
& lorfque les fonds font accordés , ce qui n’arrive
que pour une partie 8c après bien des délais,
de forte qu’alors ces réparations font devenues
bien plus confidérables , 8c les hommesv ainfi que
les munitions ont pâti tort longtemps, -fouvent
plufieurs années : en outre les travaux de ce corps
fe font par entreprifes, au lieu que ceux de
l ’artillerie fe font par elle-même ; elle, a encore
l’avantage d’y employer fes propres canonniers ;
8c ceux de la garde-côte très aile de gagner leur
fùbfiftance ; le tout à bas prix : enfin les réparations
fe font auflitôt qu’il en eft befoin.
La défenfe de la côte confifte en des polies
éloignés d’une, deux , 8c quelquefois quatre 8c
cinq lieues ; fi deux autorités indépendantes y
préiident, il eft impoflible que le fervice aille ;
.c’eft pourquoi il faut que l’infanterie, détachée
aux batteries , foit aux ordres de l’officier à qui
elles font confiées ; mais pour qu’il aille rondement,
il faut que cet officier ne foit pas fur.chargé
de trop de poftes ou d’une grande étendue de
côtes ; car le feul moyen de communication qui
exifte -entre lui 8c fes poftes, c’eft l’écriture. Il eft
facile de juger que cette voie entraîne une cor-
refpondance volumineufe ; qu’elle expofe le fer-
vice à des mal entendus, à des erreurs, & à des
retards confidérables. Les tournées que l’officier
doit faire font auffi trop longues 8c trop.coûteufes
pour être auffi fréquentes que le befoin de ce
fervice l’exige. Enfin le grand éloignement où il
fe trouve de la plupart de fes poftes, le met dans
l’impoffibilité de fe tranfporter fur les lieux , ou
de faire parvenir fes ordres à temps.
Ce feul vice aétuel prive la côte de la défenfe
qu’on a cru néceffaire ; 8c tant que l’ordre établi
fubfiftera, il eft clair que les peines 8c les foins
que les officiers fe donnent, que les dépenfes que
le roi 8c la province font, que la misère que les
compagnies garde-côte éprouvent, & que le dommage
que la privation de leur bras çaufe à l’agriculture
, n’aboutiffent qu’à étaler, le long des
côtes, une apparence de défenfe : auffi n’eft-il
perfonne qui ne foit convaincu qu’un corfaire
pourroit defcendre impunément.
L’année dernière 1781 , la récolte n’ayant pu
être toute battue , faute de bras,une partie à été
perdue par les pluies qui font furvenues, & qui
ont fait germer le bled empilé. Il eft miférable de
voir le long des côtes de Bretagne,. fur-tout à
Quibéron, les travaux de la campagne ; il n’y a
que les femmes qui les faffent dans ce dernier
çndroit.
A l’égard de la proteâiqn qu’elles donnent au
commerce ; il eft de fait que fur cent bâtiments
pris, environ quatre-vingt le font en pleine mérou
hors de la protection des batteries ÿ. 8ç que le
réfte fç fauve par l ’avis des fignaux, ou bien eft
pris malgré les canons & leurs fervants : foit parce
qu’étant impoflible d’obtenir qu’une telle milice
fefte une garde affidue, il arrive que le coup eft
fait avant qu’elle fe foit avifée d’y porter fecoifrs $
foit parce que n’étànt pas fuffifamment inftruite
ni diiciplinée, elle n’a ni la préfence d’efprit pour
agir félon les circonftances , ni l’adreffe qu’il faut
pour atteindre, les corfaires ; & ceux-ci le fçavent
très bien , car il fe trouve toujours parmi eux
des François.
Toutes ces chofes mûrement pefées, on conviendra
qu’iL ne .vaut pas la peine de mettre
tant de monde fur pied , de gâter tant de munitions
, & de conftruire tant d’affuts fi bons 8c fi
chers, pour fauver 8c peut - être ; quoi ? deux
ou trois ehaffe-marées par an , fur les côtes de
Bretagne !
Mais , dira-t-on, comment rendre cette défenfe
plus efficace ; 8c comment fuppléer à cette milice
? Je l’ai dit en gros dans la premièrè partie ;
le .voici en détail.
Faites fervir les batteries par l’infanterie ou
par la milice de terré : celle-ci affemblée depuis
la guerre eft à-peu-près-comme, les troupes réglées
pour tout. Leur difcipline & leur inftruétion inf-
pireront plus de confiance aux habitants des côtes ,
& plus de craintes aux corfaires, que le triple
des grandes compagnies: que le roi ou la province
leur donne .deux ou trois fols de haute paye ;
équivalent du pain de munition accordé aux compagnies
gardés-côtes , l’un 8c l’autre y gagnera :
touts les autres frais que cette milice leur coûte,
en fus des troupes réglées , diftribués dans la province
au moyen de cette augmentation indif-
penfable ( car tou t, jufqu’à l’eau , manque en ces
lieux ) , le foldat fera ce fervice avec zèle & avec
plaifir. Il ne s’agit donc que de les dreffer au
fervice du canon. Or‘ n’eft-il pas indifférent pour
le. roi , quant à la dépenfe, que la poudre des
exercices aéfuels foit confommée par eux ou par
les compagnies garde-côtel Ces foldats déjà dref-
fés aux exercices militaires , ne le feront-ils pas
plus facilement 8c plus furement que des ruffres ,
qui, prefque par-tout, n’entendent pas la langue
françoife, & qui ne font qu’à contre-cçeur un
fervice dont ils éprouvent toute la misère, fans
en reffentir 1’utifité ?
On peut fe figurer la misère que doivent
éprouver des gens confinés au bord de la côte,
dans un port éloigné de toute habitation, fans
folde ; n’ayant qu’une livre 8c demie de pain ,
& dans un pays dépourvu de tout ; ou du moins
fi cher, qu’il y faut beaucoup d’argent ; 8c c’eft
ce qui manque à ces gens là. On leur difpute
le bois, la chandelle , & les fournitures de lit :
n’ayant qu’un gillçt & une véfté courte par-deflùs,
ils n’ont pas chaud, je penfe , l’hiver : auffi aiment-
ils mieux rifquer la prifo$ que de fe rendre au
pofte on d’y refter. Ê
L’Etat auroit l’avantage d’avoir dans fes troupes,’
ou dans fes milices , des gens dreffés pour l’artillerie
, 8c qu’il pourroit employer au fervice ainfi
que c’eft ion intention. Tout le monde gagneroit
a ce fyftême, le ro i, la province, l ’artillerie &
la marine qui auroit alors plus d’hommes à prendre
pour fes claffes, dans cette milice fupprimee. '
Mais foit qu’on adopte ce plan, ou quon s en
tienne au fyltême aétuel de defenfe , tonde fur
les observations précédentes , J e penfe qu un
capitaine d’artillerie ne doit pas etre charge d une
étendue de côte de plus de huit ou dix lieues,
& que de fix ou fept batteries, ayant corps de
garde ; cette règle peut fouffrir des modifications
du plus au moins , félon les circonftances. Dans
le diftrift aétuel de la réfidence d’Aurai, qui prend
depuis la rivière d’Entel jufqo’a la Vilaine, il fe.
trouve une* étendue de plus de quinze . lieues,
fans y comprendre la prefqu’île de Quibéron ;
j ’y placerois deux capitaines ; l ’un auroit la partie
depuis Aurai à Entel ; d’autre d’Aurai a la Vilaine.
Pareillement le fous-directeur ayant, ^outre la
correfpondance avec ces officiers & avec quantité
de perfonnes publiques , les affaires de la
fous - direction ne peut fuffire a tout ; on^ fe
trouve accablé de faux frais. Si la fous-dire&ion
eft trop étendue, il ne devtoit y avoir que
trente lieues de côtes, 8c dix-huit ou vingt batteries
ayant corps de garde ; ce qui exige à-peu-
près trois divifions de compagnie gardesrcôtes,
quatre officiers d’artillerie aux batteries , 6c un au
moins pour la place. .
Les officiers de gardes -côtes ne doivent etre
chargés que de deux ou trois poftes , diftants
chacun d’une lieue ; de forte que chaque capi- 1
taine d’artillerie en aura deux fous lui. Quant
au nombre d’hommes néceffaires par. piece ,-fi la |
batterie n’en a qu’une , il faut en mettre au moins
cinq, afin que l ’abfence momentanée ou la maladie
ne la rendent pas inutile, n’en donnant
que quatre. ,
Chaque batterie avec corps de garde ne peut
fe palier de canonnier gardien , ni l’hiver ni l’été ;
il n’eft pas poffible qu’il puiffe veiller fur plufieurs
poftes auffi éloignés tout à la fois ; ni fournir à
temps des munitions. Les conditions que cet emploi
exige, embarraffent fur le choix du genre
des perlonnes le plus capable de le remplir. Les
anciens canonniers conviendroient parfaitement,
fi on pouvoit en trouver affez, 8c qui fçuffent
lire & écrire : ceux du corps royal conviennent
bien ; mais les foldats n’étant pas accoutumés à
fe conduire feuls , prefque touts s’adonnent*à la
boiffon, ce qui oblige à les changer fouvent;
d’où il réfult'e de fréquents inventaires qui détériorent
les munitions ; caufent dé la confufion
dans les états, 8c laiffent languir le fervice jufqu’à
ce que le fucceffeur fe foit mis au fait :
d’ailleurs comme ils n’entendent point le langage
du pay s , ils ne peuvent guère connoître ou fe
procurer les reffources qu’il peut offrir pour les
travaux 8c pour la défenfe. Touts ces avantages
fe trouvent réunis dans les bons bourgeois des
lieux ; ils connoiffent la mer , fçavent lire &
écrire, & font au fait des affaires : ainfi dans peu
ils font capables de remplir leur fervice.
En employant les premiers, le roi donne une
récompenfe à d’anciens ferviteurs ; en employant
les féconds, qn perd à coup sûr de bons fujets,
8c on auroit la néceffité en pure perte d’augmenter
le corps royal : pour concilier tou t, je prétérèrois
les bourgeois, puis les canonniers- ou autres marins
ou ferviteurs, 6c je fuppléeroià par ceux du
corps royal.
Les gardiens de pavillon ne peuvent être pris
que parmi les marins; il n’eft pas néceffaire qu’ils
fçachent écrire. Mais comme le pofte ne doit jamais
refter fans obfervateur, 8c que cependant il n’eft
poffible ni raifonnable d’exiger que la même personne
refte toute la journée dans ces guérites, il
faudroit deux gardiens par pofte ; alors on pourroit
les obliger, fous des peines graves, à s’y trouver
toujours l’un ou l’autre.
En leur donnant de bonnes lunettes d’approche,
on obtiendra deux avantages, celui de pouvoir
difcerner de loin tout ce qui fera à la mer, 6c celui
de reconnoître leurs fignaux refpe&ifs à une telle
diftance, qu’on pourra fans inconvénient fuppri-
mer une partie des fignaux aéfuels, qui, malgré
leur communication, commettent des erreurs; on
compenfera ainfi le doublement des gardiens ; mais
quand bien même on ne feroit pas cette économie,
l’importance des fignaux eft fi grande , que l’étàt
ne doivrien ménager pour bien remplir leur objet.
Le fervice des côtes fera encore très incertain,
tant qu’on ne remédiera pas, i° . à la difficulté où
l’on fe trouve prefque par-tout pour les paffages ; ■
2.°!' à l’embarras extrême pour tranfporter les munitions,
8cc. par exemple du Port-Louis aux poftes
de fon reffort. Pour remédier au premier, il faudroit
que le roi établit à fes Irais des paffages par
touts les bras de mer, ou qu’il obligeât ceux de
la France , à faire le fervice , ou bien qu’il contraignît
les bateaux des lieux où il s’en trouve à
le faire , faute de c e , les foldats 6c les compagnies
gardes côtes reftent fouvent deux jours fans joindre
leurs poftes ; la circulation des lettres eft interrompue
; pour remédier au fécond , le roi pourroit
affeâer au fervice de l’artillerie 6c du génie , quelques
uns de ces bâtiments dont on ne manque
pas dans fes ports; ou bien enjoindre au commandant
des ports de les fournir à la réquifition des
chefs de l’artillerie 6c du génie. Au lieu d’employer
cette voie très fimple , très prompte 6c moins
coûteufe, puifque le roi tireroit au moins quelque
fervice de plufieurs bras qui font inutilement payés
dans fes ports , on eft obligé de fréter fort cher
le bâtiment d’un particulier que l’on détourne de
fes affaires, comme fi le maître de la mer 6c celui
de la terre n’étoient pas le même fouverain ; (art.
de M. le chevalier de Ferujfac, capitaine du corps de
l'artillerie. ).
On trouvera dans l’ordonnance du ro i, du 13
décembre 1778, concernant les garde-côtes, tout