
•dont l’origine & la culture me fourniront plulieUrs
détails fort intéreffans.
Le champignon ordinaire eft le fungus fativus equi-
nusy Tournef. Fungus carnpeftris, efculentus, vulgatijfi-
mus, Parifienf. Fungus pileolo lato & rotundo, C . B. P.
370. J. R. H. 556. Fungus carnpeftris, alhus fupernè,.
inferné rubens, J. B. 3. 824. Fungi vulgatijjimi efcu-
Unti y Lob. Jeon. 271. IX. Genus efcuUntorum fungo-
rum, Cluf. hift. 268.
II eft rond & en bouton, quand il commence à
pouffer ; enfuite il fe développe , & laiffe voir en-
cleffous plufieurs membranes ou feuillets minces,
rougeâtres, fort ferrés ; il eft liffe, égal , & blanc en-
deflus ; d’une chair très-blanche portée fur fin pédi-
cule court & gros ; d’une bonne odeur & d’une bonne
faveur en fortant de terre : c’eft pourquoi il faut
le cueillir avant qu’il fe développe ; car étant vieux
il,eft dangereux , & acquiert une odeur forte & une
couleur brune. Cette eïpece de champignon eft très-
commune dans les forêts & dans les pâturages ; elle
vient naturellement, & fur-tout après la pluie. On
la cultive dans les jardins potagers des fauxbourgs de
Paris & de Londres , fur des couches de fumier de
-cheval mêlé de terre, faites avec beaucoup d’art &
de foin ; & elle vient eh grande abondance fous le
n.om de champignon de couches. .
La maniéré dont on les éleve, prouve le fentiment
que nous avons embraffé ci-deffus, qu’ils naiffent
de graines, comme toutes les autres plantes. M. de
Tournéfort en fait un récit trop inftruâif dans les
■ mémoires de F academie des Sciences, année t jo y , pour
n’en pas donner ici l’extrait.
Ceux qui font curieux d’avoir des champignons
■ pendant toute l’année, font pour cela des couches de
crotin de cheval qu’on entaffe dans le mois de Juin,
pour le laiffer en berge , comme parlent les Jardiniers,
jufqu’au mois d’Août. • Dans le mois d’Août
on étale ce fumier à la hauteur d’ùn pié fur le lieu
oit l’on veut faire les meules où'couches à. champignons,
qui font naturellement dans le crotin : c ’eft
pour cette raifon qu’on l’humeûe pendant cinq ou
fix jours, fuivant la fëchefèfle de Tété ; prenant foin
de le tourner à la fourche.après l’avoir mouillé, afin
qu’il s’imbibe également d’eau.
Après cette préparation du fumier, on peut commencer
les couches à champignons. On les fait à trois
lits, que l’on ne dreffe que quinze jours ou trois fe-
maines l’un après l’autre. Le premier lit fe dreffe au
cordeau, fans tranchée ; il doit avoir deux piés &
demi dé largeur fur la longueur que l’on juge à propos.
Ce lit eft plat, élevé d’un pié & demi ; mais il ne
faut pas que le fumier qui déborde fur les côtés foit
rendoublé avec la fourche, parce que les couches fe
deffécheroient trop dans ces endroits-là. Pour rendre
les couches plus folides, on mêle avec le vieux fumier
un peu de crotin 'frais fortant de l’écurie. Ce
premier lit doit être mouillé tous les deux jours , li
le tems eft trop fec.
Vers la mi-Août, c’eft-à-dire quinze jours après
que le premier lit a été fa it , on travaille au fécond
lit avec le même crotin que l’on a employé pour le
premier, & que l’on a préparé en l ’arrofant fuivant
le befoin. On éleve ce lit en dos d’âne de la hauteur
d’un pié par-deffus l’autre ; on le mouille pour entretenir
la moelle de la couche, c’eft-à-dire pour
fournir une humidité raifonnable au milieu de la cou- ;
che : on prend foin d’en regarnir proprement le haut
en maniéré de faîte , & cette réparation s’appelle le
troijîeme lit.
Cela fa it, on enfonce à la diftance de trois en
trois piés des lardons, qui font des morceaux de fumier
préparé dès le mois de Février par entaffement.
Après cela on couvre la couche de terreau de l’é-
paiffeur d’un pouce feulement, & l’on met fur ce
. tètreaii dit fumier de litiere fraîche, qu’on renoué
veile encore au bout de huit jou r s , au cas que la
couche foit refroidie ; fi au contraire les couches
font trop echauffees, on les découvre pour en modérer
la chaleur : c’eft la pratique feule qui guide ici le
.jardinier. On commence à cueillir les champignons
en Oûobre : ordinairement la récolte s’ën.fait . de
trois en trois jours, ou tous les quatrièmes jours*
Au commencement du mois d’Août, les crotes de
cheval dont la couche a été faite, commencent à
blanchir, & font parfemées de petits cheveux ou filets
blancs fort déliés, branchus, attachés & tortillés
autour des pailles dont le crotin eft formé. Ce crotin
alors ne fent plus le fumier, mais il répand une
odeur admirable de champignon.
Les filets blancs -dont on vient de parler, ne font
félon toute apparence que les graines ou les germes
développés des champignons; àc tous ces germes font
renfermés dans les crotes de cheval fous un fi petit
volume, qu’on ne peut les appercevoir, quelque foin
qu’on prenne, qu’après qu’ils fe font éparpillés en
petits cheveux ou filets. L ’extrémité de ces filets
s’arrondit, groffit en bouton, & devient en fe dé veloppant
un champignon dont la partie inférieure eft
un pédicule barbu dans l’endroit oît il eft enfoncé
dans la terre.
Le champignon crû de cette maniéré , vient par
groffes touffes qui repréfentent une petite forê t,
dont les piés ne font pas également avancés. On
trouve une infinité de champignons naiffans au pié
des autres , & de la groffeur feulement de la tête
d’une épingle, tandis que les plus gros fe paffent.
Peut-être que chaque touffe de champignon eft enfermée
dans la même graine ; car les premiers germes
du fumier font branchus, éparpillés par les côtés
, & fe répandent en tous fens dans le terreau , de
forte que l’efpace qui eft entre les lardons s’en trouve
tout garni.
Les germes des champignons, ou ces cheveux
blancs qui font dans le fumier préparé, fe confer-
vent long-tems fans fe pourrir : fi on les met fur des
planches dans un grenier, ils fe deffechent feulement,
& reviennent encore quand on les met fur les couches,
c ’eft-à-dire qu’ils produifent des champignons.
On doit à M. Marchant pere la découverte de l’origine
de cette plante ; il fit voir à Paffemblée académique
en 16 78, fuivant le rapport de M. Duhamel
(Hift. academ. lib .I. feel. v. cap. j . editx iy o i\ ,
la première formation des champignons dans des crotes
de cheval moifies, & démontra ces petits filets
blancs dont les extrémités fe grofliffent en champignons.
Ceux qui ont écrit qu’il falloit arrofer les couches
avec la lavure des champignons pour opérer leur
produftion, ont avancé un fait qui eft faux, o u , pour
mieux dire, ils ont pris pour caufe ce qui ne l’eft pas ;
car ils fe font imaginés que la layure des champignons
étoit chargée de graines de ces fortes de plantes ;
mais outre que les couches ne produifent pas des
champignons par la vertu de cette lavure, il fe pourrait
faire que fi elfes en produifoient quelques-uns ,
ce ferait parce que l’eau aurait fait éclorre les germes
qui feraient reftés dans le terreau, lequel n’eft
qu’un fumier de cheval converti en terre.
Les crotes de cheval ne renferment donc pas feulement
les graines de champignons , mais elles ont
auftiun fuc & une chaleur propres à les faire germer
, de même que le fuc qui fe trouve dans la racine
du panicaut lorfqu’il fe pourrit, fait éclorre 1«
germe du plus délicat de tous lés champignons qui
naiffent en Provence & en Languedoc : ainfi la
moufle fait germer la graine des moufferons. C ’eft
par la même raifon que certaines efpeces de champignons
^ de morilles, d’agarics & d’oreilles de judas f
lue* vxènnefit qu’aux racines ou aux troncs de certains
arbres.
M. Méry a vît à l’hofel-dieu de petits champignons
plats & blanchâtres , fur les bandes attelles qui
avoient-été trempées dans l’oxicrat, Sc enfuite appliquées
aux feaâures des malades. L e fait étoit
bien fingulier; & cependant. M. L ém eryëut: occasion
dans le même tems d’être témoin d’un éas fem-
blable, & plus irappânt encore dans fes circonftan-
ces. ; _
. Un jeune enfant de Paris attaqué du rachitis, avoit
les jambes tortues; le chirurgien qui le panfoit, après
y avoir mis des ecliffes , fut bien étonné dé trouver
fous les bandes un bon nombre de champignons gras
commë le bout du doigt ; il les ôta , & raccommoda
les eçliffes avec le-bandage.. Vingt -^quatre heures
ïîpres ,^1 retourna panfer l ’enfant, & trouva encore
«fia même place autant de champignons'. Enfin ayant
continue plufieurs jours de fuite le panfement ; -il^ retira
plufieurs.jours de.fuite des champignons!
. ^etteproduftion.extraprdinaire en un lièu oirl’on
deyoit fi .peu l ’attendre,,- ayant été certifiée: aux phy-
ficiens qùi s’affembloknt pour lors chez <M. l’abbé
Bourdelpt, ils en donnèrent la véritable xaifon : c’eft
que les édifies qu on avoit appliquéès .autour des
jambes de l enfant ,.etoient d’un bois de pommier. ,
où lés champignons naiffent facilement", & dans lequel
il y- ayoît fans-doute de la graine de.cette plante.
II. arriyqit donc : que la chaleur de l’enfanf qui
étoit emmaillotté fon urine qui abreuvoir fou-
y en t je s e cliffes , d e yeloppoi ent les femençes de
champignon , & lesrfeif©ienf~éclorre en:vingt-quatre
fleures, comme il arrive ordinairement dans la 1
campagne.. ÏLfaut. adapter le même raifonnement au
fait pbfervé par M. Méry ; les graines de champignon
fe trou vant par hafard fur les bandes & attelles
qu’on appliquoit aux malades, germerent, foit
par la chaleur du corps des malades, foit par l’effet
du vin ou de 1 oxicrat dans lequel elles a voient été
trempées.
Nous apprenons de Diofcoride, qu’il y avoit des
gens qui affûroient que des morceaux de l’écorce du
peuplier, tant blanc que noir, enfoncés fur des couches
de fumier, il en naifloit des champignons bons à
manger. Ruel rapporte, que fi l’on découvre le tronc
d’un peuplier blanc vers la racine, & qu’on l ’arrofe
avec du levain délayé dans de l ’eau, on y voit naître
pour ainfi dire des champignons fur le champ ; il ajoute
, que les collines produifent plufieurs fortes de
champignons, fi dans la faifon on en brûle le chaume
ou les landes. II eft certain que les landes brûlées
en Provence & en Languedoc, pouffent beaucoup
de pavots noirs aux premières pluies d’automne ; &
cette plante fe perd les années fuivantes , enforte
qu’on ne la rencontre que fur les terres brûlées.
Tous ces faits prouvent qu’ils n’eft befoin que d’un
fuc affaifonné pour faire éclorre & pour rendre fen-
fibles, tant.les graines cachées du champignon , que
celles, de toutes fortes de plantes. ^
Pour revenir à nos champignons; non-feulement
on les eleve lur couches, mais encore en plaine campagne,
& très-avantageufement d’après la même
méthode. Leur culture aujourd’hui fi perfeôionnée
prouve deux chofes : la première , que leur graine
eft naturellement contenue dans les, crotes de cheval
; la fécondé, que notre fenfualité rafinée pour
cet aliment, ne le cede point à celle des Romains
fous le régné d’Augufte. Si de nos jours quelque prétendu
gourmet en ce genre venoit débiter la maxL
me du Catius d’Horace,
Pratenjîbus optima fungis
Natura eft. Sat. IV. lib. II. v. 10.
les champignps des prés font les meilleurs, nos Au-
lome I I I , -
M u s lés Moins fayans lui répondtoïeai qu'il n V én-
ten rien , & que les bons champignons au goût font
éeux qui fe trouvent dans les bois i dans les brute-
res , ou dans les landes. . .
Il y a plus : les Iégiflateurs en cuîfine, les maîtres
de la fcience de la gueule, comme s’exprime Montagne
, croyent être parvenus à pouvoir diftinguer
Vais ’mePr“ e *es k ° ns champignons d’avec les mau-
Us a^*rent qué les bons champignons font ceux qui
prennent leur accroiffement dans la durée delà nuit,
foit naturellement, foit. par art fur des couches de
tumier ; qu ils doivent être d’une groffeur médiocre
a-peu-près comme une châtaigne , charnus , bien
nourris, blancs en-deffus, rougeâtres en.-deflbus ,
de confiftance affez ferme, fe rompant facilement,
ro$çlieux en-dedans, d’une odeur & d’un goût agréables:
qu au contraire, les champignons, mauvais ou
pernicieux. font eeux qui ayant demeuré trop lone-
terns fur la terre, font devenus bleus, noirâtres., ou -
rougqs, & dont rôdeur eft defagréable. Mais ces
marques générales, ne, fetisferont pas aifément';des
phyficiens ; ils demandent des marques .carafiériffi-
ques, qui indiquent dans le grand nombre. y a.-.’
: r;etes delpeces de champignons naturels.,. les bon-
nes, les douteufès ,.Ies perniejeufes ; & il ïetoit utile
; d’ayoir.cette connoiffance»
L’analyfe des foyers champignons ne porte aucune
. lumiqre.fur ce point : nous lavons feulement qu’ils
paroiffent contenir un^fel eflentiel ammoniacal,
dont l ’acide eft faoulë par,beaucoup de'fél. vola til-’
unneux, & mêlé avec beaucoup d’huile & peu de.
terre ; ces principes font délayés dans une..grande
quantité de flegme. C ’eft de ce fel aftif,'vblatil-uri-
neux, ammoniacal, &. huileux , que dépendent To-
deut&la fâveurdeschampignonsic’eft auffipour cela
qu ils fe corrompent ou fë pourriffent facilement; fi
on Ies p ile, & qu’on les laiffe pourrir, ils fe fondent
oc deviennent un mucilage , qui ne donne plus de
marque de fel u rineûx, mais d’un fel falé & acide -
car leuï fel volatil fô'«ffipe par leur* putréfaaion. ’
> Ostte analyfe rend* fortf-Tufifeae' la natUfé-aés
champ,mibris ; & réxpérïeac^ tfàccidens arrivés par
céiix do la meilleure qualité , ne tend pas trop à
nous raiiûrer fur leur Ufâge bienfaifant.
Je ne parle pas des champignons dont tout le monde
connoit le mauvais caraftere , mais de ceux qui
ont la figure des bons, & qui trompent les pérfonnes
qui s en rapportent au-dehors. C’eft pourquoi nous:
ne fommes pas certains d’en manger toûjours de fûrs
à caufe de leur figure trompeufe, de l’ignorance, de
la négligence, du manque d’attention des gèrts qui
les cueillent ou qui les apprêtent.
Bien plus, ceux qui ont toutes les marques de fû-
rete par rapport à leur bonté, deviennent aifément
dangereux, ou pour avoir été cueillis trop tard ou
par la nature du lieu oîi ils croiffent, ou par le fue
dont ilsfenourriffent, ou par le voifinage de ceux
qui fe pourriffent, ou de ceux qui font par hafard
empoifonnés ; & quand ces inconvéniens ne feraient
point àcraindre,les médecins les plus habiles avoiient
que les meilleurs champignons pris en grande quanti-*
t e , font nuifibles , parce qu’ils • produifent de mauvais
fucs, parce qu’ils tendent à là putréfaélion, parce
que par leur nature fpongieufe ils fe digèrent difficilement
, compriment le diaphragme , empêchent
la refpiration, fuffoquent & excitent des déborde-
mens de bile par haut & par bas.
Les fymptomes fâcheux, & même mortels, que
les mauvais champignons caufent, font fur-tout le
vomiffement, l’oppreflion, la tenfion de l’eftomac
& du bas-ventre , l’anxiété, un fentiment de fuffo-
cation, des rongemens ; des tranchées dans les entrailles,
la fo if violente, la cardialgie, la diarrhée y