
vitriol. Nous pouvons obferver à-propos de ce fait
même, qui eft un des plus intéreffans de tous ceux
qui font rapportés dans ce traite, que Boyle eft fort
peu circonfped a conclure de fes expériences^ chimiques
; car celles-ci ne préfentant, félon lui-même,
qu’une extraftion ou une féparation du foufre, ne
fait rien, ce femble , à l’établiffement de fa prétention
, que le foufre eft réellement producible ; car
il a bien défini la producibité, ôc l’a effentiellement
diftinguée dé la féparation.
Ses efl'ais phyfiologiques contiennent quelques
avis aux Chimiftes, qui font réellement utiles, mais
point neufs, d’ailleurs rien que des obfervations ôc
des confidérations communes & de peu d’impor-
S e s e x p é r i e n c e s fu r l a p o n d é r a b il i t é d e la flamme
font faites avec peu d’exa&itude ôc maicomprifes ,
male inullecta; l’auteur n'a connu la nature de pas
lin des matériaux qu’il a employés, ôc n’a point du
tout entendu les changemens qu’ils fubiffoient ; la
combinaifon réelle du feu ou de la flamme, qu il a
très-diftinaement articulée, eft pourtant très-chi-
mique : quelque peu précife que foit cette affertion,
on ne fauroit refufer à l’illuftre phyficien l’éloge qu’il
mérite pour cette connoiffarice, toute particulière
& . abfolument ifolée qu’elle foit reftée chez lui.
Quant .à la doftrine que Boyle a voulu fubftituer
à celle, qu’il a combattue avec une efpece d’acharnement
Ôc de haine trop peu philofophiqueJ’ai déjà
obfervé que c’étoit précifément celle que j’ai mife
en oppofition avec la do&rineque j’ai appellée chimique:
elle qft éparfe , cette doarine chimico-méçbaniqué,
dans tous fesouvrages chimiques; ôc l’auteur
avoit commencé en 1664 de la redigeren un corps
fous le titre de Chimie philofophique, dans le tems que
Becher achevoit la fienne, ( fa phyfiqué foûterreine).
Outre le,motif de confolation fur l’inexécution de
ce projet , que nous fournit la phyfiqué foûter-
reine de-Becher, nous-ipouvons en trouver encore
un -plus ï direa dans lés expériences & les remarques
de B o y le , fur l’origine & la production mecha-
nique de la fixité , de la. volatilité, de la eorrOfivité , •
ÿ k qiFon. ’peut regarder'Icomme' un échantillon de
cette Chimie philofophique ; r. J 1:
■' Pour toutes ces raifonsy en rendant à Boyle toute
la juftice. qu’il mérite , comme un illuftre propà- ,
gâteuri, ÔC*même comme le-pere de la-phyfiqueex- |
périmentale > commer s’étant exercé lui-même àyèc
un zele infatigable , une induftrié, de une fagadté
peu communes fur plufieurs branches importantes
de cette fc ien ce com m e .en ayant d’ailleurs’ bien
mérité, en ehcouragéant & en: aidant meme de- talent
des’ travailleurs indigens, &c. En reconnoiflant,
dis-je, toutes ces obligations que lui a la Phyfiqué,
l’intérêt de- la' vérité & - le bien même de la chofe,
exigent que-nous'déclarions que Boyle ne fauroit
avoir un rang, parmi, les Ghimiues-, mais feulement
parmi les Phyficiens verba noftra conatUf ■ - _
Jean Kurlckel , contemporain de Boyle & de Becher
, fut un-travailleur très-appliqué, & un obfer-
vateur fur-la fagacité &. fur la fincérité duquel on
peut compter. 11 fntlong-temsà la tête d’une verrerie
; ce-qui lui fournit non-feulement la commodité
d’ajouter au traité -d^Néri- les remarques- gui'ont
fek de- cet ouvrage un !cofps Complet 'de--verrene ,^
mais-même de profiter du feu continuel qu’il avôit
foiis la m ain, pour;faire plufieurs expériences des
plüâ çurieufes , principalement fur les métaux pan-
feits.:V <ÿé f Su bstances métallique s-, & C alc
in a t io n '. Kunckel s?étojt Fait fur le feu ôc fur les
niatierës ififlartimablesi y : une théorie âulR Tidiçule
ôué;fôritsprécieux les faits qu’elle noyé dans ffön-fo-
boratotium föptfinientale ,o ù elle eft principalement
p ü fé ïh isSiivre.M. Stahl s’êft donné la peine de la
réfuter dans fon traité du foufre , dont cette réfutation
forme une grande partie.
Enfin immédiatement après les trois derniers auteurs
que nous venons de nommer, parut le grand
George Erneft Stahl, né à Anfpach en 1660, premier
médecin du duc de Saxe'Weymaren i687,profefleur
en Medecine dans l’univerfité de Hall en 1694, où il
fe fit une très-grande réputation, & profeffa jufqu’à
l’année 1716 , qu’il alla à Berlin où le roi de Pruffe
l’avoitappellé pour être fon premier médecin, pofte
qu’il a rempli julqu’en 1734» annee de fa mort. Génie
vafte , pénétrant, précis, enrichi par les cpn-
noiffances élémentaires de toute efpece ; tout ce
qu’il a écrit eft marqué au coin du grand , & fourmille
en ce genre d’images qui s’étendent au-delà-
de l’objet fenfible, ôc qui finiffent, pour ainfi dire ,
par un long fillon de lumière qui brille aufli loin que
la vûe de l’efprit peut le fuivre. Il a marche en Médecine
dans une carrière nouvelle ( voye£ Médec
in e ) , & il a porté la doftrine chimique au point
où elle eft aujourd’hui, & j’ofe dire à un état de perfection
, où maniée par d’habiles mains, elle pourront
faire changer de face à la Phyfiqué, la prefen-
ter fous un jour nouveau. Outre le Becherianifme
qu’il s’eft rendu véritablement propre, qu’il a revêtu
de la forme philofophique dans lejpecimcn Beche-
rianum dont nous avons déjà parlé, il a enrichi l’art
de plufieurs traités particuliers, fprvant tous le plus
immédiatement à l’établiffement & a 1 extenfion de
la théorie générale dontil a perfectionné une branche
entière des plus étendues, & qui a du paroitre
la plus difficile à ordonner ; favoir, les combinai-
fons du phlogiftique, du feu ; de la deuxieme terre
de Becher. Son traité de Zimôtechnie me paroît un
chef-d’oeuvre.'Les vrais fondemens des opérations
-métallurgiques n’étoiënt pas même foupçonnées
avant qu’ii-éûtfdonné fon admirable traite , intitule
: differtatio Metallurgioe pyrotechnies, & Docimajîce me*
; tailles-furidkménta exhîbéfist 'L.ëS'jélémens " de Chimie
que'nous avons de Stahl foiis le titre' de fundantentd
i Chimiæ dogmaticoe experimentalis^qf ii avoit diCtes des
1684;, & qui font fes juvehilià ■ , ne font un ouvrage
: médiocre qu’èn comparàifon des ouvrages plus travaillés
dû même auteur.
Stahl a écrit en général d’un ftyle dur, ferré, em-
barraffé, & plus barbare, dü moins en latin, que la
qualité d’écïivain moderne ne le comporte. L’ob-
lcurité que. ce : ftyle répand fur des matières d’ail—
j leurs abftraites & confidérées très-profondément , a
■ été reprochéë à Stahl pair quelques amateurs, & a été
regardée'Comme très-avantageufe à l ’art par quelques
autres ; par ceux qui n’orit vû qu’avec regret
que l’art a été proftitué auxprophanès, fes myfteres
divulgués ; publiés en-1 langue populaire, ou fur le
ton ordinaire des fciences (ce qui leur a paru la même
chofe ) ; ton qui n’a commencé proprement qu’aux
maîtres de Stahl, Barner &~Bohn ; bu par ceux
qui ont penfé plus philofophiquement que ce degré de
clarté ,-d’ôfdre, de liaifOn , qui met les fcienCes à là
portée de tous les leCleurs , & même de tous les gens
de lettres;, étoit nuifible-en foi-même aux progrès de
' ces fciencës ; & que le' bien de leur publicité n’étoit
préconîfé qii’en conféquence d’une de'ces opinions
adoptées fans examen, & par-là même fi profondé-
• ment-ehraéirtées, que; l’bpinion:contraire -à tout l’of-
fehfânt d’un paradoxe; Gë paradoxe eft pourtant
une vérité très-réeile -, lor-fqti’ôn l’applique en particulier''
âu cas de la Chimië f û elle devient connue
au pbint qüé les faifeurs de feuilles , de romahS, les
poètes, les écrivains, veuillent orner leurs ouvra-1
ges du nome de-Stahl, comme- ils fe décbrërtt -de
celui de Newton , 6*c. fi la Chimie devient à la mode
, elle fié fera plus què petite i, minutieufë -, jolie ,
élégarite ; les Chimiftes auront le public à fajisfaire
C H Y
au lieu des connoifîeurs, ils voudront plaire à^ ce public
; réciproquement ce fera ce public qui décidera
du mérite des auteurs , ôc le médiocre fera fur le
throne de la fcience.
Si cette obfcurité relative que nous avons reconnue
Ôc prefque approuvée dans Stahl n’eft pas blâmable
, nous pouvons aflïirer avec plus de confiance
, qu’on ne peut lui reprocher aucune obfcurité
abfolue, ôc qu’il n’e# pas un de fes écrits profonds,
tels que fon fpecimen Becherianum, fa çimotechnie, ÔC
fes trecenta, qui ne puifle avoir jufqu’à cinq ou fix
lefteurs dans chaque nation favante.
Stahl a formé un grand nombre de difciples , parmi
lefquels Meuder ôc Neuman, tous deux enleves
par une' mort précoce, fe font particulièrement dif-
tingués. -
Jean Frideric Henckel, un peu plus moderne quë
Stahl, eft admirable dans les connoiflances particulières
, toujours profondes Ôc liée s, qu’il nous a
données principalement fur les minéraux , dans fa
pyrotologie, ôc dans fa fora faturnifans, ÔC par la
doétrine chimique tranfeendantequ’ilaexpofee dans
fon appropriàtio. v.;.; '
Frideric Hoffman, le rival de Stahl, auquel il fuc-
céda dans la place de premier médecin du roi de
Pruffe, a voulu joindre le relief de la Chimie à la
gloire qu’il s’étoit juftement acquife par fon habileté
dans la pratique ôc dans lâ théorie de la Médecine.
On prétend qu’il n’eut d’autre vocation à la Chimie
, que la célébrité de Stahl dans cette, partie : quoi
qu’il en fo i t , il n’eft pas chimifte ; fes obfervations
toutes petites ôc ifolées , ne font pas neuves çour la
plupart; ôefes differtations fur les eaux minérales ,
qui ont été fort admirées ôc fort copiées, ne font
qu’un mauvais ouvrage bien fait. ^ ^
Lemery, qui paroît abfolument avoir ignoré Stahl,
nous- donna au commencement du fiecle plufieurs
ouvrages chimiques, entre lefquels fa Chimie lui a
fait fur-tout une réputation confidérable, même chez
les Allemands, qui l’ont traduite maigre leur jicheffe
en cè genre. Cet ouvrage eft effeûivement eftimable
par l’exaâitude dès opérations , 8c les obfervations
fréquentes ôc judicieuies dé manuel. Il fe diftingue
du commun des Chimiftes pharmaceutiques dans la
claffe defquels nous l’avons rangé, par une certaine
théorie demi-corpufculaire, dont il a orné ou chargé
fes opérations. Il a été le feul proprement claflï-
que ôc élémentaire en France, jufqu’à cequ’en 17x3
le nouveau cours de Chimie, félon les principes de
Newton ôc de Stahl, nous apporta le Stahlianifme,
Ôc fit la même révolution dans notre Chimie,,que les
réflexions fur l’attrattion que publia M; de Mauper-
tuis dans fon difeours fur les différentes figures des
aftrès, ont opérédansnotre Phyfiqué, ennous fai-
fant recevoir le Newtonianifmè.
Dans lè même téms trois; grands auteurs adaptèrent
aux principaux phénomènes chimiques ,1a théorie de
l’attraftibn.; Newton, fur la fin de fa carrière; Jean
K é i l , qui ên difpnta mbdeftement la gloire à fon
maître^ ôc le célébré Freind, qui les copia Ôc les
gâta tous deux : nous avons déjà parlé de leurs
fuccès. Gettethéorie qui régné en Angleterre, comme
il paroît par les ouvrages chimiques de M. Haies,
n’a jamais été adopté chez.nous. V. Attraction.
Si je île fais pas conrtoître plufieurs favans îlluf-
tres,' qui cultivent aujourd'hui la Chimie avec le plus
grandYüccès, c’eft qué je n’ai pas crû qu’il me fût
permis de leur affigner de rangs. ^ .. ' ,
Le corps, le fond de doftrine chimique, tel qu il
exifte. aujourd’h u i, eft contenu dans les tables de
Juncker, ouvrage précieux, trop peu c ité , ôc principalement
tiré de Stahl; Nos thréfors de faits font
les mémoires des académies, 8c fur-tout de celles de
Paris, de Pruffe, ôc de Suede, C ’eft dans ces riches col-
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levions que font renfermés les matériaux les plus pré
cieux de cette Phyfique-chimique, vraiment fondamentale,
dont j’ai tâché défaire preffentir les avantages
ôcd’infpirer le goût. C ’eft aufli dans ce vafte fonds
qu’on doit fe pourvoir d’un nombre fuflifant de connoiflances
chimiques particulières , qui font en foi
une richeffe réelle, & qui doivent au moins nécef-
fairement devancer les notions compofées ôc générales,
toûjours aufli inutiles , comme faurce d’inf-
truftion , que prccieufes Ôc recommandablês, comme
étant le complément, le'faîte, le degré fuprème
des fciences.
Mais tout le fruit qu’on peut tirer des meilleurs
ouvrages des Chimiftes, toutes les inftruttions écrites
ne peuvent être d’aucun ufage , comme étude
élémentaire ôc première deé commencemens ; ce
n’eft pas dans les livres qu’on peut prendre de Chimie ;
cette fcience doit, comme toutes les fciences pratiques
, être d’abord démontrée aux fens ; nous l’avons
déjà obfervé, ôc on en eft affez généralement
convaincu.
. Cette première inftitution , cette étude vraiment
élémentaire , cette inftru&ion commençant par l’exercice
des fens, on la doit néceffairement chercher
dans les leçons publiqu|s, ÔC dans les cours particuliers
que des Chimiftes zélés pour les progrès de
1 leur art ont ouverts depuis quelques années dans les
principaies villes de l’Europe.
Les cours que M. Rouelle fait à Paris depuis
quinze ans, font, de l’aveu même des étrangers ,
ce qu’il y a de mieux en ce genre. L ’ordre dans
lequel les objets particuliers y font préfentés,
l ’abondance ôc le choix des exemples , le foin ôc
l’exaâitude avec lefquels les opérations y font
: exécutées, l’origine ôc la liaifon des phénomènes
qu’on y fait obferver, les vues neuves, lumineu-
fes~, étendues , qui y font fuggérées ,. les excellens
préceptes de manuel qui y font enfeignes, ôc enfin
la bonne, la faine doftrine qu’on y réfume de toutes
les connoiflances particulières ; tous ces avantages,,
dis-je, font du laboratoire de cet habile Chimifte
une fi bonne é cole, qu’on peut en deux cours 9
avec des difpofitions ordinaires , en fortir. affez in-
ftruit pour mériter le titre d’amateur diftingué , ou
d’artifte capable de s’appliquer avec fuccès aux recherches
chimiques. Ce jugement eft confirme par
l’exemple dé tous les Chimiftes françois , dont le
premier goût de Chimie eft poftérieur aux premiers
cours, de M. Rouelle.
Je n’ai pas crû pouvoir mieux finir cet article, que
j’ai uniquement deftiné à exciter le goût de la Chimie
, qu’en indiquant au letteur à qui j’aurai pu l’inf-
pirer, la fource dans laquelle il pourra le fatisfaire
avec le plus d’avantage, i f )
CHYMÔSE, f. f. raftion de faire ou préparer le
chyme. CHYME. - .
CHYPRE, OU CY PR E, (Géog.) en latin Cyprus:
Le premier eft le nom moderne, ôc le fécond eft
le nom ancien. Une des plus.grandes îles de.la Méditerranée,
fur la côté, d’Afie, entre la Cillcie au
nord, & la Syrie à l’orient.
La fable l’avoit confacréé à Venus ; ôc comme
elle y plaçoit le lieu de la naiffance de cette déplTe ,
on r y honoroit d’un culte particulier. C’eft dans
cette île que font les lieux célébrés d’Amathonte ,
de Paphos, de Çythere, ôc de la forêt d’Idalie, û
vantés par les Poètes. ^ ,
Sa fertilité, fes vins, 8c fes mines, 1 ont rendue
en tout tems fi confidérable que les Grecs lui donnèrent
le nom de marcaria, c’eft-à-dire fortunée ; mais
il s’eufaut bien qu’elle mérite ce beau titre , par les
malheurs qu’elle a effuyés fucceflivement en paffant
fous des dominations étrangères. Cet article ejt de
le Chevalier PE Jaug o u r t .