
finiment mieux placé entre les mains d’un guerrier
cjui a blanchi fous le harnois, mais qui eft encore
robufte , qu’entre les mains d’un jeune homme
prefque toujours fans force, au moins fans expérience
de lui-même ,& des objets militaires. Voyeç
P o r t e -d r a p e a u .
Nous avons eu pendant longtemps trois drapeaux
par bataillon , ce nombre a été enfuite réduit à
deux; aujourd’hui nous n’eft avons qu’un.
Le drapeau eft placé au centre du bataillon , fa
garde eft compofée de quatre fergents & de huit
caporaux.
. Le drapeau du premier bataillon eft blanc : celui
du fécond bataillon eft compofé de plufteurs morceaux
de taffetas de différentes couleurs. La difpo-
fition de ces couleurs a pu dans l’origine , être
di&ée par la raifon ; mais aujourd’hui elle paroît un
effet du hafard ou du caprice.
On renouvelle les drapeaux toutes les fois que
îes anciens font hors de fervice ; c’eft le roi qui
fournit la lance & le drapeau. C ’eft au colonel à
les orner de cravates.
Quand les régiments ont reçu de nouveaux drapeauxj
ils.les font bénir ; cette cérémonie àlaquelle
on donne une pompe religieufe militaire eft décrite
dans l’article bénédiction des drapeaux.
De la difùnStion 6* de l!a forme du drapeau.
Les enfeignes militaires que noirs appelions drapeaux
, n’ont pu être inftitués que pour diftinguer
les différentes troupes pour faciliter aux membres
de chacune d’elles le moyen de fe .rallier à leurs
compagnons : aufli quand-fart de la guerre eût fait
quelques pas vers la perfeâioa, on ceffa de porter
une petite botte de foin au haut d’une pique, &
on choifit pour enfeigne des objets d’une forme
affez variée pour être facilement diftingués ; ce
furent d’abord de. grands quadrupèdes ou desoifeaux
de la plus grande taille qu’on avoit empaillés ; à ces
animaux empaillés, on fubftitua leurs images grof-
lièrement peintes fur une étoffé de laine ou de fil
de là le nom de drapeau. Jufques là'on n’avoit
pas encore tout-à-fait perdu de vue l’objet de l’inf-
titution des enfeignes t mais bientôt on n’en reconnut
plus lès traces. Des hiéroglyphes plus ingénieux
que fenfibles fuccédèrent aux images des
animaux : ils furent effacés à leur tour & remplacés
par un faint révéré dans la contrée, ou l’image d-un
guerrier que fesfaits d’armes avoient rendu célèbre ;
enfin les drapeaux de vinrenttelsque nous les voyons
aujourd’hui ; c’eft-à-dire, un compofé de morceaux
d’étoffe de foie, de différentes couleurs , mais fi
confufément faits , qu’il eft pr éfqu’impoffible de
diftinguer un drapeau d’avec un autre , & fur-tout
de deviner à quel corps appartient un certain drapeau.
Il faut cependant que les drapeaux foient
tels que dans une armée il n’y en ait pas deux
qui fe reffemblent, & qu’ils aient affez d’analogie
ave» les uniformes-, pour que chaque individu.
puiffe facilement reconnoître celui fous lequel il
doit combattre. Il y auroit ce me femble une manière
fimple & facile de remplir ces conditions
effentielles & conftitutives.
Süppofons , par exemple, que les régiments de
l’armée françoife foient partagés en onze divifions,
de dix régiments chacune ; que la première divi-
fion ait des revers blancs ; la fécondé,. noirs ; la
troifième , bleu-de-roi ; la quatrième , écarlate ;
la cinquième , bleu-célefte ; la fixième, violet ; la
feptième, gris-de-fer ; la huitième , verd-foncé ; la
neuvième, cramoifi ; la dixième , jaune; & la
onzièmegris-argentin ; fuppofons encore que le
premier régiment dans chaque divifion ait le parement
blanc ; le fécond, le parement noir ; le troi-
fièmè, le parement bleu-de-roi ; & c . Voyeç U n if
o rm e s . Il eft clair qu’il n’y aura pas deux régiments
qui portent les mêmes couleurs diftribuées •
dans le même ordre , & qu’on ne pourra jamais
confondre deux régiments ; cet ordre établi A partageons
nos drapeaux en deux bandes égales, de-
deux pieds & demi de longueur,- fur deux pieds;
& demi de largeur , ( dimenfions qui font plus que.
fuffifantes, ) que la bande fupérieure repréfente
le revers & indique la divifion dans laquelle le
régiment eft compris ; que la bande inférieure faffe.
eonnoître , comme le parement, le rang du même
régiment dans la divifion ; ainfi nous aurons des,
drapeaux qu’on ne pourra confondre, &. qu’on re-
connoîtrafacilement, même de très loin.
Pour diftinguer les différents drapeaux du- même
régiment, noqs aurons recours aux cravates ; le
premier, la portera blanche. ; le fécond noire , &c*.
Cette manière- de diftinguer les drapeaux peut
être appliquée aux étendards , aux guidons-,. &. aux
différents fanons. Voyez ces mots.
Cette manière de compofer les drapeaux ; n’em-
pêcheroit pas qu’on les chargeât de quelque. emblème
diftribué par la victoire. Voye£ RÉCOM.-
PENSES MILITAIRES*.
Du nombre de drapeaux-
Un drapeau fuffit-il à un bataillon-? Rappelions^
nous pourquoi les drapeaux furent inftitués , &
nous verrons qu’il en faut un plus grand nombre.:
un bataillon a. fourni une garde d’honneur chez
un prince du fan g ou chez un maréchal de France ,
le voilà fans figne militaire.; lè> voilà fans- point
de ralliement, fans fecours pour prendre ou donner
de grands alignements ; le voilà, en un mot, privé-
d?un grand moyen , pour arriver à la /viéroire.
Un boulet ou une balle ont-ils cafté la'' lance dti .
drapeau, voilà le même inconvénient. Les Romains
, ce- peuple vraiment guerrier , ne s’étoient
pas contentés de donner an figne militaire à
chaque légion, ils en avoient donné un particulier à
chaque.- divifion & à chaque: fubdivifion de ce
corps : pourquoi, à fon exemple , ne donnerions-
nous pas un drapeau à chaque graftde divifion de
hos armées ; un au régiment, un au bataillon,
un à la compagnie. Telle étoit l’opinion du maréchal
de Saxe ; cette autorité nous paroît d’un
poids bien propre à faire pencher la balance.
( Voye\[ le tome I. page 63 des Rêveries.'). Si
nous venons à perdre une bataille, dira-t-on , l’ennemi
vain du grand nombre de drapeaux qu’il
nous aura pris, en deviendra plus entreprenant,
& nos troupes en feront découragées. Ce fu t, je
le fçais, pour prévenir un pareil malheur, qu’en
1692 le prince d’Orange, inftruit par le paffé, ne
laiffa fubfifter qu’un drapeau dans chaque bataillon
de fon armée : mais cette objeéfion, toute fondée
qu’elle paroît, n’en eft pas moins aifée à lever :
ne donnons le nom de drapeau qu’à celui du régiment
; n’attachons de l’honneur qu’à la confer-
vation de celui-là , & nous aurons toufs les avantages
de la multiplicité des fignes militaires | fans
en avoir les inconvénients.
Ne feroit-il pas avantageux que les régiments
n’euffent pendant la paix que les drapeaux de bataillon
&. de compagnie, & que le drapeau de
régiment ne fût déployé que pour le roi ou en
préfence des ennemis de l’état ? L’efprit militaire
eft un efprit tout-à-fait particulier ; c’eft par la
combinailon d’une infinité de petits moyens qu’on
lui donné de l’énergie* CeTte vérité nous fait regretter
que l’oriflamme ne fubfifte plus , & que le
général n’ait pas fon drapeau particulier. On pour-
roit tirer un très grand parti de l’un &. de l’autre;
outre l’utilité métaphyfique dont nous venons dê
parler ; le drapeau du général en auroit encore
beaucoup d’autres. ( Voye£ VEmpereur Léon , par
Mènerai 3 tome L page 203 & 204 ; les Rêveries du
Maréchal de Saxe 3 tome 1. page 140 g les Commentaires,
de M. Turpin, fur Montécuculli 3 tome 2 ,
page 4 »2. ).
De la garde du drapeau.
Nous verrons dans l’article P o r t e -d r a p e a u ,
quelles font les qualités que ces officiers devroient
réunir. Nous nous contenterons de demander ici
s’ils ne devroient pas toujours avoir auprès d’eux un
fucceffeur ou un adjoint, pour-les remplacer dignement
quand des bleffures confidérablesou une maladie
grave les mettent dans l’impoffibilité de
porter le drapeau furie chemin difficile de la vî&oire.
Nous confions, la garde du drapeau au premier
fergent & aux deux premiers caporaux de chaque
compagnie: on ne peut certainementguères mieux
l’entourer ; mais ces bas-officiers ne font-ils pas
néceffaires dans leurs compagnie*s ? & comme les
drapeaux font un point de mife , n’eft-if pas à
craindre que la consommation de ces hommes précieux
ne ioit trop prompte. Les douze premiers
vétérants de chaque régiment mêlés avec un
nombre égal de jeunes volontaires gentilshommes,
auxquels on ne donneroit qu’une paye modique ,
pourroient, ce me femble., remplacer avec avaittage
les bas-officiers des compagnies. Pour guider
les drapeaux , il faut de l’intelligence ; pour les
garder il ne faut que de la bravoure ; où en trouver
plus que dans nos vétérants &. dans la jeune no»
: bleffe Françoife ?
Du refpett qu on doit aux drapeaux.
Nos drapeaux marchent toujours environnés
d’une garde formidable., on les reçoit avec ref-
p e ft, on les renvoie avec folemnité ; c’eft beaucoup
, mais ce n’eft point affez. Les Romains al-
loient plus loin , & ils eurent lieu de s’en applaudir.
Pour un légionnaire, rien n’étoit plus facré;
que l’aigle ; lès enfeignes étoient révérées à l’égal
des ftatuts des divinités. Tacite les appelloit les
dieux de la guerre & des légions ; on leur dref-
foit des autels ; elles étoient un réfuge pour ceux
qui craignoient quelque violence; celui qui avoit
juré par elles ofoitmoinsfauffer fon ferment, que
s’il eût juré par fa propre tête. Pourquoi n’imite-
rions-nous pas ce peuple fage ? Pourquoi n’infpire-
nons-nous pas au foldat une vénération religieufe
pour fes enfeignes ? Ici l’excès ne feroit ni dangereux
ni blâmable. Nous verrons dans l’article Serment
m il it a ir e que le refpeéf pour les drapeaux-
pourroit lui donner beaucoup de force : c’étoit
l ’opinion du maréchal de Saxe, tome I , page 141*
Nous-parlerons enfin dans l’article P u n it io n
des peines dont^on devroit menacer les corps-qui
feroient affez malheureux pour perdre leurs drapeaux.
( C. ).
^ D R O IT MILITAIRE. Ce droit eft celui qui
règle les devoirs des militaires. Ils font généraux
ou particuliers. Ceux-ci font preferits. par les
ordonnances de chaque fouverain , & différent-
fuivant le génie, les moeurs, les ufages de chaque
nation ; c’eft pourquoi je nomme l’efpèce de droit
qu’ils eonftituent droit militaire national. Les autres
font fondés fur la loi'générale des fociétés, loi
commune à touts les peuples, loi qui- enjoint aux
hommes de ne fe faire aucun mal fans la nécef-
fité la plus abfolue : je nomme cette efpèce de
droit, droit militaire public. C ’eft ce que d’autres-
ont nommé droit de la guerre*
Dans les premières guerres des peuples barbares
, le mal qu’ils fe faifoient n’avoit pas d’autres
bornes que celles de leur puiffance. Ils détrui-
foient, bruloient les villes & les bourgs, tuoienc
les hommes en armes & fans armes, les femmes,
| les enfants, les animaux même; femblables aux
malles de rocher, qui, tombant du haut des montagnes,
écrafent tout ce qui ne peut foutenir leur
poids. Ce genre de guerre fubfifte encore parmi;
les nations fauvages.
La raifon cultivée a ramené l’homme à des fen-
tàments plus dignes de lui. Entraîné à la guerre-
par le défordre de fes- pallions, mais honteux de
l’atrocité de fes ancêtres, il a oppofé aux maux
de ce fléau, les loix de la juûice univerfelle. R *