
retirer de devant Pife, en entrant les premiers
dans le Caténtin , ou Paul Vitelli, pour défendre
ce pays, fut obligé d’accourir avec les troupes de
Florence.
Alexandre Jan-née abandonna le fiège de Ptole-
maide , pour venir au fecours. de la Paléftine', que
Ptolomée Latur , roi d’Egypte ^avoit infulté, dans
la vu e , par cette diverfion , de faire lever le fiègé
de Ptolemaïde.
La fituation des provinces de votre principal
ennemi ,1 a difficulté de traverier des défilés & des
rivières , qu’il faut pafler pour y arriver , & plusieurs
autres circonftances , peuvent rendre trop
périlleux ou trop peu utile le deffein que vous
avez de pénétrer dans Tes provinces, tandis que
peut-être les mêmes inconvénients ne fe rencontrent
pas pour porter la guerre dans les états
d’un .des princes qui forment la ligue ennemie.
Dans ce cas, portez la guerre fur les terres du
prince , qui, pour défendre les états, ne retirera
pas feulement les troupes qu’il a dans l’armee ennemie
, mais qui peut-être obligera l’armée entière^
ou une partie , de marcher à Ion fecours.
Pour éviter que .les Sarrafins, fôuténus par Alexis
, empereur des Grecs , ne continuaffent a
incommoder les troupes de la ligue facrée, 3 oed-
mond , prince d’Antioche , alla inveftir , en Dal-
matie , la place de Durazo , qui appartenoit à
Alexis. .Par cette diverfion, l’empereur Grec ne
fe trouva plus en état d’embarraffer l’armee chrétienne
dans la Palêftiné.
Les Romains, inquiétés par l’armée d’Annibal en
Italie , envoyèrent le préteur Pofthumius pour
faire une diverfion dans le pays des Gaulois , afin
que ces peuples, qui faifoient la principale force de
l’armée d’Annibal, fe retiraffent pour aller défendre'leur
pays. Au refie , avant que de vous
engager dans ces guerres de diverfion que je propose
, examinez attentivement fi , dans toute
forte d'événement qui puiffe furvenir, vous pourrez
vous retirer librement du pays ennemi, principalement
lorfque c’eft: un pays coupé, ;dont les
habitants, naturellement aguerris , peuvent vous
difputer les défilés, ou vous obliger à marcher par
des chemins incommodes & périlleux , à construire
des ponts’ qu’ils ont rompus, & vous détenir
par les difficultés que vous rencontrerez fur
votre retraite, en attendant qu’ayant reçu des
troupes d’une autre province, ils ayent des forces
Supérieures aux vôtres.
Charles I I , roi d’Angleterre , voulant obliger
Çronrwel à retirer fon armée de l’Ecoffe, prit la
réfolution de paffer avec fon armée d’Angleterre
en Ecoffe ; mais il y rencontra touts les inconvénients
dont je viens de parler, & il eut le malheur
d’être défait à la bataille de "Wocefter.
Il n’y a pas à craindre dé ne.pas avoir une retraite
libre , lorfque; pour faire diverfion, vous
allez attaquer des ennemis voifins, dont les prirv-
çipalés forces font occupées à une guerre qu’ils
ont portée, au-delà des;mers , parce qu’à compter
du moment que vous ferez averti par vos ef-
pions, que l’armée ennemie commence à s’embarquer
pour s’en retourner jufqu’à ce qu’elle arrive,
il y a allez de temps pour faire retirer les troupes
de votre prince, & les mettre en fureté.
Philippe I I I , roi.de France , porta la guerre en
Efpagne dans les états de don Pedro , roi' d’Arra-
gon , pour l’obliger d’abandonner la Sicile, que
les Arragonnois avoient invefti, contre le roi
Charles, allié & oncle de Philippe ; ce qui obligea
le roi don Pedro de retirer les principales forces
de la Sicile.
J’ai prouvé, au commencement de ce volume ,
qu’il eft aifé débattre l’armée ennemie , lorfque,-
après un long voyage, pour fe rendre en fon pays ,
elle fe met en rafe campagne auffi-tôt quelle a
débarqué.
Il n’y aura auffi rien à craindre pour la retraite ,
lorfque, fupérïeur en vaiffeaux , vous porterez la
guerre de diverfion fur des côtes , quand même
elles feroient fort éloignées. .
Piriclès , capitaine d’Athènes , n’ayant pas une
armée affez nombreufe pour défendre fon pays
contre Archidame , rqi de Lacédémone , envoya
cent galères & quelques troupes, fous les ordres
de Caxcin , pour ravager la Morée , ce qui obligea
Archidame d’abandonner le pays d’Athènes, pour
aller délivrer la Morée des incurfions des Athéniens.
Quand même vous ne vous trouveriez pas avec
affez de troupes pour tenir la campagne dans le
pays ennemi, fi vous êtes fupérieur en forces
navales, vous pouvez , dans un petit débarquement
Surprendre furie long de 1^ cote un port
où il y a peu de garni fon ', & qui fera de défenfe,
pour peu que Part ajoute à fa. forte fituation.
Alors les ennemis, appréhendant que vous n’y envoyiez,
des nouvelles troupes-pour défoler le pays
ou pour y faire des conquêtes, tireront des détachements
de ïeut* armée , qui eft entrée dans vos
provinces, ou peut-être même rappelleront-ils
leur armée, entière , pour venir faire le liège de
ce port ayant que vous en ayiez augmenté les
fortifications. •
C ’eft dans cette vue que Démofthène ,.capitaine
d’Athènes, fortifia dans le pays de Lacédémone
le pofte de P ilo , qu’il avoit furpris par mer.
Démofthène ne fut point trompé dans fa con-
je&ure , p.uilque les Lacédémoniens, qui craignirent
toutes les fuites dont je viens de parler, préférèrent
à toute autre entreprife celle de venir
fans délai faire le liège de Pilo.
Quoique vous n’ayez qup peü;de troupes , fi
vous êtes fupérieur en vaiüeàux, vous pourrez
porter la guerre dans une île des ennemis , dont la
garnifon n’eft pas nombreufe, afin de vous dédommager,
par la prife de cette î le , des terres
que vous ne pouvez pas défendre dans votre pays,
puifqu’avec vos vaiffeaux vous empêcherez que-
les ennemis ne fecourent cette île.
' JEnfin, vous potivëz faire de fréquents débarquements
fur lès côtes où vous fçavez que les
ennemis n’ont pas'beaucoup de troupes, parce que,
dans ce cas, trente mille hommes des ennemis
ne fçauroient empêcher à quatre mille des vôtres
de faire ces débarquements , fur-toutTi la côte eft
longue. Je fuppofe néanmoins que pour toutes ,
ces entreprifes vous ne diminuerez pas-la garnifon
nëceffaire dans toutes les places que les ennemis
pourroient attaquer dans votre pays.
Des intelligences & foul'evements.
Selon un ancien proverbe, celui qui ne peut
fe parer d.e la 'peau du lion , doit fe couvrir dé celle
du renard , c’eft,-à-dire , qu’il faut ufer de fuie,
pour fuppléer à la force dont on manque. Par la
rufe, on épargne le fan g que fait répandre la
forc-e,Jors même qu’elle eft viéiorieufé ; toute la
difficulté con'fifte à n’employer les intelligences &
la rufe que dans ce qui eft permis , puiique même
les Gentils ont reconnu , « qu’afin que l’avantage
qu’on en retire oit loit confiant & durable, il
doit être fondé fur la raifon & la juftice».
De touts 16s effets qu’on peut fe promettre de
l’artifice , le plus efficace leroit d’exciter la divi-
fion &la révolte parmi les ennemis, de s’y fomenter
un parti, & de faire agir leurs troupes les
unes contré les autres, lorfque ce les 'de votre
prince ne font pas en état de leur réfifter ; mais
ce moyen eft auffi violent qu’il peut paroître illicite.
Il femble néanmoins qu’il leroit permis de
-l'employer, lorfqu’il eft abfolument néceffaire
pour la défenfe de la religion. Le texte facré ,
parlant des Egyptiens qui perfécutoient la lo i ,
qui étoit alors la véritable, s’exprime ainfi J’animerai
les Egyptiens contre les Egyptiens,. & le
frère combattra contre fon frère , l’ami contre fon
ami, la ville contre la ville, & le royaume contre
le royaume ».
Les exemples fuivants, que nous ont donné les
fouverains , dont la plupart ont pafle pour des
princes juftes, ifernblent autorifer le droit de pouvoir
fufeiter une révolte parmi des ennemis qui,,
par une guerre injufte, ciéTolênt votre pays, lorf-
qu’ii n’y. a pas d’autre reffoürce pour le défendre;,
mais comme il n’eft pas de ma profeffion de déci- -
der en fait de morale, je me borne à rapporter les
exemples que f hiftoire me fournit.
Lorsque les armées- Hollandoifes étoierit viélo-
rleules dans le Pays-Bas , par je fecours que les
François donnoient au prince d’Alençon , protecteur
de ce pays , les Efpagnols fomentèrent en
prince la révolte de quelques feigneurs , ce qui
porta le roi très chrétien ,à promettre de ne plus
donner du fecours à la Hollande , à condition que
l’Efpagne ne favbriferoit pas le parti des mécontents
en France.
Manuel Paléologue , empereur d’Orient, ne fça-
chant comment garantit fes états des hoftilités que
Moyfe , huitième empereur des Turcs, y exerçoit,
les en délivra en excitant contre Moyfe une ré-:
volte en faveur de Mahomet fon frère.
Charles Y , duc de Lorraine „ corrfeilloit à l’empereur
Léopold Ignace, que fi le roi de Pologne
embrafîoit contre l’empereur les intérêts de la
France , il falloit fufeiter en Pologne des divifîôfls
& dés troubles', détrônèr ce prince, &. faire élire
un autre roi plus affeéliônné à l’empire.
A r taxer ceM e m non, roi de Pérfe , ne pouvant
réfifter aux Grecs, qui, fous les ordres d’Agèfilas,
lui faifoient la guerre en A fie , envoya Hesmocrate
le Rhodien , avec une groffe fomme d’argent, afin
d’y exciter des foùlèvements. Hermocrate réuffit
dans fa, cornmiffion , & les Grecs rappellèrent
auffi-tôt l’ârmée d’Agefrlas, qui difoit que trente
mille hommes de traits l’avoient chaffé de l’Afie
parce qü’Arvaxerce avoit fait graver la figure d’un
homme de trait fur chaque pièce dé cette monhoie ,
appellée;tù/207z , dont il fe !fèrvit pour faire valoir
fes intelligences.
Ptolomée Philadelphe, roi d’Egypte , fe voyant
inquiété1 par l’armée d’Antiochus Soter , roi de
Syrie, fui cita, à force d’argent, une révolte dans
les états d’Antiochus, qui fut obligé .de faire l'a
•paix avec Ptolomée.1,
Il eft, félon moi, inconteftablement permis, de
féduire ceux qui firivent le parti d’un fimple' chef
de rebelles, puifqu’ils lui prêtent une obéiffance
qui n’eft due qu’à leur légitime maître. Lé fér-
ment de fidélité , par le'quçl’ les', fôü!evésr fe, font
engagés à leur chef, ne d'oft être d’aucune cohfi-
dération, parce qu’en les incitant à les rompre ,
c’eft les porter à accomplir le premier qu’ils avoient
légitimement fait à' leur fou ver a in. Faites attention
à l’exemple de Da vid , que j’ai rapporté en traitant
dés révoltes, où vous verrez que ce faint
r o i , au lieu d’accepter les fervices que Ghufaï
offroit de lui rendre contre Abfalon & Archito-
phel, lui ordonna de demeurer parmi les rebelles ,
pour détourner leurs mauvais deffeins, & pour lui
donner les avis néceffaires.
Il ne faut que peu d'argent pour acheter beaucoup
de fer & d’acier. L’empereur Léon difoit,
a qu’avec de l’argent on remporte fouvent, fans
combattre , la victoire fur fes ennemis». Par con-
féquent fi les ennemis vous font fupérieurs en
forces, faites femer dans leur camp des billets,
par lefquels vous promettez à touts les foldats
qui déferteront vers votre armée quelque peu
d’argent & un paffeport pour fe retirer dans l’endroit
qu’ils fouhaiteront. Vous offrirez encore un
plus grand avantage à ceux qui prendront parti
parmi vos troupes, i
Arminius fit, pendant la nuit, approcher un de
fes loldats du camp de Germanicus, en promettant
à haute voix à chaque déferteur de l’armée Romaine
cent fefterces par jour , ( c’eft-à-dire fix livres cinq
fols de notre monnoie d’aujourd’hu i), pendant
tout le temps que dureroit la guerre , & après U