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-fins ; maisils font meilleuts'poûr la guerre, fl vient du
Cor entm de très-beaux 8c très-bons chevaux de carrof-
•fe ; du Boulonois 8c de la Franche-Comté, de bons
chtvaux'àe tirage. En général, les chevaux de'France
'ont le défaut contraire aux barbes ; ceux-ci ont les
-épaules trop ferrées, les nôtres les ont trop groffes.
Des haras. La beauté & l'a bonté des chevaux répondront
toujours aux foins qu’on prendra des ha-
•ras. S’ils font négligés , les races s’abâtardiront ,'8c
les chevaux cèfferont d’être diftingués. Quand on a
'un haras à établir, il faut choifir un bon terrein 8c
un lieu convenable ; il faut que-ce lieu foit propor-
'tionné à la quantité de jumens 8c d’étalons qu on veiit
employer. On le partagera en plûfieurs parties, qu -
on fermera de palis ou de folles , avec de bonnes
haies ; on mettra les jumens pleines 8c celles qui alai-
tent leurs poulains, dans la partie oîi le pâturage fêta
le plus gras ; on fépafera celles qui n’ont pas conçu
ou qui n’ont pas encore été couvertes ; on les mêlera
avec les jumens poulines dans un autre parquet
où le pâturage foit moins gras , parce que fi elles
prenoient beaucoup d’embonpoint, elles en feroient
moins propres à la génération ; on tiendra les jeunes
poulains entiers ou hongres dans la partie du terrein
la plusfeche & la plus inégale, pour les accOutumet
à l’exercice & à la fobriété. Il feroit à defirer que le
terrein fût affez étendu , pour que chaque parquet
pût être diviféen deux, o û l’onenfermeroitalternativement
d’année en année des chevaux & des boeufs,
le boeufrépaferoitle pâturage que le cheval amaigrit.
Il faut qu’il y ait des mares dans chaque parquet, les
eaux dormantes font meilleures pour les chevaux que
les eaux vives ; il faut y laiffer quelques arbres , ce.
fera pour eux une ombre qu’ils aimeront dans les grandes
chaleurs. Il faudra faire arracher les troncs 8c les
chicots, & combler les trous: ces pâturages nourriront
les chevaux en été. Ils pafferont l’hyver dans les
écuries, fiir-tout les jumens 8c les poulains. On ne
fortira les chevaux que dans les beaux jours feule-'
ment. On les nourrira avec le foin ; on donnera de la
paille 8c du foin aux étalons ; on exercera ceux-ci
modérément jufqu’au tems de la monte ,qui les fatiguera
affez. Alors on les nourrira largement.^
Des étalons & des jumens poulinières. Dès l’âge de
deux ans ou deux ans & demi, le cheval peut engendrer.
Les jumens, ainfi que toutes les autres femelles,
font’encore plus précoces : mais on ne doit permettre
au cheval de trait l’ufage de la jument, qu à
quatre ans ou quatre ans 8c demi, 8c qu à fix ou fépt
ans aux chevaux fins. Les jumens peuvent avoir un
-an de moins. Elles font en chaleur au printems, depuis
la fin de Mars jufqu’à la fin de Juin ; le tems de
la plus forte chaleur ne dure guere que quinze jours
ou trois femaines. L’étalon qu’il faut avoir alors à
leur donner, doit être bien choifi, beau, bien fa it ,
relevé du devant ; vigoureux, fain par tout le corps,
de bon pays.
Si l’on veut avoir des chevaux de felles fins & bien
faits, il faut prendre des étalons étrangers, comme
arabes, turcs, barbes, chevaux d’Andaloufie ; ou à
leur défaut, chevaux anglois ou napolitains : ils donneront
des chevaux fins avec des jumens fines, & des
chevaux de carroffe avec des jumens étoffées. On
pourra prendre encore pour étalons des danois, des
chevaux de Holftein, deFrife : on les choifira de belle
taille ; il faut qu’ils ayent quatre piés hu it, neuf,
dix pouces , pour les chevaux de felle, & cinq pies
pour le carroffe. Quant au p o il, on préférera le noir
de jais , le beau gris , le b a i, l’alfan, l’ifabelledore,
avec la raie de mulet, les crins & les extrémités
noires^ tous les poils mal teints & d’une couleur lavée
doivent être bannis des haras, ainfi que les chevaux
à extrémités blanches. ^ r
Outre les qualités extérieures, il ne faut pas ne-
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gligerles autres. L’étalondoit être courageux,
cile , ardent, fenfible, agile , libre des épaules , fût
des jambes , fouple des hanches, &c. car le chevdl
"communique par la génération prefque toutes fes
bonnes 8c mauvaifes qualités naturelles 8c acquifesv
On prendra les jumens bonnes nourrices ; il faut
qu’ elles ayent du corps 8c du ventre. On donnera à
l’étalon des jumens italiennes & efpagnoles, pouf
■ avoir des chevaux fins ; on les lui donnera normandes
ou angloifes -, pour avoir des chevauxde -carrof-
f e .:Il n’eft pas inutile defavoir, i° .q ü e dans lèse Ac-
vaux on croit que le mâle contribue plus à la génération
que la femelle, 8c que les poulains reffem*
blent plus au pere qu’à la mère: z°. que les haras
établis dans des terreins fecs & légers, dorment des
chevaux fobres , légers, vigoureux, à jambe nerveu-
fe , à corne dore ; au lieu que dans les pâturages gras
8c humides, ils ont la tête groffe, le corps épais, les
jambes chargées , la corne mauvaifë, le pié plan
3°. que de même qu’on change lès graines de ter-
reins pour avoir de belles fleurs , il faut pour avoir
de bons chiens 8cde beaux chevaux , donner aux femelles
des mâles étrangers; fans quoi la race s abâtardira.
Dans ce croifement des races, il.faut corriger les
défauts les uns par les autres ; quand je dis les défauts>
f enteüs ceux de la conformation extérieur?, ceux du
caraftere > ceux du climat, 8c les autres , & donner
à la femelle qui peche par un défaut , un étalon qui
peche par l’excès. L’ufage de croifer les races, meme
dans l’efpecc humaine,qu’on ne fonde que fur des
vûes politiques, a peut-être une origine beaucoup
plus certaine 8c plus raifonnable. Quand on voit
chez les peuples les plus grofliers 8c les plus fàuva-
* g es , les mariages entre proches parens fi rarement
permis , ne feroit-ce pas que , par une expérience
dont on a perdu toute mémoire, les hommes auroient
connu de très-bonne heure le mauvais effet qui réful-
teroit néceffairement à la longue de la perpétuité des
alliances du même fang ? V9ye^ , dans le 3e volume
de Vhijioire naturelle de MM. de Buffon & Daubenton,
âu chapitre du cheval, des conjeftures tres-profondes
furlacaufë de cet effet, & une infinité de chofes excellentes',
qu’il ne nous a pas été poflible de faire entrer
ni par extrait, ni en entier dans cet article : par
extrait, parce que belles également par-tout , il nous
étoit impoflible de choifir ; en entier, parce qu’elles
nous auroient mené trop au-delà de notre but. Il faut
dans Tâccouplement des chevaux, affortir les poils ,
les tailles j oppofer les climats , contrafter les figures,
& écarter lés jumens à queue courte ; parce que
ne pouvant fe défendre des mouches, elles fe tourmentent
& ont moins de lait. Il feroit à propos d’en
' avoir qui enflent toûjours pâturé, 8c qui n’euffent
jamais fatigué.
Quoique la chaleur foit depuis le commencement
d’Avril jufqu’à la fin de Juin, cependant il y a des jumens
qui avancent & d’autres qui reculent. Il rie faut
point expofer le poulain à naître' ou dans les grands
froids, dû dans les grandes chaleurs.
Lorfque l’étalon 8c les jumens feront choifies, on
aura un autre cheval entier qui ne fer vira qu’à faire
connoître les jumens qui feront en chaleur, ou qui
contribuera feulement à les y faire entrer ; on fera
paffer les jumens les unes après les autres devant ce
cheval ; il voudra les attaquer toutes ; celles qui ne
feront pas en* chaleur, fe défendront ; les autres fe
laifferont approcher: alorsônluifubftitueral’étalon.
Cette épreuve eft bonne, fur-tout pour connoître la
chaleur des jumens qui ri?ônt pas encore produit.
Quand on mènera l’étalon à la jument, on commencera
par le panfer : il faudra que la jument foit
propre 8c déferrée des piés de derrière, de peur qu’étant
chatoüilleufe, elle ne rue : un homme la tiendra
par un licol > deux autres conduiront l’étalon par des
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longes ; quand il fera en fituation, on aidera à l’accouplement
en le dirigeant, & en détournantla queue
de la jument : un crin qui s’oppoferoit pourroit bief-
fer l’étalon, 8c même dangereufement. Il arrive quelquefois
que l’étalon ne confomme pas : on le connoî-
tra fi le tronçon de fa queue n’a pas pris un mouvement
de balancier : ce mouvement accompagne toûjours
l’émiflion de la liqueur féminale. S’il a confom-
mé, il faudra le ramener tout de fuite à l’écurie, &
l’y laiffer j ufqu’au fur-lendemain. Un bon étalon peut
couvrir une fois tous les jours pendant les trois mois
que dure la monte ; mais il vaut mieux le ménager,
& ne lui donner une jument qu’une fois tous les deux
jours.
On lui préfentera donc dans les fept premiers jours
quatre jumens différentes. Le neuvième jour on lui
ramènera la première ; 8c ainfi des autres,tant qu’elles
feront en chaleur. Il y en a qui retiennent dès la première
, la fécondé, ou la troifieme fois. On compte
qu’un étalon ainfi conduit, peut couvrir quinze ou
dix-huit jumens, 8c produire dix à douze poulains
dans les trois mois de cet exercice. Dans ces animaux
la quantité 8c l’émiflion de la liqueur féminale
eft très-grande. Il s’en fait aufli une émiflion ou ftil-
lation dans les jumens. Elles jettent au-dehors une
liqueur gluante & blanchâtre qu’on appelle des chaleurs
, & qui difparoît dès qu’elles font pleines. C ’eft
à cette liqueur que les Grecs donnoient le nom
iïhippomane de la jument, 8c dont ils faifoient des
filtres. Voye^ Hip poman e. Onreconnoît encore la
chaleur de la jument au gonflement de la partie inférieure
de la v u lve , aux henniffemens fféquens, 8c
à l’ardeur avec laquelle elle cherche les chevaux.
Au lieu de conduire la jument à l’étalon, il y en
a qui lâchent l’étalon dans le parquet, 8c l’y laiffent
choifir celles qui ontbefoin de lui: cette maniéré eft
bonne pour les jumens, mais elle ruine l’étalon.
Quand la jument a été couverte par l’étalon, on
la ramene au pâturage fans autre précaution ; peut-
f tre retiendroit-elle mieux, fi on lui jettoit de l’eau
fraîche , comme c’eft l’ufage de quelques peuples. Il
faut donner la première fois à une jument un gros
étalon ; parce que fans cela, fon premier poulain
fera petit : il faut aufli avoir égard à la réciprocité
des figures, corriger les défauts de l’étalon ou de la jument
par le contrafte, comme nous avons dit, 8e ne
point faire d’accouplemens difproportionnés.
Quand les jumens font pleines, 8c que le ventre
commence à s’appefantir, il faut les féparer des autres
qui pourroient les bleffer ; elles portent ordinairement
onze mois 8c quelques jours ; elles accouchent
debout, au contraire de prefque tous les
autres quadrupèdes. On les aide en mettant lie poulain
en fituation ; 8e quelquefois même, quand il eft
mort, on le tire avec des cordes. Le poulain fe préfente
là tête la première, comme dans toutes les ef-
peces d-’animaux ; il rompt fes enveloppes en for-
tant ; les eaux s’écoulent ; il tombe en mêitië tems
plufieùrs morceaux folides qu’on appelle Ykippo-
manedu poulain : la jument lèche le poulain, mais
ne touche point à l’hippomane.
Quand on veut tirer de fon haras tout le produit
poflible, on peut faire couvrir la jument neuf jours
après qu’elle a pouliné ; cependant nouriffant fon
poulain rié 8c fon poulain à naître dans le même
tems, fes forces feront partagées ; 8c il vrâudroit
mièux ne laiffer couvrir les jumens que de deux années
Fiine.
Elles fouffrent l’accouplement, quoique pleines ;
mais fl n’y a jamais de fuperfétation. Elles portent
îufqu’à l’âge de quatorze ouquinze ans ; les plus
yigoureufes font feçondes jufqu’au-delà de dix-huit ;
les chevaux jufqu’à Vingt ; 8c même- au-delà. Ceux
gui pnt commencé dç bonne heure 3 finiffent plutôt.
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Des poulains. Dès le tems du premier âge, on fé-
pare les poulains de leurs meres : on les laiffe teter
cinq, fix, ou tout au plus fept mois. Ceux qu’on ne
fevre qu’à dix ou onze mois ne font pas fi bons ,
quoiqu’ils prennent plus de chair 8c de corps. Après
les mois de lait, on leur donne du fon deux fois par
jour avec un peu de foin, dont on augmente la
quantité à mefure qu’ils avancent en âge. On les
tient dans l’écurie tant qu’on leur remarque de l’inquiétude
pour leurs meres. Quand cette inquiétude
eft paffée, 8c qu’il fait beau, on les conduit aux
pâturages. Il ne faut pas les laiffer paître à jeun ; il
faut leur avoir donné le fon, 8e les avoir abreuvés
une heure avant que de les mettre à l’herbe, 8c ne
les expofer ni à la pluie, ni au grand froid.
Ils pafferont de cette maniéré le premier hyver.
Au mois de Mai fuivant, on leur permettra tous les
jours les pâturages ; on les y laiffera coucher pendant
l’été jufqu’à la fin d’O&obre, obfepfant de les écarter
des regains, de peur qu’ils ne s’a«oûtument à cette
herbe trop fine, 8c ne fe dégoûtent du foin. Le foin
fera leur nourriture principale pendant le fécond
hyver , avec du fon mêlé d’orge ou d’avoine moulus.
On les dirigera de cette maniéré, les laiffant
paître le jour pendant l’h y v e r , la nuit pendant l’été
, jufqu’à l’âge de quatre ans qu’on les tirera du
pâturage pour les nourrir à l’herbe feche. Ce changement
de nourriture demande quelque précaution.
On ne leur donnera pendant les huit premiers jours
que de la paille ; d’autres y ajoûtent quelques breuvages
contre les vers. Mais à tout âgé 8c dans tous
les rems, l’eftomac de tous les ch&vaux eft farci d’une
fi prodigieufe quantité de vers, qu’ils femblent
faire partie de leur conftitution. Ils font dans les chevaux
fains comme dans les chevaux malades ; dans
ceux qui paîffent l’herbe comme dans ceux qui ne
mangent que de l’avoine 8c du foin. Les ânes ont
aufli cette prodigieufe quantité de v ers, 8c n’en font
pas plus incommodés. Ainfi peut-être ne faut-il pas
regarder ces vers comme une maladie accidentelle,
comme une fuite des mauvaifes digeftions , mais
plutôt comme un effet dépendant delà nourriture ÔC
de là digeftion ordinaire de ces animaux.
C ’eft à deux ou trois ans, félon l’ufage général,’
8c dans certaines provinces, à un an ou dix-huit
mois qu’on hongre lès poulains. Pour Cette opération,.
on leur lie les jambes ; on les renverfe fur le
d o s ; on ouvre les bourfes avec un biftouri ; on en
tire les tefticules ; on coupe les vaiffeaux qui y
aboutiffent, 8c les ligamens qui les foûtiennent ; on
referme la plaie ; où fait baigner le cheval deux fois
par jour pendant quinze jours ; on l’étuve fouvent
avec de l’eau fraîche, 8c on le nourrit avec du fon
détrempé dans beaucoup d’eau : on ne hongre qu’au
printems 8e en automne. Onn’hongre point en Perfe ,
en A rabie, 8c autres lieux du Levant. .Cette opération
ôte aux chevaux la force, le courage, la fierté,
&c. mais leur donne de la douceur , de la tranquillité,
de la docilité. L’hongre peut s’accoupler, mais non
engendrer. Voyeç l ’article .C h â t r e r .
Quand on a fevré les jeunes poulains, il faut les
mettre dans une écurie qui ne foit pas trop chaude,
de peur de les rendre trop fenfibles aux impreflions
de l’air- ; leur donner fouvent de la litiere fraîche ,
les bouchonner de tems en tems, mais ne les attacher
8c panfer à la main qu’à l’âge de deux ans &
demi ou trois ans ; un frotement trop rude lqs feroit
dépérir. Il ne faut pas leur mettre le râtelier trop
haut * de peur qu’ils n*en contractent l’habitude de
tenir mal leur tête. On leur tondra la queue à un an
•ou dix-huit mois ; on les féparera à l’âge de deux
ans ; on mettra les femelles avec les jumens, 8c les
mâles avec les chevaux.
Dfejfer u n cheval, C’eft à l’âge de trois ans ou