
G U É R I T E . Tourelle de maçonnerie ou de
charpente. On place les guérites aux angles des
ouvrages de fortification, fçavoir aux angles flanqués
des baftions, à l’angle de l’épaule , & aux
angles flanqués des demi-lunes, ôc autres ouvrages
revêtus de maçonnerie : elles font deftinées à
couvrir & garantir des injures du temps ôc des
coups de fufil les fentinelles qu’on y pofe pour
obferver ce qui fe pafle au-dehors.
On les conftruit de niveau au terre-plein des
ouvrages , Ôc on y entre par une coupure de trois
pieds de largeur, faite dans le parapet.
La figure des guérîtes eft ronde * pentagonale
ou hexagonale , mais le plus fouvent pentagonale :
elles font couvertes en dôme.
Celles des ouvrages en terre, & celles que l’on
place en différents endroits de la place , font conf-
truites en bois, & de forme quarrée. -
Les guérites en maçonnerie' ont quatre pieds ÔC
demi de diamètre dans oeuvre , ôc huit pouces
d’épaifleur de parpin. On pratique à leur entrée
une porte de deux pieds de largeur fur fix de
hauteur , & à chacune de leurs faces , un petit
creneau de deux pieds de hauteur , fur fix pouces
de largeur, dans le milieu de fon épaifleur, faifant
dedans & dehors un ébrafement de trois pouces
de chaque côté.-On les orne d’ailleurs de panneaux,
boffages, cordons , &c. La voûte > en dôme qui
les recouvre , eft à petits joints, recouverts par
ailifes égales : elle porte une fleur de lis pofée
fur un piedeftal, avec un goujon de fer d’un pied
de long , bien fcellé en plomb. Ces guérites font
pofées fur un cul-de-lampe de pierre de taille ,
dans la face duquel font fculptées les armes du
roi.C
elles des contre-gardes, demi-lunes, ouvrages
à corne, entrées des places , magafins, cafernes,
places d’armes, &c. font en charpente dé bois de
chêne, de forme quarrée , de deux pieds & demi
de diamètre dans oeuvre, & cinq pieds huit pouces
de hauteur ; les bois des montants & entre-toifes
font de fix pouces de gros. Elles font recouvertes
par les côtés ôc par-deflus avec des planches de
fapin , bien attachées , dans lefquelles on pratique
des créneaux fur les côtés. Le chaflis d’en-bas a
fept ou huit pouces de gros.
On donnoit anciennement aux guérites le nom
d’échanguette.
GUERRE. Exercice du droit de force.
La guerre' eft le plus terrible des fléaux qui dé-
truifent l’efpèce humaine : elle n’épargne pas même
les vainqueurs ; la plus heureufe eft funefte. Quel
bonheur ôc quels fuccès ont égalé ceux des Romains
? Ennemis de toutes les nations les nations
conjurées les ont détruits. L’ambition ôc l’avidité
les rendirent guerriers : la guerre les enrichit, les
riçhefles les corrompirent : d’autres brigands s’en
emparèrent, ôc les poffefleurs injuftes furent exterminés.'
La Grèce fit toujours-la guerre , & périt
par elle , fans retirer aucun fruit des conquêtes
d’Alexandre. Te l fera le fort de tome puiflance
qui voudra dominer par le droit de force , que
l’homme devroit laifler aux animaux fauvages : la
nature ne l’a fait que pour eux.
Telle eft l’idée qu’ont de ce fléau touts les hommes
qui jouiffent de leur raifon dans le filence des
pallions. Le chantre de la valeur 3Homère, ne perd
pas une feule occafion d’inve&iver le dieu de la
guerre. Il n’en parle jamais fans lui donner les épithètes
de cruel ôc d’homicide. Minerve lui dit :
O Mars, Mars, fléau des hommes , fouillé de
fang, deftruöeur des villes ! Lorfque ce dieu blefle
va porter fa plainte à Jupiter , celui-ci, le regardant
avec indignation , lui répond : « peux-tu te
plaindre , toi qui confonds ôc détruit tout ce qui
exifte ? Tu m’es le plus odieux de touts les habitants
de l’Olympe ; tu n’aimes que la difcorde ôc la
guerre & les combats ; tu as le caraélère infuppor-
table ôc inflexible de Junon ta mère. ».
L’origine de la guerre eft une pafliôn baffe, la
cupidité. Les premières nations qui l’ont faite ont
eu le butin pour unique objet. L’or ôc l’argent, dit
Tacite 3 eft le prix de la viâoire. Les conquérants
n’ont defiré de nouvelles provinces que pour jouir
d’une partie des biens de leurs habitants. Touts les
euples qui l’ont faite, Afiatiques , Européens ,
ârbares, civilifés, Grecs, Romains, Allemands *
François & autres , touts fe font fignalés par les
plus horribles ravages. Les hommes de guerre eux-
mêmes ont reconnu qu’elle n’eft qu’un fléau terrible.
Ils ne la défirent que lorfqu’ils font jeunes ÔC
fans expérience. On lit dans Montluc, ( tom. 1 *
p. 22. ) : La guerre recommença entre le roi François
ôc l’empereur, plus âpre que jamais, lui pour
nous chaflerde l’Italie , ôc nous pour la conferver t
mais ce n’a été que pour y fervir de tombeau à un
monde de braves ôc vaillants François. Dieu fit
naître ces deux grands princes ennemis jurés, Ô£
envieux de la grandeur l’un de l’autre , ce qui a
coûté la vie à deux cents mille perfonnes, ôc la
ruine d’un million de familles. On en peut dire
autant de toutes les- guerres.
Le dommage en ell certain , le fuccès douteux t
on ne combat que pour un moindre mal. Le comte
de T illy difoit à la diète de l’Empire , lorfqu’on
lui remit les patentes de généraliflime : » la guerre
eft un jeu où l’on hafarde plus ou moins, fuivant
la paffion des joueurs. Tantôt on gagne , tantôt
on perd ; ôc , quand on gagne beaucoup , il arrive
ordinairement ou que celui qui gagne continue à
jouer, pour augmenter fon bien, ou que celui
qui perd ne veut point quitter le jeu , parce qu’il
efpère regagner ce qu’il a perdu. A la'fin la chance
tourne , ôc le gagnant perd non-feulement ce qu’il
a gagné, mais encore ce qu’il avoit fur lui en fe
mettant au jeu-. ». ( Hiß. d& Guflave Adolphe,
tom. 1 1 3 pag. 470.).
Ce ne font plus aujourd’hui les peuples qui déclarent
la guerre 3 e’eft la cupidité des rois, qui leur
fait prendre les armes; «’eft l’indigence qui les met
feux mains de leurs fujets. Heureux ceux que des
princes juftes ÔC fages n’arment que pour leur
défenfe ! heureux nous-mêmes fi la juftice, régnant
dans le coeur de touts les rois , nous eût difpenfés
d’expofer les principes d’un art alors inutile. Nous
voudrions ne pas douter que cet heureux temps
puifle être ; mais , puifqu’il eft encore des princes
prêts à facrifier quelques millions d’hommes à l’efpoir
fouvent chimérique d’augmenter leurs revenus de
quelques millions , ( ôc pour quel ufage l ) enfei-
gnons encore l’art d’arrêter le cours de leurs injuf-
tices. (K ) .
Des différentes efpéces de guerre* '
Nous diftinguerons ici en général trois efpèces
de guerre ; l’une eft celle qui fe fait entre puiflances
égales ; l’autre eft celle de fecours, qui fe fait hors
de l’état, pour fecourir un prince allié , ou pour fe
joindre à un prince foible, qu’un plus puiflant vou-
droit attaquer; latroifième eft la guerre civile : toutes
fçs efpèces peuvent être offenfives ou défenfives.
Des difpofitions ou projets de guerre.
Il y a deux fortes de difpofitions qui regardent
la guerre : la première eft le plan général qui la
doit précéder. Il doit être formé par le prince ÔC
fon confeil, dans lequel feront agités les raifons
& les moyens de faire cette Les délibérations
en doivent être fages ôc lentès, afin de bienpefer
toutes les conféquences de l’entreprife, ôc de
n’oublier aucun des moyens pour la conduire à
une fin heureufe.
La fécondé difpofition fe peut appeller particulière
, puifqu’elle ne regarde que l’exécution du
deflein formé. Quoiqu’il én ait été parlé dans le
chapitre des différentes efpèces de guerres 3 cependant
il me paroît néceffaire de dire ici un mot
en général fur les différentes efpèces de difpofitions
particulières qui doivent fuccéder au plan général.
Les unes regardent la difpofition des troupes,
par rapport à la nature des entreprifes , & la
manière de les employer ; les autres, la difpofition
des munitions de guerre ôc de bouche 3 par rapport
à l’exécution.
Toutes ces matières trouveront leur place dans ,
la fuite de ce difcours , lorfqu’il fera parlé en !
particulier des différentes opérations de guerre. On
pofera feulement pour maxime certaine , qu’aucune
entreprife ne peut réuflir fans une bonne difpofition
précédente, ôc qu’ainfi le projet Ôc la bonne difpofition
font l’ame de l’entreprife , l’exécution n’étant
qu’un corps fans ame, fi elle n’a pas été précédée
de tout ce qui eft abfolument néceffaire à la réuflite.
Je parlerai ici des difpofitions générales , ôc des
projets qui fe doivent former pour faire avec avantage
une guerre qui n*eft point encore déclarée.
Je n’examinerai que les fautes qui ont été faites
de mon temps , par rapport aux difpofitions ÔC
aux projets généraux que j’ai vu faire * dans les
temps qui ont précédé les guerres, îaiflant- ce que
j’aurai à dire fur le fujet des difpofitions particulières,
lorfque j’en trouverai l’occafion.
Il eft certain qu’il y a eu un temps confidérable
où l’on a pu prévoir que la mort du Roi d’Efpagne ,
Philippe IV, étoit prochaine.
Si le roi, q u i, dans la conjonfture de cette mort,'
vouloit faire valoir les droits de dévolution à la
reine , fur le Brabant, avoit fait lever quelque
temps auparavant, un nombre fuffifant d’infanterie ,
ce qu’il pouvoit faire aifément par la grande quantité
d’hommes qui étoit dans le royaume ; fi par
des achats fecrets de chevaux pour le fervice de
fon artillerie ôc de fes vivres , il s’en étoit pourvu
d’un nombre fuffifant ; s’il avoit fait faire , dans
des pays éloignés de la frontière de la Flandre,
des corps de charrettes ôc des achats de bled :
fon invafion en Flandre auroit été plus prompte
ôc plus efficace qu’elle ne le fut.
Il lui ailroit été facile de conquérir touts les
Pays-bas catholiques dans la campagne de 1667 ; ôc
ce qu’il auroit conquis , il l’auroit auffi aifément
gardé par le traité d’Aix-la-Chapelle , que la petite
* partie de ce pays qu’il occupa, parce qu’il n’y
avoit dans ce temps-là aucune puiflance en état
de le forcer à abandonner fa nouvelle conquête.
Mais toutes ces attentions utiles à un prince qui
veut conquérir, furent négligées , au moins pour
la plus grande partie , puifque les levées d’infanterie
, ôc même de cavalerie, fuccédèrent à l’entrée
de l’armée en Flandre ; de forte que ce ne fut
que faute de troupes pour garder les villes que
l’on auroit pu prendre , qu’on n’en prit pas un plus
grand nombre.
Il eft certain encore que fi le roi avoit eu des
équipages pour fes vivres ôc fon artillerie , il
auroit pu, à l’ouverture de la campagne, porter
toute fon armée devant Bruxelles, dont la prife
auroit entraîné la perte entière des Pays-bàs catholiques
, dans un temps qu’ils étoient dépourvus
de tout pour leur défenfe.
Ainfi je puis dire que la difpofition générale ,
ôc le projet de cette guerre, a manqué contre les
maximes ôc les règles qui doivent être obfervées
par un prince qui médite une conquête avec réflexion
, ôc qui a eu le temps de les faire toutes.
Lorfqu’en l’année 1672 , le roi fit la guerre aux
Hollandois, après les conquêtes rapides qu’il fit
lur eux , s’il avoit écouté les propofitions de paix
qu’ils lui firent, ôc qui étoient avantageufes , il
•auroit terminé glorieufement cette guerre , qu’il
paroifloit n’avoir entreprife que pour humilier ,
ôc non pas pour détruire entièrement cette république
trop fière , ôc dont il étoit mécontent , à
caufe du traité de la triple alliance qu’elle avoit
ménagé.
Si donc le ro i, après avoir donné la paix aux
Hollandois , s’éioit fervi du prétexte que les Efpa-
gnols lui avoient fourni eux-mêmes de rompre
avec eux , à caufe des fecours qu’ils avoient donnés
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