
la qualité du terrein 6c l’alignement des troupes
des ennemis ; de fçavoir quel eft leur mot de
guet, le pofte de la grande garde , la nation dont
elle eft compofée, 6c lë chemin ordinaire' que
tiennent leurs partis, atin d’éviter de les rencontrer
dans la_marche ; d’éluder le peu d’exaéli-
tude de ceux qu’on ne fçauroit éviter ; & de fçavoir
choifir, pour traverfer le camp ennemi, l’endroit
oh font les plus mauvaifes troupes & en
plus petit nomb're i & fur-tout celui d’oii les ennemis
auront tiré cette nuit une brigade pour
monter à la tranchée, ou pour quelqu’autre expédition,
principalement s’ils n’ont pas eu foin
de couvrir ce pofte par un égal nombre de bataillons
ou de piquets.
Quelques foldats ci’infanterie porteront des bêches
& dès pelles pour- jëtter dans le fofié la
terre de trois ou quatre toifes du parapet de la
ligne des ennemis , de grandes haches pour mettre ’
en pièces les barrières qui fe rencontrent fur
cette avenue, afin de frayer un chemin à la cavalerie,
aux mulets 6c aux chevaux de charge
du fecours.;
Chaque petite troupe doit avoir un bon guide,
qui connoifle parfaitement tout le terrein jufqu’à
la place » pour,ne pas perdre le chemin par l’ôbf-
curité dé la nuit, 6c par les retours de la tranchée
, quand on viendra à rompre l’ordre de la
marche par le feu que les affiégeants feront, lorfl
qu’ils connoîtront que le détachement eft ennemi.
Vous donnerez deux mots de guet au détachement;
un, afin que vos troupes fe reconnoif-
fent entre elles, après qu’elles le feront mêlées i
avec les ennemis ; l’autre, afin qu’on les reçoive
dans la place ; & par conféquent il faut que le
gouverneur foit inftruit avant le fiège de ce mot
de guet. Am refte, ayez une extrême attention
que les ennemis n’en puiffent pas avoir connoifde
fecret, & dans un lieu commode pour la
marche.
Le détachement deftiné pour entrer dans la
place peut être accompagné d’un plus gros corps
de troupes qui fe mettent en embulcade pour
foutenir ce détachement. Suppofé que n’ayant pu
entrer dans la place, il foit chargé en s’en retournant
, dans ce cas les commandants du détachement
fe retireront par le chemin où eft l’em-
bufcade.
Il peut arriver qu’une place qui manquoit de
provifions de bouche & de guerre , n’ait pas
befoin des troupes qui ont introduit ce fecours,
& qui feroient préjudiciables, parce qu’elles ne
fendraient qu’à confumer plus promptement les
vivres, dont avant le fiège on n’a pu fuffifam-
ment fournir la place, à proportion du nombre
de les défenfeurs : dans ce cas, félon Deville,
l’efcorte çju convoi doit le lailfer auprès du chemin
couvert ou de quelque ouvrage avancé de
la place. La garnifon le retire, & elle fe débarrafle
en même temps des vieillards, des enfants, des
femmes & des malades, qui profitent de l’efcorte
& des voitures qui ont amené le convoi, pour y
faire monter defîùs les perfonnes qui ne fçauroient
marcher à pied.
Le meilleur e ft, ainfi que je l’ai déjà d it, de
faire fortir lès bouchés inutiles avant que les ennemis
ayent invefti la place ; mais comme l’armée
ennemie peut en furprendre les poftes lorf-
qu’on ne s’y attendoit pas encore, le confeil de
cet excellent écrivain ne doit pas paraître inutile.
Il le préfente néanmoins une réflexion , qui eft
I que la nuit que le fecours entrera , toute l’armée
ennemie fera déjà fous les armes lorfque lefcorte
du convoi pourra s’en retourner ; par conféquent
il lui feroit peut être plus avantageux d’attendre
une autre nuit pour faire retraite , parce que vrai-
j-femblablement il n’y a pas lieu de penfer que
fance,nlarp. parce qu’ils s’en ferviroient pour furprendre les ennemis, prévoyent une opération de guerre fi
la la place. O On n îtp ne doit-doit dnnc donc- Ip le d donner on n e r anv aux rnm commanr
m o n . îipii nGAo. &«..’Cl- i-------©_
dants du détachement que quand ils fe mettent i
en marche, & aux foldats qu’en approchant des
ennemis.
Deville veut que les officiers du fecours , avant j
d’entrer dans1 la place, reçoivent des troupes de j
la garnifon un autre mot de guet concerté. Cette f
précaution ne me paroît importante que dans le i
cas où on pourrait foupçonner que les ennemis j
fe fuflent rendus maîtres de la place, & qu’ils j
vouluflent le ciiflîmuler, comme on l’a vu par un i
exemple que j’ai rapporté de Charles Emmanuel, I
duc de Savoie.
Deville avertit aiiffi de porter la poudre de fe- ;
cours dans des facs de cuir, de la tenir un peu ;
éloignée des foldats qui doivent faire feu, & d’armer
feulement de piques ou de pertuiianes ceux
qui en feront les plus proches , afin d’éviter les
accidents. Le même auteur veut encore qu’on af-
femble le convoi pour le fecours avec beaucoup
peu ufitée; & avant qu’ils ayent pris les armes
détaché des troupes pour s’oppofer au retour de
lefcorte du convoi , elle aura déjà beaucoup
avancé fa marche.
Les troupes du fecours ne doivent pas revenir
à votre armée par le même chemin qu’elles
ont tenu en allant, fuppofé qu’il y en ait un
autre, parce que , félon toutes les apparences,
les ennemis feront mieux fur leurs gardes fur le
chemin par lequel le convoi eft venu. Un détachement
de' votre armée s’avancera pour recevoir
l’elcorte, tandis que, par de fauiïes attaques,
vous ferez diverfion fur toutes les autres avenues.
Les alfiégés peuvent auffi attirer l’attention
des affié;géants en leur donnant de faufïes alarme
vers le front éloigné du chemin que vos troupes
ont pris dans leur retraite.
Si i’armée ennemie n’eft pas aflez nombreufe
pour aller chercher la vôtrNè , ,6c laiffer en même'
temps des troupes pour continuer le fiège, eampez
entre le pays où font lès ennemis. 6c leurs
magafins, & d’où ils peuvent tirer leurs principaux
convois , afin que , faute de ces convois , ils foient
forcés d’abandonner l’entreprife, fi auparavant ils
»’ont pas fait une abondante provifion de vivres.
Lorfque le prince d’Orange faifoit le fiège de Char-
leroy , Louis XIV , roi de France, campa fon armée
entre celle du prince 6c la place , d’où i’aflié-
geant tirait fes convois, qui, n’en pouvant plus
recevoir, fut contraint de lever le fiège au bout
de huit jours. En 1654 , le marquis de Carazena,
général des troupes d’Efpagne , obligea de -la,,
même manière les François 6c les Modenois d’abandonner
le fiège de Pavie.
Pendant que Charles Guftave, roi de Suède ,
affiégeoit Samofcie, Cazarniefchi, général de /’armée
de Jean Cafimir, roi de Pologne , vint toujours
camper dans des endroits favorables pour
empêcher & couper les convois de l’armée Sué-
doife ; de forte qu’elle fut réduite à une extrême
difette de vivres, 6c Guftave fut forcé de lever
le fiège. Amilcar Barca , par une femblable conduite
, coupa lés vivres aux rebelles Mathon &
Spend, 11s , .qui , n’ayant plus de quoi fubfifter ,
fe virent obligés d'abandonner le fiège de Carthage.
Quand les affiégeants ont befoin de conferver
dans leur armée un gros corps de cavalerie , parce
que leur infanterie feule ne fuffiroit pas pour ré-
fifter à votre armée , fi elle venoit les attaquër,
faites avancer des partis qui brûlent touts les
fo urrages fecs, non - feulement de la campagne ,
mais encore de touts les lieux jufqu’où les fourra-
geurs ennemis pourroient s’éteindre. Rompez les
ponts qui font fur les avenues par où, les affiégeants
peuvent recevoir leurs fourrages ■ & leurs
convois. Détournez les courants des ruifleaux 6c
des rivières néceflaires pour le tram port de leurs
provifions. Détachez continuellement des partis
pour inquiéter leurs vivandiers. Attaquez les gardes
que les ennemis mettent d’efpace en eipace pour
les foutenir, & les lieux peu forts où le font -les
amas de vivr.es 6c de1 munitions , en attendant
qu’arrive une efcorte pour les accompagner.
Prenez les châteaux ,les forts de campagne , &
les autres poftes fortifiés qui font aux environs
de l’armée ennemie, afin d’empêcher les ennemis
de recevoir des fourrages 6c des convois par des
avenues que votre armée ne couvre pas.
Hannon, général des Carthaginois-, prit la place
d’Erbefle, voifine de celle de Gergenti, dont les
Romains faifoient le fiège. La prife d’Erbefle rédui-
fit les affiégeants à une fi grande difette de vivres,
que, s’il y avoit eu dans Gergenti des provifions
ieulement pour quelques jours de plus , les Romains
auraient abandonné l’entreprife.
Examinons fi, en rompant les digues , ou de
quelque autre manière, vous ne pourriez pas
détourner le cours d’une rivière , afin d’inonder les
tranchées ou le camp des affiégeants, parce qu’alors
il vous ferait aifé de les-battre , comme je l’ai
prouvé ailleurs par plufieurs exemples.
Il eft rapporté, dans l’hiftoire de Flandres,' que
les Elpagnols, fous .Philippe I I , faifant le fiège
d’une place y'qui, fi ma mémoire ne me trompe ,
étoit celle d’Haerlen , les Hollandois ouvrirent
certaines; digues , -6c inondèrent de telle manière
le terrein qui étoit entre les Efpagnols & la place ,
qu’ils la fecoururent de vivres & de troupes, s’étant
fervi pour cela d’un nombre de petites barques
plates , qui alloient à flot fur les eaux de l’inondation
d’un ferrein où peu auparavant on marchoit
à fe c.'
Des moyens de fecourir une place maritime.
J’ai déjà examiné, dans un autre endroit, en
quelles circonftances il faut fe déterminer à combattre
plutôt fur ; mer que fur terre. J’ajoute, ici
que la raifon qui peut porter à fecourir par mer
la place affiégée , eft 1 or' que les paflages que les
ennemis occupent lùr terre font fi forts par leur
fituation, 6c fi bien gardés ;. que quand même on
feroit fupérieur en nombre de troupes , il y aurait
peu d eipérance de pouvoir franchir, ces pal-
fages.
Ne prétendez pas de fecourir par mer une place
fi l’affiégeaiit a eu la précaution par avance de faire
conftrmre entre la place 6c la mer une bonne ligne
couverte des deux, côtés j. s’il s’eft rendu maître
de la ville bafle ou des fauxbourgs qui fervent
de communication à la place, s’il y a de bons
forts fur la pointe de terre, qui s’avancent pour
fermer l’embouchure du port, 6c dont les ennemis
empêchent l’entrée par ides navires qu’ils y ont
coulé à fond', ou par une chaîne foutenue par
ces. forts & par des bâtiments armés.
Mais en fuppefant que toutes chofes bien pefées,
il ne .fçauroit réfùlter ni plus d’inconvénients ni
plus d’avantages de fecourir la place par mer ou
par terre., il faudrait tenter ce fecours par terre,
parce ique, quand même vous feriez battu & re-
çhaflé, votre perte ne fera jamais fi confidérable,
attendu que les ennemis ne vous pourfujvront
pas dans votre retraite, pour ne pas fauter à la
débandade par-deflus la ligne , ou pour ne pas
défiler en fortant par les barrières ; car ils fe mettraient
en grand danger d’être battus , fi vos
troupes faifoient volte face, avant qu’ils fè fuflent
rangés en bataille.
11 y a encore une autre raifon, qui eft que les
fecours par mer ne fuffifent pas toujours pour
empêcher que la place*ne toit prife, parce que
fouvent les affiégeants s’obftinent à faire brèche &
a s’en rendre maîtres à force d’y perdre du monde,
fans s’embarrafler fi la garnifon eft forte ou peu
nombreufe : on peut , voir à ce fujet l’exemple du
marquis de Lede, que j’ai cité en traitant des
fièges.-. ;
D ’ailleurs, il arrive aflez fouvent qu’après avoir
F f f f f ij