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Philiftin de taille gigantefque, couvert d’une cuï-
raffe en forme d’écailles, portant un calque d’airain
, des bottines de même métal, tenant en main
une longue pique, defcendit dans la vallée, 8c
défia les ifraélites à un combat fingulier. Que l’un
de vous, dit-il, vienne me combattre. Si je fuis
vaincu, nous ferons efclaves; 8c, fi je fuis vainqueur,
iüpportez la captivité. Il renouvella ce défi
durant quarante jours, en préfence des deux armées,
qui, forties de leurs tentes, couronnoient
les deux coteaux. Les Ifraélites craignirent, & nul
d'entre eux n’accepta.
Le feul David, défigné par Samuel, poiir roi
d’Ifraël, David, jeune berger, exercé à manier
la fronde, & n’ayant que cette arme; s’avança
contre Goliath : c’étoit le nom du Philiftin. Il
prépara une pierre, 8c l’ayant lancée, frappa au
front fon adverfaire. Ce coup mortel l’ayant ren-
verfé, David courut à lui, tira fon épée, Ôc lui
en coupa la tête.
Effrayez de voir tomber le plus terrible de leurs
guerriers, les Philiftins prirent la fuite. Auili-tôt
ifraël 6c Juda jettant de grands cris, les pour-
fuivirent jufqu’aux portes d’Accaron. Trente mille
furent tués, un plus grand nombre bleffés. Saül,
a fon retour, s’empara de leur camp 6c le brûla.
Les honneurs publics que reçut David excitèrent
la jaloüfie de Saül. Celui-ci contraignit fon
rival à chercher un afyle'chez les Philiftins même,
dont il avoit caufé la défaite, 6c tué fix cents de fa
main, pour obtenir en mariage la fille de Saül qui
ne la vouloit donner qu’à ce prix. Akhis, roi de
Ghétha, le reçut avec fix cents Ifraélites, 6c lui
donna la ville de Siceleg. Ce fût de-là que David ,
pendant quatre mois, fit des incurfions fur les terres
des Amalécites, dévaftant les campagnes, enlevant
le bétail, n’épargnant ni hommes ni femmes.
Cependant les Philiftins affembloient des troupes
, 6c David y joignit la fienne. Les chefs de ce
peuple, craignant qu’il ne les trahit dans le combat
, obligèrent Akhis à le congédier. Pendant fon
abfence, les Amalécites avoient brûlé Liceleg ,
après l’avoir pillée. David pourfuivit les raviffeurs,
leur ôta la vie 6c leur enleva tout ce qu’ils avoient
pris : il n’en échappa qu’un petit nombre.
Quatre cents hommes l’avoient fuivi dans cette
expédition. Il en avoit laiffé deux cents avec les
bagages au torrent de Befor, parce qu’étant excédés
de fatigue , ils n’avoiènt pu aller plus avant.
Un de ceux qui l’accompagnoient, propofa de ne
partager le butin qu’entre eux. Que ceux qui n’ont
pas combattu, difoit-il, fe contentent de retrouver
leurs fils 6c leurs femmes; mais David s’y refufa,
6c voulut que le parti des combattants 6c de ceux
qui étoient reftés au bagage fuffent égales.
Akhis 6c les Philiftins attaquèrent les Ifraélites
au mont Gelboé. Ils dirigèrent leurs efforts contre
Saul ôc fes fils. Saül reçut plufieurs bleflures, 6c
pour ne pas tomber entre les mains de l’ennemi, fe
perça de fon épée, au refus de fon écuyer, qui lui
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refufa ce cruel office. Ses trois fils perdirent la vie J
les armes à la main ; toute l’armée prit la fuité»
Les Ifraélites qui étoient au-delà du Jourdain,
abandonnèrent leurs villes, ôc les Philiftins s’y établirent.
David apprenant ce défaftre, pleura fon ennemi
Saül, fon ami Jonathas, fes concitoyens morts
dans le combat, 6c fit en ces mots leur éloge funèbre.
« Confidère , Ifraël, ces guerriers bleffés, morts
fur les fommets des monts. Tes meilleurs citoyens,
Ifraël, ont péri fur les montagnes. Comment font-
ils tombés , ces guerriers pleins de courage ? Ne
l’annonce pas dans Geth 6c dans Afcalon : que les
filles des Philiftins ne foient pas dans la joie ; que
les filles des incirconcis n’en treffaillent pas de
plaifir.
« Montagne de Gelboé, que la pluie ni la rofée
ne tombent jamais fur vous : que vos terres deviennent
ftériles. Sur vous a été jetté le bouclier
de la- valeur, le bouclier de Saül, comme une
arme vulgaire 6c non facrée. La flèche de Jonathas
ne s’abreuva jamais que du fang des morts, ne
perça que la chair des forts : le glaive de Saül n’efl:
jamais rentré inutile. Saül ÔC Jonathas, aimables 6c
beaux dans leur v ie, ne font point féparés dans la
mort ; Saül 6c Jonathas plus rapides que les aigles,
plus courageux que les lions.
« Filles d’Ifraël, pleurez fur Saül. Il vous revê-
toit de cette poupre qui faifoit vos délices ; il vous
donnoit ces ornements d’or dont vous compofiez
votre parurëi
« Comment font tombez dans le combat ces
guerriers pleins de courage ! Eh ! comment Jonathas
a-t-il péri, fur fes montagnes ? Je pleure fur toi,
Jonathas, mon frère, trop ai Arable Jonathas, ami
plus defirable que l’amour des femmes. Comme
une mère aime fon fils unique, c’eft ainfi que je
t’aimiois. Comment font tombez les forts, comment
ont péri lès armes guerrières ? ». -
David fut élu roi de la tribu de Juda. Mais
Abner , général de l ’armée Ifraélite , conduilit
au camp Isbofeth, fils de Saül , 6c l’établit roi
fur Ifraël. Deux royaumes voifins ne font pas
longtemps en paix. Une guerre s’éleva entre Ifraël
6c Juda. Joab, général de David, mit en fuite
Abner ; ôc , tandis que la maifon de Saül devenoit
plus foible, celle de David* acquéroit une grande
puiffance. Abner régnoit fous le nom du foible
Isbofeth, qu’il n’avoit peut-être fait roi que dans
cette vùe. Il fit alliance avec David , ôc Joab
allarmé voulut përfuader à fon prince que cet
homme ambitieux n’étoit venu le trouver que pour
examiner fa pofition , fes forces 6c fa conduite*
Cette crainte n’étoit qu’un prétexte, non plus que
le defir de venger Afaël, frère de Joab, tué par
Abner dans le combat. Le véritable motif du général
de David étoit la crainte que le roi ne mît
Abner à fa place. Mais voyant fes repréfentations
fans effet, il envoya yers lui quelques hommes
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chargés de le mander de la part du prince. Abner
vint auffi-tôt. Joab le reçut avec cet excès de
bienveillance dont le crime s’enveloppe , le prit
à part, comme s’il avoit un fecret à lui communiquer,
& le frappa d’un coup mortel.
David craignit qu’on ne l’accusât d’avoir eu
quelque part à ce crime. Il ordonna un deuil public
, 6c montra tant de douleur qu’on ne douta
point qu’elle fût fincère. Il y manqua peut-être
une preuve , le châtiment de l’aflaffin.
Un autre crime fut commis en la perfonne
d’ïsbofeth, roi d’Ifraël. Deux chefs de brigands
le tuèrent, 6c apportèrent 1a tête à David , efpé-
rant fans doute une grande récompenfe. Devoient-
ils en attendre de celui qui avoit puni de mort
l ’Amalécite qui lui difoit avoir tué Saül ? David
fit périr ces deux affaflins, 6c jéunit les royaumes
d’Ifraël 6c de Juda. {An du M. 2.957 av. J. C. 1047.).
Il marcha vers Jérufalem avec plus de deux
cents mille hommes. Les Jubéens , peuple Cananéen
, qui habitoit alors cette ville , fe confiant
en la force de fes remparts, y mirent tout ce
qu’ils avoient de boiteux 6c d’aveugles, difant qu’ils
fuffiroient pour les garder. Le roi s’empara de
la ville baffe ; 8c , comme la citadelle étoit plus
difficile à réduire, il fit publier que celui qui pour-
roit y monter par les efcârpements inférieurs 6c
s’en emparer , auroit le commandement de l’ar-
mee. Une multitude d’affaillants partirent auffi-tôt ;
mais Joab , fils de Sarvia , y parvint le premier ,
ÔC accourut demander la récompenfe promife.
Les Philiftins ayant appris l’éleélion de David
au royaume de Juda , vinrent camper dans la
vallée de Réphaïm ou des Géants. Les Ifraélites
. marchèrent à leur rencontre 6c les défirent. Ennemis
implacables des Hébreux , ôc fécondés par
les fecours de la Phénicie 6c de la Syrie , ils:
revinrent éprouver au même lieu la même défaite.
David entra dans leur pays , les vainquit, 6c leur
enleva une grande partie de leurs terres , qu’il
joignit à celles de fes tribus. Il aflujétit les Moa-
bites , défit fur l’Euphrate Adarezer , roi de Soba ,
enfuite Adad , roi de Syrie, mit.des garnifons dans
fes v illes, 6c en exigea un tribut.
Nafses , roi des Ammonites , vivoit en paix
avec Ifraël. Il mourut 6c laiffa le trône à fon
fils Hazon. David le fit complimenter par des
ambaffadeurs fur la mort de fon père. Mais les
grands , fuppofant d’autres vues au roi d’Ifraël ,
perfuaderent a leur prince que ces envoyés n’é-
toient que des éfpions. Hazon trompé par ce faux
avis , leur fit couper la moitié*de la barbe, la moitié
de leurs habits , 6c les renvoya fans autre rëponfe.
David ayant juré de fe venger , les Ammonites
fe préparèrent à la guerre. Us tirèrent des Syriens
de puiffants fecours en infanterie , en cavalerie,
ôc en chars. Joab marcha contre eux, ôc ils for-
tirent de Rabbah pour le combattre.
Les Ammonites fe formèrent auprès de la ville ,
& leurs alliés dans la plaine ^ où leur cavaleri ôc
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leurs chars pouvoient manoeuvrer. Le général
Ifraélite, fe réglant fur ces difpofitions , oppofa
aux premiers une partie de fon armée aux ordres
de fon frère A b ifa ï, 6c convint a v e c . lui qu’ils
s’enverroient du fecours, fi l’un ou l’autre étoit
prefle par fes adverfaires. 11 attaqua les Syriens
avec le refte de fon armée. Ceux-ci, après quelque
réfiftance , 6c beaucoup de perte, furent contraints
à la fuite. Les Ammonites effrayés n’attendirent
point Abifaï, qui jufques-là s’étoit contenté de
les contenir , pour les empêcher de fecourir
leurs alliés, 6c fe faciliter les moyens de foutenir
Joab, s’il en avoit eu befoin. C ’étoit la conduite
la plus prudente. En attaquant enfemble, ils rif-
quoient tout ôc n’auroient pu s’entre aider , comme
ils fe l’étoient propofé. Les Ammonites rentrèrent
promptement derrière leurs murs, 6c Joab ramena
fes troupes.
( Nota. Le chevalier Folard imagine ici une
armée à deux fronts fur ces mots du texte de la
bible : videns igitur Joab quod praparatum effet
adverfum fe proelium^& ex adverfo & poft tergum.
Mais le verfet précédent prouve que ces ennemis
n’en ont eu que le defiein , Ôc il y a fouvent très
loin du defiein à l’exécution. Egrejfi funt autemfilii
Ammon, 6* direxerunt aciern ante ipfum introïtarn
porta. Les voilà donc en bataille devant la porte
de leur ville. Syrus autem Soba1 & Rohob & IJlob
& Maacha feorfum eram in campo ; ôc les Syriens
d’une autre part dans la plaine. Rien ne dit que
ces deux armées formaffent deux lignes parallèles
entre elles. Suppofons que cela fû t , il n’eft aflu-
rément pas vraifemblable que Joab foit allé s’engager
entre ces deux lignes'; mais il étoit vifible
qu’ayant formé deux corps , fes ennemis avoient
defiein de l’envelopper , 6c c’eft ce que dit le
texte : videns igitur Joab quod praparatum effet ei
pralium & ex adverfo & poft tergum. Pour empêcher
l’exécution de ce defiein , le général d’Ifraël
fépare aufli fon armée en deux corps, 6c en oppofe
un aux Ammonites, tandis qu’il va combattre les >
Syriens avec l’autre. Comme cela peut fe faire
fuivant toutes les directions 6c pofitions poffibles
il faut absolument vouloir une armée à deux fronts
pour fuppofer que ces quatre corps formèrent quatre
lignes parallèles. ( V. Reg. IL C. 10. V. 8 6> 9. ).
Mais bientôt l’ennenfi reprit, les armes , 6c tira
d’au-delà de l’Euphrate une grande armée mercenaire
: foible fecours diffipé bien-tôt par David
lui-même. Joab revint au printemps ravager les
terres d’Ammon 6c affiéger Rabath , leur ville
capitale ; il lui coupa l’eau 6c les vivres. Lorfqu’il
vit que la famine commençoit à faire de la reddition
une néceflïté preffante, il fit inviter fon
roi à venir recueillir les fruits de la vi&oire. David
ayant pris cette ville en permit le pillage. Il en
emmena les habitants , les fit fcier , herfer, ouvrir
avec des couteaux, 6c traîner dans les fours à brique.
Toutes les villes Ammonites éprouvèrent la même
rigueur.