
braham, elle refta toujours foûmife à Sara comme
ia fervante ; & lorfque Sara eût mis au monde Ifaac,
Agar &c fon fils Ifmael furent chaffés de la maifon
d’Abraham à la follicitation de Sara, difant que le
fils de fa fervante n’hériteroit pas avec Ifaac.
Dans le même tems il étoit commun chez les autres
nations d’avoir des .concubines ; en effet on voit
que Sara femme d’Abraham, fut enlevée pour Pharaon
roi d’Egypte, & quelque tems après pour Abi-
melech roi de Gerar. Mais il paroît auffi qu’il étoit
dès-lors défendu de prendre pour concubine la femme
d’autrui ; car il ne fut point attenté à l’honneur
de Sara, parce que l’on connut qu’elle etoit femme
d’Abraham.
Jacob fut le premier des patriarches qui eut à-la-
fois deux femmes & deux concubines, qui étoient
les fervantes de fes deux femmes. Il eut des unes &
des autres plufieurs enfans, qui furent tous traités
également.
Efaü fon frere eut à-Ia-fois trois femmes d’égale
condition : Eliphas, l’un de fes fils, eut une concubine
, c’eft ainfi qu’elle eft qualifiée ; il n’eft pas dit
que ce fût la fervante de fa femme.
Le concubinage fut depuis commun chez les Hébreux
& les Juifs; il y eut diverfes lois.faites à ce
fujet.
Il eft dit au chapitre xjx. du Lévitique, que fi un
homme a commerce avec l’efclave d’autrui, fi elle
n’ eft pas préalablement rachetée, quoiqu’elle fut
noble, tous deux feront fuftigés, parce que cette
efclave n’étoit pas libre ; que pour ce délit l’homme
offrira à la porte du tabernacle un bélier.
Le chapitre fuivant contient des peines contre l’a-
dultere & contre la débauche commife avec des parentes
ou alliées.
On diftinguoit dès-lors les concubines des femmes
livrées â une proftitution publique.
Le concubinage fut toléré chez les Juifs, à caufe de
leur endurciffement ; mais il y eut toujours une dif-
tinftion entre les femmes qui avoient le titre d’épou-
fes légitimes & les concubines, quoiqu’alors le concubinage
fût une efpece de mariage moins folennel,
qui avoit fes lois particulières.
Salomon eut jufqu’à fept cents femmes & trois
cents concubines. Les premières quoiqu’en nombre
exceffif, avoient toutes le titre de reines, au lieu que
les concubines ne participoient point à cet honneur.
On vit quelque chofe de femblable chez les Per-
fes. Darius, outre la reine fon époufe, avoit jufqu’à
365 concubines, dont il fe faifoit fuivre à l’armee.
Cette coûtume a continué dans tout l’Orienf.L’em-
pereur de la Chine a dans fon palais jufqu’à deux ou
trois mille concubines. Le fophi de Perfe & le grand-
feigneur en ont auffi un très-grand nombre.
Les Grecs en uferent de même que les Perfes.
'Alexandre roi de Macédoine , avoit plufieurs concubines,
dont il céda la plus belle & celle qu’il ché-
riffoit le plus, à Apelles qui en étoit devenu amou-
reux.
Nous paffons rapidement fur tous ces tems éloignés
, pour venir à ce qui fe pratiquoit chez les Romains
, dont les lois font encore partie de nos ufa-
ges.O
n diftinguoit chez les Romains deux fortes de
mariages légitimes, & deux fortes de concubinages.
Le mariage le plus honnête, étoit celui qui fe faifoit
folennellement & avec beaucoup de cérémonie.
La femme qui étoit ainfi mariée étoit nommée uxor,
jufia uxor , conjux , mater-familias.
L’autre forte de mariage fe contractait fans autre
formalité, que d’avoir eu pendant un an entier une
femme dans fa maifon ; ce que l’on appelloit uxorem
ufucapere. La femme ainfi mariée s’appelloit uxor tantum
ou matrona.
Le concubinage étoit alors tellement autorifé J
qu’on le confidéroit comme une troifieme efpece de
mariage, qu’on appelloit injufioe nuptioe.
Mais ce concubinage étoit de deux fortes. L’un
nommé injufioe nuptioe & legitimoe, c’étoit la liaifon
que l’on avoit avec des concubines romaines de
naiffance, qui n’étoient ni foeurs, ni meres, ni filles,
de celui avec qui elles habitoient, & qui n’étoient
point de condition fervile.
L’autre efpece de concubinage, appellée injufioe
nuptioe & illegitimoe , s’entendait de ceux qui habitoient
avec des concubines inceftueufes, étrangères
ou efclaves.
Numa Pompilius fit une loi qui défendoit à la concubine,
foit d’un garçon, foit d’un homme marié,
de contracter un mariage folennel, Si d’approcher
de l’autel de Junon ; ou fi elle fe marioit, elle ne de-
voit point approcher de l’autel de Junon, qu’elle
n’eût auparavant coupé fes cheveux & immolé une
jeune brebis. Cette concubine y eft défignée par le
terme de pellex t par lequel on entendoit une femme
qui n’étant point mariée, v ivoit néanmoins avec un
homme comme fi elle l’étoit. Il fignifioit, comme on
v o it, également une concubine fimple & une concubine
adultéré. On fe fervoit encore de ce terme fous
Jules Céfar & fous Augufte, tems auquel, on commença
à fubftituer le mot concubina à l’ancien terme
pellex. j
Ainfi, fuivant l’ancien D ro it, le concubinage étoit
permis à Rome à ceux qui reftoient dans le célibat,
ou qui ayant été mariés, ne voûtaient pas contracter
un fécond mariage, par confidération pour leurs en-
fans du premier lit. Mais depuis que la loi des douze
tables & autres tais poftérieures eurent réglé les conditions
pour les mariages, il fut ordonné que l’on ne
pourroit prendre pour concubines, que des filles que
l’on ne pouvoit pas prendre pour femmes à caufe de
la difproportion de condition, comme des filles de
condition fervile, ou celles qui n’a voient point de
dot, & qui n’étoient pas les unes ni les autres def-
tinées à contracter alliance avec les honnêtes citoyens.
Ainfi les filles ou femmes de condition libre, appelées
ingenuoe , ne pouvoient pas être prifes pour
concubines, cela paffoit pour un viol ; & il étoit défendu
d’habiter avec elles fur un autre pié que fur
celui d’époufes, à moins qu’elles n’euffent dégénéré
en exerçant des métiers bas & honteux, auquel cas
I il étoit permis de les prendre pour concubines.
On voit par - là que le concubinage n’étoit pas ab-
folument deshonorant chez les Romains. Les concubines,
à la vérité, ne joüiffoient pas des effets civils
par rapport aux droits des femmes mariées ; mais
elles ne différoient des époufes que pour la dignité
de leur état & pour l’habillement : du refte elles
étoient loco uxoris. On les appelloit femi-conjuges, &
le concubinage femi-matrimonium. Le concubinage fe-
cret n’étoit pas permis par les tais romaines ; & le
nom de concubine, quand le concubinage étoit public
, étoit un titre honnête & bien différent de celui
de maîtreffe, que l’on appelloit feortum.
Jules Céfar avoit permis à chacun d’époufer autant
de femmes qu’il jugeroit à-propos, & Valentinien
permit d’en épouler deux ; mais il n’étoit pas
permis d’avoir plufieurs concubines à-la-fois. Celle
qui étoit de condition libre, ne devenoit pas efclave
lorfque fon maître la prenoit pour concubine ; au
contraire celle qui étoit efclave devenoit libre. La
concubine pouvoit être accufée d’adultere. Le fils
ne pouvoit pas époufer la concubine de fon pere.
Suivant l’ancien Droit romain, il étoit permis de
donner à fa concubine ; elle ne pouvoit cependant
être inftituée héritière univerfelle, mais feulement,
pour une demi-once, qui faifoit un vingt - quatrième
du total. On permit enfuite de donner trois onces,
tant pour la mere que pour les enfans , ce qui fut
étendu jufqu’ à fix onces ; & on leur accorda deux
onces ab intefiat, dont la mere auroit une portion
virile, le tout dans le cas où il n’y auroit ni enfans
ni femme légitimes.
Les enfans procréés des concubines n’étoient pas
jfoûmis à la puiffance paternelle, & n’étoient ni légitimes
ni héritiers de leur pere , fi ce n’eft dans le
cas où il n’avoit point d’autres enfans légitimes ; ils
ne portoient pas le nom de leur pere , mais on ne les
traitoit pas de fpurii , comme ceux qui étoient les
fruits de la débauche ; ils portoient publiquement le
nom de leur mere & le furnom de leur pere ; & quoiqu’ils
ne fuffent point de la famille paternelle , leur
état n’étoit point honteux, & ils n’étoient point privés
du commerce des autres citoyens.
Le concubinage, tel qu’on vient de l’expliquer, fut
long-tems autorifé chez les Romains : on ne fait pas
bien certainement par qui il fut aboli ; les uns difent
que ce fut Conftantin le grand , d’autres que ce fut
l ’empereur Léon ; tous deux en effet eurent part à ce
changement.
Conftantin le grand commença à reftreindre indi-
ïeftement cet ufage, en ordonnant aux citoyens d’é-
poufer les filles qu’ils auroient eues auparavant pour
concubines ; 6c que ceux qui ne voudroient pas fe
conformer à cette ordonnance, ne poiïrroient avantager
leurs concubines, ni les enfans naturels qu’ils
auroient eu d’elles.
Valentinien adoucit cette défenfe , & permit de
laiffer quelque fchofe aux enfans naturels.
Ceux qui épouferent leurs concubines fuivant
l’ordonnance de Conftantin , légitimèrent par ce
moyen leurs enfans comme l’empereur leur en avoit
accordé le privilège.
Juftinien donna le même effet au mariage fubfé-
quent ; mais le concubinage n’étoit point encore aboli
de fon tems : on l’appelloit encore licita confuetudo,
& il étoit permis à chacun d’avoir une concubine.
Ce fut l’empereur Léon qui défendit abfolument
le concubinage par fa novellegi. laquelle ne fut ob-
fervéeque dans l’empire d’Orient. Dans l’Occident
le concubinage continua d’être fréquent chez les Lombards
& les Germains ; il fut même long-tems eh ufage
en France.
Le concubinage eft encore ufité en quelques pays ,
où il s’appelle demi-mariage , ou mariage de la main
gauche, mariage à la morganatique : ces fortes de mariages
font communs en Allemagne , dans les pays
où l’on fuit la confeffion d’Ausbourg.
Suivant le droit canon, le concubinage, & même
la fimple fornication , font expreffément défendus :
Hoec eflvoluntas Domini, dit S. Paul aux Theffaloni-
ciens, ut abfiineatis à fornicatione ; & S. Auguftin,
diftinft. 24. Fornicari vobis non licet, J'ufficiant vobis
uxor es ; & f i non habetis uxor es, tamen non licet vobis
habere concubinas. Ducange obferve que fuivant plufieurs
épîtres des papes, les concubines paroiffent
avoir été autrefois tolérées ; mais cela fe doit entendre
des mariages, lefquelsquoique moins folennels,
ne laiffoient pas d’être légitimes. C ’eft auffi dans le
même fens que l’on doit prendre le dix-feptieme canon
du premier concile de Tolede, qui porte que
celui qui avec une femme fidele a une concubine,
eft excommunié ; mais que fi la concubine lui tient
lieu d’époufe, de forte qu’il n’ait qu’une feule femme
à titre d’époufe ou concubine à fon choix , il ne fera
point rejetté de la communion. Quelques auteurs"
prétendent qu’il en étoit de même des concubines
de Clo vis , de Théodoric , & de Charlemagne ; que
c’étoient des femmes époufées moins folennelle-
ijient, & non pas des maîtreffes.
Comme les eccléfiaftiques doivent donner aux
autres l'exemple de la pureté des moeurs , le concubinage
eft encore plus Scandaleux chez eux que dans
les laïcs. Gela arrivoit peu dans les premiers fiecles
de l’Eglife ; les prêtres étoient long-tems éprouvés
avant l’ordination ; les clercs inférieurs étoient la
plûpart mariés.
Mais dans le dixième fiecle le concubinage étoit fi
commun & fi public, même chez les prêtres , qu’on
le regardoit prefque comme permis , ou au moins
toléré,
Dans la fuite on fit plufieurs tais pour réprimer
ce defordre. Il fut défendu au peuple d’entendre la
meffe d’un prêtre concubinaire ; & on ordonna que
les prêtres qui feroient convaincus de ce crime, fe-
roient dépofés.
Le concile provincial de Cologne, tenu en 1260,
dénoté pourtant que le concubinage étoit encore commun
parmi les clercs.
Cet abus régnoit pareillement encore parmi ceux
d’Efpagne, fuivant le concile de Valladolid, tenu
en 1322, qui prononce des peines plus grieves contre
ceux dont les concubines n’étoient pas chrétiennes.
Le mal continuant toûjours, la rigueur des peines
s’eft adoucie.
Suivant le concile de Bâle, les clercs concubinai-
res doivent d’abord être privés pendant trois mois
des fruits de leurs bénéfices , après lequel tems ils
doivent être privés des bénéfices mêmes , s’ils ne
quittent leurs concubines ; & en cas de rechute, ils
doivent être déclarés incapables de tous offices &
bénéfices eccléfiaftiques pour toujours.
Ce decret du concile de Bâle fut adopté par ta
pragmatique-fanftion , & enfuite compris dans le
concordat.
Le concile de Trente a encore adouci la peine des
clercs concubinaires ; après une première monition,
ils font feulement privés de la troifieme partie des
fruits ; après la fécondé , ils perdent la totalité des
fruits , & font fufpendus de toutes fondions ; après
la troifieme , ils font privés de tous leurs bénéfices
& offices eccléfiaftiques, & déclarés incapables d’en
pofféder aucun ; en cas de rechûte , ils encourent
l’excommunication.
En France, le concubinage eft auffi regardé comme
une débauche contraire à la pureté du Chriftianif-
me, aux bonnes moeurs, non-feulement par rapport
aux clercs, mais auffi pour les laïcs : c’eft un délit
contraire à l’intérêt de l’état. Reipublicoe tnirn interefi
légitima fobole repleri civitatem.
- Si les ordonnances n’ont point prononcé direéte-
mentde peines contre ceux qui vivent en concubina*
ge , c’eft que ces fortes de conjonctions illicites font
le plus fouvent cachées , & que le miniftere public
n’a pas coûtume d’agir pour réprimer la débauche ,
à moins qu’elle n’occafionne un fcandale public.
Mais nos tais réprouvent toutes donations faites
entre concubinaires : c’eft ta difpofition des coutu*
mes de Tours, art. 2.46' Anjou ,3 4 2 . Maine, $64.
Grandperçhe, art, 100. Lodunais, ch. xxv. art. 10,
Cambrai, tit. iij, art. y. Celle de Normandie, art,
427' & 43 défend même de donner aux bâtards.
La coutume de Paris n’en parle pas : mais Varticle
282. défendant aux mari & femme de s’avantager, à
plus forte raifon ne permet-elle pas de le faire entre
concubinaires qui font moins favorifés, & entre
lefquels la fédufrion eft encore plus à craindre.
L’ordonnance du mois de Janvier 1629, art. 132.
défend toutes donations entre concubinaires.
Conformément à cette ordonnance, toutes donations
de cette nature faites entre-vifs ou par tefta-
ment, font nulles, ou du moins réductibles à de (impies
alimens ; car on peut donner des alimens à une
concubine, & aux enfans naturels ; on accorde mê