
ceau ; Sc pour leur fubfiftance il afîïgna des fonds
fur les hôpitaux 8c maladreries de France : mais ce
ne fut qu’un projet qui n’eut point fon exécution. La
mort funefte de ce prince fit échouer cet établiffe-
ment. Il étoit refervé à Louis X IV . de l’exécuter
avec autant de grandeur qu’il l’a fait, par la fondation
de l’hôtel royal des Invalides. Favin, liv. I I I .
{G)C
h a r it é , (/<*) Géog. ville de France dans leNi-
vernois, fur la Loire. Long. z o . 40. lut. 47. 8.
* CH AR ITE S , (Mythé) voyeç G râces.
CHARIVARI, f. m. (Jurijprud.') bruit de dérifion
qu’on fait la nuit avec des poêles, des baflins, des
chauderons, &c. aux portes des perfonnes qui convolent
en fécondés, en troifiemes noces, 8c même
de celles qui époufent des perfonnes d’un âge fort
inégal au leur.
Cet abus s’étoit autrefois étendu fi loin, que les
reines mêmes qui fe remarioient n’étoient pas épargnées.
Voyeç Sauvai, antiq. de Paris. Ces fortes d’in-
fultesont été prohibées par différens réglemens. Un
concile de T ours les défendit fous peine d’excommunication.
Il y en a aulfi une défenfe dans les Jlatuts de
Provence ,p . j o ÿ . & 3 10. La Roche-Flavin, liv. VI.
tit. x jx . art. 1. Brodeau, fur Paris , t. I . p. ZJ4. 8c
Brillon, en fon diclionn. des arrêts, au mot charivari,
rapp'ortent plufieurs arrêts intervenus à ce fujet. Les
juges de Beaune ayant condamné de nouveaux remariés
à payer au peuple les frais d’un charivari, leur
fenteficè fut infirmée. Ba yle, dicl. tome II.- au mot
Boüchain. A Lyon ce defordre eft encore toléré ; on
continue-le charivari jufqu’à ce que les nouveaux remariés
ayent donné un bal aux voifins, 8c du vin au
peuple. Il y a environ trente ans qu’on n ’en fouffre
plus à Paris. Plufieurs particuliers étant contrevenus
aux réglemens faits à ce fujet, furent condamnés par
fentence de Police du 13 Mai 173 5. (A )
C ha r iv a r i , terme de je u , fe dit à l’hombre à
trois, d’unhafard qui confifte à porter les quatre dames.
On reçoit pour ce jeu de chacun une fiche, fi
l’on gagne ; onia paye à chaque joiieur, fi l’on perd.
CHARLATAN ,f.m . (Medecine.') Voye^à Varticle
C harlatanerie , la définition générale de ce mot.
Nous en allons traiter ici félon l’acception particulière
à la Medecine.
L’ufage confond aujourd’hui dans notre langue,
de même que dans la langue angloife, l’empyrique
& le charlatan.
C’eft cette efpece d’hommes, qui fans avoir d’études
8c de principes, 8c fans avoir pris de degrés
dans aucune univerfité, exercent la Medecine 8c la
Chirurgie, fous prétexte de fecrets qu’ils poffedent,
& qu’ils appliquent à tout.
11 faut bien diftinguer ces gens-là des Médecins
dont l’empyrifme efi éclairé. La Medecine fondée
fur de vraies expériences, eft très-refpeôable; celle
du charlatan n’eft digne que de mépris.
Les faux empyriques font des protées qui prennent
mille formes différentes. La plupart grofliers &
mal-habiles, n’attrapent que la populace ; d’autres
plus fins, s’attachent aux grands 8c les féduifent.
- Depuis que les hommes vivent en fociété, il y a
eu des charlatans 8c des dupes.
Nous croyons facilement ce que nous fouhaitons.
Le defir de vivre eft une paflion fi naturelle 8c fi fort
e , qu’il ne faut pas s’étonner que ceux qui dans la
fante n’ont que peu ou point de foi dans l’habileté
d’un empyrique à fecrets, s’adreffent cependant à ce
faux médecin dans les maladies graves 8c férieufes,
de même que ceux qui fe noyent s’accrochent à la
moindre petite branche. Ils fe flattent d’en recevoir
du fecours, toutes les fois que les hommes habiles
n’ont pas eu l’effronterie de leur en promettre un
.certain.
Hippocrate ne guériffoit pas toujours \ ni fure-
ment : il fe trompoit même quelquefois ; & l’aveu
ingénu qu’il a fait de fes fautes, rend fon nom aufli
refpeftable que fes fuccès. Ceux ait contraire qui
ont hérité de leurs peres la medecine pratique, & à
qui l’expérience eft échue par fucceflion, affûrent
toujours 8c avec ferment qu’ils guériront le malade.
Vous le$ recojinoîtrez à ce propos de Plaute :
per facile id quidem efi,
Sanum futurum ; meâ ego id promitto fi.de.
« Rien de plus aifé que de le tirer d’affaire, il gué-
» rira ; c’eft moi qui vous en donne ma parole d’hon-
» neur ».
Quoique l’impudence & le babil foient d’une ref-
fource infinie, il faut encore à la charlatanerie quelque
difpofition intérieure du malade qui en prépare
le fuccès : mais l’efpérance d’une prompte fanté d’un
cô té , celle d’une bonne fomme d’argent de l ’autre,
forment une liaifon 8c une correfpondance affûrée.
Aufli la charlatanerie eft-elle très-ancienne. Parcourez
l’hiftoire médicinale des Egyptiens & des
Hébreux, & vous n’y verrez que des impofteurs »
qui profitant de la foibleffe 8c de la crédulité, fe
vantoient de guérir les maladies les plus invétérées
par leurs amulettes, leurs charmes, leurs divinations
8c leurs fpécifiques.
Les Grecs 8c les Romains furent à leur tour inondés
de charlatans en tout genre. Ariftophane a célébré
un certain Eudamus qui vendoit des anneaux
contre la morfure des bêtes venimeufes.
On appelloit ôn^etyayoi, ou Amplement agyrtoe, du
mot ctyupuv, affembler, ceux qui par leurs difcours af-
fembloient le peuple autour d’eux ; circulaires, circulions,
circumforanei, ceux qui couroient le monde,
& qui montoient fur le théâtre pour fe procurer la
vente de leurs remedes ; cellularii medici, ceux qui
fe tenoient aflis dans leurs boutiques en attendant
la chalandife. C ’étoit le métier d’un Chariton, de
qui Galien a tiré quelques defcriptions de médica-
mens : c’étoit celui d’un Clodius d’Ancône, qui étoit
encore empoifonneur, 8c que Cicéron appelle phar-
macopola circumforaneus. Quoique le mot pharmaco-
pola s’appliquât chez les anciens à tous ceux en général
qui vendoient des médicamens fans les avoir
prépares, on le donnoit néanmoins en particulier à
ceux que nous défignons aujourd’hui par le titre de
bateleur.
Nos bateleurs, nos Eudamus, nos Charitons
nos Clodius, ne different point des anciens pour le
caraâere ; c’eft le même génie qui les gouverne, le
même efprit qui les domine, le même but auquel ils
tendent ; celui de gagner de l’argent 8c de tromper
le public, & toujours avec des fachets, des peaux
divines, des calottes contre l’apoplexie, l ’hémiplégie
, l ’épilepfie, &c.
Voici quelques traits des charlatans qui ont eu le
plus de vogue en France fur la fin du dernier fiecle.
Nous fommes redevables à M. Dionis'de nous les
avoir confervés ; la connoiflançe n’en eft pas aufli
indifférente à l’humanité qu’on pourroit l’imaginer
du premier abord.
Le marquis Caretto, un de ces avanturiers hardis
, d’un caraôere libre 8c familier, qui fe produifant
eux-mêmes, proteftent qu’ils ont dans leur art toute
l’habileté qui manque aux autres, 8c qui font crus fur
leur parole, perça la foule, parvint jufqu’à l’oreille
du prince, & en obtint la faveur 8c des penfions. Il
avoit un fpécifique qu’il vendoit deux louis la goutte;
le moyen qu’un remede fi cher ne fût pas excellent ?
Cet nomme entreprit M. le maréchal de Luxembourg
, l’empêcha d’être faigné dans une fauffe pleu-
réfie dont il mourut. Cet accident décria le charlatan,
mais le grand capitaine étoit mort.
D eu x
Deux capucins fuccéderent à l’avanturièr d*Itau
iie ; ils firent publier qu’ils apportoient des pays
étrangers des fecrets inconnus aux autres hommes.
Ils furent logés au Louvre ; on leur donna 1500 liv.
,par an. Tout Paris accourut vers eu x, ils diftribue-
rent beaucoup de remedes qui ne guérirent perfon-
jne ; on les abandonna, & ils fe jetterent dans l’or-
rite de Clugnii L’un* qui fe fit appeller l'abbé Rouf-
J'eau, fut martyr de la charlatanerie, 8c aima mieux
mourir que de fe laiffer faigner. L’autre , qui fut
connu fous lé nom de l'abbe Aignan., ne fe réferva
flu’un remede contre la petite vérole, mais ce re-
mede étôit infaillible. Deux perfonnes de la première
qualité s’en fervirent : l’un étoit M. le duc de Roque-
laure, qui en réchappa, parce que fa.petite vérole
fe trouva d’une bonne qualité : l’autre, M. le princ
e d’Epinoi, qui en mourut.
En voici un pour les urines ; on l’appelloit le médecin
des boeufs. Il étoit établi à Seignelai, bourg du
cofoté d’Auxerre : il prétendoit connoître toutes fortes
de maladies par l’infpeâion des urines ; charlatanerie
facile, ufée -, & de tout pays. Il paffa pendant
quelque tems pour un oracle ; mais on l’inftrui-
fir mal, il fe trompa tant de fois que les urines oublièrent
le chemin de Seignelai.
Le pere Guiton, cordelier, ayant lû dans un liv
re de Chimie la préparation de quelques médical
mens, obtint de fes lupérieurs la liberté de lés vendre,
& d’en garder le p rofit, à condition d’en fournir
à ceux du couvent qui en auroient befoin.
M. le princè d’Ifenghien 8c plufieurs autres perfonnes
éprouvèrent fes remedes , mais avec un fi mauvais
fuccès, que le nouveau chimifte en perdit fon
crédit.
Un apoticaire du comtat d’Avignon fe mit fur
les rangs avec une paftille, telle qu’il n’étoit point de
maladie qui ne dût céder à fa vertu. Ce remede merveilleux
, qui n’étoit qu’un peu de fucre incorporé
a v ec de l’arfenic, produifit les effets les plus furief-
îes. Ce charlatan étoit fi ftupide, que prenant pour
mille paftilles mille grains d’arfenic qu’il mêloit
fans aucune précaütion avec autant de fucre qu’il en
falloit pour former les mille paftilles, la diftribution
de l’arfenic n’étoit point exaâe ; enforte qu’il y
avoit.telle paftille chargée de très-peu d’arfenic,&
telle autre de deux grains & plus de ce minéral.
Le frere Ange, capucin du couvent du faubourg S.
Jacques, avoit été garçon apoticaire ; toute fa feien-
ce confiftoit dans la compofition d’un fel végétal, 8c
d’un fyrop qu’il appelloit méfentérique, & qu’il donnoit
à tout le monde, attribuant à ce fyrop la propriété
de purger avec choix les humeurs qu’il falloit
évacuer. C ’é to it, dit - o n , un bon -homme , qui le
croyoit de bonne foi. Madame la Dauphine , qui
étoit indifpofée, ufa de fon fel 8c de fon fyrop pendant
quinze jours ; 8c n’en recevant aucun foulagement,
le frere Ange fut congédié.
L’abbé de B.elzé lui fuccéda à Verfaillesi C ’étoit
un prêtre normand qui s’avifa de fe dire médecin ;
il purgea madame la Dauphine vingt-deux fois en
deux mois, & dans le tems où il eft imprudent de
faire des remedes aux femmes : la princeffe s’en trouv
a fort mal, & mefdemoifelles Befola 8c-Patrocle ,
deux de fes femmes-de-chambre , qui avoient aufli
fait ufage de la medecine de l’abbé, en contrarièrent
un dévoyement continuel, dont elles moururent
l’une après l’autre.
Le fieur du Ce rf vint enfuite avec une huile de
gayac qui rendoit les gens immortels. Un des aumôniers
de madame la Dauphine, au lieu de fe mêler
de fon miniftere, s’avifa de propofer le fieur du
C e r f ; le charlatan vit la princeffe , affûra qu’il en
avoit guéri de plus malades qu’elle ; courut préparer
fon remede ; revint, & trouva la princeffe morte :
Tonte ƒ/ƒ.
& cet homme, qui avoit le fecret de l’immortalité *
mourut trois mois après.
Qui eft - ce qui a fait autant de bruit * qui eft * ce
qui a été plus à la mode que le médecin de Chau-
drais ? Chaudrais eft un petit hameau compofé de
cinq ou fix maifons, auprès de Mantes ; là il fe trouva
un payfan d’affez bon fens, qui confeillôit aux
autres de fe fervir tantôt d’une herbe , tantôt d’une
racine; i^s l’honorerent du titre de médecin. Sa réputation
fe répandit dans fa province, 8c vola juf-
qujl Paris , d ou les malades accoururent en foule
a Uiaudrais. On fut obligé d’y faire bâtir des maifons
pour les y loger ; ceux qui n’avoient que des
maladies legeres, guériffoient par l’ufage dé fes plantes
pulvérilëes ou racines defféchées : les autres
s’en revenoient comme ils étoient allés. Le torrent
de malades dura cependant trois à quatre années.
C ’eft un phénomène fingulier que l’attrait que la
cour a pour les charlatans ; c’eft - là qu’ils tendent
tous. Le fieur Bouret y débarqua avec des piluleà
merveilleufes dans les coliques inflammatoires j
mais, malheureufement pour la fortune de celui-ci,
il fut attaqué lui-même, tout en débarquant, dé
cette maladie, que fon remede augmenta tellement
qu’il en mourut en quatre jours.
Voilà l’abregé hiftorique des plus faméüx charlatans.
Ce furent, comme on v o it , un marquis étrang
er, des moines * des prêtres * des abbés, des pay-
fans, tous gens d’autant plus affurés du fuccès, que
leur condition étoit plus étrangère à la Medecine:
La charlatanerie médicinale n’eft ni moins com-i’
mune ni moins accréditée en Angleterre ; il eft v rai
qu’elle ne fe montre guere que fur les placés publiques,
où elle fait bien étaler à fon avantage la ma-,
nie du patriotifme.Tout charlatan eft le premier patriote
de la nation, 8c le premier médecin du monde*1
Il guérit toutes les maladies, quelles qu’elles foient J
avec fes fpécifiques , & la bénédiction de Dieu-, ç’eÆ
toujours une des conditions de l’affiche.
Je me fouviens , dit M. Addiffon, d’avoir vu à
Hammerfmith un de ces patriotes, qui difoit un jour,
à fon auditoire : « Je dois ma naiffance 8c mon édu-'
» cation à cet endroit, je l’aime tendrement ; 8c en
» reconnoiflance des bienfaits que j’y ai reçûs, jes
» fais préfent d’un écu à tous ceux qui voudront l’ac-»
» cepter». Chacun s’attendoit, la bouche béante ,
à recevoir la pieCe de cinq fchelins ; M. le dodeutf
met la main dans un long fac , en tire une poignée
de petits paquets, 8c dit à l’affemblée : Meilleurs
» je les vends d’ordinaire cinq fchelins fix fous, mais
» en faveur des habitans de cet endroit, que j’aime
» tendrement, j’en rabattrai cinq fchelins ». On accepte
fon offre généreufe ; fes paquets font enlevés
, les affiftans ayant répondu les uns pour les
autres qu’il n’y avoit point d’étrangers parmi e u x ,
8c qu’ils étoient tous ou natifs, ou du moins habitans
d’Hammerfmith.
. Comme rien n eft plus propre pour en impofer au
vulgaire, que d’étonner fon imagination 8c entretenir
fa furprife, les charlatans des îles britanniques
fe font annoncer fous le titre de dofteurs nouvellement
arrivés de leurs voyages, dans lefquels ils ont
exercé la Medecine 8c la Chirurgie par terre 8c par
mer, en Europe 8c en Amérique , où ils ont appris
des fecrets furprenans, 8c d’où ils apportent des dro-,
gués d’une valeur ineftimable pour toutes les maladies
qui peuvent fe préfenter.
Les uns fufpendent à leurs portes des monftre9
mârins farcis de paille, des os monftrueux d’animaux
, &c. ceux - ci inftruifent le public qu’ils ont
eu des accidens extraordinaires à leur naiffance, 8c
qu’il leur eft arrivé des defaftres furprenans pendant
leur vie ; ceux-là donnent avis qu’ils guériffent la
catara&e mieux que perfonne, ayant eu le malheur
D d