
gens fans expérience. Quant aux payfans & valets \
ils ne font pas difficulté de s’écarter pour voler.
Vous préviendrez vos troupes que f i, à l’endroit
de V embufcade, il part quelque gibier , per-
fonne ne doit courir après, ni tirer defius ; parce
que ce défordre, qui eft luivi ordinairement de
grands cris, & le bruit du coup de fufil, jpcur-
roient faire .découvrir Yembufcade.
Vous avertirez auffi qu’on ne laiffe aucun cheval
détaché ; parce que s’il vient à s’effaroucher par
quelque accident, il fe met à courir ; & alors,
tant le cheval, que le loldatoule valet qui va le
chercher, pourroient donner connoiffance de Y embufcade
aux partis ennemis, ou aux payfans, qui
les verroient des montagnes voifines.
Don Bernardin de Mendoza , dans fa théorie
pratique de la guerre, 6* le chevalier Mel~o, dans
M règles militaires, confeillent que fi vous avez
à palier un petit terrain fabloneuxafin que les
ennemis ne découvrent pas votre embufcade, par
la pille ou la trace des hommes & des chevaux,
vous devez mettre des fantalfins à l’arrière-garde,
qui marchent en traînant par derrière des rameaux ,
ou une forte de rouleau, qui efface la trace, fi ce
petit paffage eft fur là boue.
Tâchez, d’entrer dans Vembufcade par un petit
endroit ou il ne relie aucune trace.
Lorfque vous quitterez le chemin, faites continuer
la marche dans ce même chemin par un parti
qui marchera fur un plus grand front que les troupes
qui vont fe mettre en embufcade , & 1e retirera en-
fuite par un autre côté. S’il ell néceffaire que ce parti
- revienne à l'embufcade , il commencera fa contremarche
de quelque endroit où le terrein fe trouvera
dur , & la continuera avec moins de front que celui
qu’il a tenu en allant.
Quelquefois les anciens ont fait ferrer à revers
les chevaux qui faifoient l'arrière-garde.
De Fheure & des lieux propres pour les embufcades.
N’arrivez pas à Vembufcade beaucoup auparavant
l ’heure que les ennemis y viendront donner, parce
qu’en moins d’heures, il peut fur venir moins d’accidents
qui la faffent découvrir.
Melzo dit que vos foldats fe laifferont gagner
par le fommeil, s’ils arrivent trop tôt à Vembufcade ;
inconvénient qu’il faut tâcher d’éviter dans une em-
bufcadé, ainfi qu’on le verra un peu plus bas.
Le nom d'embufcade porte fon étymologie, puifi
que c’eft ordinairement dans les bois que les troupes
fe cachent, fur-tout quand elles font en nombre,
& qui par conféquent ne fauroient fe cacher facilement
dans quelqu’autre endroit*
Les grandes embufcades, faute de bois, fe forment
dans les vallons; ayant foin d’en mettre de fort
petites fur les éminences voifines, pour arrêter les
chaffeurs, les travailleurs & les paffants qui», de ces
hauteurs, pourroient découvrir vos troupes, ÔC en
porter la nouvelle aux ennemis,
Comme il eft à préfumer que, parmi plufieurs
payfans & plufieurs travailleurs, il peut y en avoir
quelqu’un qui découvre votre embufcade, & qui
s’échappe pour en aller donner avis, il feroit à propos
de ne pas mettre Vembufcade auprès des chemins
trop fréquentés, ni auprès des champs où il y a des
payfans qui travaillent à la terre.
Ne vous fiez pas fur ce que les ravins & les
bois cacheront bien vos troupes , car elles ne garderont
jamais un filence tel que vous le fouhaiteriei.
Les chiens, que les payfans mènent ordinairement
avec eux , découvriroient Vembufcade, fi elle ri’eft
pas plus loin que jufqu’où les chiens ont coutume
de s’écarter du chemin pour chaffer. En traitant des
marches, je rapporte un exemple dePorto-hercole,
qui eft une preuve de ce que j’avance.
On forme très commodément les petites embufcades
dans les grottes des montagnes, & dans ces
enceintes de murailles & les ruches à miel, & qui,
en plufieurs pays ,~ fe trouvent dans des endroits
déferts.
Les maifons de campagne, quoiqu’habitées, leurs
baffe-cours , & leurs, jardins fermés de murailles ,
font propres auffi pour les embufcades qui ne font
pas nombreufes ; pourvu que des montagnes qui
font voifines & fréquentées , on ne puiffe pas voir
ce qui s’y paffe. Je fuppofe que de nuit vous
furprenez touts ceux qui logent dans ces maifons
de campagne, laris permettre enfuite qu’aucun
d’eux en lorte.
Dans un pays affeélionné à votre prince, oui
peut mettre une eroffe embufcade dans un bourg
ou dans un village, ainfi que le chevalier Melzo
dit l’avoir heureufement pratiqué avec le comte
Henri de Bergh, pour furprendre un détachement
de Hollandois, qui devoit marcher tout près du
village où ces déux officiers d’Efpagne fe mirent
en embufcade.
Les ennemis ont toujours quelque efpion dans
les lieux qui font fur la frontière ; ainfi, quoiqu’un
de ces lieux où vous devez mettre votre embuf
cade, foit fidèle à votre fouverain, faififfez-voüs
des paffages pour empêcher que perfonne n’en
forte. Pour réuffir dans cette furprife , faites avancer
de nuit un parti qui inveftiffe le lieu; Sc fi
c’eft de jour, que les foldats de ce parti, vêtus
en payfans, marchent un peu loin les uns des
autres qu’ils s’approchent autant qu’il faut pour
occuper toutes les avenues néceffaires, avant que
de ce lieu on découvre votre détachement.
Pendant que ce détachement fe tient caché dans
le lieu, vous laifferez des fentinelles tout à l ’entour
; & vous ferez publier une défenfe , fur peine
de la v ie , de paffer au-delà de ces fentinelles.
Sur le clocher, ou la tour la plus haute du lieu,
vous mettrez un officier en fentinelle, qui, àvëc
de bonnes lunettes d’approche, obfervera & vous
fera fçavoir par quel chemin & en quel nombre
les ennemis viennent; afin que vous commenciez
de mettre en bataille vos troupes dans les rues.,.
qui ne feront ni enfilées ni dominées parle chemin
q-ue les ennemis tiennent.
Si ce commandant ennemi fçait fon métier, il
ne paffera pas auprès de ce lieu fans faire avancer
un parti pour prendre langue. Dans ce cas, fi
•votre fentinelle du clocher vous avertit que ce
parti fe détache, faites retirer vos troupes dans
les rues oppofées, & poftez feulement dans celles
par où le parti entre, quelques foldats traveftis.,
pour empêcher qu’aucun habitant n’avertiffe le
parti ennemi de ce qui fe paffe dans le lieu.
11 femble qu’en prenant toutes ces mefures,
on pourroit mettre une embufcade dans un lieu
qui ne feroit pas même affectionné pour votre
prince. Il fera néanmoins difficile, fi le lieu eft
ouvert, d’empêcher entièrement les habitants de
fortir, fur-tout de nuit. Quand même il y auroit
des murs, ce ne feroit pas allez de fermer les
portes, fi l’on ne le garniffoit tout autour de fentinelles
& de patrouilles ; parce que dans les lieux
fermés, qui ne font pas places de guerre, il y a
plufieurs maifons qui donnent fur la campagne ;
& des fenêtres de ces maifons, rien n’eft fi aifé
que de defcendre par des cordes.
Les plaines couvertes de grands bleds ou de bois
taillis font très commodes pour les embufcades d’infanterie
feule ; parce qu’on voit de loin en quelle
manière & en quel nombre les ennemis viennent ;
parce que vous pouvez fortir en ordre de bataille
pour les attaquer; & fi vous-avez reconnu qu’ils
font fupérieurs, vous avez une retraite libre de
touts côtés. D ’ailleurs les ennemis fe défieront
beaucoup moins en marchant par des plaines, que
s’ils' marchoient par des terreins coupés, ou par
de grands bois.
Lorfque les ennemis doivent fe mettre en marche
par un chemin oh l’on trouve rarement de
l’eau, fur-tout dans une faifon où il fait chaud ;
fi le terrein vous permet de vous mettre en embufcade
auprès de quelque fontaine , ou de quelque
ruiffeau , vous pouvez en attendre un heureux fuc-
cès, quand même vous vous trouveriez inférieur
en troupes : car les foldats ennemis, fatigués^ar
la marche , ne manqueroient pas de fe débander,
comme nous le voyons arriver touts les jours en
femblables occafions , fans que les officiers le puif-
fent empêcher. Chaque foldat veut être le premier
à étancher fa fo if , ou à boire avant que
les autres ayent troublé l’eau; & comme ordinairement
l’eau, par fon propre courant, creufe
le chemin, elle fait un folle qui oblige les troupes
de défiler, & donne par-là le moyen d’attaquer
la partie des troupes que l’on veut.
Alexandre avoit parfaitement compris combien
il eft dangereux de ne pas empêcher que les troupes
le débandent pour aller boire. Un jour d’été ,
étant fuivi des ennemis, il remarqua que les foldats
fixoient leurs yeux fur une rivière ; & craignant
qu’ils ne rompiffent leurs rangs, il fit publier à
fcm de trompe qu’elle étoit empoifopnée^
Don Juan de Cerceda', aujourd’hui maréchal
de camp, avec quatre-vingt chevaux, battit & fit
entièrement prifonnier un régiment d’infanterie
Ang’ois, étant forti d’une embufcade'pour le charger,
pendant que les Anglois en défordre bu voient
dans un ruiffeau qu’ils trouvèrent fur leur chemin
près d’Alicante.
L’eau des Gelbes coûta la vie à quatre mille
Efpagnols, qui étant allés la chercher, donnèrent
en 1510 dans une embufcade des Maures.
Si vous devez vous tenir plus d’un jour en
embufcade, choififfez un endroit où il y ait de
l’eau, de peur qu’on ne découvre vos foldats,
lorfqu’iîs fortiront pour en aller chercher. ®
Annibal choifit un endroit caché fur le bord
d’une rivière, lorfqu’il fit halte pour attendre la
nuit, & continuer enfuite fa marche vers Tarente ,
qu’il alloit furprendre.
S’il n’y a point d’eau dans un endroit, où néanmoins
on troiive touts les avantages du terrein
pour une embufcade qui doit durer plus d’un jour,
ayez recours aux expédients que je propofë en
traitant des marches, afin d’avoir affez d’eau pour
les troupes, fur-tout fi Vembufcade n’eft pas c.om-
pofée de beaucoup de cavalerie.
• Il .n’eft pas difficile de pourvoir lés troupes
de 1’ embufcade d’avoine, de pain, de viande cuite,
& de fromage pour tout le temps que l’expédition
doit durer, la retraite comprife ; princioa-
lement fi les officiers ont foin que les foldats ne
prodiguent pas ces vivres.
Ordinairement la plus grande attention des
batteurs d’eftrade eft de s’avancer davantage vers
l ’avant-garde. C ’eft pour cela qu’il vaut mieux
vous mettre en embufcade à côté du chemin par
où les ennemis viennent. Vous aurez encore alors
cet avantage de charger avec votre front le flanç
des ennemis, qui ne fçauroit être foutenu ; & d’attaquer
un plus grand nombre de troupes, que
fi vous chargiez l’avant-garde d’une armée qui
défile, dont le corps de bataille 8c l’arrière-garde
auroient le temps de faire retraite, ou de fe former.
J’ai dit qu’en poftant Vembufcade à côté du chemin
, ce doit être plus loin que les batteurs a extrade
des flancs des partis avancés des ennemis
ne s’écarteront : mais auffi ne tombez pas dans
l’autre extrémité, qui eft d’éloigner fi fort Venu»
bufcade du chemin, qu’après être forti de Yernd
bufcade pour arriver au chemin, vos ennemis ayent
le temps de réunir leurs troupes, & de fe former.
Plus Vembufcade fera loin de vos places, ou de
votre camp , moins les ennemis fe défieront, fur-
tout fi après'avoir divifé vos troupes, vousfçavez
les raffembler fecrétement de la manière que ie
l’ai dit. H J '
Il fe peut, que n’y ayant aucun endroit proche
pour pofter une embufcade, on foit obligé de la
placer loin. En ce cas, il faut néceffairement faire
une longue marche, ou deux de fuite. La plus
grande difficulté eft de pouvoir fe promettre de
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