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la fois, & qu’il peut efpérer de déborder celui de
l’enneftii par la, plus grande étendue de' l’on front,
lans ^craindre d’être débordé lui-même ; mais ces
avantages, à les examiner de près , ne font point
fi reels qu’ils paroiilent ; car enfin on veut qu’il
embrafle & que- même il déborde le front de
Y e fc a d r o n qui lui eft oppofé : mais que deviendra
ion centre attaqué par un ennemi, dont Y e fca d ro n
plus léger dirigeant toute fon aâiôn dans cette
partie, l’aura infailliblement ouvert, avant qu’il
ait eu le temps de courber fes flancs ? Que lui
fervira-t-il alors d’avoir débordé l’ennemi, & que
deviendront fes ailes débordantes après la déroute
de leur centre r Ces prétendus avantages ne fédui-
fent jamais que les gens accoutumés à juger des,
chofes fur les apparences & dans le cabinet ; pour
les gens du métier , que l'habitude continuelle des
exercices rend feuls juges compétents de cette
matière , ils ne s’y laifleront point furprendre ;
ils penfent touts que de toutes les formes à donner
à un e fc a d ro n de cavalerie , celle des trois
rangs à quarante-huit cavaliers eft fans contredit
la meilleure. On ne doit cependant pas pour cela
négliger dexercer les e fc a d ro n s de cavalerie fur
deux rangs ; car comme dans cet ordre ils font
plus difficiles à manier , cette méthode rendra
plus aifées les évolutions de Y e fc a d ro n fur trois
rangs.
1 out ce qui vient d’être dit touchant l’obligation
de former les e fc a d ro n s fur trois rangs ne
doit s’entendre que de ceux qui auront un front
allez étendu, c’eft - à - dire , de quarante ou de
quarante-huit maîtres ; car pour ceux qui ne pour-
roient avoir que trente-deux cavaliers de front,
il faut - pour qu’ils ayent une jufte proportion,
qu’ils foient fur deux rangs- de quarante - huit
chacun.
Dans la guerre de plaine & dans toutes les
occafions , par exemple, qui exigent un peu de
célérité , & qui font aflurément très fréquentes,
p eut-on s’empêcher de convenir qu’elle ne foit
d’une grande nécefiïté ? Eft-il queftion de traverfer
une rivière à la nage ou à gué, c’eft la cavalerie
qui facilite le paflage en rompant la rapidité de
l’eau par la force de fes e f c a d r o n s , ou parce que
chaque cavalier peut porter' en croupe un fan-
taflin. Si l’on veut préfenter un grand front, fi
l’on veut déborder l’ennemi, l’envelopper, c’eft
par le moyen de la cavalerie qu’on le fait; c’eft
en détachant fouvent des troupes de ' cavalerie
qu’on maintient le bon ordre fi néceflaire à une
armée ; elles empêchent les déferteurs , les maraudeurs
de fortir du camp ; ce font elles qui veillent-
à ce qu’il n’y entre point d’efpions , ou autres
gens auffi dangereux, & qui procurent aux payions
la fureté chez eux , & la liberté d’apporter
des vivres au camp.
Si l’on excepte les fièges qui font des opérations
auxquelles on ne peut procéder que lentement, &
pour-ainfi-dire pied-à-pied, on ne trouvera peut-
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| être point d’autres occafions à la guerre qui ne
| demande de la diligence , & conféquemment pour
! laquelle les fervices de la cavalerie ne foient très
| avantageux : & d’ailleurs perfonne n’ignore que
dans les fièges, la cavalerie n’ait un iervice qui
lui foit uniquement affecté ; on l’a vu au dernier
i fiège de Berg - op - zoom faire fes fondions , &
j partager même celles de l’infanterie. Ce n’eft pas
le feul exemple qui prouve quelle eft capable de
lervir utilement en mettant pied à terre.
Le premier fervice de la cavalerie dans tes fièges,
& le plus important, eft cehuTde l’inveftiffement
de la ville qu’on veut affiéger avant que l’ennemi
ait pu y faire entrer du fe cours ; v e u t -o n , au
contraire, fecourir une ville menacée d’un fiège ,
ou même qui eft afliégée, c’eft au moyen de la
cavalerie. Le grând Condé nous en fournit un
exemple dans le fervice qu’elle lui a rendu en
pareille occafion ; il s’agifloit de faire entrer du
j lecours dans Cambrai que M. de Turenne tenoit
I affiégée ; le temps prefioit : le prince de Condé
! raflemble à la hâte dix - huit efcadrons, fe met à
leur tête , force les gardes , fe fait jour jufqu'à la
| contrefcarpe ; il oblige M. de Turenne de lever
le fiège. Ce fut un feul détachement de cent chevaux,
qui, en quelque# forte, a donné lieu au
dernier liège de Berg - op - zoom , fiège à jamais
- glorieux pour les armes du ro i, & pour le général
qui y a commandé ; car il eft à préfumer que
le fiège eût été différé, ou que peüt-être on ne
l ’eût pas entrepris, fi lesgranbês gardes de cavalerie
qu’avoient en avant les ennemis, euffent tenu
affez de temps pour leur donner celui d’envoyer
leur cavalerie, & enfuite le refte de leur armée
qui étoit de l’autre cô té , s’établir entre la ville
Ôt notre camp : mais ces gardes firent peu de
réfiftance ; une partie fut enlevée & le reftè prit
la fuite.
La cavalerie n’eft pas moins néceflaire pour la
défenfe d’une place ; fi les affiégés en manquaient,
ils ne pourraient faire de forties, ou leur infanterie
courroit rifque en fortant de fe faire couper
par la cavalerie des ennemis.
Un état dépourvu de cavalerie, pourroit peut-
être garder pour un temps fes places avec fa feule
infanterie ; mais combien en ce cas ne lui en
faudroit-il pas ? Et que lui ferviroient fes places fi
l’ennemi , au moyen de fa cavalerie, pénétroit
jufques dans le coeur du royaume ?
La levée & l’entretien d’un corps de cavalerie
entraînent de la dépenfe ; mais les contributions
qu’elle impofe au loin , les vivres, les fourrages
qu’elle en tire , la fureté des convois qu’elle procure
, & tant d’autres fervices qu’elle feule eft en
état de rendre , ne dédommagent - ils pas bien
avastageufement de la dépenfe qu’elle occafionne ?
D ’ailleurs la cavalerie étant d’une utilité plue
générale pour les opérations de la guerre , on ne
lçauroit dire qu’elle foit plus à charge à l’état que
l’infanterie, puifque la levée d’un efcadron n’eft
pas
pas .d’une dépenfe plus grande‘ que celle d’un
bataillon, & que l’entretien de celui-ci eft bien
plus confidérable.
Enfin, fi l’on s’en rapporte aux plus grands capitaines,
on fera forcé de convenir que l’avantage
fera toujours le plus grand pour celui des deux
ennemis qui fera fupérieur en cavalerie.
'■ Cyrus , Alexandre, Annibal',. Scipion , jouif-
fent depuis plus de vingt fié,des d’une réputation
qu’ils doivent aux lucçès que leur a procuré
leur cavalerie. .Cyrus & Annibal avoient une
cavalerie très nombréüfe ; Alexandre eft celui des
Grecs q u i, à proportion de-fes forces, en a eu
le plus., & l’on ne voit pas que les Grecs fous
ce prince ; , non plus que les Perfes & les Carthaginois
, du temps de Cyrus , ayent été fur leur
déclin ; il fembleroit au contraire , que la vie
de ces grands hommes pourroit être regardée
comme l’époque la plus floriflante de leur nation.
Si les Romains, après avoir été vaincus par la
cavalerie des Carthaginois, triomphent enfin d’eux,
c’eft que ceux-ci furent abandonnés de leur cavalerie,
que leur enleva Scipion par fes alliances &
fes conquêtes ; & cette guerre qui avoit commencé
par être honteufe au peuplé Romain , finit par
l ’époque là plus floriflante pour lui.
Les fuffragés des auteurs modernes qui ont le
mieux écrit de l’art militaire, fe réunifient avec
l’autorité des plus grands capitaines & des meilleurs
'écrivains de l’antiquité. 11 fembloit au brave
la Noue, que fur quatre mille lances il fuffifoit de
2$°9 hommes d’infanterie, : rt Perfonne ne contredira
, ajoute cet auteur , qu’il ne faille toujours
entretenir bon nombre de gendarmerie ; mais
d’infanterie, aucuns eftiment qu’on s’en peut p af-'
fer en temps de paix ». Mais on doit confidérer
que la Noue écrivoit dans un temps (15 87 ) où
l ’infanterie étoit comptée pour peu de chofe ;
parce que les principales aétions de guerre con- ;
fiftoient moins alors à '.prendre des places, qu’en
des affaires de plaine campagne , où l’infanterie
ne tenoit p4s contre la cavalerie. Sa réflexion ne
peut manquer de tomber fur la nécefiïté qu’il y a
d exercer pendant la paix la cavalerie , qui -ne
peut être bonne à la guerre fi elle eft nouvellement
levée.
Un auteur fort eftimé & en même temps grand
officier ( M . le maréchal de Puyfegur ) , qui con-
noiflbit fans doute en quoi confifte la force des
armées , dont il avoir rempli les premiers emplois
pendant cinquantè-fix ans , propofe dans fes projets
de guerre plus de moitié de cavalerie fur une
fois autant d’infanterie.
Santa-Cruz veut qu’une armée foit toujours
compofée d’une forte cavalerie ; il foutient même
qu elle doit être une fois plus" nombreufe que l’infanterie
, fuivant les.,circonftances : par exemple ,
fi les ennemis la craignent davantage , ou fi votre
nation eft plus propre à agir à cheval qu’à pied ;
Art militaire. Tome IL
la nature du pays où l’on fait la guerre eft une
diftinéfion qu’il a oublié de faire. « Un pays plain
dit M. de Turenne , eft très favorable à la cavalerie
; il lui laiffe foute la liberté néceflaire à fon
fervice, & lui donne beaucoup d’avantage fur l’infanterie
». Ce grand général, dont les maximes font
des lo ix , avoit toujours, comme on l’a dèj^ dit,
dans fes armées au moins autant de cavalerie que
d’infanterie , & on l’a vu quelquefois avec un
plus grand nombre de cavalerie.
A l’égard des. e fc a d ro n s de dragons, huflards
& des autres troupes légères, leur manière de combattre
étant différente de (.celle de la cavalerie,
chacun de leur rang formant autant de troupes détachées,
pour entretenir le combat , & pouvoir
attaquer de toutes parts ^ il feroit fort bon qu’ils
fuflent plutôt fur quatre rangs que fur trois.
Il faut de plus que ces rangs foient également
mêlés d’anciens &. de nouveaux , contre ce qui fe-
pratique dans la cavalerie, dont le premier- rang
eft toujours çompofé des meilleurs & plus anciens
cavaliers.
A u t e u r s q u i o n t é c r it , p a r tic u lié r em e n t f u r la
c a v a le r ie . .
G eo rg e B a f l a , le gouvernement de la cavalerie
légère. A Rouen , i 6'i 6 , in - fo l io .
J e a n J a c q u e s d e J V a lh a u ^ e n , art militaire à cheval.
Zutphen, 162.0, in - fo l io .
Hermanus Hugo, d e m i l i t \ â eq u e jlr i a n t iq u â O
n o v a . A n t v e r p ia . , 1630. .
L e co c q u e - M a d e le in e , fervice de la cavalerie.
Paris,?«-12. 1720.
D e L a n g a i s , devoir des officiers de cavalerie.
Paris, 1725 , i/z-i2.
C e t a r tic le e fi d e M . d ' A u t h v i l l e ÿ a u te u r d 'u n
o u v r a g e i n t i tu l é , Eflfai fur la cavalerie.
E S C A L A D E . Attaque d’une place, de vive
force, en franchiffant les murs avec des échelles
ou par d’autres moyens. On y réuffit mieux par
la furprife ; mais elle n’y eft point effentielle.
La méthode de s’emparer des villes par Y e fc a la d e
étoit bien plus commune avant l’invention de la
poudre qu’aujourd’hui : auffi les anciens , pour s’en
garantir, prenoient-ils les plus grandes précautions.
Ils ne terraffoient point leurs murailles, & ils les
élevoient beaucoup, enforte que non-feulement il
étoit befoin d’échelles pour monter deffus, mais
encore pour en defcendre dans la ville. Les tours
dont la muraille étoit flanquée étoient encore plus
élevées que la muraille, & l’efpèce de petit chemin
qu’il y avoit du côté intérieur de cette muraille,
& fur lequel étoient placés les foldats qui défen-
doient la v ille , étoit coupé vis-à-vis de ces tours,
enforte que l’ennemi, pour être parvenu au haut
de la muraille, n’étoit, pour ainfi dire, encore
maître de rien. Cependant, malgré ces difficultés,
les e fc a la d e s s’entreprenoient fouvent. Il y a apparence
que la longueur du temps qu’il falloit emp
p