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grand baftion, mais bien dans les faces, afin d’avoir
un feu fichant qui prenne l’ennemi à dos, ce qu’on
eftime beaucoup. On fait auffi au côté de ces
grands baftions des demi-tenailles pour bien dépendre
les baftions oppofés, comme elles font auprès
de T & V .
Tout le refte le fait à l’ordinaire ; les parapets ,
les remparts, les tenailles, demi-lunes, chemins-
couverts, en obfervant de faire des recoupements
aux gorges des demi-lunes, afin que le feu du flanc
découvre l’angle flanqué du baftion oppofé, comme
le flanc B découvre l’angle Q , enfaifant le recoupement
que l’on voit à la demi-gorge de la demi-
lune entre deux.
Fortifier uqe place irrégulière fituée proche d'une
rivière. ( Fig. 234. )•
Ayant mefuré touts les côtes de la place, fçavoir
A B de 155 toifes, comme il eft trop grand pour
îî’avoir que deux baftions, il a fallu faire un baftion
plat au. milieu, lequel a 60 toifes Me gorge.
On élève, comme il a été explique aux autres
baftions plats , les flancs de la hauteur de 20 toifes,
& par leurs extrémités on tire des lignes qui
forment les faces, Ôc dont la direétion tend aux
points K Ôc Q . Ces baftions, quoiquobtus, font
excellents, parce que les demi-lunes que l’on
conftruit fur les courtines de leurs côtesforment
un rentrant qui empêche l’ennemi de s’en approcher
, Ôc je les préfère à tout autre, comme je 1 ai
fait remarquer à ma nouvelle . difpofition de
place.
Pour conftruire le baftion A à l’extrémité de la
rivière, il faut le prendre intérieurement, ce qui
fe fait en briffant une. ligne au crayon du point J
iufqu’en K , donnant l’obliquité au flanc. On a
auffi la face du baftion, en la tirant du point A
iufqu’à la rencontre du flanc K J , & du point K on
tire la courtine en L , qui a la longueur de celle du
côté BV.
Le côté BC ayant 188 toifes de longueur, on
prend, comme j’ai dit ci - devant, plus de la
moitié des demi-gorges fur ce côté, afin de donner
des lignes de défenfe d’une raifonnable grandeur,
& toutes les autres à proportion.
Le côté D C ayant 160 toifes, on prend prefque
toujours la gorge du baftion D fur ce coté, pour
s’accommoder auffi aux proportions.
Les côtés D E , FE , ayant chacun 150 toifes
qui forment un angle rentrant en E , on fait un
baftion en platte-forme fur ces côtés, auxquels on
donne une grandeur convenable aux demi-gorges
& à la hauteur des flancs, afin de ne rendre pas
les angles des baftions trop aigus, fur-tout celui du
baftion F. Ils fe conftruiiënt, comme je l’ai en-
feiené ci-devant, fe fouvenant que pour rendre
les flancs obliques, il faut imaginer une ligne
ppnâuée D F , fur laquelle on élève & baiffe leldits
flancs. Le flanc gauche du baftion F ne tire fa défenfe
du baftion en platte-forme E , que de la
moitié de fon flanc droit, comme du point M »
parce que l’ayant tiré directement de l’angle du
flanc, l’angle flanqué du baftion F feroit trop aigu ,
6c par conféquent incapable de réfiftance ; au lieu
que par ce moyen il eft recevable , puifqu il a plus
de 60 degrés. *
Le côté FG ayant 190 toifes, ne peut avoirs
que deux baftions,ôc le baftion G fe doit prendre
extérieurement, parce qu’il ne fe peut prolonger
dans la rivière. On élève une ligne au crayon fur
le côté F G du polygone, pour y pratiquer fou
flanc droit, comme il eft marqué.
Les côtés G H 6c H A , pris enfemble , font
300 toifes. On les peut fortifier auffi, comme il eft
marqué fig. 23 5, où le côté eft fuppofe de 34°,
toifes. Cela rend ce côté beaucoup plus fort que le
précédent, fuppofé que là riviere ne foit pas impraticable
aux ennemis.
Ayant remarqué que le baftion F etoit a l endroit
de l’attaque de la place, j’y ai pourvu par la
contre-garde P , que j’ai conftruite a l’ordinaire, en
faifant une parallèle aufoffé de 10 toifes, 6c fon
foffé de 10 toifes auffi parallèle.
Il eft auffi à propos de faire des éclufes a 1 entrée
des foffés du côté de la riviere , pour faire
entrer 6c fortir les eaux lorfqu’il eft neceffaire, aux
endroits marqués N 6c O . E A' .
Les tenailles fe font à l’ordinaire 5 de meme
que touts les ouvrages, tant intérieurs qu extérieurs.
Fortifier une îlî. (F ig . 236.).
Après avoir bien examiné cette île 6c en avoir
levé ôc mefuré exaftement le plan, on voit la.
quantité de baftions qu’on y peut-faire, commente!
de dix, obfervant autant qu’il eft poffible , d en
faire moins que plus, pour éviter la depenfe.
On fortifie donc ordinairement ces îles intérieurement,
ne pouvant jetter les baftions en-
; dehors, à caufe de la rivière. Ayant marque touts
les côtés, on baiffe des perpendiculaires du milieu,
auxquelles on donne la 6e ou la 8 partie du
côté , ou 14 à 15 toifes, remarquant toujours de
ne point faire d’angles flanqués au-deffous de 60
degrés.
Quand c’eft une grande île qu’on ne veut pas
faire la dépenfe de fortifier entièrement, on fe
contente de faire un fort régulier de quatre baftions
à l’endroit le plus convenable, fi 1 île n eft
pas extraordinairement grande. On la fortifie outre
le fort que je viens de dire \ mais ces dernières
J fortifications ne font ordinairement que de terre ,
É ou bien on fe contente d’y faire quelques redoutes
aux endroits les plus néceffaires. J’ai fait deux demi-
lunes à la féparation 6c à la jon&ion de la rivière,
pour couper le terrein. J’en ai fait auffi une autre
marquée A , pour garder le pçnt ; ces fortes de
• ■ places
places n’ont befoin d’aucuns dehors, 6c les ouvrages
intérieurs fe font à l’ordinaire.
Fortifier une place fur une montagne. (Fig* 237*
Il faut d’abord remarquer la quantité de baftions
ïju’on peut y placer, fans faire trop de depenfe,
Ôc pour la mettre en bonne détente , faifant en-r
forte d’occuper tout le terrein, afin que l’ennemi
ne puiffe fe placer dans aucun endroit que par
force. Ayant mefuré touts les côtés qu’on a trouves
de la longueur qu’ils font marqués, on ne peut
fortifier cette place à moins de neuf baftions, fans
tomber dans le défaut, comme j’ai dit ci-devant,
de taire des défenfes trop grandes, ou de laitier du
vuide fur^les extrémités de la hauteur, qu’on feroit
obligé d’occuper par d’autres ouvrages qui ne^ fe
feroient pas fans dépenfe, ôc ne feroient pas ii a
propos.
Le côté AB étant de 156 toifes , je place deux
baftions aux extrémités, en fortifiant le tout extérieurement
, comme on y eft obligé dans cet
exemple, parce qu’on eft borné par les extrémités
de la montagne. ‘
Le côté B C , de 178 toifes, convient auffi à deux
baftions, chacun à fes extrémités, abaiffant une perpendiculaire
du milieu de ce côté, de même que
de touts les autres, fur lefquels on porte le 6®, le
7® ou le 8e du côté, félon que l’angle flanqué fe
trouve ouvert, afin de le ferrer davantage, pour
qu’il approche plus du droit, quoique fur les hauteurs
on n’obferve pas tant de donner direélement
des angles droits qu’en raie campagne, parce que
l’ennemi ne peut facilement fe placer pour battre
ces ouvrages.
On continuera autour de la place de la même
façon, obfervant que, lorfqu’un côté eft plus petit
que l’autre, il faut fe retirer fur le grand, pour
prendre la plus grande partie de la gorge du baftion
; 6c par ce moyen tout fe trouve dans une jufte
proportion, 6c fur-tout les lignes de défenfe qu’il
faut prendre garde de ne pas faire hors de la portée
du moufquet, qui eft, comme j’ai dit plufieurs
fois, depuis 100 jufqu’à 150 toifes tout au plus.
Le côté AB étant le feul par où l’on puiffe
attaquer la place, le refte étant fuppofé impraticable
, il convient de le fortifier par quelque ouvrage
qui foit d’une bonne défenfe, tel qu’eft un
ouvrage à corne, le terrein ne nous permettant
point d’y faire un ouvrage couronné.
Cet ouvrage fe conftruit comme il a été dit au
pentagone régulier. On peut auffi conftruire à l’extrémité
de fon glacis trois lunettes, telles qu’on les
voit marquées fur le plan, lefquelles feront couronnées'
d’un b.onsfoffé 6c d’un chemin-couvert.
Le plateau de la montagne, marqué D , pouvant
fervir à l'ennemi pour y conftruire des batteries
pour battre le baftion 6c les courtines
F. G. H. J. il eft à propos d’occuper ce terrein par
quelque ouvrage , comme feroit une. lunette, a
Art militaire. Tome II,
laquelle on joindra un chemin-couvert, tel qu’on
le voit fur le plan, 6c dont la conftru&ion fera telle
que.le terrein le pourra permettre?
\ Des citadelles.
Quand un prince s’eft rendu maître d’une place-
qu’il a deffein de garder, 6c qui a beaucoup d’habU
tants peu affeéHonnés, la prudence veut qu’on y
faffe conftruire une citadelle, pour retenir leldits
habitants dans le devoir , 6c empêcher quelque
révolte ou trahifon de leur part.
La conftruélion des citadelles eft différente, fui-
vant les différents endroits 6c les différentes fitua-
tions. On cherche toujours celle qui eft la plus
avantageufe, c’eft-à-dire, qu’il faut qu’une citadelle
foit fituée de façon qu’elle commande la ville, ÔC
par conféquent elle n’en doit pas être éloignée
plus que de la portée du canon, qui eft de 125 à
150 toifes pour les pièces de quatre. Telle eft la
citadelle de Befançon , celle de Bayonne 6c plufieurs
autres. Il eft inutile de donner la manière de
les conft/üire, parce que c’eft le terrein qui en décide
dans ces occafions.
Mais lorfque c’eft dans un endroit où l’on peut
èn quelque manière choifir le terrein, on les peut
faire tenant à la ville par des communications,
comme il fe voit à celles de Strasbourg, de Perpignan
, de Lille en Flandres , de Barcelone en
Efpagne, ôc à une infinité d’autres, obfervant de
choifir la fituation la plus élevée & la plus avantageufe
qui foit aux environs de la place , pour
que l’ennemi ne puiffe pas attaquer la citadelle
préférablement à la ville ; car pour lors, fi-tôt
qu’il s’en feroit rendu le maître, il le feroit de la
ville ; c’eft pourquoi il faut la fituer de manière
qu’il foit obligé de prendre la ville la première ÔC ‘
enfuite la citadelle , pour qu’il faffe deux fièges au
lieu d’un. Quand la ville où l’on veut faire conftruire
une citadelle eft dans le milieu d’une plaine ,
fans rivière, marais ni hauteurs aux environs, il
faut pour lors relever le terrein où l’on veut conftruire
la citadelle, le plus qu’il eft poffible, en faifant
les foffés larges ôc profonds, Ôc faire des cavaliers
fur les ouvrages qui regardent la v ille, pour
; que le canon domine mieux, 6c pour lors ceux qui
font du côté de la campagne, doivent être fortifiés
le mieux qu’il eft poffible, par des contre-gardes,
ouvrage à corne 6c à couronne, des lunettes avancées
, des avant-foffés ÔC avant-chemins-couverts ,
Ôc enfin par touts les ouvrages qui la peuvent
mettre hors d’infulte.
( S’il paffe une rivière à quelque diftance de la
v ille, on conftruira ladite citadelle de ce côté lit ;
enforte quelle foit entre la ville 6c. la rivière, ÔC
on pouffera les ouvrages jufqu’à ladite rivière ,
1 pouf que l’ennemi ne trouve pas quelque terrein
| propre à y établir des attaques : c’eft ce qu’on a
fait à la citadelle de Strasbourg, en pouffant les.
} ouvrages j ufques fur le bord du Rhin.
D d d