
crainte de celle-ci s’étende fur touts j niais que
ces p e in e s , en fe bornant à préferver la fociété
d ’un nouveau trouble , foient utiles à cette fociété,
& n’ôtent pas toujours"l’efpoir au coupable de pouv
o ir redevenir encore un citoyen eftimable &
v er tu eu x. Punir la défertion par la m o r t , c’étoit
Vouloir la faire craindre au foldat qui doit la mé-
prifer ; mais attacher, ainfi que'l’afait l’ordonnance
d e 17 7 5 , une diffamation aux galères de terre ,
c’eft avoir ôté à l’homme qui en fort les moyens
de v iv re dans fa patrie , & l’avoir forcé à devenir
un voleur de grand ch emin , ou à palier chez
l ’étranger»- C e p en d an t , indépendamment des rai-
fons politiques très puiffantes pour conlerver les
déferteurs parmi les citoyens , ne peut-on pas les
emp loye r utilement ? N ’y a-t-il pas dès moyens
plus efficaces pour prévenir le crime de la défertion
, que de vous priver du travail & des force?
d’un fi grand nombre de citoyens ; il faut punir
les déferteurs fans doute , mais il faut que dans
leur-châtiment même ils foient utiles à l’ é ta t , ôc
fur-tout il ne faut les punir qu’après-avoir détruit
touts les motifs qui les follicitoient au crime ; ÔC
f i v o s foldats n’étoient liés que par leur ferment ;
l i dans chaque régiment ils étoient de la même
province ; fi vous les laiffiez travailler ; li leur paye
devenoit plus fo r te ; fi prefque touts avoient été
é lev és aux dépens de l’état ; fi une partie avoit
déjà leurs pères ou leurs parents au lerviçe , on
feroit bien plus attentif alors à s’oppofer a la dé-'
fertion. O n aurbit moins de compaffion pour ceux
qui deviendroient coupables ; on courroit davantage
à leur faire fiibir les peines convenues ; les
offic iers, lamaréchauflee s’emprefferoient d ’arrêter
& de conduire les foldats affez mauvais fujets pour
défertsr , parce que la pitié ne parle pas pour un
coupable que tout engageoit à rie pas le devenir ,
& qui n’eft deftiné à Tubir qu’un châtiment proportionné
à fa faute. Rendez donc lé fort de vos
foldats meilleur , & qu’alors .lçs déferteurs n’aient
plus aucun a fyle ; s’ils vous quitten t, qu on lçs
arrête par-tout , vo s invalides', les commis aux
ortes , aux b arrières, les payfans , le peuple,
le tte z à l’amende la paroiffe ou vous aurez arrête
un dpferteur, où on aura acheté fes dépouilles ,
où on lui aura vendu des hardes pour fe déguifer.
Commuez au contraire la peine des déferteurs qui
auront été amenés pat des payfans , intereflez
l'humanité en même temps que vous devez punjr
la défôbéiffançe ; les loix doutes , dit M . de Mon-
te fq u ieu , font toujours les meilleures, parce qu’on
s’y réferve les moyens d'augmenter les peines félon
lés cas ; quand elles font trop féyères , on s’y habit
u e , & la m ort fait peut-être alors moins d’impref-
fion que n’en auroit fait là honte. ï ié fe ry e zJ a pa ye
des' déferteurs jufqu’à l’époque de leur remplacement
dans la compagnie où ils fervoient ; ouvrez
une foufcription à toute la nation pour les defer-
teurs ; mettez-les alors en compagnies , faites-les
^availier aux grands chemins, auxdéfféchements,
aux défrichements ; employez les plus forts à piler?
a tourner des roues ; les moins forts , les moins
valides à des ouvrages moins pénibles ; ié rve z-
vous-en à la guerre pour les communications d ifficiles
, l’établiflèment des pon ts , des fours ; fervez-
vous-çn dans ces moments o^ù il faudroit lacrifiër
de braves gens que vous conferverez ; dans ces
çirconftances , rompez les fers des cou pab les , ÔC
donnez-leur les moyens d ’effacer leurs fautes par
leur- bravoure ôc. leur bonne conduite : dans de
grandes-occafions , des naiffaneçs de princes, des
mariages , des v i& o ire s , que le roi permette que
l’ori falîè ceffer les peines de ceux qui fe feront
bien comportés.: / -
E n f in , diftinguez fur-tout les déferteurs en plus
ieu r s claffes ; différemment coupables ,- ils 'n e
doivent pas être également punis.
Faites travailler les déferteurs à tous les'ouvrages
publics , mais rie les renfermez plus dans deux ou
trois villes de g u e r re , à moins que vous n’ay ez
de grands travaux à y faire. Gardez-vous de les
rendre infâmes aux y e u x de leurs concitoyens ;
rç-ndez-les leur utiles , & vous leur donnerez un -
moyen biçn précieux de faire oublier leurs fautes.
Imaginez une manière de marquer fur quelque
partie de fon çorps , d’une façon ineffaçable , le
dçferteur , afin de lé reconnoître s’il récidive.
Ceu x qui déferteroient dans le royaume pour
la première fo i s , fans emporter leurs armés ni
vole r leurs camarades , ni être en fa ft io n , con-i"
damnez-les. à deux .ans de travaux pu b lics; réhabilitez
les , & faites-les fervir quatre ans ; mais
s’ils revenaient à leur corps après trois mois de
fommation , trois mois de corvée , quinze mois
de fer-vice au-delà de leur engagement, mis à la
queue de la compagnie,*
Ceu x qui déferteroient emportant leurs armes ,
ayant v olé , & étant en faéffon , vendus dans les
colonies pour vingt ans , afin d’y faire le fervice
des efclay.es , au moins s’ ils mouroiçnt à la peine ÿ
qu’il? fuffçnt utiles avant leur m o r t, ÔC dimin
u aien t là confommatiçn des nègres.
C eu x qui en temps de paix ou de guerre j>affe-.
roient à l’enn emi; fans yo le r ÔC n’étant pas en
fa ÿ io n , dix ans aux travaux publics , réhabilités
ôc obligés de fervir encere fix ans fans récempenfe,
à moins qu’ils ne les méritent par leur conduite. î.
C eu x qui déferteroient à l’ennemi après avoir,
vo lé , quittant un p o f te , dégradés , pendus.
C eu x qui reviendroient dans l’année de quel-*
cju’endroit que cg f u t , en ramenant d’autres défer-,
teurs , punis par uji an de c o r v ç e , deux ans de plus
dç fervice , leur rang perdu.
C e u x ,q u i reviendroient en temps de guerre
après unmois, de chez l’étrange r, quatre mois de
corvée , vingt mois de fervice.
C eu x qui déferteroient pour la fécondé fois
vendus à perpétuité pour les colonies.
C e u x ’ qui d é ffn çrç iepç dgs travaux publics s
fufiliés.
Voilà bien affez de détails-pour éôririoîtrô quelques
unes des différences infinies qui fe trouvent
entre telle- ou telle défertion, ce feroit à l’ordonnance
à eudéfigneç un plus grand nombre, ôc aux juges à
appercevoir celles qu’on auroit'pu oublier , Ôc à
les juger d’après l’efprit de la loi que l’on donneroit
à ce tu jet. .
Heft temps que je finiffe la tâche que je m’étois
impofée, moins refierré qu’on rie l’eft dans la
compofition d’un mot qui doit entrer dans un dictionnaire
, peut-être aurois-je mieux développé
mes idées ; quoique mes forces fu fient bien peu
proportionnées aux moyens nécetlaires poui traiter
une matière auffi intéreffànte que celle de la défer
t'ron. .Combien cependant j ’aurai lieu de me
féliciter fi j’ai pu offrir des fecours aux réflexions
du Miniftre, ôc de ceux qui concourent avec lui
au bien de la conftitution militaire. D ’ailleurs, en
confignant mes idées dans un dictionnaire, je les
ai fóumifes à l’opinion publique , que l’on ne fçau-
roit trop éclairer , puifqu’elle peut s’oppofer fi
puiffamment aux erreurs ÔC aux taux fyftêmes ; il
faut donc la foutenir cette opinion, il faut l’aider,
afin qu’elle protège les idées qui intéreffent le
bonheur des hommes ; mais que fuis-je, moi, pour
efpérer d’avoir réuffi dans une auffi grande1 ëntre-
prife ! Au moins aurai-je tenté de faire tout le bien
qui dépendoit de mes foibles connoiffances.
Ce feroit ic i, fans doute, qu’il auroit fallu donner
les détails relatifs à la manière dont on pourroit
employer les déferteurs à toute efpèce de travaux
publics, ainfi qu’à ceux nécetlaires à la guerre ;
mais, en premier lieu , ils auroient rendu beaucoup
trop-long le mot défertion. En fécond lieu , je les
aurois tous dûs à M. le chevalier de Cetlac , capitaine
dans Dauphin , infanterie , auquel je fuis
attaché depuis feize ans par les fentimentsde l’amitié'
la plus tendre ; ôc j’aime bien mieux fatisfaire mon
coeur en le nommant , ôc en-indiquant les obligations
qu’on pouvoit lui avoir fur un objet auffi
important; cet officier , déjà connu dans le public
par un excellent ouvrage fur les connoiffances militaires
nécetlaires aux officiers particuliers : ayant
oui parler d’un prix propofé par l’académie de
Dijon, fur la manière la plus avantageufe de fe
fervir des mandiants , avoit tourné tes idées du
coté destravaux publics ; fon ouvrage fut fini trop
tard pour concourir ; dès-lors ü longea à tranfporter
fur les déferteurs les idées qu’il avoit eues pour les
mandiants, ôc il fe propofa d’en faire part au public-
dans les mots déferteurs. ou défertion de-la partie
de l’art militaire dans le nouveau dictionnaire de
l’Encyclopédie méthodique § où il a déjà fourni
plufieurs articles ; mais nous étant revus à Paris ,
je ne fçais par quel aveuglement fur mes foibles
connoiffances, il voulut abtolument que je me char-
geafle des mots déferler, déferteur , défertion, touts
fi fort au deffus de mes forces , ÔC qu’il auroit traités
lui-même d’une manière bien plus intéreffànte , 1
s’il avoit voulu fe donner la peine de tirer parti |
Art militaire. Tome IJ.
des excellents matériaux qu’ il avoit déjà préparés ,
ôc qu’il voulut bien me confier.
Former , avec les déferteurs , fous la dénomination
de pionniers , le plus grand nombre des
individus d’une certaine quantité de compagnies
dans lefquelles, pour les con d uire, les garder, les
d ir ig e r , les commander , veiller à leurs travaux ,
leur nourriture , la réparation de leurs outils , ôcc.
on mettroit un certain nombre d’officiers , de bas-
offi ders , de folda ts, de piqueurs , d’ou v rie rs, ÔCc.
Défigner des ingénieurs ôc des commiflaires aux
routes pour déterminer les travaux & les examiner.
Prouver la néceffité de joindre tant de chevaux
ôc de charretiers à chaque compagnie, ôc donner
les moyens de les faire acheter , pan fer, nourrir ,
cond uire, &c.'
Donner les moyens les plus commodes ôc les
plus économiques pour le campement, le vêtement,
la nourriture , la folde , les malles , là difeipline,
les punitions, les récompenfes de touts les individus
employés. • ‘
A v o ir calculé la quantité de bras uéceffaires
pour réparer les anciens chemins ÔC'en faire de
neufs'.
A v o ir donné T efpoir bien fondé qu’avant peu
de temps on pourroit employer à : creufer des
ca-nsux, délié cher des m arais, défricher des terres ,
ces mêmes bras dont on’ auroit moins befoin pour
des' chemins plus folidement faits ôc mieux réparés.
S’être occupé de l’adminiftration générale des
grandes routes , avoir indiqué les moyens pour fe
procurer les fommes néceffaires pour fubvenir à
toutes: èéS. dépenfes, après les avoir calcules avec
capacité Ôc économie ; tels font les objets ou
plutôt les problèmes difficiles ôc intéreffams que
s~eft propofé M . le chevalier de Ce flac , Ôc qu’il a
réfolus dans l’ouvrage très important qu’il a entre
les mains, qu’il auroit fallu copier tout entier pour
le faire connoître , ôc dont on ne fçauroit trop
s’empreller de faire ufage en le chargeant de l ’ex é -
cution. ( Le chevalier de Servan, major d’infanterie. )
D É T A C H E M E N T . Partie détachée d’un corps
de troupes. * ; .
D é ta c h em en t . C ’eft un corps particulier
de gens de guerre qu’on envoie , ou pour s’emparer
de quelque p o f te , ou pour former quelqu’entre-
prife fur l’ennemi. Ils font plus ou moins corifidé-
rables , fuivant l’objet que le général fe pronofe.
O n envoie auffi des détachements en avant pour
avoir des nouvelles dé l’en n em i, pour vifiter les
lieux par où l’armée doit paffer. Ce s détachements
doivent être compofés dé troupes légères ou de
huffards. Ces troupes doivent fouiller les villages
qui font fur la route de l’armé e, pour s’aimrer
s’il n’y a pas d’embufeade. T o u t officier qui v a
err détachement doit prendre de grandes précau-
fioris pour n’être point enlevé ou coupé. Il ne doit
avancer qu’avec circonfpeéfion , ôc en affurant
toujours fa retraite.
Lés détachements fe font par compagnies , pour
B b