
les rapporte dans fon tr. depol. I. III. tout. III. ch. jx .
Charles VI. leur accorda par ces lettres patentes ,
la liberté de continuer publiquement les repréfen-
tations de leurs comédiespieufes, en y appellant quelques
uns de fes officiers ; il leur permit même d’aller
& de venir par la ville habillés fuivant le fujet 8c
la qualité des myfteres qu’ils dévoient repréfenter.
Après cette permiffion, la fociété de la paffion
fonda dans la chapelle de la Sainte-Trinité le fervi-
ce de la confrairie. La maifon dont dépendoit cette
chapelle avoit été bâtie hors la porte de Paris dù
côté de Saint-Denis, par deux gentils-hommes allemands
, freres utérins, pour recevoir les pèlerins
& les pauvres voyageurs qui arrivoient trop tard
pour entrer dans la ville, dont les portes le fermoient
alors. Dans cette maifon il y avoit une grande falle
que les confrères de la paffion loiierent : ils y conf-
truilirent un théâtre & y repréfenterent leurs jeu x ,
qu’ils nommèrent d’abord moralités, & enfuite myfteres
, comme le myftere de la paffion , le myftere
des aCtes des apôtres, le myftere de l’apocalypfe,
&c. Ces fortes de comédies prirent tant de fav eu r,
que bientôt elles furent joiiées en plufieurs endroits
du royaume fur des théâtres publics ; & la Fête-Dieu
d’Aix en Provence en eft encore de nos jours un refte
ridicule.
Alain Chartier , dans fon hifloire de Charles VII.
parlant de l’entrée de ce roi à Paris en l’année 1437,
pag. 103). dit que, « tout au long de la grande rue
» l'aint-Denis, auprès d’un jeét de pierre l’un de l’au-
» tre , étoient des échaffaulds bien 8c richement
» tendus, oiieftoient faits par perfonnages l’annon-
» dation Notre-Dame: la nativité N otre-Seigneur,
» fa paffion, fa réfurreCtion, la pentecofte, & le ju-
» gement qui féoit très-bien : car il fe joiioit devant
» le chaftelet oit eft la juftice du roi. Et emmy la
» v ille , y avoit plufieurs autres jeux de divers myf-
» t e r e s , qui feroient très-longs à racompter. Et là
» venoient gens de toutes parts criant Noël, 8c les
» autres pleuroient de joie.
En l’année i4 8 6 , le chapitre de l’églife de Lyon
ordonna foixante livres à ceux qui avoient jolie le
myftere de la paffion de Jefus-Chrift, liv. XXVIII.
des actes capitulaires, fol. 15g. De R u b is, dans fon
hiftoire de la même ville , liv. III. ch. liij. fait mention
d’un théâtre public dreffé à Lyon en 1540. « Et
» l à , dit-il, par l’efpace de trois ou quatre an s, les
» jours de dimanches & les fêtes après le difner , fu-
» rent repréientées la plufpart des hiftoires du vieil
» & nouveau Teftament, avec la farce au b o u t,
» pour recréer les affiftans » . Le peuple nommoit ce
théâtre le paradis.
François I. qui prenoit grand plaifir à la repréfen-
tation de ces fortes de comédies Jaintes, confirma les
privilèges des confrères de la paffion par lettres patentes
du mois de Janvier 1518. Voici le titre de
deux de ces pièces, par où. le leCteur pourra s’en
former quelque idée. S'enfuit le myftere de la paffion
de Notre Seigneur Jefus-Chrift, nouvellement reveu &
corrigé outre les précédentes impreffîons , avec les additions
faites par trës-èloquent & fcientifique maijire Je han
Michel ; lequel myftere fut joué à Angiers moult
triumphamment, & dernièrement à Paris, avec le nombre
des perfonnages qui font à la fin dudit livre , & font
en nombre cxlj. 1 541. in-4.
L’autre piece contient le myftere des aCtes des
apôtres: il fut imprimé à Paris en 1 <40 , in-4. 8c on
marqua dans le titre qu’il étoit joué à Bourges. L’année
fuivante il fut réimprimé in-fol. à P a r is, oit il fe
joiioit. Cette comédie elt divifée en deux parties La
première eft intitulée : Le premier volume des catholiques
oeuvres & actes des apôtres , rédige£ en efcript
parfaint Luc évangélifle, & hyjloriographe, député par
le faint-Efprit, icellui faint Luc efcripvant à Théophile
, avec plufieurs hiftoires en icellui inférées des g e fies
des Cejars. Le tout veu & corrigé bien & duement félon
la vraie vérité , & joué par perfonnages à Paris en Vho-
ftel de Flandres, L'an mil cinq cens XLI. avec privilège
du roi. On les vend à la grand - falle du palais par Arnould
& Charles les Angeliers freres, tenons leurs boutiques
au premier 6* deuxieme pilier, devant la chapelle
de meffeigneurs lespréfidens : in-fol. La fécondé partie
a pour titre : Le fécond volume du magnifique
tere des actes des apôtres , continuant la narration de
leurs faits & gefies f élon CEjcripture faincte , avecqucs
plufieurs hiftoires en icellui inférées des gefies des Céjars.
Veu & corrigé bien & d a im en t félon la vraie vérité, &
ainfi que le myftere eft joiié à Paris cette préfente année
mil cinq cent quararite-ung.
Cet ouvrage fut commencé vers le milieu du xv.
fiecle par Arnoul Gréban, chanoine du Mans , 8c
continué par Simon Greban fon firere , fecrétaire de
Charles d’Anjou comte du Maine : il fut enfuite revu
, corrigé, 8c imprimé par lès foins de Pierre Cue-
vret ou C u re t, chanoine du Mans, qui vivoit au
commencement du xvj. fiecle. Voye£ la bibliothèque
de la Croix du Maine, pag. 24. 3$ 1. & 466.
Quelques particuliers entreprirent de faire joiier
de cette maniéré en 1541, à P a r is, le myftere de
l’ancien Teftament, & François I. avoit approuvé
leur deffein ; mais le parlement s’y oppofa par acte
du 9 Décembre 1541, & ce morceau des/egiftres
du parlement eft très-curieux, au jugement de M.
du Monteil.
La repréfentation dè ces pièces férieufes dura
près d’un fiecle & demi ; mais infenfiblement les
joiieurs y mêlèrent quelques farces tirées de fujets
burlefques , qui amufoient beaucoup le peuple , 8c
qu on nomma les jeux des pois pilés , apparemment
par allufion à quelque fcene d’une des pièces.
Ce mélange de religion & de bouffonnerie déplut
aux gens fages. En 1545 la maifon de la Trinité fut
de nouveau convertie en-hôpital, fuivant fa fondation
: ce qui fut ordonné par un arrêt du parlement.
Alors les confrères de la paffion , obligés de quitter
leur falle, choifirent un autre lieu pour leur théâtre
; & comme ils avoient fait des gains confidéra-
b lé s , ils achetèrent en 1548 la place 8c les mafures
de l’hôtel de Bourgogne, oit ils bâtirent un nouveau
théâtre. Le parlement leur permit de s’y établir par
arrêt du 19 Novembre 1548 , à condition de n’y
joiier que des fujets profanes, licites, 8c honnêtes ,
8c leur fit de très-expr’effes défenfes d’y repréfenter
aucun myftere de la paffion, ni autre myftere facré :
il les confirma néanmoins dans tous leurs privilèges ,
& fit défenfes à tous autres , qu’aux confrères de la
paffion, de jo iier, ni repréfenter aucuns jeu x , tant
dans la v ille , fauxbourgs, que banlieue de Paris , fi-
non fous le nom 8c au profit de la confrairie : ce qui
fut confirmé par lettres patentes d’Henri II. du mois
de Mars 1559.
Les confrères de la paffion qui avoient feuls le
privilège , cefferent de monter eux-mêmes fur le
théâtre ; ils trouvèrent que les pièces profanes ne
convenoient plus au titre religieux qui caraâérifoit
leur compagnie. Une troupe d’autres comédiens fe
forma pour la première fo is , 8c prit d’eux à loyer
le privilège , & l’hôtel de Bourgogne. Les bailleurs
s’y réferverent feulement deux loges pour eux &
pour leurs amis ; c’étoient les plus proches du théâtre
, diftinguées par des barreaux , & on les nommoit
les loges des maîtres. La farce de Patelin y fut
jouée : mais le premier plan de comédie profane eft
dû à Etienne Jodelle , qui compofa la piece intitulée
la rencontre, qui. plut fort à Henri II. devant lequel
elle fut repréfentée. Cléopâtre & Didon font
deux tragédies du même auteur, qui parurent des
premières fur le théâtre au lieu & place des tragédies
faint es.
Dès qu’Henri III. fut monté fur le throne, il in-
fefta le royaume de farceurs; il fit venir de Venife
les comédiens italiens furnommés li- Gelofi, lefquels
au rapport de M. de l’Etoile (que je vais copier ici),
« commencèrent le dimanche 29 Mai 1577 leurs co~
» médies en l’hoftel de Bourbon à Paris ; ils prenoient
» quatre fouis de falaire par tefte de tous les Fran-
» çois, & il y avoit tel concours, que les quatre
» meilleurs prédicateurs de Paris n’en avoient pas
» tous enfemble autant quand ils prefchoient.... Le
» mercredi 26 Ju in , la cour affemblée aux Mercu-
» riale s, fit défenfes aux Gelofi de plus joiier leurs
„ comédies, pour ce qu’elles n’enfeignoient que pail-
»lard ife s...... Le famedi 27 Juillet, li Gelofi, après
» avoir préfenté à la cour les lettres patentes, par
» eux obtenues du ro i, afin qu’il leur fut permis de
» joiier leurs comédies, nonobftant les défenfes de
» la c ou r, furent renvoyés par fin de non-recevoir,
» & défenfes à eux faites de plus obtenir 8c pré-
» fenter à la cour de telles lettres, fous peine de
» dix mille livres parifis d’amende , applicables à la
» boîte des pauvres ; nonobftant lesquelles défenfes,
» au*commencement de Septembre fuivant, ils re-
» commencèrent à joiier leurs comédies en l’hôtel de
» B ourbon, comme auparavant, par la juffion ex-
» preffe du roi : la corruption de ce tems étant telle,
» que les farceurs , bouffons, put....... 8c mignons,
» avoient tout crédit auprès du roi » . Journal d'Henri
III. par Pierre de l’E to ile , à la Haye, 1 744, in-8°.
tom. I. pag. xoG. îo j) . & xu . ■
L a licence s’étant également gliffée dans toutes
les autres troupes de comédiens , le parlement re-
fufa pendant long-tems d’enregiftrer leurs lettres patentes
, & il permit feulement en 1596 aux comé-
dens de province, de joiier à la foire faint-Germain,
à la charge de payer par chacune année qu’ils joue-
roien t, deux écus aux adminiftrateurs de la confrairie
de la paffion. En 1609 , une ordonnance de
police défendit à tous comédiens de repréfenter aucunes
comédies, ou farces, qu’ils ne les euffent communiquées
au procureur du roi. Enfin on réunit le
revenu de la confrairie de la paffion à l’hôpital général.
Voyei fur tout ceci Pafquier, rech. liv. VII. ch.
v. De la Mare, traité de pol. liv. III. tom. III. oeuvres
de Defpréaux, Paris, 174J, in-8°. & c .
Les accroiffemens de Paris ayant obligé les comédiens
à fe féparer en deux bandes ; les uns refterent
à l’hôtel de Bourgogne, & les autres allèrent à l’hôtel
d’Argent au Marais. On y joiioit encore les pièces
de Jodelle, de G arnier, 8c de leurs femblables,
quand Corneille vint à donner fa Mélitt, qui fut fui-
v ie du Menteur , piece de caraâ ere 8c d’intrigue.
Alors parut Moliere, le plus parfait des poètes comiques,
& qui a remporté le prix de fon art malgré
fes jaloux 8c fes contemporains.
Le comique né d’une dévotion ignorante, paffa
dans une bouffonnerie ridicule; enluite tomba dans
une licence groffiere, 8c demeura t e l , ou barbouille
de lie , jufqu’au commencement du fiecle de Louis
X IV . Le cardinal de Richelieu, par fes libéralités,
l’habilla d’un mafque plus honnête ; Moliere en le
chauffant de brodequins, jufqu’alors inconnus ,1 e -
leva au plus haut point de gloire ; 8c à fa m o rt, la
nature l’enfevelit avec lui. Article de M. le Chevalier
DE JAUCOURT.
C omédie ballet : on donne ce nom au theatre
françois, aux comédies qui ont des intermèdes, comme
Pfiché, la princeffe d’Elide , &c. Voye^ Intermède.
Autrefois, & dans fa nouveauté , Georges
Dandin & le Malade imaginaire étoient appellés de
ce nom, parce qu’ils avoient des intermèdes.
Au théâtre lyrique, la comédie ballet eft une efpe-
ce de comédie en trois ou quatre a& e s, précédés
d’un prologue.
Le Carnaval de Venife de Ren ard, mis en mufique
par Campra, eft la première comédie ballet qu’on ait
repréfentée fur le théâtre de l’opéra : elle le fut en
1699. Nous n’avons dans ce genre que le Carnaval
8c la Folie, ouvrage de la Mothe, fort ingénieux 8c
très-bien écrit, donné en 1704, qui foit refté au théa*
tre. L a mufique eft de Deftouches.
Cet ouvrage n’eft point copie d’un genre trouvé,.
La Mothe a manié fon fujet d’une maniéré originale.
L ’allégorie eft le fond de fa piece t 8c c ’eft prefque
un genre neuf qu’il a créé. C’eft dans ces fortes d’ouvrages
qu’il a imaginés, où il a été excellent. Il étoit
foible quand il marchoit fur les pas d’autrui, & prefque
toujours p a r fa it, quelquefois même fublime ,
Iorfqu’il fuivoit le feu de fes propres idées. Voye£
Pasto ral e & Ba l le t . (5 )
COM ÉDIEN , f. m. {Belles-LettresJ) perfonnequi
fait profeffion de repréfenter des pièces de théâtre i
compofées pour l’inftru&ion 8c l’amufement du public.
, On donne ce nom , en général, aux aûeurs 8c
attrices qui montent fur le théâtre , 8c jouent des
rôles tant dans le comique que dans le tragique ,
dans les fpeâaeles où l’on déclame : car à l’opéra on
ne leur donne que le nom 8'acteurs ou d’actrices, dan-
feitrs , filles des choeurs, 8cc.
Nos premiers comédiens ont été les Troubadours,
connus auffi fous le nom de Trôuveurs 8c Jongleïtrs ;
ils étoient tout-à-la-fois auteurs 8c afteurs, comme
on a vû Moliere, Dancou r, Montfleury, le G rand,
&c. Aux Jongleurs fuccéderent les confrères de la
paffion , qui repréfentoient les pièces appellées myfteres,
dont il a été parlé plus haut. Voye^ C omédie
SAINTE.
A ces confrères ont fuccédé les troupes de comédiens
, qui font ou fédentaires comme les comédiens
françois, ;Ies comédiens italiens établis à Paris, 8c
plufieurs autres troupes qui ont des théâtres fixes
dans plufieurs grandes villes du ro y aume, comme
Strasbourg, L ille , &c. & les comédiens qui courent
les provinces & vont de ville en v ille , & qu’on nomme
comédiens de campagne.
La profeffion de comédien eft honorée en Angleterre
; on n’y a point fait difficulté d’accorder à Mlle
Olfilds un tombeau à Weftminfter à côté de Newton
& des rois. En France, elle eft moins honorée»
L’Eglife romaine les excommunie, & leur refùfe la
fépulture chrétienne, s’ ils n’ont pas renoncé au théâtre
avant leur mort. Voye^ A ct eu rs, (G )
* Si l’on confidere le but de nos fpe&aqles, & les
talens néceffaires dans celui qui fait y faire un rôle
avec fuccès, l’état de comédien prendra néceffaire-
ment dans tout bon efprit le degré de confidération
qui lui eftp^t. Il s’agit maintenant, fur notre théâtre
françois particulièrement, d’exciter à la vertu ,
d’infpirer l’horreur du v ic e , & d’expofer les ridicules
: ceux qui l’occupent font les organes des premiers
génies 8c des hommes les plus célébrés de la
nation, Corneille, Racine, Moliere,Renard,M. de
Voltaire, &c. leur fonction exige , pour y exceller,
de la figyre , de la dignité , de la v o ix , de la mémoire
, du ge fte , de la fenfibilité, de l’intelligencej-
de la connoiffance même des moeurs 8c des caractères
, en un mot un grand nombre de qualités que la
nature réunit fi rarement dans une même perfonne,
qu’on compte plus de grands auteurs que de grands
comédiens. Malgré tout c e la , ils ont été traites très-
durement par quelques-unes de qos lois, que nous
allons expofer dans la fuite de cet artic le, pour fa-
tisfaire à la nature de notre ouvrage. Voye^Geste,
D é c l am a t io n , In to n a t io n , & c.
C o m é d i e n s , {^Jurifprudence. ) Chez les R o mains
, les comédiens etoient dans une efpece d’in