
tivées par le befoin de dédommager un officier
ou. un bas-officier, des pertes qu’il a faites, ou
des dépenfes extraordinaires qui lui ont été oc-
càfionnées par les commiffions particulières dont
on l’a chargé..
Les gratifications annuelles,'pendant la paix , ne
font guères accordées qu’à d’anciens guerriers qui
ont bien mérité de l’état , ôc à qui on veut donner
dans leurs vieux jours le moyen de fe procurer
les fecours dont ils peuvent avoir befoin. Rien
, de plus jufte en Tôt-même que ces gratifications ;
il n’y a que leur nom que je voudrois changer ;
,1e mot de gratification eft en françois le fynorîîme
de don ou de grâce, ôc dans l’état militaire tout
devroit réveiller l’idée dejufiice. Je donnerois donc
à ces gratifications un nom qui dît aux miniftres ;
lie .des accordez qu’à celui qui les-a méritées par
de longs & de bons fer vices ; aux-militaires, c’èft
une récompenfe ôc non une grâce ; ôc aux citoyens,
..c’eft une dette que l’étatpay e & qu’ilpayepour vous.
Nos principes fur- les gratifications pendant la
guerre font les mêmes que fur les gratifications pendant
la paix ; jamais elles ne devroient être données
pour récompenfer. une aélion valeureule ou utile ,
elles devroient être réfervées pour fervir de dédommagement
aux pertes ÔC aux dépenfes extraordinaires
; un officier eft: blefféfi, il court longtemps d’ho-
pitalen hôpital, donnez-lui .une-forte gratification
cela eft fùfte : il a perdu fes équipages ; mettez-le
dans le cas d’en avoir d’autres , -cela eft jufte
jencpre : il a fait beaucoup plus de recrues qu’il
n’étoit obligé d’en faire , 6c il a dépenfe plus d’argent
qu’il n’en a reçu pour cet objet » vous lui
devez un dédommagement : ces; circonftances &
quelques autres femblables font .'les' feules ou les
officiers doivent toucher des gratifications, Toutes
les fois qu’on récompenfe avec de l’argent , on
avilit ÔC la récompenfe & celui qui la reçoit ; on
. éteint le fentiment de la gloire & de l’honneur. Je
tranche le mot, tout corps d’officier qui calcule
trop eft mauvais. Il n’ên eft pas: tout-a fait dememe
de celui des foldats ôc'des bas-officiers. J-ufquau
moment où une éducation morale aura transforme
leurs âmes ce que nous; ne verrons peut - être
jamaisj.e’eft avec des gratifications en argent, en
denrées ou effets, qu’on pourra les confoler de
leurs peines , &, leur faire entreprendre avec plaifir
& exécuter avec joie les travaux les plus grands
& les plus périlleux ; rje fçais bien qu’on , a vu
quelquefois des foldats François refuier l’argent
qu’ôn leur offroit pour les récompenfer desaétions
glarieuffisj qu’ils avoient faites ; mais ces exemples
infiniment rares ne’ font point capables de détruire
la règle générale que je viens de pofer. -
- Après une aétion chaude dont lès fuites auront
été beureufes,: donnez ;à .vos foldats en gratification
une double ration de v in , .de viande ou de
léguihesq. faites valoir cette gratification par quelques
'éloges; joignez-y quelque ^argent ipouc’les
plus valeureux , ôc vous les .en^endrezJtouts demander
à grands cris une nouvelle occafion defe
fignaler. Après une marche longue ôc pénible*,
avez-vous à faire encore une longue traite, donnez
à chacun d’eux une paire de fouliers, ils oublieront
qu’ils ont les pieds enflés & écorchés, ils repartiront
avec gaieté , car ce n’étoit ni les douleurs,
ni les fatigues qui les touchoient le plus, ôc qui
leur donnoit cet air trille ôc abattu ,c ’étoit l’echec
que leur chaulîùre avoit effuyé.
On dit fans ceffe que la paye du foldat François
eft trop foible ; je l’ai dit comme les autres
, parce que j’ai cru m’en appercevoir ; je
ne propoferai cependant point de l’augmenter :
fi les revenus de l’état permettoient de faire quelques
faerifices en faveur des foldats , ce ne feroit
point en paye fixe qu’on de vroit les leur offrir,
mais en gratifications ; ces gratifications pourroient,
pendant la paix, tomber fur les régiments qui auroient
fait de longues marches , de grandes manoeuvres,
ou qui auroient porté la dilcipline , la
tenue ôc l’inftru&ion au plus haut degré ; & pendant
la guerre j fur ceux qui auroient montré le
plus de valeur , de conftance , ôcc. ; le grand art
feroit de les diftribuer à propos ôc de les proportionner
au mérite des • individus & des corps.
Augmentez aujourd’hui la paye de l’armée , l’annéeprochaine
la dépenfe fera montée en proportion
de l’accroiffement de revenu, & bientôt on
Sollicitera une nouvelle augmentation. Diftribuez;
au contraire , chaque année de paix trois ou quatre
cents livres parmi les bas^officiers d’un régiment,
7 à 890 livres parmi les foldats; doublez, tri-»
plez.ou quadruplez ces gratifications pendant la
guerre, & ces fommes légères vous produiront
des retours bien plus.grands qu’une augmentation
de foîde très çonfidérable , Ôc fur »-tout que des
gratifications accordées aux officiers. C ar ,je dois
le répéter en finiffant cét article , les gratifications
que reçoivent les officiers font très difpendieufes
pour l’état, & loin de lui procurer des avantages,
elles font pour lui la fource d’une infinité de
maux.' ( C. ).
GRENADIER. Soldat d’élite , l’exemple &
l’honneur de l’infanterie.
L La création des grenadiers dans l’infanterie Fran-
çoife eft de l’année 1667. L’objet de leur ihftitution
étoit de fe porter en avant pour efcarmoücher Ôc
jetter des grenades parmi les troupes ennemies,
afin d’y mettre le défordre au- moment d’une action.'
C ’eft de ce fervice primitif qu’eft dérivé leur;
nom. Les armés à la légère dans là légion Romaine
, & les ribauds dans les troupes de nos
anciens rois, faifoient à-peu-.près le même fervkeî
que les greriadiers dans nos armées.
- Toutes les puiffânces de l’Europe ontdés-gre-
nadiers ; quelques princes en ont même des corps
entiers. Nous n’examinerons ici ni leur forme,
ni leur établiffement.; notre objet eft de faireoeon-
noître leur fervice dans lés troupes de France;
-' Louis XIV-, -en établit d’abord quatre-paf compagnie
d’infanterie ; ils furent enfuite réunis , Ôc
formèrent des compagnies particulières , à‘ l’exception
de quelques régiments étrangers au fer-
vice du r o i , qui les ont confervés jnfqu’ici fur
ri e pied de leur première diftribution. Sa majefté
établit auffi en/1744 , des compagnies de grenadiers
dans chacun des bataillons de milice ; nous
en parlerons à l’article G r e n a d i e r s R o y a u x .
Le corps des grenadiers eft le modèle de la
bravoure Ôc de l’intrépidité. C ’eft dans ce. corps
redoutable que l’impétiiofité guerrière , .caractère
diftinétif du foldat François , brille a.vec le plus
d’éclat. Notre hiftoire militaire moderne abonde
en prodiges dus à fa valeur. Ils jouiffent dé l’honneur
dangereux de porter ôc de recevoir les premiers
coups, ôc d’exécuter toutes les opérations
périlleufes. Il y a conftamment une compagnie dé*
ces braves gens à la tête de chaque bataillon. Cétte
portion précieufe en eft l’ame ôc' le foùtien. Elle
eft compolée des foldats les plus beaux , les plus
leftes ., & les plus valeureux , fournis par les autres
compagnies du bataillon. Un foldat doit avoiriférvi
.plufieurs années en cette qualité avant de pouvoir
obtenir le titre de grenadier. En le recevant, il
contracte l’obligation de fervir pendant trois ans
.au-delà du terme de fon engagement; mais il lui
eft libre d’ÿ renoncer pour fe conferver le droit
d’obtenir fon congé abfolu à l’expiration, de fon
fervice.
Le grenadier jouit d’une paye plus forte que le
foldat, & d’autres, diftinétions. Une des plus flat-
teufes eft de porter un fabre au lieu d’épée, ôc
dans le partage du fervice , d’occuper toujours les
polies d’honneur.
On conçoit que ces troupes, fi fouveh.t, & trop
fouvèrit expofées , effuyent de fréquentes pertes j
Ôc ont befoin de réparations. On y fait remplir
provifoirement les -places vacantes par des grenadiers
pofiic h es. Ces poftiches font des-foldats af-
"pirants au titre de grenadier , défignés pour l’ordi-
•naire;pàr le fuffrage des grenadiers même , fous
■ les yèiix defquels ils font leurs preuves de vertu
'guerrière ; ainfi; le fervice des poftiches eft le fé-
toinaire des-grenadiers. Voyeç G r e n a d i e r p o s t
i c h e . Un foldat pour être brave,' h'eft pas toujours
jugé digne d’être grenadier ; il doit encore
•être exempt de tout reproche du côté de l’honneur
■ ôc de la probité. Après des .épreuves fuffifantes ,
•les grenadiers pofiïches font enfin affociés au corps
‘des grenadiers ; ils en prennent bientôt l’efprit ôc
-en loutiénnent la réputation. Malheur, à :ce-lui qui
•y porte atteinte par q u e lq u e aéHon honteufe. ( Art.
de -M. D u riv a l le jeune. ). : ; :
.Depuis que, les troupes légères font, en plus
■ grand nombre dans nos armées , les grenadiersis\e
■ font plus fatigués, par les fréquents détachements
‘ comme ils l’étoient il y a quarante art^.. Cette
■ précieufe pôrtion de nbs'froüpëB^èft réfervée aujourd'hui
: pour des expéditions importantes ; & il
en eft ainfi de cet emploi des troupes légères pour
le réfte de l’infanterie.
u Dans la minorité de Louis XIV, dit M. de
Puyfçgur , il étoit d’ufage de demander des gén's
de bonne volonté pour taire les avants - gardes ,
Ôc on les appelloit entans perdus. Louis XIV les
employoit fouvent dans les fièges pour jetter des
grenades dans les chemins - couverts : ( on leur
donnoit même quelque argent : ) : il eut lieu d’en
être fatisfait dans toutes les occafions ; ce qui le
détermina à former des compagnies particulières
pour cet ufage. »
Ce fut en 1667 que les enfants perdus furent
appelles grenadiers ; ce nom leur fut donné parce
qu’ils étoient principalement employés dans les
fièges à jetter des grenades.
Ge fut auffi en 1067 que les grenadiers ceffèrent
d’être pris au hafard ; ôc que leur nombre fut fixé
à quatre par compagnie.
• Depuis 1667 jufqu?en '1670 , la conftitution des
grenadiers n’éprouva, aucun . c h a n g é m e n t ; quand
le befoin l’exigeoit, on réunâffoit lès grenadiers du
même régiment en une feule troupe ; on les con-
fioit aux officiers les plus valeureux ôc les plus
intelligents.
La manière diftinguée dont les grenadiers fer-
virent pendant les années 1667 , 1668 Ôc 1669V
détermina Louis XIV; à former, en 1670 , une
compagnie de grenadiers dans le régiment du R o i ,
ôc bientôt après à en établir fine dans chacuns des
trente régiments les plus anciens; les avantages
de cette nouvelle inftitution ayant été reconnus
touts les régiments de Tarmée eurent une compagnie
de grenadiers ; mais on ne s’en tint pas
là, AppercèVoir ôc faifir le point au-delà duquel
les inftitutions les plus fages dégénèrent, eft un
talent qui manque aux François ; ils outrent tout.
Auffi eurent-ils bientôt une compagnie de grenadiers
dans chaque bataillon ; cette trop grande multiplicité
d’hommes d’élite a été réduite en 1776 ;
il ne refte plus actuellementqu’une compagnie de
grenadiers par régiment.
Les grenadiers font diftingués du refte des fan-
t a f f in s par- leur taille' ôc leur tournure , par une
l é g è r e a u gm e n t a t io n de paye., par quelques différences
‘ dans l’habillement ôc l’armement , pax
quelques prérogatives , par les égards qu’on leur'
témoigtie, ôc fur-tout par la conduite qu’ils
tiennent ; ils font deftinés aux aétions qui demandent
Une grande force de corps , jointe à
une valeur éprouvée.
Si.fon vouloit démontrer jamais que les modernes
ont une bravoure bien plus grande que
celle des Grecs 5c dés Romains , ôc qu’ils portent
prefque toujours les vertus militaires à un degré
de perfeélion dont les faites de l’antiquité n’offrent
que des exemples rares , on n’auroit qu’à compofer
l’hiftoire des-grenadiers ; ÔC fur-tcut des grenadiers
François. Cet ouvrage , ’ facile à faire , ( car il ne
faudrôit que raffembler touts les hauts faits de«