
iibij I
font ou trois textes ou trois copies d’un premier original
; ces copies varient entre elles fur la chronologie
des premiers âges du monde : le texte hébreu de
la maffore abrégé les tems ; il ne compte qu environ
quatre mille ans depuis Adam jufqu’à J. C. le
texte, famaritain donne plus d’étendue à 1 intervalle
de ces époques ; mais on le prétend moins correct :
les Septante font remonter la création du monde
jufqu’à fix mille ans avant J. C. il y a félon le texte
hébreu 1656-ans depuis-Adam au déluge ; 1307 le-
lon le famaritain ; & 2242, félon Eufebe & les Septante
; ou 2256 , félon Jofephe & les Septante ; ou
2262 , félon Jule Africain, S. Epiphane, le pere Pe-
ta u , &c les Septante.
Si les Chronologies font divifés , & fur le choix
des textes, & fur les tems écoulés, pour l’intervalle
de la création au déluge , ils ne le font pas moins
pour les tems poftérieurs au déluge, & fur les intervalles
des époques de ces tems. Voyqjculunent Mar-
sham & Pezron.
Syjleme de Marsham.
Dit déluge à la vocation d’Abraham ,
De là vocation d’Abraham a la fortie
d’Egypte, ,
D e l’exode à la fondation du temple,
La durée du temple ,
La captivité,
SyJ&me de Perron.
426 ans.
430
480
400
70
D u déluge à la vocation d’Abraham , 1257
De la vocation d’Abraham à la fortie
d’Egypte, a f r , . 43°
De la fortie d’Egypte à la fondation
du temple, . ;
D e la fondation du temple à fa del-
. truÛion, 47°
La captivité., r - %
; Lesdifférences font plus ou moins fortes entte H
autres fyftèmes , pour lefquels nous renvoyons à
leurs auteurs. , , RH
Tant-de diverfités, tant entre les textes qu entre
leurs commentateurs, fuggera à H B de Prades,
bachelier de SorbonneI une opinion quia fait beaucoup
de bruit, & dont nous .allons ;rendre compte ,
d’autant plus volontiers que nous lavons
tue de tout tems, 8c que ion expofition ne fuppofe
aucun calcul. A
M l’abbé de Prades fe demande à lui-meme corn-
ment Ù-a ptt fe faire que Moyfe ait écrit u« * » » -
m B Ë & qu’elle fe trouve fi alteree qu il ne foit plus
pofiîble, des trois différentes ehronel°ë‘« qu on lit
dans les différens textes, de difeerner laquelle eft de
Moyfe , ou même s’il y un a une de cet ■ H *
remarque que cette eonttadi&ondes chronologies *
donne naiffance à une infinité de fyfteme differens ;
que les.auteurs de ces fyffèmes nont rien épargné
pour détruire l’autorité, des textes qu ils ne fuivoient
pas témoin le pere Morin de 1 o ratoire, à qui il
n’a pas tenu que le texte famaritain né s elevat fur
les.ruines du texte hébreu : que les> afferentes chro-
nologus ont fuivi la fortune des differens textes,
en Orient, en Occident, 8c dans les autres eglifes :
que les Chronologues n’en ont adopté aucune 1cm-
puleufement : que les additions, correSions , retran-
cheifi’ens qu’ils ont jugé à - propos d’y faire I prouvent
bien qu’à leur avis même il n y en a aucune
d’abfolumént' correôe : que la nation chinoiie n a
jamais entré dans aucun de ces plans chronologiqu
e s: qu’Oii ne peut cependant rejetter en doute
les époques chirioifes I fans fe jetter dans un pirrho-
nifme hiftorique : que cet oubli fourmffoit une gran-
. i. / WSejaSk ~~~eo.ro \fo rècit de Movie .
qui faifoit defeendre tous les hommes .de Noé, tandis
qu’il fe trouvoit un peuple dont les annales re-
montoient au-delà du deluge : qu’en répondant à
cette difficulté des impies par la chronologie des Septante
, qui n’embraffe pas,encore les époques chi-
noifes les plus reculées, telles que le régné de Fohi,
on leur donnoit occafxon d’en propofer une autre
fur l ’altération des livres faints, oit le tems avoit
pu inférer des chronologies différentes , & troubler
même celles qui y avoient été inférées : que la conr
formité fur les faits ne répondoit pas à la diverfité
fur ies chronologies : que le pere Tournemine fenfible
à cette difficulté , a tout mis en oeuvre pour accorder
les chronologies ; mais que fon fyftème a des défauts
confidérables , comme de ne pas expliquer
pourquoi le centenaire n’eft pas omis par-tout dans
le texte hébreu, ou ajouté par-tout dans les Septante
; & qu’occupé de ces difficultés , elle fe groffiffoit
d’autantplus,qu’il fe prévenoit davantage que M oyfe
avoit écrit une chronologie. Voilà ce qui. a paru à M.
l’abbé de Prades.
Et il a penfé que Moyfe n’étoit auteur d aucune
des trois chronologies ; que c’étoient trois fyftèmes
inventés après coup ; que les différences qui les distinguent
ne peuvent être des erreurs de copiftes ;
que fi les erreurs de copiftes avoient pu enfanter
des chronologie différentes , il y en auroit bien plus
de trois ; que les trois chronologies ne différeroient
entre elles que comme trois copies de la même chronologie
; que f i , antérieurement à,la verfion des Septante
la chronologie du texte hébreu fur lequel ils
ont traduit avoit paffé pour authentique, on ne conçoit
pas comment ces refpettâbles. traducteurs au-
roient ofé l’ abandonner; qu’on,ne peut fuppofer que
les Septante ayent çonfervé la, chronologie de l’hébreu
, & que la différence qu’on remarque à préfent
entre les calculs de ces deux textes vient de corruption
; qu’on peut demander de quel côté vient
la corruption, fi c’eft du côté de l’hébreu ou du côté
des Septante, ou de l’un & de l’autre côté ; q ue, félon
la derniere réponfe, la feule qu’on puiffe faire ,
il n’y a aucune de ces chronologies qui foit la vraie ;
qu’il eft étonnant que l’ignorance des copiftes n’ait
commencé à fe faire fentir que depuis les Septante;
que l’intervalle du tems compris entre Ptolemée Phir
ladelphe & la naiffance de J. C. ait été le feul expo-
fé à ce malheur, & que leshiftoires prophanes n’ayent
en ce point aucune conformité de fort avec les livres
facrés ; que la vigilance fuperftitieufé des Juifs
a été ici trompée bien groffierement ; que les nombres
étant écrits tout au long dans les textes, & non
en chiffres, l’altération devient très - difficile ; en un
mot, que quelque facile qu’elle foit, elle ne peut jamais
produire des fyftèmes ; qu’on ne peut fuppofer
que la chronologie de Moyle eft comme difperfée dans
les trois textes, qu’il faut fur chaque fait en particulier
les confulter, & prendre le parti qui paroîtra le
plus conformé à la vérité , félon d’autres circonftances.
Selon ce fyftème de M. l’abbé de Prades , il eft
évident que l’obje&ion des impies tirée de la diverfité
des trois chronologies, fe réduit à rien ; mais n af-
foiblit-il pas d’un autre côté la preuve dé l’authenticité
des faits qu’ils contiennent , fondée fur cette
vigilance prodigieufe avec laquelle les Juifs confer^
voient leurs ouvrages ? Que dévient cette vigilance ,
lorfque des hommes auront pu pouffer la hàrdieffe ,
foit à inférer une chronologie dans le texte, fi Moyfe
n’en a fait aucune , foit à ÿ en fubftituer une autre
quelafienne? M. l’abbé de Prades prétend que ces
chronologies ■ font trois fyftèmes différens ; mais il
prouve feulement que leur altération eft fort extraordinaire
: comment prendre ces chronologies
pour des fyftèmes liés ôc fuivis, quand on voit que
le centenaire n’eft pas omis dans tout le texte hébreu
, & qu’il n’eft pas ajouté à tous les patriarches
dans le texte des Septante ? Si la conformité s’eft
confervée dans les faits, c’eft que par leur nature les
faits font moins expofés aux erreurs que des calculs
chronologiques : quelque groffieres que foient ces
erreurs, elles ne doivent point étonner. Rien n’empêche
donc qu’on n’admette les trois textes, & qu’on
ne cherche à les concilier, d’autantplus qu’on trouve
dans tous les trois pris colieûivement .dequoi fa-
tisfaire à beaucoup de difficultés. Mais comment
cette conciliation fe fera-t-elle ? Entre plufieurs
moyens, on a l’examen des calculs mêmes & celui
des circonftances : l’examen des calculs fuffit feul
quelquefois ; cet examen joint à la combinaifon des
circonftances fuffira trèsfouvent. Quant aux endroits
oii le concours de ces deux moyens ne donnera
aucun réfultat, ces endroits relieront obfcurs.
Voilà notre fyftème, q u i, comme on peut s’en
appercevoir, eft très-différent de celui de M. l’abbé
de Prades. M. de Prades nie que Moyfe ait jamais
fait une chronologie, nous croyons le contraire ; il
rejette les trois textes comme interpolés, & nous
les refpeftons tous les trois comme contenant la chronologie
de Moyfe. Il a combattu notre fyftème dans
fon apologie par une raifon qui lui eft particulièrement
applicable ; c’eft que l’examen & la combinaifon
des calculs ne fatisferoit peut-être pas à tout :
mais cet examen n’eft pas le feul que nous propo-
fions ; nous y joignons celui des circonftances, qui
détermine tantôt pour un manuferit, tantôt pour un
autre, tantôt pour un réfultat qui n’eft proprement
ni de l’un ni de l ’autre, mais qui naît de la comparai-
fon de tous les trois. D ’ailleurs, quelque plaufible
que pût être le fyftème de M. l ’abbé de Prades, il ne
leroit point permis de l’embraffer, depuis que les
cenfures de plufieurs évêques de France & de la faculté
de Théologie l’ont déclaré attentatoire à l’authenticité
des livres faints.
Les textes variant entr’eux fur la chronologie des
premiers âges du monde, fi l’on accbrdoit en tout à
chacun une égale autorité, il eft évident qu’on ne
fauroit à quoi s’en tenir fur le tems que les patriarches
ont v écu , foit à l’égard de ceux qui ont précédé
le déluge, foit à l’égard de ceux qui ne font venus
qu’après ce grand événement. Mais le Chrétien
n’imite point dans fon refpeft pour les livres qui contiennent
les fondemens de fa foi, la pufillanimité du
Juif, ou le fcrupule du Mufulman. Il ofe leur appliquer
les réglés de la critique, foûmettre leur chronologie
aux difeuffions de la raifon, & chercher dans
ces occafions la vérité avec toute la liberté poffible,
fans craindre d’encourir le reproche d’impiété.
Des textes de l’Ecriture, que nous avons, chacun
a fes prérogatives : l’hébreu paroît écrit dans la
même langue que le premier original : .le famaritain
prétend au même avantage ; il a de plus celui d’avoir
çonfervé les anciens carafteres hébraïques du
premier original hébreu. La verfion des Septante a
été. faite fur l’hébreu des anciens Juifs. L’Eglife chrétienne
l’a adoptée ; la fynagogue en a reconnu l’autorité
, & Jofephe qui a travaillé fon hiftoire fur les
livres hébreux de fon tems, fe conforme affez. ordinairement
aux Septante. S’il s’eft gliffé quelque faute
dans leur verfion, ne peut-il pas s’en être gliffé de
même dans l’hébreu ? Ne peut-on pas avoir le même
foupçon fur le famaritain ? Toutes les copies ne
font-elles pas fujettes à ces accidens & à beaucoup
d’autres ? Les copiftes ne font pas moins négligens
.& infidèles en copiant de l’hébreu qu’en tranferivant
du grec. C ’eft de leur habileté, de leur attention, &
de leur bonne foi, que dépend la pureté d’un texte,
& non de la langue dans laquelle il eft écrit. J’ai dit
çle leur bonne fa i } parce que les .fentimens partiçu-
J'ome / / / ,
liers du copifte peuvent influer bien plu9 impunément
fur la copie d’un manuferit, que ceux d’urt
favant de nos jours fur l’édition d’un ouvrage imprime
; car fi la comparaifon des manuferits eft fi
difficile ôc fi rare aujourd’hui même qu’ils font raf-
fembles dans un petit nombre d’édifices particuliers*
combien n’étoit-elle pas plus difficile & plus rare
jadis, qu’ils étoient éloignés les uns des autres &c
difperfes dans la fociété, rari nantes in gurgite vajlo £
Je conçois que dans ces tems oit la colle&ion de
quelques manuferits étoit la marque de la plus grande
opulence, il n’étoit pas impoffibie qu’un habile
copifte bouleversât tout un ouvrage, & peut-être
même en composât quelques-uns en entier fous des
noms empruntés.
' Les trois textes de l’Ecriture ayant à-peu-près les
mêmes prérogatives, c’eft donc de leur propre fonds,
qu’il s’agit de tirer des raifons de préférer l’un à l’autre
dans les endroits où ils fe contredifent. Il faut
examiner, avec toute la févérité de la critique, les
variétés & les différentes leçons ; chercher où eft la
faute , & ne pas décider que le texte hébreu eft infaillible
, par la raifon feule que c’eft celui dont le&
Juifs fe font fervis & fe fervent encore. Une autre.,
forte de prévention non moins legere, ce feroit de
donner l ’avantage aux Septante, Sc d’accufer les
Juifs d’une malice qu’ils n’ont jamais eue ni dû avoir*
celle d’avoir corrompu leurs écritures de propos dé-,
libéré, comme quelques-uns l’ont avancé , foit par,
un excès de zele contre ce peuple, foit par une
ignorance groffiere fur ce qui le regarde.
L ’équité veut qu’on ne confidere les trois textes
que comme trois copies d’un même original, fur
l’autorité plus ou moins grande defquelles il ne nous
eft guere permis de prendre parti, & qu’il faut tâcher
de concilier en les refpeûant également.
Ces principes pofés, nous allons , non pas donner
des décifions, car rien ne feroit plus téméraire de notre
p a rt, mais propofer quelques conjectures raifon-
nables fur la chronologie des trois textes, la vie des
anciens patriarches , & le tems de leur naiffance. Je
n’entends pas le tems qui a précédé le déluge. Les
textes font à la vérité remplis de contradictions fur
ce point, comme on a vû plus haut ; mais il importe
peu d’en connoître la durée. C ’eft de la connoiffan-
ce des tems qui ont fuivi le déluge , que dépendent la
divifion des peuples, l’établiffement des empires*,
& la fucceffion des princes, conduite jufqu’à nous
fans autre interruption que celle qui naît du changement
des familles, de la chûte des états, & des révolutions
dans les gouvernemens.
Nous obferverons, avant que d’entrer dans cette
matière, que l’autorité de Jofephe eft ici très-confi-
dérable, & qu’il ne faut point négliger cet auteur ,
foit pour le fuivre, foit pour le corriger quand fes
fentimens & fa chronologie different des textes de l’Ecriture.
Puifque ni ces textes, ni cet hiftorien, ne font
d’accord entr’eux fur la chronologie, il faut néceffai-
rement qu’il y ait faute : & puifqu’ils font de même
nature, ' fujets aux mêmes accidens, & par confé-
quent également fautifs, il peut y avoir faute dans
tous, & il peut fe faire auffi qu’il y en ait un exaCL.
Voyons donc quel eft celui qui a le préjugé en fa faveur
dans la queftion dont il s’agit.
Premièrement, il me femble que le texte famaritain
& les Septante ont eu raifon d’accorder aux patriarches
cent ans de plus que le texte hébreu , &
d’étendre de cet intervalle la fuite de leur ordre
chronologique , foit parce que des trois textes il y
en a deux qui conviennent en ce point, foit parce
qu’il eft plus facile à un copifte d’omettre un mot
ou un chiffre de fon original, que d’en ajoûter un
D d d i j