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communiquent de chaque côté dans la grande cavité
où l'ont les miroirs. On trouve dans chacun de ces
réduits une fhembrane pliffée , raboteule, 6c contournée
en forme de timbale. Elles font placées de
chaque côté , fous une partie triangulaire du premier
anneau de la cigale, qui eft plus élevée que le
refte ; fi on enleve cette partie ; on met la membrane
à découvert. De6 qu’on la touche elle relonne
comme uij -parchemin lec , & même comme une
membrane, encore plus fonore ; celle dont il s’agit
rend des fons , lorfqu’après avoir été enfoncee
dans quelques endroits elle fe releve par fon rei-
fort. Les mufcles dont on vient de parler aboutiffent
à la furface concave de ces membranes, 6c en l’attirant
en-dedans par leur contraction, ils la mettent
en état de refonner, lorfqu’elles fe rétabliffent par
leur élafticité , en même tems que le mule le fe relâche.
Ce fon paffe au-dehors par les orifices de deux
réduits qui communiquent dans la grande cavité , &
peut être modifié par les volets écailleux , les miroirs
, & toutes les différentes parties qui fe trouvent
dans les cavités. Les cigales de la petite efpece & de
l’efpece moyenne ont à-peu près les mêmes organes
& font prefque le même bruit.
Le dernier anneau du corps des ciga/« femelles eft
plus alongé que dans les mâles, 6c il renferme une
partie à laquelle on a donné le nom de tarière, parce
que les cigales s’en fervent pour faire des trous dans de
petits morceaux de bois où elles dépofent leurs oeufs.
Les mâles n’ont pas cette tariere^ qui eft fort apparente
dans les femelles, puifqu’elle a environ cinq
lignes de longueur dans celles de la grande efpece.
Elle eft renfermée dans un étui dont on peut la faire
fortir en comprimant legerement le ventre de l’irt-
ie£le ; elle eft à-peu-près de même groffeur fur toute
fa longueur, 6c terminée à fon extrémité par une
pointe angulaire qui reflemble à un fer de pique dont
les bords feroient dentelés. La fubftanee de cette
partie eft de la nature de l’écaille ou delà corne ,
auffi folide 6c aulfi dure qu’aucune autre qui fe trouv
e dans les infeftes. En l’examinant de près on re-
connoît qu’elle eft compofée de trois parties , c’eft
pourquoi on a été tenté de changer le nom de tarière
que l’on avoit donné à cette partie, 6c on a mieux
aimé dire qu’elle'eft compofée de deux limes & d ’un
fupport, limes ou tarière, n’importe du nom. La partie
dont il s’agit eft compofée de trois pièces , dont
.deux font polées à côté de la troifieme, & font engrenées
en façon de coulilfe avec cette piece du milieu
, de maniéré qu’elles gliffent tout le long fans
s’en écarter, & elles peuvent être mues alternativement
; par ce moyen, les deux rangs de dents qui
font fur les bords de la pointe angulaire, dont nous
avons déjà parlé, avancent & reculent, parce qu’ils
tiennent à chacune des pièces des côtés. Ce qui caufe
ce déplacement, c’ eft qu’elles font repliées en-dehors
& en-avant par leur extrémité antérieure , relativement
à l’infeâe. Des mufcles, en augmentant ou en
diminuant cette „courbure par leur contra&ion ou
leur relâchement, font glifl'er en-avant ou en-arriere
la piece latérale, & par conféquent mettent en jeu
les dents qui font à chaque côte de la pointe, qui eft
faite en forme de fer de lance, 6c compofée de trois
pièces. Les dents font pofées obliquement, 6c dirigées
du côté de la pointe du fer de lance , de forte qu’elles
déchirent ce qui leur fait obftacle dans leur mouvement,
lorfque la cigale fe fert de cette partie pour
faire des trous dans le bois où elle dépofe fes oeufs.
Lés cigales femelles font toujours ces trous dans
de très-petites branches de bois qui eft fec & qui a
de la moelle. On les reconnoît par des fibres qui ont
été faille vées à l’endroit de ces trous ; ils font rangés
par files affez régulièrement pour l’ordinaire ;
ils ont chacun trois lignes 6c demie ou quatre lignes
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de langueur. Ses trous peuvent contenir huit à dix
oeufs, & il y en a au moins quatre ou cinq dans chacun
; ils font blancs, oblongs , 6c pointus par les
deux bouts. La ponte eft fort abondante, puilqu’on
a compté jufqu’à lèpt cents oeufs dans les ovaires.
Il fort de chaque oeuf un ver blanc qui a fix longues
jambes, & qui reflemble en quelque façon à une puce
pour la figure. Lorfqu’ils ont abandonné le trôü où
ils font éclos, ils fe logent dans la terre, 6c enfuite
ils 1e transforment en nymphes, qui marchent &
qui prennent des alitnens 6c de l’accroiffement. Arif-
tote les a nommées tettigometres ou meres cigales ;
elles ne different pas beaucoup du ver qui eft farti
de l’oeuf. Ges nymphes peuvent pénétrer dans la
terre jufqu’à deux ou trois piés de profondeur. On
les trouve ordinairement auprès des racines des arbres.
Lorfque le tems de leur métamorphofe approche
, elles lortent de terre, montent fur les arbres,
6c s’y accrochent pendant les chaleurs de l’été. C ’eft
dans cet état qu’elles parviennent à quitter leur fourreau
de nymphe ou de chryfalide, pour paraître
fous la forme de cigale. Mémoires pour fervir à l'hifl.
des infect, tom. F. (/)
C igales , f. f. ( Hiß. mod. ) Les Efpagnols de
l’Amérique nomment ainfi un-petit rouleau de tabac
de la groffeur du petit doigt au plus, 6c long de cinq
à fix pouces au moins. Ce rouleau eft compofé de
plufieurs brins de tabac parallèlement difpofés à côté
les uns des autres, & affujettis enfemble par une
large feuille qui leur fert de robe ou d’enveloppe.
On allume une des extrémités de ce rouleau, 6c l’autre
fe met dans la bouche, au moyen de quoi on filme
fans pipe. Nos infulaires, qui font un grand ufa-
ge de ces cigales, les nomment Amplement bouts de
tabac.
Il n’eft pas hors de propos d’ajouter ici que les
Caraïbes des îles Antilles ont une finguliere façon
de fumer: ils enveloppent des brins de tabac dans
certaines écorces d’arbre très-unies, flexibles, &
minces comme du papier ; ils en forment un rouleau,
l’allument, en attirent la fumée dans leur bouche,
ferrent les levres, 6c d’un mouvement de langue
contre le palais, font paffer la fumée par les narines.
Art. communiqué par M. DE Sa in t-Rom aiN.
CIGOGNE , f. f. ciconia , [ Hifi. nat. Ornithol. )
oifeau dont les pattes, le cou 6c le bec font fort
longs. La cigogne dont M. Perrault a donné la def-
cription dans le recueil de l'acad. royale des Sciences,
avoit quatre piés de longueur depuis le bout du bec
jufqu’à l’extrémité des piés. Celle du bec étoit da
quatre trentièmes parties de celle de tout le corps;
les piés n’avoient que trois trentièmes , le cou cinq
tréntiemes., & les jambes onze depuis le ventre juî-
qu’à terre. Le cou étoit beaucoup plus gros par le
bas que par le haut. Cet oifeau avoit cinq piés d’envergure.
Le plumage étoit d’un blanc fale 6c un peu
rouffâtre prefque par-tout le corps, 6c noir au bouc
des aîles. Il y avoit auffi des plumes noires , longues
6c larges fur les deux côtés du dos & à la racine
des aîles. Le cou étoit revêtu fur fa partie inférieure,
jufqu’au tiers de fa longueur, par des plumes
longues de fix pouces, larges de dix lignes, &
terminées en pointe. Elles étoient entourées à leur
racine par un duvet très-blanc, dont chaque petite'
plumeavoitun tuyaude la groffeur d’une petite épingle
, qui fe partageoit en cinquante ou foixante autres
plus petits que des cheveux, dont chacun étoit
encore garni des deux côtés de petites fibres pref-
qu’imperceptibles. Cette cigogne n’avoit fur le haut
de la véritable jambe que des petits filets de plumes
fort rares. L’alentour des yeux étoit dégarni de plumes
, on n’y voyoit qu’une peau fort noire. Cet oifeau
avoit le bec droit, pointu, 6c d’un rouge pâle,
tirant fur la couleur de chair. Le bas des véritables
jambes
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ja'ftibes étôit ïrotige, 6c avoit plus dé quatre polices
de longueur ; la partie du pié, qui s’étend depuis le
talon jufqu’aux doigts, étoit dérouleur g rife, & le
refte des piés 6c la jambe de couleur rouge. Il avoit
des écailles en forme de table, fur les extrémités des
doigts. Les trois de devant étoient joints enfemble
à leur commencement, par des peaux courtes 6c
épaiffes. Il avoit le doigt de derrière gros & court,
les ongles blancs, larges, 6c courts à peu-près comme
ceux de l’homme. La cigogne fe nourrit de lézards,
de ferpens, de grenouilles, & n’a point de
ventricule comme les oifeaux de proie, mais feulement
un géfier. Elle mange auffi des vers, des araignées
, 6c d autres infeftes. Mémoires pour fervir à
i ’hïfiùire des animaux , tome I I I . troifieme part. ( ƒ )
CiGOGNE noire , ciconia nigra, oifeau de là
groffeur de la cigogne ordinaire, ou même un peu
plus petit. Le cou, la tête, le dos 6c les aîles font
d’un noir luifànt ou mêlé de verd ; le ventre, la poitrine
& les côtés font blancs ; le bec eft verd ; les
pattes font de cette couleur, 6c dégarnies de plumes
jufqu’à l’articulation du genou ; la membrane
qui tient les doigts unis enfemble, s ’étend jufqu’à la
moitié de la longueur du doigt dû milieu, feulement
du côré extérieur. Foyer 'Willuehby, ornith. Foyer
O iseau . ( / ) J J 1
C ig o GNe , [Matière "médicale, ) Les parties de
Cet oifeau dont on fe fert en Médecine, font, outre
Ï’oifeau entier , la véficule du fiel, le fiel, la graiffe,
là fiente & le jabot. Cet animal eft un grand alexi-
pharmaque, 6c paffe pour un excellent remede contre
toutes fortes de poifons, 6c fur-tout contre la pef-
te ; on en ufe auffi dans les affe&ions des nerfs & des
jointures. Son fiel eft recommandé dans les maladies
des yeux ; fa graiffe en Uniment dans les affeftions
goutteufes & le tremblement des articulations ; fa
fiente prife dans de l’eau, dans l’épilepfie 6c dans
les maladies de la tête ; fon Ventricule ou fon jabot
defféché & pulvérifé, paffe pour un fpécifique admirable
contre plufieurs poifons. Dict. de Medecine,
D a le , Schroeder, &c. (fi)
CIGUATEO, ( Géog. ) île de l ’Amérique feptén-
trionale dans la mer du nord, l’une des Lucayes ou
de Bahama.
CIGUË, f, f. cicuta, [Hifi. nat. bot ) genre de
plante à fleurs en rofe, difpofées en ombelle, com-
pofées de plufieurs pétales en forme de coeur, inégales
, 6c foûtenues par un calice qui devient un
fruit prefque rond, dans lequel il y a deux petites
femences renflées & cannelées d’un côté , 6c plates,
de l’autre. Tournefort, injl rei herb. Foyer Plante. u) WÊKÊË La cicuta major C . B. èft uiie de celles qu’on range
parmi les venimeufes, & la plus renommée de
fon genre. La mort de Socrate a feule fuffi pour en
immortalifer les effets.
Comme on ne lit point fans attendriffement dans
le Phédon de Platon, l’hiftoire circonftanciée de ce
qui précéda la mort de ce philofophe , qui avoit
paffé fa vie à être utile à fa patrie, 6c à la fervir de
tous fes talens; qui né fe démentit jamais dans fa
conduite ; qui témoigna jufqu’au dernier foupir une
grandeur héroïque, émanée de la fermeté de fon
ame & de la confiance dans fon innocence ; il réfulte
néceffairemènt de cette le&ure, que tout ce qui regarde
la fin tragique d’un homme fi refpeûable, devient
intéreffant, jufqu’à la plante même qui finit
fes jours. Le nom de cette plante fe joint dans notre
efprit avec celui de Socrate. Nous la cherchons dans
nos climats , nous voulons la connoître par nos
yeux, ou du moins nous en lifons la defeription avec
avidité.
Defeription de notre ciguë. Sa racine eft longue d’un
Tome ///, °
p ie , grofie cofnme le doigt, partagée en plufieurs
branches folides. Avant que de pouffer fa tige, cette
racine eft couverte d’une écorce mince , jaunâtre,
blanche^ intérieurement, fongueufe, d’une odeur
forte, d’une faveur douçâtre; de plus, cette racine
eft creufe en-dedans quand elle pouffe fa tige. Cette
tige eft fiftuleufe, cannelée, haute de trois coudées,
liffe, d’un verd gai, parfemée cependant de quelques
taches rougeâtres, comme la peau des ferpens.
Ses feuilles font allées, partagées en plufieurs lobes
, hffes, d’un verd noirâtre, d’une odeur puante,
approchant de celle du perfil. Ses fleurs font en parafai
au fommet des tiges, en rofes compofées de
cinq pefales blancs en forme de coeur, inégaux, places
en rond, & portés fur un calice qui fe change,
comme on l’a dit, en un fruit prefque fphérique, com-
Ppfé de deux petites graines convexes 6c cannelées
d’un côté, applaties de l’autre, d’un verd pâle. Elle
croît dans les lieux ombrageux, dans les champs, au
bord des haies, dans les décombres, & fleurit en été.
Elle vient dans les environs de Paris à l’ombre.
Toute cette plante a une faveur d’herbe falée, ô£
une odeur narcotique & foetide ; fon fuc rougit très-
peu le papier bleu ; d’où l’on peut conclure qu’elle
contient un fel ammoniacal enveloppé de beaucoup
d’huile & de terre. Ces principes fe trouvent à-peu-
près dans l’opium.
Elle riefipoint auffi venimeûfe qu'en Grèce. Prefque
tout le monde convient que cette plante prife intérieurement
eft un poifon, 6c perfonne n’ignore que
c étoit celui des Athéniens ; mais quelles que fuf-
fent les qualités mortelles de la ciguë dont ils fe fer-
voient, il eft certain que ce lle qui croît dans nos
contrées n’a point ce même degré de malignité. On
a vü dans nos pays des perfonnes qui ont mangé une
certaine quantité de fa racine 6c de fes tiges fans en
mourir. Ray rapporte dans fon hiftoire des plantes,.
d apres les obfervations de Bowle, que la poudre
des racines de ciguë, donnée à la dofe de vingt grains
dans la fievre quarte, avant le paroxifme, eft au-
deffus de tous les diaphoniques. M. Rèneaume,
médecin de Blois [obfervat. 3. & 4. ) , dit en avoir
fait prendre, avec beaucoup de fuecès, une demi-
dragme en poudre dans du v in , & jufqu’à deux
dragmes en infufion pour les skirrhes du foie 6c du
pancréas ; mais ce médecin n’a jamais guéri des skirrhes,
& fi fan obfervation étoit vraie, elle prouve-
roit feulement que la racine de ciguë n’eft pas toujours
nuifible.
Nous croyons cependant avec les pliis fages médecins
, que le plus prudent eft de s’abftenir dans
nos climats de l’ufage interne de cette plante. Elle y
eft affez venimeûfe pour fe gardèr de la donner intérieurement
; car elle caufe des ftupeurs 6c autres
accidens fâcheux. Son meilleur antidote eft le vinaigre,
en guife de vomitif, avec de l’oximel tiede en
quantité fuffifante, pour procurer & faciliter le vo-
miffement.
Elle ne paffoitpoint pour venimeûfe à Rome. Ce qui
eft néanmoins finguiier, & dont il faut convenir,
ç ’eft que la ciguë ne paffoit point à Rome pour un
poifan, tandis qu’à Athènes on n’en pouvoit douter
; à Rome au contraire on la regardoit comme un
remede propre à modérer & à tempérer la bile.Perfe,
fatyre F. vers 14b. dit là-deffus :
bilis
Intumuit, quam non extinxerit urna cicuta.
Horace en parle auffi comme d’un remede, dans
fa fécondé épître, AV. I I . vers J j .
Sed quod non défit , habentem
Quoi poterunt unquam fatis expurgare cicuta ?
Ni melius dormire putem quam feribere verfus.
« Préfentement que j’ai plus de bien qu’il ne m’en
L U