
■ Aa moins par leur brièveté, & quelques-unes même
parce qu’elles ne font pas chimiques , ou qu elles
font en très- grande partie une fuite d’erreurs chimiques
, & que le fond meme de ces ou vrages eft un
recueil de procédés fans fuite 8c fans liaiion. Ces traités
de Chimie pharmaceutique peuvent cependant diriger
utilement les commençans dans le manuel des
opérations, dont ils contiennent les principaux exemples
, toujours plus utiles dans I’inftitution à la pratique
des arts que les réglés générales, ou du moins
qui les doivent précéder : ils peuvent encore grof-
lir la récolte de faits , à laquelle le chimifte forme
eft li attaché, 8c dont il fait tant de cas ; car on trouve
des procédés particuliers , des obfervations importantes
, des découvertes de détail dans quelques-
uns de ces auteurs, parmi lefquels nos françois ,
Béguin, L efevre, Charas, 8c Lemery le p ere, tiennent
un rang diftingué , 8c particulièrement Lefevre
, grand reformateur en Pharmacie. Voyei Pharm
a c ie . i ... . WM Pour revenir aux tems qui fuivirent immédiatement
Paracelfe, trois chimiftes célébrés qui ne doivent
rien à Paracelfe, favoir, George A gricola, La-
2are Ercker, 8c Modeftin Fachs,illuftrerent une branche
de la Chimie des plus étendues 8c des plus utiles,
je veux dire la Métallurgie : le premier peu d’années
après la mort de Paracelfe ; Ercker 8c Fachs lui ont
fuccédé d’affez près. Voye^ M é t a l l u r g i e 6* D o -
c i m a s i e . ,
Il exifta dans le même têmS que ces célébrés me-
tallurgiftes un homme véritablement fingulier : Bernard
Paliffy , xaintogeoïs, qui a pris à la tête de fes
ouvrages imprimés à Paris, 1580, le titre à’inventeur
des rufiiques figulines du roi & de la reine fa mere. Cet
homme qui n’étoit qu’un fimple ouvrier , fans ^lettres
, montre dans ces différens ouvrages un génie
obfervateur , accompagné de tant de fagacité 8c
d’une méditation fi féconde fur fes obfervations ,
une dialeftiqüe fi peu commune | une imagination fi'
heureufe, un fens fi droit, des vues û lumineufes,
que lés gens les plus formés par l’étude peuvent lui
envier le degré même de lumière auquel W eft parvenu
fans ee fecours *, 8c cette tournure d’efprit mii
l’a fait réfléchir avec fuccès, non-feulement fur les
arts utiles 8c agréables, tels que l’Agriculture', le Jardinage
, la conduite des eaux, la poterie, les émaux,
mais même fur la Chimie , l’Hiftoire naturelle, la Phy-
fique. La forme même des ouvrages de Paliffy annonce
un génie original. C e font des dialogues entre Théorique
8c Pratique ; 8c c’eft toûjours Pratique qui instruit
Théorique, écoliere fort ignorante, tort indocile
8c fort abondante en fon fens. Je le crois le premier
qui ait fait des leçons publiques d’hiftoire naturelle
( en 1575 à Paris) ; leçons qui n’étoient pas
bornées à montrer des morceaux curieux dont il a voit
une riche colleâion, mais à propofer fur la formation
de tous ces morceaux des conjeôures très-raifonna-
bles 8c dont la plupart ont été vérifiées par,des obfervations
poftérieures. Les-auditeurs de Paliffy
étoient des plus doctes & des plus-curieux, qu'il avoit af-
femblés, dit-il , pour voir J i par leur moyen il pourroit
tirer quelque contradiction qui eût plus d'ajfârance de vérité
que non pas les preuves quil mettoit en avant ; fa-
chant bien que s 'il mentait, il y en dvoit de grecs & de latins
qui-lui réjiferoient en face, Stc.tant à caufe de Cécu
qu’il,avoit pris- de chacun, que pour le tems quil les eût
amufé, &c. Je n’héfite point à mettre cet homme au
nombre des Chimiftes,non-feulement à caufe des faits
ihtéreffans qui font répandus dans fes traités pratiques
fur les terres, fur leurs ufages dans la conftruôion
des vaiffeaux, fur la préparation du fel commun
dans les marais falans, fur les glaces, fur les émaux,
& fur le feu ; mais encore pour fes raifonnemens fur
l ’Alchimie, les métaux, leur génération, leur çompofition,
la nature de leurs principes, & fur les propriétés
chimiques de plufieurs autres corps, de l’eau,
des fels, &c. toutes matières fur lefquelles il a eu
des idées très-faines.
La fin du même fiecle vit paroître les ouvrages
d’André Libavius , collecteur laborieux êc intelligent
, 8c défenfeur zélé de l’Alchimie contre les clameurs
des épiles anti-Chimiftes de fon tems ( Libavius
s’eft battu contre quiconque à témoigné de l’incrédulité
en fait de Chimie'). C ’eft à ce favant que nous
devons, outre beaucoup de connoiffances particulières
fur les minéraux ( voyeç Min éraux & Mét
a l l u r g ie ) , le premier corps d'ouvrage de Chimie
que nous ayons ; ouvrage d’autant plus précieux,
que les matériaux dont il l’a formé étoient epars 8c
noyés dans un fatras fi rebutant en f o i , & fi révoltant
, fur-tout pour le goût philofophique d’aujourd’hui,
que notre fiecle lui a particulièrement une obligation
infinie, lui qui accueille fi favorablement des
compilations de compilateurs. Le traité de Libavius
intitulé Alchimia (titre qui lui a nui fans doute), 8c le
commentaire fur ce traité qui le fuit immédiatement,
contiennent urte chimie vraiment fondamentale, di vi-
fée d’une façon très-naturelle, & diftribuée en les différentes
branches dans un ordre très-fyftématique;un
tableau très-bien ordonné ,■des vues, des opérations ,
& des produits ou efpeces chimiques; un dénombrement
complet des inftrumens néceffaires & même
curieux ; 8c un vrai fyftème de connoiffances liées^,'
difeutées avec affez de dialectique, 8c propofees meme
d’un ton affez philofophique pour les tems oit
Libavius écrivoit. Enfin quoique Libavius ait adopté
expreffément cette vue chimérique , ou pour le
moins très-mal entendue, d’exalter, de purifier, de
perfeftionnèr tous les fùjets des opérations chimiques
, que les Chimiftes fe propofoient toûjours;
quoiqu’il admette plufieurs êtres imaginaires ; qu’on
puiffe lui reprocher quelqu’obfcurité & quelque lw
cence d’expliquer ; on ne lui a pas moins d’obligation
d’avoir préfenté la Chimie fous fon afpeét le plus
générai ; çle l’avoir donnée pour une fcience phyfi-
que fondamentale ; d’avoir reétifié la doctrine des
trois principes ; d’avoir même reconnu 8c rejetté toutes
ces erreurs, ces taches de la dôftrine chimique
que Boyle attaqua d’un ton fi victorieux foixante ans
après, comme on peut le voir principalement dans
le traité de Libavius intitulé commentarium Alchimioej
8c dans la défenfe de l’Alchimie contre la cenfure de
la faculté de Medecine de Paris qui fert de prooemium
à ce commentaire. On peut voir dans les ouvrages
de Libavius que nous avons cités , que dès ce tems les
Chimiftes avoient fur la cOmpofition des corps des
idées plus faines que la Phyfique n’en a jamais eu ;
que les vaines fubtilités fcholaftiques, l’abus de la
doCtrine d’Ariftote , ou n’a pas pénétré chez elle
ou en a été plûtôt chaffé ; que le goût des expériences
dirigées à la découverte des vérités générales a
exifté en Chimie avant qu’il fe foit établi en Phyfique
; en un mot que fur les objets communs à la Phyfique
8c à la Chimie 9 8c en général fur la bonne maniéré
de philofopher, la Chimie eft d’un demi-fiecle-
au - moins plus vieille que la Phyfique.
Trente-fix ans après la mort de Paracelfe , en
1577 , naquit à Bruxelles, de parens nobles, le célébré
Jean-Baptifte Vanhelmont, qui tient un rang
fi diftingué parmi les Chimiftes. Cet auteur a beaucoup
de conformité avec Paracelfe ; comme ce der->
nier il évalua les vertus des médicamens par certaines
facilites occultés, magnétiques, féminales, fpi-
rituell.es, fympathiques, &c. Il célébra une medecine
univerfelle - 8c les remedes chimiques qu’il regar-
doit comme fouverainement efficaces : comme lui i!
fe fit un jargon particulier ; comme lui fur-tout i l
ambitionna le titre de réformateur. Vanhelmont fut
eunem^,
ennemi déclaré du Galénifme , de l’Ariftotélifme ,
des écoles 8c de la doétrine phyfique 8c médicinale
de Paracelfe lui-même, duquel il différa effentielle-
ment par une fcience profonde & réelle , par une
imagination brillante 8c féconde , par un goût décidé
pour le grand, 8c en beaucoup de points même
pour le vrai ; en un mot par tous les caraûeres du
vrai génie, qui ne l’empêche pourtant point de débiter
férieufement, ce femble , mille abfurdités, qui
doivent nous faire admirer comment les extrêmes
qui paroiffent les plus éloignés peuvent s’allier dans
les mêmes têtes , mais non pas nous faire méprifer
colleûivement les ouvrages marqués au coin d’un
pareil contrafte. En effet, rien n’empêche que les
inepties les plus rifibles ne fe trouvent à côté (fes
idées les plus lumineufes ; 8c l’on peut même avancer
affez généralement qu’il eft plus raifonnablé d’ef-
pérer du très-bon fur la foi de ces écarts qu’on a tant
reprochés à Vanhelmont ( quoique ces écarts ne con-
ftituent pas le bon en foi ) , que d’être épouvanté par
cette marche , fouvent peu philofophique : car un
original, comme Vanhelmont en ale vrai cara&ere,
n’a pas les beautés toifées d’un compilateur , cette
uniformité , ligne prefque univoque de la médiocrité.
Il eft vrai que par-là même il doit n’avoir que peu
de partifans ; la vûe tendre de ces demi-philofophes
qui ont befoin d’un milieu qui brife l’aôivité des
rayons primitifs, ne fauroit s’accommoder des éclairs
de Vanhelmont : mais auffi n’eft-ce pas à de pareils
juges qu’il faut s’en rapporter. On a cru devoir cette
efpece d’apologie à un nomme qui a été déprimé, 8c
condamné avec tout l’air avantageux que s’arrogent
les petits juges des talens fupérieurs, 8c tout récemment
encore dans un difeours hiftorique 8c critique
fur la Pharmacie , imprimé à la tête de la nouvelle
édition angloife de la pharmacopée de Londres.
Mais quoi qu’il en foit de l’idée qu’on doit avoir
de la perfonne de Vanhelmont & du critérium fur lequel
il mefuroit le degré d’évidence de fes connoiffances,
il n’en eft pas moins vrai qu’il s’eft élevé avec
une force furprenante contre une foule d’erreurs 8c
de préjugés qui défiguraient la théorie 8c la pratique
de la Medecine ; qu’il a au moins ouvert une carrière
nouvelle aux plus grands génies qui ont expliqué
l’économie animale après lu i, aux Stahl, aux
Bagli vi ; qu’il a jette les fondemens de cette doârine
qui eft fur le point de prévaloir aujourd’h u i, 8c qui
ne reconnoît pour agens matériels dans l’économie
animale , que des organes effentiellement mobiles
8c fenfibles , au lieu de pures machines mûes par un
principe étranger, des humeurs ou des efprits. V’oye^
M e d e c in e . La Phyfique lui doit la profeription,
ou du moins des cris contre le Péripatétifme , dont
il a -fenti tout le vuide ; 8c le renouvellement d’une
hypothefe plus ancienne 8c plus plaufible , celle de
Thalès de Milet fur l’eau donnée pour élément ou
premier principe de tous les corps ; fur-tout la méthode
-, nouvelle alors ( du moins quant à l’exécution
, car le chancelier Bacon l’avoit célébrée 8c
confeillée ) d ’établir les opinions phyfiques fur des
expériences ; 8c enfin ces expériences elles-mêmes,
qui quoiqu’inutiles au but pour lequel elles étoient
mites, qui quoiqu’ayant fourni de fauffes confé-
quences à Vanhelmont 8c à B o y le , qui a été fon dif-
cipleen cette partie, ne nous en ont pas moins appris
de vérités très-inté reliantes fur la végétation.
Voye^ VÉGÉTATION. : i • , •
On n’ a qu’à lire le traité de Vanhelmont fur les
eaux de Spa , 8c fur-tout fon ouvrage de litkiaji ,
traités qu’il a donnés lui - même , pour apperce-
voir combien il étbit riche en connoiffances chimiques
, 8c combien il méritoit le titre qu’il fe don-
noit de philofophe par le feu; On trouve dans fes ouvrages
( avecquelques erreurs il eft vrai) des con-
Tome I I I .
nôiffances très-pofitives 8c très-lumineufes fur la
théorie de la coagulation 8c de la diffoiution , qui
fo n t , lorfqu’on les confidere en g én é ra l, les deux
grands pivots fur lefquels roulent tous les change-
mens chimiques tant naturels qu’artificiels ; beaucoup
de connoiffances de détails fur les phénomènes
chimiques les plus intéreffans, 8c fur les principaux
effets de quelques opérations , de la ra tific a tio n fur
les huiles animales, par exemple, &c. plufieurs faits
importans ; une analyfe de l’urine auffi complété 8c
auffi exa&e que celle qu’on pourroit faire aujourd’hui
, 8c qui a mené l’auteur auffi loin que nous
fommes ; fans compter fes prétentions fur les vertus
de fon diffolvant u n iv e r fe l, q u i , s’il exiftoit réellement
, fourniroit le moyen le plus efficace pour parv
en ir à la connoiffance la plus intime de la nature
des corps compofés.
C e t homme véritablement fingulier mourut à la
fin de l’an 1644.
Jean Rodolphe G la u b e r , allem and , fixé en Hollan
d e , étoit né v ers le commencement du dernier
fiecle : c’eft un des plus infatigables'8c des plus e x périmentés
artiftes qu’ait eu la Chimie ; auffi l’a-t-il
enrichie d’un grand nombre de découvertes utiles ,
8c d’un amas de faits 8c d’expériences, que Stahl, qui
juge d’ailleurs Glauber t r è s - fé v e r em en t, appelle
très-beau ; 8c qui eft non-feulement précieux par l’u-
fage immédiat qu’on en peut faire pour la Pharmac
i e , la Métallurgie , 8c les autres arts chimique s,
mais même par les matériaux qu’il fournit à Fêta*
bliffement de la bonne théorie chimique. C ’eft à ce
chimifte que nous devons la première idée de mettre
à profit mille matières v iles 8c inutiles , 8c employées
moins u tilement, telles que le bois mort des
grandes forêts , en en retirant du falpetre par des
moyens faciles 8c peu difpendieux , ou de faire des
mines de falpetre ; la méthode d éconcentrer les v ins
ou plûtôt le moût 8c les décodions des femences fa-
rineufes , pour les faire fermenter en tems 8c lieu ;
le foufre artificiel ; l’ invention de deux fels qui portent
fon nom, fa vo ir le fe i fecretammoniac 8c le fe l
admirable ; la méthode de diftiller le nitre 8c le fe l
marin par l ’intermede de l’acide v itriolique ; la rectification
des huiles par les acides minéraux ( c’eft
celui du fel marin qu’ il e iïjployoit ) ; beaucoup de
chofes importantes fur la correûion des v in s , 8c
fur tous les tra v au x de la Zimothecnie, 8c mille obfe
rva tio n s , réflexions , 8c méthodes utiles pour la
préparation de plufieurs remedes. Voye^ Pharmacie.
C ’eft G lauber qui a le premier démontré le nitre
tout formé dans les plantes, qu’il a regardé comme
la principale fource de tout celui que nous con -
noiffons, 8c notamment de celui que nous retirons
des animaux ; opinion que je regarde comme démontrable
, quoique l’auteur de ladiffertation fu r ie n itre,
qui a remporté le prix à l’académie de Berlin en 1 7 4 7 ,
n’ait pas même daigné la d ifeuter.
Glauber eft fur-tout admirable dans l’induftrie a v e c
laquelle il a réuffi à abréger plufieurs opérations, 8c
en diminuer les frais ; Vue très-naturelle à un travailleur.
Son traité des fourneaux philofophiques
eft plein de ces inventions utiles : la diftillation immédiate
fu r les charbons , l’ufage des v aiffeau x dif-
tillatoires tu bu lés, celui des récipiens ouverts par.
leur partie inférieure, le fourneau de fufion fans fouf-
fle t s , la façon de chauffer un liquide contenu dans des
vaiffeaux de bois par le m oyen d’une boule ou p o ir e
de cuivre creufe adaptée à la partie inférieure 8c
latérale de ces v a if fe a u x , font des inventions de c e
genre ; en un mot cet auteur me paroît être de tous
fes Chimiftes c elui où l’on trou v e plus de faits 8c
de procédés neufs qui font fou vent utiles en foi 8c
abfolument, 8c qui au moins conduifent à des recherches
importantes, & par conféquent un de ceux