
Les chiens (ont peut-être de tous les animaux ceux
qui ont le plus d’inftinft, qui s’attachent le plus à
l’homme, & qui le prêtent avec la plus grande docilité
à tout ce qu’on exige d’eux. Leur naturel les
porte à chaffer les animaux {avivages; 8c il y a lieu
de croire que li on le.s avoit laiffés dans les forêts fans
les apprivoifer, leurs mteurs ne feroient guere différentes
de celles des loups 8c des renards, auxquels ils
reflemblent beaucoup à l’extérieur, 8c encore plus
à l’intérieur : mais en les élevant dans les maifons 8c
en en faifant des animaux domeftiques, on les a mis
à portée de montrer toutes leurs bonnes qualités.
Celles que npus admirons le plus, parce que notre
amour propre en eft le plus fla té', c’eft la fidelité avec
laquelle un chien refie attaché à fon maître ; il le fuit
par-tout ; il le défend de toutes fes forces ; il le cherche
opiniâtrement s’il l’a perdu de vue , 8c il n’abandonne
pas fes traces qu’il ne l’ait retrouvé. On en
voit fouvent qui refient fur le tombeau de leur maître
, 8c qui ne peuvent pas vivre fans lui. Il y a quantité
de faits très-furprenans & très-avérés fur la fidélité
des chiens,. La perfonne qui en eft l’objet, ne
pourroit.fe défaire de la compagnie de fon chien ,
qu’en le faifant mourir ; il fait la retrouver malgré
toutes les précautions qu’elle peut employer; l’organe
de l’odorat que les chiens paroiffent avoir plus fin
& plus parfait qu’aucun autre animal, les fert mer-
veilleufement dans cette forte de recherche, 8c leur
fait reconnoître le.s.traces de leur maître dans un chemin,
plufieurs jours après qu’il y a paffé, de même
qu’ils-diftinguent celles d’un cerf, malgré la legereté
& la rapidité de fa courfe', quelque part qu’il aille,
à moins qu’il ne paffe dans l’eau, ou qu’il ne faute
d’un rocher à l’autre, comme on prétend qu’il arrive
à quelques-uns de le faire, pour rompre les chiens.
Voyeç CERF/.: -
L ’odorat du chien eft un don de la nature : mais il
a d’autres qualités qui femblentvenir deféducation,
Sc qui prouvent combien il a d’inftinft, même pour
deschofes qui paroiffent être hors d_e fa portée; c’eft,
par exemple, de connoître à la façon dont on le regarde
, fuon eft 'irrité contré lui, & d’obéir au lignai
d’un fimplé coup-d’oeil, Enfin l’inftintt.des chiens
eft fi fur qu’on leur confie la conduite 8c la garde de
plufieurs autres animaux. IIslçs màîtrifent, cômme
û cet empiré -leur étoit.dû, & ils .les défendent avec
une ardeur & un courage qui leur fait affronter, les
loups les plus terribles. L’homme S’affocie les chiens
dans la pourfuitè desrbêtes Les plus féroces ; 8c même
il les commet à la garde de fa propre perfonne.
- C es mêmes animaux qui montrent tant de courage
8c qui employent tant de rufes lorfqu’ils chaffent,
font de là plus grande docilité pour leurs maîtres ',
8c fa vent faire mille gentilleffes, lorfque nous daignons
les faire fervir à nos amufëmens. Tant 8c de fi
bonnes qualités ont, pour ainfi dire, rendu les chiens
dignes de la compagnie des hommes; ils vivent des
relies de nos tables ; -ils partagent avec nous nos lo-
gemens ; ils nous accompagnent lorfque nous en for-
tons ; 'enfin Us favent plaire au point qu’il y a bien des
gehs qui en portent avec eux, 8c qui les font coucher
dans-lemême-lit. :: — " •- f >
t Les mâles s’accouplent en tout tems ; les femellles
font en chaleur pendant environ quatorze jours; elles
portent pendant foixante ou foixante 8c trois
jours, 8c elles rentrent en chaleur deux fois par an.
Le mâle 8c la femelle font fiés <8t retenus dans l’accouplement
par un effet de leur conformation ; ils
fe féparent d’eux-mêmes après un certain tems; mais
on ne peut pas les féparer de force fans les bleffer,
fur-tout la femelle ; ils font- féconds jufqu’à l’âge de
douze ans; mais il y en a beaucoup qui deviennent
ilériles à neuf ans. On qe doit pas leur permettre
do s’accoupler avant l’âge d’uni an, fi on veuç en
avoir des chiens qui ne dégénèrent point ; & Ce n’eft
qu’à quatre ans qu’ils produifent les meilleurs. Les
chiennes portent cinq ou fix petits à la fois. Il y en a
qui en ont jufqu’à douze, 8c même jufqu’à dix-huit
8c dix-neuf, &c. Il y a certains petits chiens qui n’en
font qu’un à la fois, ou deux 8c cinq au plus. Les
chiens naiflént les yeux fermés, 8c ils ne les ouvrent
qu’après neuf jours. La durée de leur vie eft pour
l’ordinaire d’environ quatorze ans ; cependant on en
a vu qui ont vécu jufqu’à vingt-deux ans. On recon-
noît l’âge à la couleur des dents 8c au fon de la voix*
Les dents jauniffent à mefure que les chiens vieillif-
fent, 8c leur voix devient rauque. On prétend qu’il
y en a eu qui fe font accouplés avec des loups, des
renards, des lions 8c des caftors : ce qu’il y a de certain
, c’eft que toutes les différentes races de chiens
appartiennent à une feule 8c même efpece, 8c fe perpétuent
dans leurs différens mélanges. Elles fe mêlent
enfemble de façon qu’il en réfulte des variétés
prefque à l’infini. Ces variétés dépendent du hafard
pour l ’origine, 8c de la mode pour leur durée. Il y a
des chiens qui font très-recherchés pendant un certain
tems ; on les multiplie le plus qu’on peut ; ils deviennent
un objet de commerce. Il en vient d’autres
qui font négliger les premiers, 8c ainli de fuite, fur-
tout pour les chiens d’amufement ; car pour ceux qui
ont des qualités réelles, qui fervent à la chaffe, ils
font conftamment perpétués; 8c on a grand foin
d’empêcher qu’ils ne fe mêlent avec d’autres, 8c qu’ils
ne dégénèrent. Voici les principales différences
que les gens qui fe mêlent d’élever des chiens pour en
faire commerce, reconnoiffent èntre leurs diverfes
races. Ils en font trois claffes ; ils mettent dans la première
, les chiens à poil ras ; dans la fécondé, les chiens
à poil long ; 8c dans la troifieme, ceux qui n’ont point
de poil.,.
Chiens à poil ras. Le dogue d'Angleterre ou le bouledogue
, eft un chien de la plus grande efpece, car il
faut fe permettre ce mot, quoiqu’impropre, pour
fe conformer à l’ufage ordinaire. Le dogue d’Angleterre
a la tête extrêmementgroffe, le mafque noir,
joufflu , 8c ridé-fur les levres; il porte bien fa queue
fur le dos ; fes os font gros ; fes mufcles bien appa-
rens ; il eft le plus hardi 8c lè plus vigoureux de tous
les chiens.
Le doguin d'Allemagne eft une forte de bouledogue
de la moyenne elpece; il n’eft pas de moitié, fi
haut que le dogue : il n’eft ni fi fort ni fi dangereux*
il a le mafque plus noir que le dpgue, 8c le nez encore
plus camus, le poil blanc ou ventre de biche; oh
coupe les .oreilles à toutes; lès-efpeces de dogues ou
doguins pour leur rendre la tête, plus ronde ; ils ne
font que d’une feule couleur qui yarie dans les différens
individus ;.il s ’en trouve, de couleur de ventre
de biche, de noifette, de foupe de lait, &c. Il y en a
quelques-uns.qui ont une raie noire ou noirâtre le
long dudos.
Le doguin de la petite efpece a la même figure que le
moyen; mais il n’eft pas..plus gros que le poing;: il
porte la queue tout-à-faitrecoquillée fur lè dos : plus
ces fortes de chiens font petits, camus, joufflus, maf-
i qués d’un beau.noir velouté ; plus ils font recherchés
pour l’amufement.
Le danois de carrojfe , ou le.danois, de la plus
grande efpece, eft de là hauteur du dogue d’Angleterre,
8c lui reffemble en quelque chol’e , mais il a
le mufeau plus long, 8c un peu effilé : fon poil eft:
ordinairement de couleur de noifette ou ventre de
biche; mais il s’en trouve aufli d’arlequins ou pommelés,
8c même de toutnoirs marqués de feu. l i a
le front large 8c élevé, 8c porte fa queue à demi re~
coquillée. Cette efpece de chiens eft très-belle 8c très-
recherchée. Les plus gros font les plus eftimés. On
leur coupe les oreilles ainfi qu’aux doguins, pour
leur.repdre, la- tête plus helle». En général on ôte les
oreilles à toits,les chiens à poil ras, excepté les chiens
de chaffe. )
Le danois de la petite efpece a le nez un peu pointu
à effilé là tête ronde, les yeux gros, les pattes fines
8c fechesA le corps court 8c; bien pris ; il porte bien
fa queue. Lès petits danois font fort amufans, faciles
à inftrtjire 8C a dreffer.
U arlequin eftune y ariété du petit danois ; mais au
lieu que les danois'font j>refçjue d’une feule couleur,,
les arlequîps font mouchetés, les uns blancs 8c noirs.,,
les autres blancs 8c çannelés, les autres d’autre couleur.
Le roquet eft une. efpece de danois ou d’arlequin,
qui a le nez court 8c retrpuffé.
h ’artois ou le quatre-vingts a le nez çamard 8c retrogne
, de gros y e u x , des oreilles longues 8c pendante^,
complexe braque ; fon poil eft de toute lotte
de copieurs ; mais plus fouvent brun 8c blanc. On-
pourroit .dreffer cette efpece de chiens.
Le grand levritr à poil ras eft prefqu’aufli grand
que le danois 4e earroffe ; il a les os menus, le dos
voûté , le ventre ereuifé^, les pattes feches, le mu-
fçau trcs:alongé , les oreilles longues 8c étroites,
couché&sffiir le cou lorfqu’il. court, 8c relevées au
moindre bruit : on le dreffe pour la chaffe ; il a très-
bon oe il, mais il n’a.ppint de fentiment. .
Le grand levrier à poil long eft un métis provenu
d’un-grand levrier à jîo ii ras 8c d’ifne épagneule' de
lg grande, efpeçe. l ia à-peu-près les..mêmesiqualités
que.leleViier à poil ra s , mais i f à un peu plus.de
fentimepty V
Le-février de la moyenne efpece a la même figure 8c
les mêmes qualités que le grand.
Le. levrier de la. petite efpece ne fert que d’amufement
; il e£î extrêmement rare, 8c le plus cher de
tous l$s{/ùens : on ne le recherche que pour fa figure
, c a r rij n’a pas fçulement l’iflftinft de s’attacher à
fon maître.
Le braque ou chien couchant eft ordinairement à
fond blanc taché de b.run ou de nojr ; la tête eft 'pref-
que. toujours .marquée fymmëtriquement. Il a l’oeil
de perdrix ., lps, oreilles plates., larges , longues 8c
pendantes, 8c le mufeau un peu gros 8c un peu long.
Le limier eft phis grand que le braque ; il a la tête
plus groffe, les oreilles plus épaiflès, 8c la queue
courte.
Le baffet eft un chien courant ; il eft long 8c bas fur
fes pattes : fes oreilles font longues, plates 8c pendantes.
0
, Chiens à poil long. Yd épagneul de la grande efpece a
le poil liffe 8c de moyenne longueur, les oreilles
longues 8c garnies de belle fo ie , de même que la
culotte 8c le derrière des pattes ; la tête eft marquée
fymmétriquement, c’eft-à-dire que le mufeau 8c le
milieu du front font blancs , 8c le refte de la tête
d’une aiitre couleur.
L'épagneul de la petite efpece a le nez plus court que
le grand, à proportion de la groffeur du corps ; les
yeux font gros & à fleur de tête , 8c la cravate eft
garnie de foie blanche. C ’eft de tous les chiens celui
qui a la plus belle têté ; plus il a les foies des oreilles
8ç de la queue longues 8c douces, plus il eft eftimé : il
eft fidele 8c careffant. Les épagneuls noirs 8c blancs
font .ordinairement marqués de feu fur les yeux.
. U épagneul noir ou gredin eft. tout noir, & à-peu-
près de même fervice que l’autre épagneul, mais il
eff beaucoup' moins docile.
On appellepyrames les gredins qui ont les fourcils
marqués de feu. On a obfervé que les chiens qui ont
ces fortes de marques ne valent pas les autres.
' Le bichon bouffé ou chien-lion tient du barbet 8c de
l’épagneul ; il a le nez court, de gros yeux, de grandes
foies liffes : fa queue forme un beau panache ; le
Tom I I f
poitrail eft garni de foie comme le derrière des pattes
, 8c les oreilles font petites.
Le chien - Loup ou chien de Sibérie, eft de tous les
chiens celui dont la figure eft la plus finguliere : il ƒ
en a de troisfortes de eouleurs, mais unifoïmes. Ils
(ont ou tout blancs y ou tout hoirs, ou tout gris : leur
groffeur eft médiocre ; ils ont les yeux affez petits ,
la tête longue, le mùfeait pointu, les oreilles courtes,
pointues 8c dreffées en cornet ; le poil court fur les
oreillesiy fur toute la ;têtë 8c aux quatre pattes ; le
refte du corps eft garni d’un poil liffe, doux, foyeux ,
long d’environ un demi-pié ils font extrêmement
doüx 8e careffans. '
Le barbet de la grande éfpeee a le poil long , coton-*’
neux 8c frifé ; lès oreilles charnues , 8c couvertes
d?un poil moins frifé, 8c plus long que celui du refte
du eofps.: il a 1a- tête ronde, les yeux beaux, le mü-
feau court 8c le corps trapu. Les barbets font ordi-
nairement très - àilës à dreffer : ils vont à l’eau : on
leur coupe le bout de la queue, 8c on les tond fymmétriquement
pour les rendre plus beaux & plus propres
: ce font de tous les chiens ceux qui demandent
le plus de foin.
Le barbet de la petite efpece reffemble àu grand
mais on ne le dreffe pas : il ne va pas à l’eau ; il eft
très-attaché à fon maître. Les barbets eh général
font les plus attachés de tous les chiens; on a des
exemples furprenans de leur fidélité & de leur inf-
tinft.
Chieris fans poil. Le chien turc eft le feul que nous
connoiflïons, qui n’ait point« de po il: il reffemble
beaucoup au petit danois : fa peau eft huiieufe.
Il y a des chiens qui n’ont le poil ni ras ni long ;
Ce font Ceux qu’on appelle chiens de forte race. Us
font de moyenne“ groffeur ; ils ont la tête'groffe, les
levres larges, le corps un peu alongé,' les oreilles
courtes & pendantes. Ces chiens} qui font les plus
communs à la campagne , h’ont rien de beau ; mais
ilsfont excellent p’ôiir l’iifage, pouf garder les cours r
les maifons, les écuries , 8e pour défendre du loup
les chevaüSc, les boeufs, 6*c. On leur met des collier
s'de fer garnis de pointes , pour les défendre du
loup.
Enfin Ort appelle mâtins ou chiens des rues, tous les
chiens qui proviennent de deux efpeces différentes
fans qu’on ait pris foin de les métifer exprès. On ne
les recherche pas pour leur beauté ; mais ils font ex-
cëllens pour garder, 8c quelquefois même pour la
chaffe ; d’autres poür fes troupeaux de moutons
félon le mélange dont ils proviennent. Voye^ Q uadrupède.
( J )
* C hiens , (Econom. rujliq.') On peut encore distribuer
les chiens relativement à leur ufage, 8c l’on
astrales chiens de baffe-cour, les chiens de chaffe, 8c les
chiens de berger.
Chiens de baffe-cour : ce font ceux qu’on employé
à la garde des maifons, fur-tout à la campagne. On
leur pratique une logé dans un coin d’une cour d’entrée
; on les y tient enchaînés le jour, la nuit on les
lâche. II faut que ces chiens foient grands, vigoureux
8c hardis ; qu’ils ayent le poil noir 8c l’abboi effrayant
, 8c qu’ils foient médiocrement cruels.
Chiens de chaffe. On employé à la chaffe des baf-
fets, des braques, des chiens couchants , des épagneuls,
des chiens courans, des limiers, des barbets,
des lévriers, &c.
Les baffets viennent de Flandre 8c d’Artois ; ils
chaffent le lievre & le lapin, mais fur-tout les animaux
qui s’enterrent , comme les blaireaux, les renards
, les putois, les foiiines, &c. Ils font ordinairement
noirs ou roux, 8c à demi-poil. Ils ont la
queue en trompe, les pattes de devant concaves en-
dedans : on les appelle aufli chiens de terre. Ils donnent
T t