
binaifons différentes de fuperftitions , d’idolâtrie,
& de polythéifme ou d’athéifme. C ’eft ce dont on
jugera plus fainement par l’expofition de leurs principes
que nous allons placer ici. Ces principes, félon
les auteurs qui paroiffent les mieux inftruits,
ont été ceux des philofophes du moyen âge, 6c font
encore aujourd’hui ceux des lettrés , avec quelques
différences qu’y aura apparemment introduit le commerce
avec nos favans.
Principes des philofophes chinois du moyen âge & des
lettrés de celui ci; i. Le devoir du philofophe eft de
chercher quel eft le premier principe de l’iuiivefs:
comment les caufes générales 6c particulières en
font émanées ; quelles font les afrions de ces caufes,
quels font leurs effets ; qu’eft-ce que l ’homme relativement
à fon corps 6c à fon ame ; comment il conçoit,
comment il agit ; ce que c’eft que le v ic e , ce
que c’eft que la vertu ; en quoi l’habitude en con-
fifte ; quelle eft la deftinéede chaque homme ; quels
font les moyens de la connoître : & toute cette doctrine
doit être expofée par fymboles, énigmes, nombres,
figures, & hiéroglyphes,
1. La fcience eft ou antécédente, Jîtn tien hio, &
s’occupe de l’être & de la fubftance du premier principe
, du lieu, du mode, de l’opération des caufes
premières confidérées en puiffance ; ou elle eft fub-
féquente, & elle traite de l’influence des principes
immatériels dans les cas particuliers ; de l’application
des forces aftives pour augmenter, diminuer,
altérer ; des ouvrages ; des chofes de la vie civile ; de
l’adminiftration de l’empire; des conjonctures convenables
ou non ; des tems propres ou non, &c.
Science antécédente, i . La puiffance qui domine
fur les caufes générales, s’appelle ti-chu-chu-^ai-kuin-
wang-huang : ces termes font l’énumération de fes
qualités.
2. Ilne fe fait rien de rien. II n’y a donc ni principe
ni caufe qui ait tiré tout du néant.
3. Tout n’étant pas de toute éternité, il y a donc
eu de toute éternité un principe des chofes antérieur
aux chofes : li eft ce principe ; li eft la raifon
première, 6c le fondement de la nature.
4. Cette caufe eft l’Être infini, incorruptible,
fans commencement ni fin ; fans quoi elle ne feroit
pas caufe première & derniere.
ç. Cette grande caufe univerfelle n’a ni v ie , ni
intelligence, ni volonté ; elle eft pure ^tranquille,
fubtile, tranfparente, fans corporéité, fans figure ,
ne s’ atteint que par la penfée comme les choies Tpi-
rituelles ; 6c quoiqu’elle ne foit point fpirituelle, elle
n’a ni les qualités actives, ni les qualités palfivesdes
élémens.
6. L i , qu’on peut regarder comme la matière première,
a produit l’air à cinq émanations, 6c cet air
eft devenu par cinq viciffxtudes fenfible 6c palpable.
7. Li devenu par lui-même un globe infini, s’appelle
tai-hien, perfe&ion fouveraine.
8. L’air qu’il a produit a cinq émanations, & rendu
palpable par cinq viciflitudes , eft incorruptible
comme lui ; mais il eft plus matériel, 6c plus fournis
à la condenfation, au mouvement, au repos, à la
chaleur, & au froid.
9. Li eft la matière première. Tai-kie eft la fécondé.
10. Le froid 6c le chaud font les caufes de toute
génération & de toute deftru&ion. Le chaud naît du
mouvement. Le froid naît du repos.
1 1. L ’air contenu dans la matière fécondé ou le
chaos, a produit la chaleur en s’agitant de lui-même.
Une portion de cet air eft reftée en repos & froide.
L ’air eft donc froid ou chaud. L’air chaud eft pur,
clair, tranfparent, & leger. L’air froid eft impur,
obfcur, épais, & pefant.
12. Il y a donc quatre caufes phyfiques, le mouvement
& le repos, la chaleur 6c le froid. On les appelle
tung-cing-in-iang.
13. Le froid 6c le chaud font étroitement unis :
c’eft la femelle 6c le mâle. Ils ont engendré l’eau la
première, 6c le feu après l’eau. L ’eau appartient à
Vin , le feu à Viang.
14. Telle eft l’origine des cinq élémens, qui conf-
tituent tai-kie, ou in-iang, ou l’air revêtu de qualités.
15. Ces élémens font l’eau, élément feptentrio-
nal ; le feu, élément auftral ; le b ois, élément oriental
; le m étal, élément occidental ; & la terre, qui
tient le milieu.
16. Ling-yang 6c les cinq élémens ont produit le
c ie l, la terre, le foleil, la lune, & les planètes. L’air
pur 6c leger porté en-haut, a fait le ciel ; l’air épais
6c lourd précipité en-bas, a fait la terre.
17. Le ciel & la terre unifiant leurs vertus, ont
engendré mâle & femelle. Le ciel 6c la mer font
d’iang, la terre 6c la femme font d’in. C ’eft pourquoi
l’empereur de la Chine eft appellé roi du ciel ;
6c l’empire facrifie au ciel & à la terre fes premiers
parens.
18. Le c ie l, la terre, 6c l’homme font une fource
féconde qui comprend tout.
19. Et voici comment le monde fut fait. Sa machine
eft compofée de trois parties primitives, principes
de toutes les autres.
20. Le ciel eft la première ; elle comprend le foleil
, la lune, les étoiles, les planètes, 6c la région
de l’air où font épars les cinq élémens dont les chofes
inférieures font engendrees.
21. Cette région eft divifée en huit kuas ou portions
, où les élémens fe modifient diverfement, 6c
confpirent avec les caufes univerfelles efficientes.
22. La terre eft la féconde caufe primitive ; elle
comprend les montagnes , les fleuves, les lacs, 6c
les mers, qui ont auflï des caufes univerfelles efficientes
, qui ne font pas fans énergie.
23. C ’eft aux parties de la terre qu’appartiennent
le kang 6c Vieu, le fort 6c le foible, le dur 6c le mou,
l’âpre 6c le doux.
24. L’homme eft la troifieme caufe primitive. Il
a des afrions 6c des générations qui lui font propres.
25. Ce monde s’eft fait par hafard , fans deftin,
fans intelligence, fans prédeftination, par une conf-
piration fortuite des premières caufes efficientes.
26. Le ciel eft rond, fon mouvement eft circulaire
, fes influences fuivent la même direâion.
27. La terre eft quarrée ; c’eft pourquoi elle tient
le milieu comme le point du repos. Les quatre autres
élémens font à fes côtés.
28. Outre le ciel il y a encore une matière première
infinie ; elle s’appelle li; le tai-kie en eft l’émanation
: elle ne fe meut point ; elle eft tranfparente
, fubtile, fans afrion, fans connoiffance ; c’eft une
puiffance pure.
29. L’air qui eft entre le ciel & la terre eft divifé
en huit cantons: quatre font méridionaux, où régné
iang ou la chaleur: quatre font feptentrionaux, où
dure Vin ou le froid. Chaque canton a fon kua ou fa
portion d’air ; c’eft-là le fujet de l’énigme de Fohi.
Fohi a donné les premiers linéamens de l’hiftoire du
mondé. Confucius les a développés dans le livre lie-
kien.
Voilà le fyftème des lettrés fur l’origine des chofes.
La métaphyfique de la fefre de Taoçu eft la même.
Selon cette fe&e , tao ou chaos a produit un ;
c’eft tai-kie ou la matière fécondé ; tai-kie a produit
deux, in leang; deux ont produit trois , tien, ty ,
gin, fa n , %ay , le ciel; la terre, & l’homme; trois
ont produit tout ce qui exifte.
Science fuhféquente. Vuem-Vuam , & Cheu-Kung
fon fils, en ont été les inventeurs ; elle s’occupe des
influences
influences céleftes fur les tems , les mois, les jours,
les fignes du zodiaque, 6c de la futurition des évene-
mens , félon laquelle les a étions de la vie doivent
être dirigées. Voici fes principes.
1. La chaleur eft le principe de toute aCtion 6c de
toute confervation ; elle naît d’un mouvement produit
par le foleil voifin, & par la lumière éclatante :
le froid eft caufe de tout repos 6c de toute deftruc-
tion ; c’eft une fuite de la grande diftance du foleil ;
de l’éloignement de la lumière, & de la préfence des
ténèbres.
2. La chaleur régné fur le printems & fur l’été ;
l’autonne & l’hyver font foûmis au froid.
3. Le zodiaque eft divifé en huit parties ; quatre
appartiennent à la chaleur, 6c quatre au froid.
4. L’influence des caufes efficientes univerfelles fe
calcule en commençant au point cardinal ou kua ,
appellé chin ; il eft oriental; c’eft le premier jour du
printems, ou le cinq ou fix de Février.
5. Toutes chofes ne font qu’une feule 6c même
fubftance.
6. Il y a deux matières principales ; le chaos infini
ou li ; l’air ou tai-kie, émanation première de li :
cette émanation contient en foi l’effence de la matière
première, qui entre conféquemment dans toutes
fes productions.
7. Après la formation du ciel & de la terre, entre
l’un & l’autre fe trouva l’émanation première ou
l’air, matière la plus voifine de toutes les chofes corruptibles.
8. Ainfi tout eft forti d’une feule & même effen-
ce , fubftance, nature, par la condenfation, principe
des figures corporelles, par les modifications variées
félon lès qualités du c ie l, du foleil, de la lune , des
étoiles, des planètes, des élémens, de la terre , de
l’inftant, du lieu , 6c parle concours de toutes ces
qualités.
9. Cès qualités font donc la forme & le principe
des opérations intérieures 6c extérieures des corps
compofés.
10. La génération eft un écoulement de l’air primitif
ou du chaos modifié fous des figures, 6c doué
de qualités plus ou moins pures ; qualités 6c figures
■ combinées félon le concours du foleil, 6c des autres
caufes univerfelles & particulières.
11. La corruption eft la deftruCtion de la figure
extérieure, & la féparation des qualités , des humeurs
, 6c des efpritsunis dans l’air : les parties d’air
defunies , les plus legeres , les plus chaudes, ôc-ies
plus pures, montent ; les plus pelantes, les plus froides,
& lés plus grofïïeres, defeendent : les premières
s’appellent xin 6c hoen , efprits purs, âmes fépa-
rées ; les fécondés s’appellent kuei, efprits impurs ,
ou les cadavres.
12. Les chofes different 6c par la forme extérieur
e , & par lès qualités internes.
13. Il y a quatre qualités : le ching, droit, pur, 6c
confiant ; le pien, courbe, iinpur, 6c variable; le
tung, pénétrant, & fubtil ; le J e , épais, obfcur, &
impénétrable. Les deux premières font bonnes 6c ad-
mifes dans l’homme ; les deux autres font mauvai- j
fe s , & reléguées dans la brute 6c les inanimés.
14. Des bonnes qualités naît la diftinâion du parfait
6c de l’imparfait, du pur & de l ’impur dans lps
chofes : celui qui a reçû les premiers de ces modes ,
eft un héros ou un lettré ; la raifon le commandé J il
laiffe loin de lui la multitude : celui qui a reçû les fécondés
, eft obfcur & cruel ; fa ; vie eft niaùvaife ;
c’eft une bête fous une figure humaine : celui qui
participe des unes 6c des autres , tient le milieu ;
c’eft un bon homme, fage 6c prudent ; il eft du nombre
des hien-lin.
1 5. Taie-kie , ou la fubftance univerfelle, fe di-r
vife en lieu 6c vu; vu eft la fubftance figurée, corpo-
Tome I I I .
relie,' matérielle, étendue , folide , 6t réfiftante ;
heu eft la fubftance moins corporelle , mais fans figure
déterminée , comme l’air ; on l’appelle v a , kung-
hieu, vu-kung, néant, vuide.
16. Le néant ou vuid e, ou la fubftance fans qualité
6c fans accident, tai vu , tai kung, eft la plus pure
, la plus fubtile, 6c la plus fimple.
17. Cependant elle ne peut fubfifter par elle-même
, mais feulement par l’air primitif ; elle entre
dans tout compofé ; elle eft très-aérienne ; on l’appelle
ki ; il ne faut pas la confondre avec la nature
immatérielle & intellectuelle.
18. De li pur, ou du chaos ou feminaire univer-
fel des chofes, fôrtent cinq vertus ; la piété, la juf-
t ic e , la religion , la prudence , 6c la fidélité avec
tous fes attributs : de li revêtu de qualités , 6c combiné
avec l’air primitif, naiffent cinq élémens phyfiques
6c moraux, dont la fource eft commune.
19. Li eft donc Feffence de tout. Ou, félon l’ex-
prefiion de Confucius, la raifon première ou la fubftance
univerfelle.
20. Li produit tout par ki ou fon air primitif ; cet
air eft fon infiniment 6c fon régulateur général.
21. Après un certain nombre d’ans & de révolu*
rions, le monde finira ; tOut retournera à fa fpurce
première , à fon principe ; il ne reftera que li 6c ki ;
& l i reproduira un nouveau monde ; 6c ainfi de fuite
à l’infini.
22. Il y a. dès efprits ; c’eft un vérité démontrée
par l’ordre confiant de la terre & des cieux , & la
continuation réglée & non interrompue de leurs opérations.
23. Les chofes ont donc un auteur, un principe
invifible qui les conduit ; c’efi chu , le maître.; xin-
kuei, l’efprit qui va & revient -; tï'-kium\ lètîrincè
ou le fouÿefain.
^ 24. Autre preuve des efprits ; de font les bienfaits
répandus fur les hommes, amenés par cette voie àu
culte & aux facrifices.
25. Nos peres ont offert quatre fortes de fàcrifi-
ces ; lui , au ciel 6c à xanghti fon efprit ; in , aux
efprits des fix caufes uhiverfelles , dans les quatre
tems de l’année ; favôir, lé froid, le chaud*; lé felèil','
la lune \les étoiles, les pluies, 6t là féchereffe ; vuangf
aux efprits des montâgnés & des fleuves pieh ,• aux
efprits inférieurs, & aux lioiriinés qui ont bien mérité
de la république.
D ’ôù il fuit i° . que les efprits des Chinois ne font
qu’une feule 6c même fubftance avec la chofe à laquelle
ils font unis : 20. qu’ils n’ont tous qu’un principe
, le chaos primitif ; ce qu’il faut entendre du tien-
Chu , notre D ie u , 6c du xanghti, le ciel bu l’efprit
célefte : 30. que les efprits finiront avec le monde,
6c retourneront à la fource commune de toutes chofes
: 4°. que relativement à leur fubftance primitive ,
les efprits font tous également parfaits , & qu’ils ne
font diftingués qüe par lés parties plus grandes ou
plus petites de leur réfidencê : <f .qu’ils font tous fans
yie , fans- intelligence, fans liberté : 6°. qu’ils reçoivent
des facrifices feulement félon la condition de
leurs opérations 6c des Iieùxqu?iis habitent: 70. que
ce font'des portions dé l’a fubftance univerfelle, qui
ne peuvent être féparées des êtres où on les fuppo-
f e , fans là deftru&ion dé ces êtres.
26. Il y a dès efprits de génération & de corrup*'
tion qu’on peut appellef efpritsphyjîques, parce qu’ils
font caufes des effets phyfiqiies ; & il y a des efprits
de facrifices qui font ou bien ou mâlfaifàns à l’homme
, & qu’on peut appeller politiques.
27. La vie de l’homiriè confifte dans l’union convenable
des parties de l’homme , qu’on peut appeller
l’entité du ciel 6c de la terre : l’entité du ciel eft
un air très-puf, très-leger, de nature ignée, qui conf-
titue l’hoen4 l’ame ouft’-éfprit-des animaux : l’entité
Xx