe. Q u ’on ne s’imagine pas qu’il y ait aucune vanité
dans cette déclaration. Si jamais critique fut facile, c’eft celle d’un ouvrage auffi confidérable
& auffi varié ; & nous connoiffons affez intimement l'Encyclopédie pour ne pas
ignorer ce qui lui manque : peut-être le prouverons nous un jou r , fi nous parvenons à la
finir ; ce fera pour lors le tems & le lieu d’expofer ce qui refte à faire, foit pour la per-
feêlionner, foit pour empêcher qu’elle ne foit détériorée par d’autres. Mais en attendant
que nous puiffions entrer dans ce détail, nous laifferons la critique dire tout le bien & tout
le mal qu’elle voudra de nous ; ou s’il nous arrive quelquefois de la relever, ce fora rarement,
en peu de mots, dans le corps même de l’ouvrage, & pour entrer dans des difcuffions
vraiment néceffaires, ou pour délàvouer des éloges qu’on nous aura donnés mal-à-propos.
Nous placerons dans la fécondé claffe les imputations odieufes contre nos fentimens &
notre perfonne ; fur lefquelles c’eft à l’Encyclopédie elle-même à nous défendre, & aux
honnêtes gens à nous venger.
L’Auteur du Difcours préliminaire n’a pas eu befoin d’efforts pour y parler de la Religion
avec le refpeêl qu’elle mérite, & pour y traiter les matières les plus importantes avec
une exaêlitude dont il ofe dire que tout le monde lui a fçu gré. Auffi les honnêtes gens
ont ils été fort furpris, pour ne rien dire de plus, de la critique de ce Difcours , qu’on a
inforée dans le Journal des Savans, fans l’avoir communiquée , comme elledevoit l’être,
Tc?me III. B ij