
on prend vingt-quatre livres de la plus belle fleur de
b lé , dix livres d’alun, & trois livres de fel ; on fait
fondre l’alun avec le fel en particulier, dans un petit
feau d’eau chaude ; on a dix douzaines de jaunes
d’oeufs, 6c trois livres d’huile d’olive : on fait de l’alun
fondu avec le fel & de la farine, une pâte; on
répand l’huile d’olive fur cette pâte; on délaye bien
le tout enfemble : quant aux jaunes d’oeufs, il ne faut
les mêler à la pâte délayée, que quand elle n’eft pref-
que plus chaude, & avoir loin d’en rendre le mélange
très-égal. Quant à fa confiftence , il ne la lui
faut pas fi grande que celle du miel ;il lui faut un peu
plus :de fluidité.
Si l’on a dix douzaines de peaux, on les divisera
en cinq parties égales, qu’on appellepaffées, de deux
douzaines chacune ; & quant à la quantité de pâte
ou fauce qu’on aura préparée, on la divifera aufli en
cinq parties bu platées. Pour paffer, on prendra une
des platées, qu’on divifera encore en deux demi-
platees ; on aura un cuvier affez grand pour que la
peau y puiffe être étendue ; on aura près de foi les
deux douzaines de peaux ; on aura fait tiédir à-peu-
près trois fois autant d’eau qu’on aura defauce, c’eft-
à-dire la valeur de trois demi-platées:on mêlera cette
eau tiede avec la demi-platée de fauce; on remuera
bien le tout ; on mettra alors les deux douzaines de
peaux, où l’on aura répandu fon mélange ; on les y
trempera bien : pour cet effet, on y agitera les peaux
jufqu’à ce qu’elles ayent bû toute ta fauce. Pendant
cette manoeuvre, le cuvier eft incliné en-devant ; &
la manoeuvre fe fait dans la partie baffe du cuvier.
Quand elle eft faite on prend les peaux, & on les repouffe
à la partie fupérieure du rond, qui forme un
plan incliné : là elles s’égouttent, 6c ce qui en fort fe
rend à la partie inférieure.
Quand elles font fuffifamment égouttées, on prend-
l’autre demi - platée, on y ajoûte à-peu-près deux
fois autant d’eau tiede ; on met le tout dans le même
cuvier où font les peaux ; on remue bien ; puis on
prend chacune des peaux déjà paffées & qu’on a mir
fes égoutter à la partie fupérieure du fond du cuvier,
l’une après l’autre ; on tient étendue avec les deux
mains celle qu’on a prife, & on la trempe trois ou
quatre fois dans la fauce, en l’y frotant bien. On
met enfuite cette peau trempée ou paffée, dans un
autre endroit de la partie fupérieure du fond du cuvier
: on prend une autre peau ; on l’étend avec les
mains : on la trempe trois ou quatre fois en la frotant
bien dans la fauce, & on la met fur la première
; & ainfi de fuite jufqu’à ce que toute la paffée
foit finie. Quand toute la paffée eft finie, on ramene
toutes les peaux du haut du fond du cuvier, dans
le b a s , & on leur fait achever de boire toute la
fauce.
Quand les cinq paffées font faites, on les met
toutes enfemble dans un cuvier, 6c on les foule,
foit avec les piés, foit avec des pilons : cette foule
dure environ un quart-d’heure. Quand on a bien foulé
les peaux, on les laiffe repofer dans le cuvier jusqu’au
lendemain. Le lendemain, s’il fait beau, on
les étend au foleil; s’il fait laid, on les laiffe dans
le cuvier à la fauce, où elles nefouffrent point: elles
y peuvent relier jufqu’à quinze jours : fi elles ne peuvent
pas fécher dans un même jour, on les remet dans
la fauce.
Quand elles font feches, ce qui ne demande qu’un
jour quand il fait très-beau, on tire environ une di-
xaine de féaux d’eau, qu’on met dans un cuvier ; on
prend les peaux feches par deux douzaines, 6c on les
plonge dans l’eau, d’où on les retire fur le champ ,
de peur quelles n’en prennent trop. Quand elles
n’en ont pas affez pris, on les y replonge une fécondé
fois ; puis on les broyé ou foule aux piés fur une
claie qui eft à terre : dix douzaines de peaux ne fe
broyent pas en moins de trois heures.
Quand elles font broyées, on les laiffe repofer juf-
qu’au lendemain. Le lendemain, on leur donne encore
un coup de pié ; puis on les ouvre fur le palif-
fon du côté de la chair : on les fait fécher enluite ,
en les étendant dans le grenier. Voye^ Plan, du Mè-
gi jîer, ces peaux étendues dans le grenier. On en ouvre
douze douzaines en un jour.
On les laiffe étendues dans le grenier jufqu’au lendemain
; puis on les broyé encore fortement fur la
claie. On les redreffe enfuite fur le paliffon du côté
de la chair ; un ouvrier en peut redreffer jufqu’à quinze
douzaines en un jour. Quand elles font redreffées,
on les pare à la_ lunette, toûjours du côté de la chair.
Ce qui s’en détache à la lunette, s’appelle du parun ,
& fe vend aux Cordonniers & aux Tifferands., aux
Carriers qui en font de la colle. Le parun eft blanc
comme de la farine, fi le pareur eft un ouvrier propre
; mais il n’eft pas aufli fin.
Nous n’avons pas infifté ici fur ce que c’eft que
redreffer au paliffon , ouvrir fur le meme inflrument, &
parer à la lunette, ces opérations fe trouvant expliquées
plus au long dans la première partie de cet art
icle, où. nous avons traité de l’art du Chamoifeur.
La police a pris quelques précautions contre la
corruption de l’air qui peut être occafionnée par
le travail des peaux paffées, foit en huile, foit en
blanc, ou en mégie. La premieré, c’eft d’ordonner
à ces ouvriers d’avoir leurs tanneries hórs du milieu
des villes : la fécondé, de fufpendre leurs ouvrages
dans les tems de contagion ; 6c la troifieme, qui eft
particuliere peut-être à-la ville de Paris, c’eft de ne
point infeéler la riviere de Seine, en y portant leurs
peaux.
Quant à leurs réglemens, il faut y avoir recours ,
li l’on veut s’inftruire des précautions qu’on a pri-
fes,. foit pour la bonté des chamois vrais ou faux,
foit pour le commerce des laines : voye^ auff C article
Mé g is s ie r . Nous avons expofé l ’art de Mègifferic
6c de Chamoi/irie, avec la derniere exaéritude : on
peut s en rapporter en fureté à ce que nous en venons
de dire ; le peu qu’on en trouvera ailleurs, fera
très-incomplet & tres-inexa£l. Si la manoeuvre varie
d un endroit à un autre, ce ne peut être que dans
des circonftances peu effentielles, auxquelles nous
n’avons pas crû devoir quelque attention. Il fuffit
d’avoir décrit exactement un art tel qu’il fe pratique
dans^ un lieu, & tel qu’il fe peut pratiquer par-tout.
Or c eft ce que nous venons d’exécuter dans cet article
, qu on peut regarder comme neuf; mérite que
nous tacherons de donner a tous ceux qui luivront
fur les Arts, dans les troifieme, quatrième, &c. v o lumes,
comme nous avons fait dans les deux premiers
; ce qui n’étant la partie de ce Dictionnaire ni
la moins difficile, ni la moins pénible, ni la moins
étendue , devroit être principalement examinée par
ceux qui fe propoferont de juger de notre travail fans
partialité..
CHAMOND, ( sa in t ) Géog. mod, petite ville de
France dans le Lyonnois, au bord du Giez.Long. 22.
8. lat. 4Ó. 28.
* CHAMOS, f. m. (Mytk.) nom d’une idole des
Moabites ; d’autres l’appellent Chemosh : Voflius dit
que c’eft le Cornus des Grecs 6c des Romains : Bo-
chard le confond avec leur Mercure, fur des conjectures
érudites que nous ne manquerions pas de
rapporter, fi nous voulions donner un exemple de ce
que la multitude des connoiffances fournit de com-
binaifons fingulieres à l’imagination, 6c de ce qu’on
ne parviendroit pas à démontrer par cette voie. Ce
fouverain des Hébreux qui eut une fageffe à l’épreuv
e de tout, hors des femmes, Salomon, eut la com-
plaifance pour une de fes maîtreffes moabite, d’éle-
Ver. des autels à Chamos. Il y en a qui croyent que ce
Chatnos eft le même que Moloch: fentiment qui différé.
beaucoup de l’opinion de Nicétas, qui prétend
que l’idole Chamos étoit une figure de Venus.
CHAMOUZAY, ( Géog. mod. ) petite ville de
France en Lorraine.
* CHAMP, f. m. fe dit au fimple d’un éfpace de
terre cultivée,plus ou moins grand : plufieurs champs
forment la piece de terre ; plufieurs pièces forment
un territoire. Comme les ferres cultivées font ordinairement
hors de l’enceinte des villes, bourgs , 6c
villages, on entend par aller dans les champs, fepro*
mener dans Us champs, parcourir par exercice les terres
cultivées qui font aux environs dès habitations.
On dit aller aux champs, pour menerpaîtreles befiiaux',
Si le Taffe, Virgile, & Ronfard , font des dîtes ,
Sans perdre en vains difcour s le tems que noiisper*
dons,
■ Allons aux champs comme eux , <5* mangeons des
chardons.
D e cette acception du mot champ ouefpace de terre
ouvert de tout cô té , on en a dérivé un grand
nombre d’autres. Exemples.
* C hamp , (Hif.anc.) c’étoitun lieu ouvert dans
la campagne où les jeunes gens s’affembloient pour
y faire leurs exercices, 6c y célébrer certains ipec-
tacles , S’c. 6C où les citoyens tenoient aufli leurs
comices, ou les affemblées dans lefquelles il s’agif-
foit de délibérer de quelque affaire publique. On
comptoit à Rome un grand nombre de champs i il y
avoit le champ d’Agrippa, le champ Brutien,le Caude-
tan, le Lanatarius, le Martius, le Pecuarius, le Seta-
rius, le Viminalis, &c. mais par le nom de champ
fans addition,on entendoit toûjours le champ de Mars
Le campus Agonius étoit fitué entre la vallée Mar-
iia & le cirque de Flaminius:ce n’étoit qu’un marché.
Le champ dlA grippa étoit dans la feptieme région
de la v ille , entre le capitole & ce qu’on appelle aujourd’hui
le collège romain.
Le champ Brutienou Bryûen étoit dans la quatorzième
région de la v ille , au Janicule, près du faux-
bourg Brutianus, à peu de diftance des murs de la
ville. Il avoit été ainfi nommé des Brutiens, ou,comme
d’autres le prétendent, d’un Brutus qui l’a voit
fait orner.
Le Caudetanus fe trouvbit auffi dans la quatorzième
région, 6c avoit été ainfi nommé d’un petit
bouquet de bois, entre léqttei on imagina quelque
reffemblance avec la forme de la queue d’un cheval.
Le Coelimontanus étoit dans la fécondé région ;
on en ignore la place , à moins que ce cha/np n’ait
été le même que le campus Martialis.
IdEfquilinus étoit dans la cinquième région, au
haut du mont Efquilin, où l’on étoit dans l’ula ge d’enterrer
la populace & les pauvres : Pantolabum feur-
ram, Nomentanumque nepotem. Le champ Efquilin
fut hors de la ville jufqu’au tems de ServiusTuIlius,
fous lequel il y fut réuni : on y éleva dans la fuite
des édifices, 6c Mécene finit par en faire fes jardins
, ainfi qu’Horace nous l’apprend dans la fatyre
Olim truncus eram , & c. où l’on voit encore, que c’é-
toit -là que les magiciens alloient faire leurs incantations
noéturnes.
Le Figulinus étoit dans la treizième région, entre
le Tibre & lë mont Aventin:il a pris fon nom des
potiersqui habitoient ce quartier.
. Le campus Flora ou champ-dé Flore, étoit dans la
neuvième région : ce fut là qu’on bâtit le théâtre de
Pompée : on y publioit les lois, les édits, 6c les réglemens
du fenat ; on y célébroit les jeux appellés
floralia cn l’honneur d’une des affranchies de Pompée
, d’où il fut appellé campus fora ; ou d’une courû
t 116 de l’ancienne Rome; qui avoit amaffé affez
Tome I I I , ‘
1 d’àrgent pour fonder dés jeutf en fa mémoire. Ces
jeux furent inftitués ; mais dans la fuite des tems, la
gra vité romaine offenfée de fesfêtes, tâcha d’en abolir
la honte, en les perpétuant non à l’honneur de la
coürtifane, mais delà déeffeçles fleurs ; cependant
les jeux continuèrent toûjours à fe ;reffenrir de leur
première inftitution,par la liberté des aérions & des
paroles qui y regnoient.,
Le campus Horatiorum ; on n’erî counoît pas la
place : c’étoit peut-être l’endroit du combat des Ho-
races 6c des Curiaces.
Le campus Jovis-,cyeû-, félon quelques-uns, le même
que le campus Martius major, où Jupiter vengeur •
avoit en effet fon temple : d’autres au contraire ,
veulent que ce fut le campus Martius minor,- où,il.y
avoit une ftatue coloffale de Jupiter.
Le Lanatarius étoit dans la douzième régioii ; il
fut ainfi nommé, à ce qu’on dit, des marchands de
laine qui y étoient établis ou qui s’y affembloient.
Le campus Martialis étoit dans la fécondé région
fur le mont Coelius. Il fut nommé martialis, de Mars
dont on y célébra les equiria lorfque lè 'Champ de
Mars fut inondé parle Tibre. C’en actuellement la
place de devant l’Eglife de S. Jean de Latran.
Le campus Martius , champ de Mars, qui fe nôm-
moit par excellence campus ou campus Martius major,
pour le diftinguer du campus Martius minor,êtoit dans
là neuvième région; il fut confacré à Mars par Ro-
mulus même, fuivant quelques-uns ; & fuivant d’autres,
par le peuple après l’expulfion de Tarquin le fu-
perbe, qui fe rétoit approprié & qui le faifoit Cultiver.
Q uoi qu’il en fo it , ce n’étoit dans les commen-
. cemens qu’une prairie où la jeuneffe romaine àllôit
s’exercer, 6c où l’on faifoit paître les chevaux ; les
Romains en firent dans la fuite un des principaux
lieux de leurs affemblées, & un des endroits de Rome
les plus remarquables par les décorations. Il s’é*
tendoit depuis la porte Flaminia jufqu’au Tibre , &
compfenoit ce qu’on appelle aujourd’hui la place Bor-
ghefe, le Panthéon, les places di Carlo Farnefe, di
Ponti, di Narone, Nicofea, &c. avec la longue rue
di Scrofa, 6c l’entrée du pont S. Ange. Il étoit hors de
la ville ; Jules Céfar eut ledeffeiride l y renfermer;
mais Aurélien paffe pour l’avoir exécuté, en condui-
fant les murs de la ville depuis la porte Colline jusqu’au
Tibfe.Ce champ étoit très-beau par fa fituation,
c’étoit le lieu des exercices militaires. Ony lu ttoit ;
lorfque les jeunes gens étoient couverts de fueur &
depouffiere, ils fe jettoient dans le Tibre qui l’ar-
rofoit. C’étoit-là que fe tenoient les comices ou affemblées
générales du peuple. Plufieurs grands hommes
y avoient leurs fépultures. Les ftatues y étoient
fi nombreufes, que pour en peindre l’effet, les auteurs
ont dit qu’on les eûtprifes de loin pour une armée.
L’empereur Augufte y avoit fon tombeau ; il
étoit encore remarquable par un obélifque furmonté
d’une boulé dorée qui fervoit de gnomon à un cadran
folaire. Cet obélifque, après avoit refté pendant
plufieurs fiecles enfèveli fous les ruines de l ’ancienne
Rome 6c fous les maifons de la Rome nouvelle
, futrelevé par les foins de Benoît XIV, aujourd’hui
régnant. Ce pontife acheta toutes les maifons
qui le couvroient, & le rétablit dans fon ancienne
lplendeur. Le campus Martius comprenoit différens
portiques, la villapublica, le Panthéon, les thermes
Néroniens, les thermes d’Agrippine, le théâtre de
Pompée, le cirque Flammien, la colonne, d’Anto-
nin , la bafilique d’Antonin , le Deribitorium , différens
temples, & une infinité de çhofes remarquables.
C’eft aujourd’hui un des quartiers de Rome les
plus habités.
Lc campus Martius minor étoit une partie du cam»
pus Martius major, 6c la même chofe que le campus
Tiberinus, qui avoit été donné au peuple par Caia
K ij