
fait précéder l’avis dont j’ai parlé, vous enverrez I
au gouverneur, dans des bombes, autant de lettres
que vyus fouhaiterez.
Le gouverneur fe fervira de la même voix pour
vous envoyer les réponfes & les avis qu il aura a
vous donner ; il mettra pour cela un gros mortier
dans un des ouvrages de fa place les plus avancés
vers votre camp ; & afin qu’on puiffe mieux voir
où elle tombe, elle aura fa fufée ; mais ion em-
noulette fera fermée par le bas, pour éviter que
les dernières parties, de la fufée ne brûlent la
lettre. f , > tr > >
La place de Steenwick ayant ete afliegee en
i rSo par le comte de Rennemberg, la garmfon
entretint la correfpondance avec Norrits ; commandant
des troupes qui étoient venues au fecqurs
de cette place, en jettant dans fon camp des boulets
de plomb du poids de deux livres; il y avoit
Le maître du colombier, que je fuppofe etre^ un
homme d’une entière confiance, Ôc bien connoître
ces pigeons, voyant le nouveau venu , le prendra
pour remettre le billet au gouverneur : le fecret
le confervera entre eux deux feulement, afin qu il
ne tranfpire pas ; car fi les ennemis .en avoient
connoiflance, ils apofteroient des tireurs pour tuer
ces oifeaux ôc avoir les papiers, & ils n oublie-
roient rien pour découvrir de quel colombier ces
pigeons fortent, afin de châtier celui qui eft dans
l’intelligence avec vous , fuppofé qu’il fe trouve
dans un lieu de leur obéiffance.
un trou où s?enfermoit la lettre , ôc un autre ou
l’on mettoit une certaine composition femblable a
celle de la fufée des bombes, afin qu’à la faveur
de la fumée de cette forte de compofition, il fut
plus aifé de~retrouver le boulet dans le camp de '
N o r r i t s , ' . r \ e 1
- Un canon de vingt - quatre , pointe a la plus
haute élévation , porte le boulet jufqu’à deux mille
deux cents cinquante toifes, ôc le mortier qui.porte
\q plus loin , ne jette pas fa bombe au-delà de
dix-huit cents toifes ; outre cela, le boulet avance
davantage par fes bonds que ne fait la bombe : par
conféquent, fi vous ne pouvez pas vous approcher
de la place à la portée du mortier, fervez-vous
de boulets de canon qui auront les deux trous ou
Jes deux vuides dont j’ai parlé dans l’exemple
précédent : j’avertirai pourtant que , fi l’on fe fert
de boulets de plomb, on doit, les proportionner
eu poids du calibre, par le moyen d’un trou ou
d’une ame, qu’on remplit de craie ou autre matière
moins pefante que le plomb , afin de ne pas diminuer
la portée du boulet ; la fufee de ce boulet
- s’allume avec un ftoupin, ôc l’on ne donne feu au
canon qu’après que celui du ftoupin l’a communiqué
à, la fufée. .
S’il y a dans une place, que les ennemis menacent
d’un fiège ou d’un bldcus , un colombier ,
tirez-en par avance quelques pigeons, & afin qu ils
ne perdent pas rinitind qu’ils ont de retourner
dans leur ancienne demeure, vous les ferez conduire
de jour dans un village oii une maifqn de
Le gouverneur, pour vous envoyer à fon tour
les avis de l’état de fa place, y aura aufli par
avance retiré quelques pigeons d’un lieu voifin ,
où le maître du colombier, qui eft avec lui d intelligence
campagne du pays de votre obeiffance , qui foit
à la vue de la plâce ; vous y tiendrez ces pigeons
enfermés, ôc vous les lâcherez de temps .en temps,
afin qu’ils ne s’accoutument pas trop à leur nom-
velle demeure. Quand enfuite il faudra écrire aux
gouverneurs, après que les avenues de la place
auront été occupées,, vous attacherez un petit
billet au cou ou à l’aile d’un de ces pigeons, ôc
vous lui donnerez la liberté à une heure à laquelle
les batteries fe repofent, afin que Je bruit du
jgâüQft ne l’oblige pas de retourner.
, fe fera chargé d’ôter auifc pigeons les
billets ôc de vous les envoyer. Ces billets doivent
être pliés en petit & teints par dehors de la cou-
I leur des plumes du pigeon, afin qu’on-apperçoive
moins le papier quand on voit voler le pigeon.
Frontin rapporte qu’Euridice, conful Romain,
attachoit avec de la foie des lettres a des pigeons
qu’il avoit pris ôc qu’il gardoit fectetement, ÔC
qu’après leur avoir fait fouffrir la faim , il les
i mettoit en liberté auprès de Modène, ou Brutus
étoit afliégé par Marc-Antoine : ces pigeons s en-
voloient fur lés plus hauts édifices, ou Brutus^ les
prenoient, les ayant accoutumés’ auparavant a y
venir chercher leur nourriture.
Au lieu de pigeons, on peut prendre cinq ou
fix chiens parmi ceux qui, de quelque endroit où
l’on les mènent, fçavent retourner dans la maifon
de leur maître ; on les tient a l’attache Ôc on les
traite affez mal : avant d’en détacher un, on lui
met un billet entre la doublure d’un petit collier
de la même couleur du chien; Si après lui avoir
fait donner quelques coups de bâton, on le chaffe.
Certainement ce chien s’en retournera jufqu aux
portes de la ville , où les officiers de garde feront
fecrétement prévenus de le recevoir ; Si afin qu il
ne foit pas épouvanté du bruit de l’artillerie, qui
tire plus fréquemment pendant le jou r, Si qu i]
puiffe moins être reconnu par les ennemis, il eft
à propos de le mettre en liberté a une heure
convenable, pour qu’il arrive de nuit a la place.
Le maître du chien portera le billet au gouverneur,
qui, de fon côté, pour vous donner les avis ne-
ceffaires, aura pris quelques autres chiens dont les
maîtres, affeâionnés à votre prince , vive dans
des villages ou des maifons de campagne du
voifinage. Le fecret fera inviolablement gardé
entre toutes 'ces perfonnes, afin que les ennemis
ne donnent pas ordre de tuer touts les ^chiens qui
iroient vers la place.
J’ai ou i dire à divers officiers, qui fe trouvèrent
à la dernière défenfe de Milan, qu’un chien, dont
le maître étoit enfermé dans ce chateau > & avoit
fa femme dans la ville , alloit ôc revenoit avec
différentes lettres , jufqu’à ce qu’enfin , après
plufien^ÿ
plufieurs voyages, il fut tué par les Impériaux,
qui eurent connoiflance de ce qui fe pafloit.
On ne pratique^ aujourd’hui prefque rien de
nouveau. Ænée le taâicien , cet écrivain très
ancien , nous apprend que cette correfpondance ,
par le moyen des chiens, fut une invention des
Theflaloniciens.
Sx la place eft fltuée fur une rivière, le gouverneur,
fous prétexte d’une pèche, fera traverfer
la rivière par un filet, afin que les lettres, enveloppées
dans de la toile cirée , que par le deflùs
de la place vous abandonnerez au courant, aillent
s’arrêter à ce filet, d’où Une perfonne de confiance,
fous quelque autre motif apparent, aura foin de
les retirer fecrétement ; -.car fi les ennemis entroient
dans quelque foupçon de ce ftratagême,
ils traverfèroient plus haut un autre filet, ou ils
mettroient en pièces le vôtre par des troncs
d’arbres qu’ils jetteront dans la rivière , ainfi que
je l’ai dit plus haut. Afin de recevoir les lettres
du gouverneur, vous tendrez Je filet au-deflous
de la place.
Il eft à propos que ces lettres foient confiées
au courant de la rivière à l’heure que vous jugerez
convenable , pour qu’elles paffent de nuit devant
les ennemis, & qu’elles foient plus difficilement
apperçues. Il faut aufli, par quelqu’un des fignaux
dont je parlerai dans la fuite, vous avertir mutuellement
, avec le gouverneur , de la nuit à
laquelle on4 doit envoyer quelque lettre par le
courant de la rivière , afin de tendre le filet, parce
qu’un filet qui demeureroit continuellement tendu
donneroit trop à foupçonner.
Il paroît affez aifé , me dira-t-on, d’entreténir
une correfpondance de cette manière ; mais il y
a à craindre que le courant ne pouffe les lettres
vers les bords , où elles feront détenues par les
herbes ou par la brouflaille je réponds que fi
l’on en jette plufieurs , il y en aura toujours quelqu’une
qui arrivera jufqu’au filet, principalement
n on les enferme dans des boules de bois, dont
les deux moitiés fe joignent étroitement par une
vis , puifqu’elles n’auront rien qui' donne prife
pour les arrêter. Quand même les ennemis trou-
Veroient quelqu’une de ces boules , il n’y aura
rien à appréhender, fi la lettre qui y eft contenue
eft écrite en chiffres. Comme le jour pôurroit
paroître avant que ces boules foient arrivées au
lieu" deftiné, il feroit bon de les peindre de couleur
d’eau , afin qu’elles fuflent moins vues.
On peut aufli avoir correfpondance avec- une
place afliégée , fltuée fur une rivière , par des
plongeurs, qui, en fe jettant dans l’eau pendant
une nuit obfcure, paffent fous les bâteaux Si fous
les ponts des ennemis, fans fortir que de temps
en temps pour refpirer, ou pour fe délaffer un
peu fur le bord. Le plongeur portera les lettres
attachées à fon corps, dans une bourfe de double
toile cirée, çoufue fortement de toutes parts. Le
gouverneur fe fervira du même plongeur ou de
Art militaire. Tome II,
quelque au trep our vous envoyer les fiennes. Ce
plongeur ira fortir affez loin au-deflùs de la place 9
dans un endroit défigné, où il remettra les lettres
à un de vos partis, ou à un efpion qui l’y attendra;
tout cela doit être précédé d’un avis par un des
fignaux dont je parlerai, bientôt.
Lorfque le trajet pour le nageur eft fort long,
à caufe que les gardes ennemies fe font beaucoup
étendues fur les bords de la rivière, il peut attacher
fous fes bras une peau bien calfatée par dedans
, & liée encore par des rubans autour de
fon cou ; de cette peau fortira un tuyau de bois
femblable à celui du foufflet d’une cornemufe : le
plongeur, par ce tuyau, remplira de vent cette
peau, pendant qu’il fe délaffe & qu’il fe tient fur
l’eau ; Si d’abord qu’il voudra plonger, il en fera
fortir le vent en la preffant, Si fermera le trou
de ce tuyau avec un bouchon bien jufte , afin
qu’elle ne fe remplifle pas d’eau. J’ai dit dans u»
autre endroit qu’on doit cette invention à don
Sébaftien de Madrano , dans fon livre intitûlé
l’Ingénieur.
Lorfque Jes Gaulois afliégeoient le capitole de
Rome, qui fe trou voit extrêmement refferré, Ponce
Comine fe jetta fur un liège dans le Tibre, ÔC
alla ainfi demander aux afliégés la permtflion de
faire revenir Camile Je fon exil. Sa liberté fit
la délivrance du capitole. Camile affembla une
armée , Si défit les Gaulois au moment que les
afliégés étoient fur le point de fe rendre.
L’empereur Henri I I I , faifant le fiège de Po-
fonio, avoit fur le Danube plufieurs bâtiments ,
avec touts les préparatifs néceflaires pour donner
l’aflaut, lorfqu’un nommé Zormonte , Hongrois
de nation , prit la réfolution ae fe jetter à la nagç
dans ce fleuve, ôc d’aller fous les eaux jufqu’à
ces bâtiments ; il les perça de divers trous avec
un villebrequin dont il s’étoit muni, fans que les
mariniers en fentiffent rien ; de forte que peu à
peu les bâtiments furent coulés à fond, Ôc l’empereur
contraint de lever le fiège. Après un pareil
exemple, il ne doit pas paroître impoflïble qu’un
plongeur puiffe pafler fecrétement fous les eaux %
Si aller rendre une lettre qui lui a été confiée.
Ce plongeur doit porter à fa ceinture un bon
couteau , afin de couper le filet dans lequel il
pourront, lorfqu’il s’y attend le moins, fe trouver
embarraffé , foit que ce filet eût été tendu par
des pêcheurs ou par ordre du général, afin de
prendre le plongeur ou les vivres que , par le
courant des eaux, on auroit.voulu envoyer à la
place.
On peut, par le même moyen 9 entretenir une
correfpondance avec le gouverneur d’un port que
les ennemis ont invefti, ôc alors le plongeur, qui
doit porter les lettres, fe jettera la nuit dans la
mer, foit depuis un endroit du port jufqu’où les
gardes de mer ôc de terre des ennemis ne s’étendent
pas , foit depuis un petit bateau fur lequel il fç
fera approché des vaifîeaux ennemis, fous prétexte