
De l'inftitution du régiment des Gardes-Françoifes.
Brantôme, dans Ton difcours des colonels, nous
marque i’inftitution du régiment àzs Gardes
nous en fait auffi connoître le temps. O r , le Havre
pris t dit-il, les Anglois chaflés encore un coup
hors de la France, le roi 6c la reine , fa mère ,
qui pou voit tout alors à caufe de la minorité du
fils, conftituèrent un régiment de gens de pied
François pour la garde de fa majefté ; & ce fut
alors la première inftitution , compofée de dix
enfeignes de la garde du roi.
Le temps de cette inftitution nous eft auffi
défigné ici par l’époque du liège du Havre , qui
fut repris fur les Anglois : o r , ce liège fe fit au
mois de juillet de Tan 1563. C ’eft donc cette
année, ou au plus tard au commencement de 1564,
que le régiment des Gardes fut mis fur pied. Sup-
pofé même que Brantôme parle ici avec exactitude,
on peut affurer que ce fut l’an 1563-, car il
dit que ce fut durant la minorité du roi Charles IX.
O r , la minorité du roi finit cette année ; 6c la
reine, fa mère , au retour du liège* du Havre ,
avant que de retourner à Paris, le fit reconnoître
majeur au parlement de Rouen.
Le premier qui fut honoré du titre de meftre-
de-camp de ce régiment, fut le capitaine Charri,
Languedocien , un des plus braves gentilshommes
qu’il y eût alors dans les troupes ; mais il ne garda
pas longtemps cette charge. Il refufa de fe fou-
mettre à M. d’Andelot, colonel-général La reine
mère le foutenoit dans ce refus, comme le témoigne
Brantôme, fur ce que ce régiment étoit
une garde du r o i, à laquelle perfonne ne devoir
commander que le roi feul; mais, durant la chaleur
de ce différent, Charri fut attaqué fur le pont
Saint-Michel par un autre officier d’armée, nommé
Chaftellier , qui le tua d’un coup d’épée au travers
du corps; & l’on crut communément que ce fut
à l’inftigation de M. d’Andelot, qui ne pouvoir
fouffrir les bravades de Charri, ni qu’il refusât
de le reconnoître pour fon fupérieur.
Ce différent entre le meftrê-de-camp du régiment
des Gardes & le colonel-général de l’infanterie
, fut entièrement décidé par Henri I I I , en
faveur du duc d’Epernon, fon favori, qu’il avoit
fait colonel-général de l’infanterie Françoife ; & !
M. de Crillon, alorsmeftre-de-camp du régiment,
fut obligé de fe foumettre & de prendre fon attache
de ce duc.
La création du régiment des Gardes-Françoifes
p’avoit pas été du goût de tout le monde , &
moins encore de celui des Huguenots. Ils drfoient
qu’il ne convenoit point que le roi eût tant de
gardes, fur-tout quand il fail’oit fa réfidence au}(
milieu de fon royaume : que, de tout temps, la
plus fûre garde des rois François avoit été le coeur
de leurs fujets , & que c’étoit une nouvelle dépenfe
fuperflue dont on chargeoit l’épargne. Brantôme
prétend que dès-lors leurs chefs méditoient \e
deffein qu’ils tâchèrent d’exécuter quelques mois
après ces plaintes , qu’ils firent principalement en
1567. Ce-deffei.n étoit de fe rendre maître de
la perfonne du roi ; car ils prévoyoient que la
chofe leur feroit impoffible, tandis que ce prince
auroit une fi greffe garde auprès de fa perfonne.
Ils en murmurèrent fi fort & fi fouvent, que
la reine régente, qui vouloit paroître ne pas trop
fe défier d’eux , jugea à propos de les contenter
fur ce point. Il y avoit quelque temps que la
paix étoit rétablie dans le royaume , & durant le
grand voyage que cette princeffe avoit fait avec
le roi dans prefque toute la France, il s’étoit fait
une réconciliation à Moulins entre les princes de
la maifon de Guife, d'une part, & les Montmo-
renci &c les Coligni de l’autre ; de forte qu’elle
confentit à la fuppreflion de cette garde après
fon retour.
Le régiment ne fut pas cependant caffé pour
cela ; mais, en le confervant, au lieu qu’il avoit
jufqu’alors accompagné le roi par-tout, on l’envoya
en Picardie, & on en mit les compagnies
en garnifon dans diverfes villes.
■... On ne fut pas longtemps à fe repentir de ce*
qu’on avoit fait ; car ce fut cette même année
1567 , au mois de feptembre, que le prince de
Condé & l’amiral de Coligni entreprirent d’enlever
le roi fur le chemin de Meaux à Paris ;
& il ne leur eût pas échappé, fans un corps de
Suiffes qu’on fit venir en diligence de Château-
Thierry, qui efeortèrent le roi jufqu’à Paris. Ils
le firent avec tant de réfolution , que jamais le
prince de Condé & l’amiral ne purent les entamer
avec leur cavalerie , dont les Suiffes foutinrent
les caracoles & les affauts pendant plufieurs lieues
dans des plaines où l’infanterie a un déiavantage
infini contre la cavalerie.
Brantôme, continuant de parler fur ce fujet*
dit que , durant cette dangereufe marche, il fut
fouvent mention du régiment des Gardes ; & , dès
que le roi fut en fureté à Paris, on fit partir M. de
Strozzi, qui ayoit été fait leur meftre-de-camp
après Charri, pour raffembler les compagnies &
les ramener auprès du roi ; ce qu’il" exécuta.
M. de Strozzi ayant été fait colonel-général de
l’infanterie Françoife, Coffeins lui fuccéda dans
la charge de meftre-.de-camp du régiment des
Gardes ; mais Strozzi y avoit a lui deux compagnies
colonelles. Coffeins fut tué au liège de
la Rochelle. Il ne paroît pas qu’on lui eût donné
de fuc ce fleur ; car, après l’éleélion du duc d’Anjou
au royaume de Pologne, qui fe fit durant ce liège,
la paix s’étant faite avec les Huguenots, le roi
Charles IX caffa le régiment l’an 1573.
Mais, l’année d'après , les Huguenots commençant
à remuer de nouveau , .& le parti de ceux
qu’on appella mal contents ;OU politiques ,• s’étant
formé en même-temps, Charles IX fe donna une
nouvelle garde d’infanterie, mais de deux compagnies
pagnies feulement ; il conferva cette garde jufqu’à
fa mort | qui arriva la même année.
Henri III itaàt monté fur le trône de France,
rétablit le régiment des Gardes, & le remit fur
un auffi -bon pied qu’il eut jamais été. Il en fit
meftre-de-camp le fieur du Vjua qu il aimoit fo r t,
& mit à la tête des compagnies de très vaillants
officiers. La charge de capitaine aux Gardes devint
alors très confidérable ; de forte que plufieurs
d’entre eux , ayant été pourvus de régiments nombreux
&. de commandements dans les armées, ne
les acceptèrent qu’après que le roi leur eût permis,
de retenir leur compagnie des Gardes & leur titre
de capitaine.
Du Gua ayant été affaffiné quelque temps après
par le baron de Vitaux, Beauvais-Nangis lui fuccéda.
11 étoit encore meftre-de-camp du régiment
des Gardes au fiège de la Fère en 1580; mais
le r o i , quelques années après , ayant terminé
l ’ancien différend en faveur du duc d’Epernon ,
& ordonné à Beauvais-Nangis de prendre l’attache
de .ce feigneur, comme du colonel-général de
l’infanterie, cet officier aima mieux donner la
démiffion de fon emploi, que de plier en cette
rencontre ; & la charge fut donnée à M.- de
Crillori, qui la conferva durant tout le règne de
Henri I I I , & plufieurs années encore fous celui
de Henri IV, jufqu’en 1604 ou 1605.
Ce fut à l’occafion de cette démiffion qu’il
arriva une grande affaire entre le roi & le duc
d’Epernon. Ce feigneur, fuivant les privilèges
attachés par Henri III à la charge de colonel-
général de l’infanterie Françoife , avoit droit de
nommer touts les meflres-de-camp, fans en excepter
le meftre-de-camp du régiment des Gardes ;
Henri IV ne jugea pas à propos de laiffer la
nomination du meftre-de-camp de fes Gardes à
la difpofition du colonel-général, & en pourvut
M. de Crequi, gendre de M. de Lefdiguieres.
Le duc d’Epernon fit fur cela de vives remontrances
au roi ; mais elles furent inutiles. Le mécontentement
qu’il en eut, joint à quelques autres ,
lui fit quitter la cour, & il fe retira à fon gouvernement
d’Angoulême.
Cependant le roi voulant ménager cet efprit hautain
& fougueux, à caufe de l’attachement que les
troupes avoient pour lui, parce que touts les officiers
d’infanterie étoient fes créatures , voulut bien
faire une efpèce de convention avec ce feigneur. Il
y fut ftipulé , en ce qui regarde le régiment des
Gardes, que le roi choifiroit lui-même le meftre-
de-camp de ce régiment, & que, pour les capitaines*
des compagnies y il confentiroit de les
nommer alternativement avec le colonel-général ;
enforte que , le roi ayant nommé un capitaine
pour une compagnie vacante , il agréerpit le capitaine
de la première qui vaqueroit fur la nomination
du colonel-général ; que , tant le meftre-
de-camp que les capitaines prendraient leur attache
4u colonel-général ; Qu’ils ne fer oient point inf-
Ajrt militaire,, To®e i f
tallés ] & ne prendroient point leur rang fans
cela ; que le colonel-général nommeroit de fo»
autorité touts les officiers de la Colonelle , comme
les lieutenants-colonels > les en feignes- colonels.'ôc
généralement toutes les charges de l’état-major ;
que le meftce-de-camp du régiment des Gardes
teroit le ferment entre fes mains.
Quand M. de Crequi eut été nommé meftre-
de-camp du régiment des Gardes, &. avant que
la convention dont je viens de parler, eût été faite ,
il fut obligé d’aller à Angoulême trouver le duc
d’Epernon pour prendre fon attache. Il y effùya
bien des défagréments : le duc le fit attendre un
jour entier à la porte de fa chambre , & il le
retint à fa fuite plufieurs jours , faifant toujours
difficulté de lui donner fon attache & de recevoir
fon ferment ; mais enfin le duc fut obligé
d’obéir à l’ordre du roi; & ce fut après qu’il y
eut obéi, que la convention fe fit.
Il fe maintint dans la poffeffion de nommer les
capitaines des Gardes alternativement avec le roi; &
même au commencement du règne de Louis X I I I ,
le régiment ayant nommé un des capitaines , &
le duc d’Epernon l’autre, celui-ci prit rang avant
celui qui avoit été nommé par le r o i, & cela apparemment
parce qu’il étoit le plus ancien officier.
En 165 5 , M. de Vennes, lieutenant de la Colonelle
, s’étant démis de cette compagnie pour fon
grand âge , Louis X IV , donna , à la vérité ,
l’agrément pour la démiffion ; mais M. d’Epernon ,
fils du précédent, & qui' lui avoit fuccédé dans la
charge de colonel-général, fut dédommagé par la
promeffe qu’on lui fît d’avoir difpofition de la première
compagnie vacante ; & effeélivement le chevalier
Defmarais, capitaine aux Gardes , ayant été
tué fix mois après, le duc d’Epernon nomma à cette
compagnie Saint-Quentin , fon capitaine des
Gardes.
Il n’y eut des meftres-de-camp dans ce régiment
que jufqu’en l’an 1661 ; , dans la fuite , ceux
qui commandèrent, prirent le titre de colonel.
Ce changement arriva à la mort du fécond duc
d’Epernon. Dès qu’il; fut mort , Louis X I V
fupprima la charge de colonel-général de l’infanterie
Françoife, qui rendoit trop ptiiffant celui
qui en étoit revêtu.
C ’étoit le maréchal de Grammont qui étoit alors
meftre-de-camp du régiment des Gardes, & qui
poffédoit cette charge depuis l’an 1636.
Le régiment des Gardes à fa première création
fous Charles IX , fut de dix compagnies » comme
le dit Brantôme dans fon difcours des colonels,
& Montlujc dans fes commentaires. Ces dix compagnies
ne fàifoient que 500 hommes , comme il.
eft expreflejnent marqué dans le 3 e vol. des fept
de l’extraordinaire des guerres de 1563 , où neuf
de ces capitaines-font marqués; fçavoir, Charri ,
. Strozzi , Gohas, Serriou, Yromberi , Noâillan 9
la Motte, Coffeins, Cabanes. Ce même nombre
; de cinq cents hommes eft marqué dans le i eJ.vol.