
futlions parvenus en lieu de fureté-, parce qu’il
avoir un détour trop confidérable à faire. Nous
arrivâmes à un endroit nommé la Briquerie , où
il n’y avoit plus de danger pour nous , ni pour
1 arrière garde de la grande armée w.
Aux abatis , on peut joindre les piquets , les
chauffes-trapes , les tables garnies de clous, les
herfes , les vignes ; en répandant ces différents
objets fur l’entrée , la fortie Si les différentes
parties du gué , on en rend le pâffage prefque
impoffible. Dans l’article o u v r a g e e n t e r r e ,
feérion de la maniéré d'augmenter la force d'un pojle ,
nous ferons connoître ces différents objets » Si la
manière de s’en fervir.
§• V.
De la manière de rompre les gués.
Pour rompre les gués , on creufe dans leur milieu
des foffés larges & profonds ; ces foffés étant remplis
d’eau, & inconnus à l’ennemi, feront périr
• une partie de fes foldats, & arrêteront les autres.
Les foffés deftinés à rompre les gués, doivent
fuivre la direction de la rivière. C’eft la nuit qu’on
doit choifir pour les creufer. Pendant que vous
ferez occupé à cette opération, vous aurez le foin
■ d’éloigner des bords de la rivière toutes les per-
fonnes qui pourroient aller avertir l’ennemi du
travail que vous faîtes.
Quand les foffés font creufés , on en difpérle
les déblais, afin que l’ennemi ne puiffe deviner
l’endroit où ils font fitués.
On commence à creufer ces foffés par la partie
inférieure ; on prend la précaution de détourner
■ les eaux par le moyen d’une efpèce d’épi ou de
batardeau.
On n’eft pas indifpenfablement obligé de creu-
- fer les foffés parallèlement aux bords de la rivière ;
ceux qui forment avec le rivage des angles plus i
ou moins aigus , font quelquefois autant d’effet
que ceux qui font parallèles.
On creufe plufieurs foffés les uns à côté des
autres.
On peut auffi rendre un gué impraticable en
groffiffant le volume des eaux ; pour cela , on
-conftruît une digue fur le côté dont on eft le
■ maître.
Si la rivière fort d’un étang ou d’un marais ,
on peut rompre le gué en lâchant la bonde du
-marais ou dë l’étang, quelques inftants avant le
moment où l’ennemi veut tenter le paffage de la
rivière.
On peut encore rompre un gué en conftrüifant
■ un batardeau dans la partie inférieure de la rivière ;
le batardeau retient les eaux, & fait gonfler la
rivière.
Aux foffés .& coupures dont nous venons de
-parler , on peut joindre encore les puits OU en- 1
tonnoirs ; on creufe ces puits fur le bord dô la
rivière, & dans le milieu du gué : quand l*eait
vient à groffir, au moyen du batardeau qu’on a
conftruit, ou des éclufes qu’on a lâchées, ces trous
fe rempliffent Si difparoiffent. Cependant renneihi
arrive, il fe jette dans l’eau avec courage , mais
à peine a-t-il fait quelques pas , que les Tôldats fe
perdent dans ces entonnoirs ; étonnés par ces
chûtes dangereufes & fréquentes, ils deviennent
moins hardis. Si c’eft une troupe de cavalerie qui
paffe la rivière , le défordre eft encore plus grand ;
les chevaux Si les hommes culbutent, arrêtent la
colonne des troupes, font groffir celle de l’eau,
& augmentent ainfi infiniment le danger pour eux»
Si les avantages pour vous.
§• V I .
Moyens de détruire les avantages des gués.
Quoiqu’on ait beaucoup fait en fortifiant les
gués , en les embarraffant , ou en travaillant à
les détruire, il peut leur refter encore quelques
avantages dont on doit les priver.
Aum-tôt qu’on eft arrivé fur le bord d’un gué
qu’on doit garder , il faut abaiffer le plus qu’il eft
poffible là crête du rivage oppofé. Voyez les raiforts
de cette conduite dans le numéro I .ar du paragraphe
I.er de cet article. On fent bien qu’on ne
peut exécuter cette opération qu’en prévenant l’arrivée
de l’ennemi.
Il faut auffi détruire les rampes, abattre les arbres
couper les hayes Si les rofeaux qui pourroient faciliter
à l’ennemi le moyen d’approcher du bord de
la rivière fans être découvert. Voyez lès raifons
de cette conduite dans le numéro II du paragraphe
I.er de cet article.
Quelque large que foit un gué, il fuffit de le
détruire en, un feul endroit pour former un défilé
qui arrête la colonne de l’ennemi ; un fôffé
très large peut remplir cet objet.
On peut augmenter le volume des eaux en conf-
truifant urt batardeau dans la partie inférieure de
la rivière , Si en rompant les digues qui lés retiennent.
On fent que ces trois opérations exigent
qu’on ait prévenu l’arrivée de l’ennemi, Si que
la dernière fuppofe qu’un corps de troupes garde
les éclufes Sc les digues. En réunifiant les moyens
que nous avons donnés dans ces quatre paragraphes,
on eft prefque certain que l’ennemi le plus nombreux
Si le plus intrépide ne pourra traverfer une
rivière qu’il croyoit paffer à gué avec facilité.
Quant à la maniéré de combattre, lorfque malgré
les difficultés qu’on a prodiguées fous les pas
de l’ennemi, il parvient néanmoins à paffer un
gué, ( Vaye^ l'article R iv iè r e . ).
§ . V I I.
De la maniéré de paffer /w gués.
Pour donner des principes clairs fur la manière
de paffer les gués, il faut faire plufieurs fuppo-
fitions différentes. Nous fuppoferons donc, i ° . que
le gué eft fucceffivement privé des différents avantages
que nous avons reconnus néceffaires pour
conftituer un bon gué ; z°. que l’ennemi en a fortifié
M u e ; 3°. qu’il l’a embarraffé ; 40. qu’il l’a
rompu j 50. qu’il en a détruit les avantages naturels.
§ . V I I I .
Connoiffançes qu on doit avoir acquifes avant de
pujfer un gué , 6» moyen de les acquérir.
Celui qui veut paffer une rivière à gué doit con-
noitre , i° . le bord qu’il occupe ; 2,^. les rampes
qui conduifent de la crête du rivage au bord de
leau ; 3°. la largeur de la rivière ; 4°i la largeur
du gué dans les différentes parties de la rivière ;
5 . la véritable direction du gué ; 6°. la rapidité
des eaux ; 7 0. la plus grande profondeur de Peau ;
8 la qualité du fond dans les différentes parties du
gué i ?°- les rampes q u i, du côté de l’ennemi .
conduifent du bord de la rivière à la crête du
rivage ; io ° . le terrein qui borde le côté de la
rivîere fur lequel on v a ; n ° . fi la rivière n’offre
pas dans le voifinage d’autres gués ; La°. quel eft
des différents gués le meilleur pour les différentes
armes ; 130. s’il eft poffible à l ’ennemi de rendre
le gue impraticable, Si comment il peut y réuffir ;
140. enfin, fi une fonte fubite de neiges, ou une
pluie abondante , ne pourroient pas rendre la rivière
non guéable.
Les moyens pour procurer les lumières qu’on
doit avoir actjuifes avant d’entrejprendre de paffer
une riviere a gué , font au nombre de fept.
1. De bonnes cartes topographique*. ( Voye% R e-
c o n n o i s s a n c e s m i l i t a i r e s . ). 2. Les nouvelles
que donnent les efpions. ( Voyeç E s p i o n s . ). 3. Les
rapports que font les transfuges. ( Voye^. T r a n s f
u g e s . ) . 4 . Les déclarations que font les prifon-
.niersde guerre. ( Voyeç P r i s o n n i e r s . ) . 5. Les
avis que donnent les perfonnes avec lefquelles on
a formé des intelligences. -6. Les inftruâions que
1 on peut tirer des payfans , des marchands , des
.contrebandiers , des chaffeurs, & de ceux de fes
ioldats qui ont quelque connoiffance du pays.
7-Enfin , les reconnoiffances que l’on a faites foi-
meme. ( Foyq; R È C O N N O I S S A N C E M I L I T A I R E . ) .
Quelques lumières que donne féparément chacun
des moyens que nous venons d’indiquer , on court
nique de s’égarer toutes les fois qu’elles ne font
pas partaitement dlaccord entre elles.
§. I X.
Comment peut-on remédier aux avantages naturels
qui manquent a un gué qu'on veut paffer.
On ne peut fans imprudence entreprendre de
palier un gué q.ui eft défendu, arant d’avoir atfez
éloigné l’ennemi du bord de la rivière, pour qu’il
ne puiffe pas. troubler le paffage ; mais comme
on ne peut éloigner fon adverlaire qu’en faifant
fur lui un feu v if Si bien ajufté, & qu’on ne peut
faire ce feu avec avantage qu’en élevant fon artillerie
au moins autant que celle de l’ennemi : il
faudra donc , toutes les fois que la rive que l’on
occupera fera plus baffe que la rive^ oppofée,
conftruire un ouvrage en terre qui élève Si couvre
les hommes Si les armes. Cet ouvrage eft deftiné
à fournir beaucoup de feux croifés en avant de
la fortie du gué, à en éloigner l’ennemi, Si à
détruire les travaux qu’il aura faits. Cet ouvrage
peut avoir la forme que nous avons donnée aux
flancs continus ou interrompus des têtes de ponts.
( Voye^ Pon t , T ête de po n t . ). Quant à la
moufqueterie , on peut la placer derrière des hayes
Si des arbres, ou dans les rofeaux qui bordent
affez ordinairement les rivières.
Si l’ennemi a détruit les rampes qui conduifent
au bord de l’eau , ou fi elles font naturellement
efcarpées, on envoyé pour les rétablir ou pour
les conftruire , des travailleurs que l’on protège
par l’artillerie Si par la moufqueterie, pendant que
les travailleurs font occupés à adoucir les rampes ,
ou cherchent à attirer l’attention Sc le feu de l’ennemi
vers quelque autre objet. C ’eft fur-tout pendant
la nuit qu’on doit s’occuper de ce travail.
Toutes les fois que cela eft poffible, on dirige
ces rampes de manière à ce que l’ennemi découvre
tout au plus leur débouché.
Ces travailleurs font encore chargés d’accommoder
l’entrée de la rivière ainfi que nous l’avons
reconnu néceffaire dans le numéro III du paragraphe
Ier. de cet article.
Lorfque l’on fe propofe de paffer une rivière
a guè^ il eft prudent de conduire les troupes de
manière ce qu’elles n’ayent pas trop chaud au
moment où elles entrent dans l’eau ; forcer le foldat
couvert defueur à fe jetter dans la rivière, c’eft
1 expofer a de grandes maladies ; on donnera donc
aux troupes le temps de fe rafraîchir fur le bord
du gué.
Si un gué étoit trop étroit dans quelqu’une de
fes parties-, pour pouvoir donner paffage à une
colonne d un front convenable , on pourroiteffayer
d’y remédier, en faifant jetter dans l’endroit le
plus etroit-'de groffes fafcines remplies de pierres
ou de cailloux ; ce moyen n’eft euere praticable
pendant le jour , & en préfence de l’ennemi.
Quoique vous ayez paffé à gué, même nouvellement
, une rivière que vous aurez à traverfer
une fécondé fois, vous n’entreprendrez cette opération
qu’après la reconnoiffance la plus exaâe :
une crue d’eau, ou le travail de l’ennemi, peuven
avoir détruit le gué, ou en avoir changé la direction.
Cette reconnoiffance confifte à faire paffer
ÔÉrepaffer la rivière à quelques hommes à cheval ;
ces cavaliers doivent occuper entre eux autant
d’efpace que la colonne aura de front. Cette recon