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bas-officiers & celles des fentinelîes doivent être
pareillement par écrit, collées fur une planche dans
le corps de garde des foldats.
Quand il y a dans la place des régiments étrangers
, il doit y avoir dans les corp's de garde des
conjign.es traduites dans leur langue ; elles doivent
être collées fur une planche féparée.
Les commandants des polies, les caporaux &
les brigadiers de conjîgne doivent fe consigner fuc-
ceffivement de l’un à l’autre les différentes conjignes;
§ . I V .
Des hommes appelles confignés.
Les conjignes placées aux portes des villes de
guerre doivent, comme nous l’avons déjà dit ,
tenir un regiftre exaél de touts les étrangers qui
entrent dans la place , & envoyer chaque foir au
lieutenant de roi & au magiftrat chargé de la
police, >une copie de ce regiftre ; en comparant
l’extrait du regiftre des conjignes avec l’état que
doivent fournir par écrit les cabaretiers, les au-
bergiftes , & c . on peut fçavoir quelles font les
perfonnes qui font entrées dans la place.
Nous devons obferver que les conjignes négligent
d’infcrire les perfonnes gui arrivent à p ied , &
que des étrangers-qu’il importeroit à la police de
connoître , peuvent loger ailleurs que chez les
aubergiftes.
§• v .
Du caporal ou du brigadier de configne.
Il y a dans chaque pofte un caporal appellé
caporal de configne ; ce caporal ou brigadier eft
le premier du pofte : il eft chargé de prendre
poffeffion du corps de garde, de vifiter avec le
caporal ou brigadier de l’ancienne garde, le corps
de garde, les bancs , les tables, les vitres, les
falots, les capottes, les guérites , les conjignes ,
en un m o t, toutes les chofes confignées , & de
voir fi elles font en bon état : s’il y a été commis
quelque dégradation, il en rend compte au commandant
de la garde. %
Les caporaux ou brigadiers de conjîgne doivent
être mis en prifon toutes les fois que les objets
qui leur font confignés ont éprouvé des dégradations.
§ . v i .
Les foldats doivent-ils être conjignes aux portes
des villes de guerre ?
Pourquoi l’article 77 du titre XI de l’ordonnance
du premier mars 1768 -, concernant le fervice des
troupes dans les places & dans les quartiers ,
ordonne-t-il aux commandants des gardes aux
portes de faire, arrêter touts les bas-officiers, les
foldats, les cavaliers & les dragons qui fe préfentent
pour fortir de la place fans être munis
dune permiffion dans les formes , ou fans être
conduits par des officiers ? C ’e f t , fans doute ,
pour empêcher les foldats de déferter, & pour
affurer aux habitants de la campagne la tranquille
jouiffance de leurs propriétés. L ’article de l’ordonnance
que nous venons de citer a coupé le noeud ,
cherchons à le dénouer.
Le fçavant laborieux abandonne fon cabinet
pour aller refpirer l’air pur de la campagne ; la
femme indolente s’efforce pour en jouir de fur-
monter fa voluptueufe pareffe ; l’artifan va le
humer tontes les fois que la religion , fagement
prévoyante , l’éloigne de fon attelier ; l’écôlier
quitte deux fois par fera aine fes livres & fes bancs ;
le cénobite lui-même interrompt quelquefois fes
pieux travaux pour aller loin des villes puifer un
air plus pur que celui de fa cellule ; en un mot,
touts les hommes que les befoins de la fociéte
renferment dans les cités fe procurent cette falu-
taira jouiffance auffi fouvent qu’ils le.peuvent. Le
foldat feul éft excepté de cette loi générale ; il
croupit conftamment dans l’enceinte des villes ,
lui feul refpire fans ceffe l’air prefque méphitique
qui y circule avec peine, & il eft cependant de
tous les citoyens , celui qui a le plus de befoin
d’entretenir fes forces par de fréquents exercices,
& de refpirer un air v if & falubre ; il eft entaffé
la nuit & le jour dans des quartiers peu aërés ;
dans des chambres très petites , il eft couvert de
vêtements groffiers, il eft nourri d’aliments pefants,
& il a prefque toujours paffé fes premières années
à la campagne : comment une contrainte fi
grande ; comment un changement auffi confidé-
rable , ne feroit-il pas d’abord pour lui un fup-
plice réel , & enfin la caufe de la plupart des maladies
morales & phyfiques dont il eft tourmenté
?
Qui écouteroit le foldat au moment où il entre
dans nos villes, l’entendroit fouvent dire en fon
langage f çes remparts dont je fuis la force, vont
donc me fervir de prifon ! Si on me permet de
les gravir , un parapet incommode empêchera
mes yeux de découvrir la campagne ! Ces ponts
que je manoeuvrerai ne feront baillés devant moi
que quand on me conduira dans de nouveaux
boulevards, où je ferai de nouveau renfermé !
Ainfi traîné de prifon en prifon , la plus belle
partie de ma vie s’écoulera dans des privations
continuelles ! Quel eft celui de vous , ô mes concitoyens
! qui , ayant plus de biens à perdre que
moi, voudroit au même prix s’en affurer la con-
fervation ? Vous regardez la liberté d’aller refpirer
l’air de la campagne, comme un des plaifirs les
plus vifs , vous en revenez toujours joyeux &
contents ; plaignez-moi donc, moi qui fuis privé
de cette jouiflance ; parlez en ma faveur; faites
qu’on relâche des liens que j’ai pris fans les connoître
, & dont le poids n’eft allégé par aucune
perpeélive flatteufe I Si je difois donc que j’ai vu
■ des. foldats renfermés dans une des plug'petites
villes du royaume , à qui. il .étoit, défendu de
monter fur les remparts., d’outrepaffer le ruiffeau
qui féparoit le quartier d’avec les maifons voi-
fines ; des foldats qui n’obtenoient la permiffion
d’aller dans la v ille , qu’accompagnés d’un de leurs
camarades qu’on leur défignoit, qui ne pouvoient
même fatisfaire.aux befoins les plus prenants , que
fous les yeux dé ce furveillant incommode, & ;
que celui qui tranfgreffoit une de ces loi x , faites ;
.plutôt pour des efclaves. criminels , que pour les
iputiens de la liberté publique ,. était puni par
quarante & cinquante coups de bâton ; vous ne
m’en croiriez pas : je l’ai vu cependant, & mille
autres l’ont vu avec moi. II. eft. vrai ,que les malheureux
fournis à ce defpotifme auffi affreux qu’illégal
, étoient enrôlés dans: un de nos régiments
étrangers : mais,: quoi ! pour n’être pas François,
ces foldats ne font donc pas des hommes ? Si
quelques-uns ont déferté volontairement d’un autre
corps ,, plufieurs ont été léduits, même par leurs
tyrans; plufieurs ont de leur plein gré, adopté
la France pour patrie. Oferons-nous compter devant
l’ennemi , fur des coeurs que nous avons
aliénés, flétris, & même avilis ? Ils nous puniront
quelque jour de la difeipline barbare à laquelle
nous les avons fournis. Je n’héfite point à le dire ,
une difeipline femblable eft indigne du nom François.
Si la compofition des corps où elle règne
la rend indifpenfable , licentions-les ; nous ne
perdrons rien en force , & nous gagnerons en
vertu.
Malgré les exercices qu’on fait faire au foldat,
malgré les devoirs minutieux qu’on lui impofe, il
ne fçait à quoi employer la plus grande partie de
fon temps. Dans les petites villes dont il a parcouru
les rues &. les places dans un moment, dont il a
-Jait le tour dans une demi-heure, que lui refte-t-il
•pour chaffer l’ennui, ce mortel ennçmi des François?
le cabaret. S’il ne lui étoit prefque pas interdit
par la modicité de fa paye, le remède feroit
pire que le mal. .Les1 jeux qu’il joue n’intéreffent
que par l’efpoir du gain, & il n’a point d’argent.
Peu adroit dans l’art funefte de féduire les femmes,
point allez riche pour les payer .chèrement, trop
jeune, trop dépourvu de principes moraux pour
vivre dans la continence, ihs’abandonne à celles
dont les faveurs peu coûteufes-affurent à touts des
plaifirs faciles, mais rachetés * par des maladies
funeftes à la population , .& difpendieufes. pour
l’état ; & ces femmes, on le fçait, font naître
l ’ennui au lieu de le bannir. Ouvrez : les portes
de vos villes de guerre , permettez aux-foldats
d’errer dans les campagnes qui les environnent ,
l’ennui difparoîtra, la promenade les occupera pendant
des heures entières; à leur retour, ils chercheront
le repos, mangeront de bon apetit, dormiront
d’un fommeil sûr, fongeront peu au cabaret
aux. femmes , & ;par - conféquent mériteront
moins fréquemment la prifon, & iront moins fou-
Vent à l’hôpital. Quoi ! dira-t-on, liberté plénière ?
Il feroit peut-être, imprudent de permettre à touts
les gens de guerre de fortir de nos villes frontières;
la défertion, la contrebande & les maraudes, pour-
roient être l’effet de cette libemé ; mais fi l’on trou-
voit le moyen de prévenir ces maux, fans con-
figner les loidats & les bas-officiers, ne rendroit-on
pas aux uns & aux autres un fervice réel? & la
difeipline même, q u i, au premier coup-d’oeil,
paroîtléfée par cette permiffion, n’y gagneroit-elle
pas ?
M. O Y E N S.
Il eft permis aujourd’hui aux fergents, aux maréchaux
des logis & aux vétérants, de fortir des villes
de guerre ; ne pourroit-on pas, fans inconvénient,
étendre cette, permiffion jufqu’aux caporaux, aux
brigadiers, aux appointés, & à touts les hommes,
qui, ayant plus de feize ans de fervice, ont donné
des preuves de leur confiance & de leur volonté ?
Ne pourroit-on pas permettre aux fergents &
aux maréchaux des logis , de mener avec eux un
certain nombre d’hommes de leurs compagnies ;
quatre, par exemple; aux caporaux, trois; aux vé-
.terants,. deux; aux appointés ou foldats de feize
ans de fervice, un ; & enfin obliger chaque fergent
à conduire par femàine., en trois forties differentes-,
de deux heures chacune, douze hommes hors des
portes; chaque caporal, neuf; chaque vétérant-,
fix ; & chaque appointé ou foldat de feize ans
de fervice, trois. 11 y a dans une compagnie fix
fergents, dix caporaux, dix appointés, trois vétérants,
& au moins fix hommes décorés du double
chevron, total trente-fix : ces trente-fix hommes
ôtez de cent feize, total de la compagnie, la réduiront
à quatre-vingt : les foldats qui ne „feront point
admis au bataillon , ceux qui feront à l’hôpital , à
la falle de difeipline , en prifon, à la fécondé
claffe , confignés ou de fervice, la réduiront à
foixante au plus ; les bas-officiers n’auront don-c
enfemble, que 120 hommes à conduire par fe-
maine , & , dapres nos calculs , on voit qu’ils
pourroient en faire fortir jufqu’à 200.
P R É C A U T I O N S.
Pour prévenir les défordres qui pourroient
réfulter de la permiffion que nous demandons,
chaque jour à l’heure de l’ordre de la compagnie ,
les fergents, les caporaux, les appointés, les vétérants,
& les hommes au-deffus de feize années de
fervice, qui defireroient faire fortir quelques foldats
avec eux, prélenteroient à leur fergent-major,
deux billets datés, fur lefquels feroient.inferits le
nom de leur régiment, celui de leur compagnie, le
leur , celui des hommes qu’ils fe propoferoient
d’emmener, & celui de la porte par laquelle ils
voudroient fortir ; après que le fergent-major auroit
examiné, fi chacun des hommes , que.les bas-officiers
fe propofent de mener avec eux, peut profiter