
perfonnelle , & dont vous leur tiendrez compte î
a leur retour ; i fol par jour pour leur linge &
chauflure, huit mois , 1 2 livres ; a fols 6 deniers par
jour pour leur bien-être , huit m o is , 18 livres ;
a v e c les 12 livres de ma fle , équipez-les lorfqu’ils
rejoignent de tout cè dont ils pourroient avoir
b e fo in , en fou liers , guêtres, & c . ; quant aux 18 liv.
•pour bien-être, faites-leur une haute-paye de 3 fols
par jou r , pour lés quatre mois qui leur re ften tà
fervir ; quant aux 3 fols 10 deniers relevés pendant
huit mois à 120 mille foldats, & portés à la mafïe
g én é ra le, ils vous donneront à-peu-près 56000001*;
que fur cette fomme vous faffiez' pendant toute
1 année 4 fols par jour de haute-paye aux 24 mille
bas-officiers à-peu-près , que vous aurez retenus
aux drapeaux, cela fera 1618633 livres ; faites en-
fuite 3 fols de haute-paye par jour à ceux des
48 mille fpldats qui relieront douze mois en gar-
nifon , cela fera 2628000 liv re s , q u i, a vec la haute-
p a y e faite aux bas-officiers , formera la fomme de
4246633 livres , q u i , ôtée de celle de 5600000 liv.
en mafle , laiffera en caiflfe celle dê 1353367 liv.
qui pourroient fervir pour des gratifications aux
officiers , bas-officiers, foldats , pour des moyens
«l'émulation , & c . Par cet arrangement , le foldat
le moins pa yé au ro it, pendant tout le temps qu’il
fe r v i r o it ,. 9 fols quatre deniers par jo u r , d on t,
ote 1 fol de linge & chauflure, au lieu de 8 deniers,
il lui refteroit 8 fols 4 deniers pour fa nourriture.
Suppofez-lui 4 fols 4 deniers pour le pain à m anger,
& -celui pour la foupe , qui feroit le même , il lui
refteroit encore pour l'ordinaire 4 fols, tandis qu’ac-
tuellement il ne peut y mettre que 3 fols 8 deniers ,
fur lefquels il faut prélever au moins un fol pour le
pain de la foupe. Indépendamment de ces avantages
, vous pourriez encore très fou v en t, pendant
les huit mois de l’abfence dé la plus grande partie
d é vos troupes , permettre à un grand nombre
des foldats qui refteroïent aux drapeaux de travailler
plufieurs heures par jour. V o ilà pour le
bien-être du foldat ; vo ic i pour l’ économie. Quant
au x v iv r e s , plus de pain de munition , plus de
compagnie de munitionnaires ; quant à l’habillement
, infiniment moins de réparations ; pour la
guérifon , ne plus avoir d'hôpitaux militaires, &
ié borner aux foins d’un chirurgien-major m édecin ,
auquel on pourroit joindre un aide par bataillon;
quant à la fournifure"des l i t s , les foldats pourroient
être bornés à une paillaflê, un fac de toile un
peu large , & une couverture ; on n’auroit befoin
de draps, matelats, travërfins, couvertures , qu’à
l ’infirmerie ; & cës objets feroient de trop peu de
conféquence , pour que les régiments n’en, fuflënt
pas chargés. O n peut en dire autant de la fourniture
des bois’ &. lumières, & bien plus eflentiel-
lement des fourrages pour les chevaux de la cavale
r ie , objet immenfe, & fur lequel il femble qu’il
feroit aifé d’économifer, en plaçant les régiments
à cheval à portée dés lieux oh les fourrages font
abondants 3 on pourroit fupprimer les étapes &
î lés convois militaires , qui fe montent,dit-otT* a
p e u -p rè s à 3000000, d è s -lo r s que les troupes
ne feroient plus deftinées à faire de longues routes 3
& que celles qui en feroient quelqu’une pourroient
- recevoir une légère addition de folde ; enfin les
recrues feroient moins chèress, foit parce qu’elles
n’auroient plus de longues routes à faire pour rejoindre
leur rég imen t, foit parce que les dépenfes
& le nombre des recruteurs feroient confidéra-
blement diminués.
L e fyftème qui rendroit. les troupes plus féden-
taires dans les mêmes lie u x , feroit donc infiniment
favorable ; il deviendroit néceflairement la caufe
du bien-être du folda t, & d’une grande économie 7
parce qu’il écarteroit, commé nous l’avons dit „
1 intervention des compagnies de* finance s : il feroit
la four ce d’un gain réel pour les arts &. l’agriculture
dans chaque p ro v in ce, & d’un très grand
eloignement de la part du foldat pour la défertion.
En e f fe t, ou iroit-il pour être mieux ? Q u e l état
embrafîèroit-il qui pût lui procurer d’auffi grands
avantages ? Ses quatre mois d’exercices feroient
un temps de diffipation ; ramené enfuite dans fa
famille, ou très près des lieux qui l’ont vünaître
afluré que l’état prendra à lui le plus grand intérêt
tant qu’il fervir a , -& qu’il ne l’abandonnera jamais,
fi par la continuité de fes fervices il parvient à
la vétérance , que de motifs puiffants pour s’attacher
toujours plus fortement à un état qui , a»
des douceurs & de grands, avantages, joindroit la
confidération & la reconnoiffance des autres-citoyens.
Q u e répondoit le roi Staniflas à fon petit-
fils , dauphin de France , qui le confultoit fur
des objets de morale & de politique : « Pendant
la p a ix , que les folda ts, pour la plus grande partie ,
ne foient plus à la charge de l’état ; qu’ils foient
ren vo yé s dans leurs provinces oh ils feront utiles ,
& d où on les rappellera quand on en aura befoin ».
M a is , diront peut-être quelques partifants in-
confidérés du fyftâme aé lu el, en rendant ainfi vos
foldats cafaniers & plus libres , en les attachant
davantage aux travaux des arts & de l ’agriculture ,
je v eu x croire que vous les rendrez plus fidèles
à leurs d e vo ir s , & que vous les éloignerez même
entièrement de la défertion ; mais ne vous expo -
ferez-vous pas à leur donner de la haîne pour, la
guerre ? Pourront-ils enfuite quitter fans pein’è leurs
femmes , leurs enfants , leurs habitudes, leurs con-
noiffances, leur famille^, leur tranquillité,, & c . 4
Non , fans doute ; & , bien loin d’être allarmé
de ce que vous regardez comme des obftacles, je
trouve dans vos craintes , des raifons encore
plus fortes pour déterminer le miniftre à propofer
au R o i des moyens qui attacheront toujours davantage
les foldats à leur patrie. Hé I qu’importe
qu’ils aiment à guerroyer ; cet efprit ne tient-il
pas par tri>p_de^côtés à l’ infouciance , au libertinage
, à l’amour de l’indépendance , du brigandage
, & de mille autres, vice s auxquels on peut
donner plus impunément un libre effor dans le#
ianips & pendant là guerre ? Pourquoi avez-
vous des troupes ? Eft - ce pour aller envahir les
pofleffions de vos voifins ? M’efhce pas, au contraire
, pour les défendre fi on les attaquoit injufte-
ment, oc fur-tout pour mettre les vôtres dans le
pl us,grand état de fureté & de tranquillité ? « Quand
eft-ce donc que les princes doivent faire la guerre, .
dit encore le Roi Staniflas au dauphin ? Si jamais on
you-s provoque , &. que vous ayez lieu de craindre de
vous trouver le plus foible ; négociez, achetez la
paix ; fi vous vous fentez le plus fort, exigez ki paix ;
mais l’ennemi veut la guerre , faites la lui donc ;
déployez vos forces., châtiez fon infolence,faites-
le trembler, & offrez-lui la paix». Que vous’faut-
il pour cela ? Un militaire nombreux, bien inftruit,
bien difcipliné, & fur-tout bien utile & peu cher ;
qu’enfüite vos foldats ne défirent pas la guerre.
P ou rvo i vous en inquiéter , pourvu que l’amour
de la patrie, ■ & l’indignation, d’être troublés dans
leurs jouiffances , en faffent autant de héros, &
leur donne ce courage qui affure la viétoire & les
ramène bien-tôî. à leurs premières occupations ,
après avoir fait repentir l’ennemi d’avoir ofé troubler:
leur .tranquillité ?
Moyen de s* oppofer aux effets nuijïbles relativement
à la défertion , qu oçcafionne la conflitution à
laquelle on foumet les hommes qui compofent nos
armées.
Quoique je penfe qu’en lifant les caufes de la
défertion, que j’ai indiquées comme provenant de
nôtre conflitution militaire , on puiffe voir àifément
combien il feroit facile d’en diminuer ou même,,
d’ën détruire plufieurs , cette-railon ne peut pas
me difpenfer d’indiquer touts les moyens qui pourroient
encore contribuer, félon mes foibles con-
noiffances, finon à déraciner tout-à-fait le mal, au
moins à le diminuer en grande partie. .
Je fçais qu’à l’inftar des Romains, il faut avoir
le bon efprit de prendre chez les autres peuples ce
qu’ils pratiquent depuis longtemps avec fuccès1 ;
mais gardez-vous d’y prendre ce qui nuiroit à
l’efprit de la nation ; craignez fon indocilité pré-
fomptueiife ; mais fçachez tirer parti de fes défauts
mêmes. Les François font- vains; conduifez-
les par leur vanité. Vos ordonnances font pleines
de ce que le foldat doit à l’officier ; pourquoi
fe taifent-elles fur ce que l’officier doit au foldat ?
Craindriez-vous de le rendre infolent en le traitant
plus poliment ? Les Efpagnols le font-ils devenus
depuis que leurs officiers les ont appellés fénores
foldados ? Pourquoi nè pas punir un officier qui
fè permet de dire des injures à un foldat, & quelquefois
de le frapper ?
N Autrefois touts les officiers entre eux, & fouvent
les officiers avec les foldats, vivoient familièrement
, & cela ne contribuoit pas peu à leur faire
fupporterleurs peines ; aéluellement, traités avec
plus de févérité , moins payés qu’aucune autre
troupe de l’Europe , ayant très peu de liberté , vos
foldats, & ce font les meilleurs , doivent fouvent
efpérer qu’ils feront mieux dans lé fervice étranger ,
& défertent pour s’y rendre.
Séparez donc abfolument ce qui eft du fervice S i
ce qui n’en eft point; familiàrilez-vous davantage
avec des hommes qui font vos compagnons d’armes.
Voyez le,foldat dans fes logements; caufez avec
lui ; faites - lui cônnoître l’avantage ou la néceflité
des chofes que l’on exige de lui.; perfuadez-le fans
y mettre de l’art ; toujours froids & réfervés avec
les médiocres, carreliez les bons; que cette dif-
tinélion foit fenfible dans les moindres circonf-
tances ; ne manquez pas d’aller vifiter les uns &
les autres dans les hôpitaux ; qu’alors ils foient
touts égaux ; ne voyez plus que des hommes ;
fecourez-les , confolez-les ; fur-tout attachez-vous
davantage qu’on ne l’a fait jufqu’à préfent aux
moeurs & à la religion. Avec de bonnes moeurs
les hommes ne féparent plus leur avantage de
l’avantage des autres : il s’établit parmi eux de
bonnes opinions , des affrétions durables ;, ils fe
refpeétent davantage entre eux ; ils fe font une
elpèce de point 'd’honneur de faire de bonnes
aétions ; & , foit crainte d’être blâmé dans les unes,
foit efpérance d’être loué dans les autres , on fuit
le vice & l’on pratique la vertu.
La religion eft encore un frein plus puiffant \
parce qu’elle ferute les confciences, & que les
aétions les plus fecrettes doivent lui être découvertes
; mais en même temps elle .confolé, elle
encourage, elle fortifie l’homme foible; cette claffe
nombreufe d’hommes fans éducation & fouvent
fatigués par les misères de leur état, a befoin
d’être retenue par un fentiment de crainte .& fou-
tenue par l’elpérance.; dégagez donc là' religion
des préjugés, de l’intolérance, mais laiflez aux
hommes ce frein fi falutaire toujours accpmpagné
de la plus confolante efjjérance : attachez-vous
davantage à faire pratiquer cette religion ; ayez
dès aumôniers inltruits &. de bonnes moeurs; que
leur morale foit douce &. confolante; qu’ils faffent
aux foldats des exhortations analogues à leur
état; qu’en-leur parlant de leurs devoirs, ils leur
rappellent les récompenfes qui les attendent ; ne
craignez pas d’avoir de trop grands obftacles à
vaincre ; dans aucun état, peut-être, vous ne trouverez
d’auffi grandes reffourcès.'Voyez dans la chapelle
des Invalides la piété fi douce & fi confiante
des refpeétables viéfimes qui la’.rémpliffent ; en-
tendez-les adreffer leurs prières au Seigneur, quelle
ferveur , quelle foumiflion ! Je fçais que la plus
grande partie des foldats qui font dans vos régiments,
font plus jeunes, qu’ils font dans l’âge des
pallions; mais n’en foÿez que plus exaéf à les
retenir; ne les laiflez jamais oififs; que les vé-
térants, que les officiers leur donnent l’exemple;
permettez à une partie d’entre eux de fè marier ;
occupez-les, diftrayez-les, amufez-les ; faites enfift