
de Ton condu&eur. Moyfe le fou tint par fefpérance
des fecour& du ciel. Une nuit brumeufe le favo-
rifa : il le mit en marche, 6c traverfa l’extrémité
du lit de la mer que les eaux avoient laiffé à
. fec en fe retirant. Au commencement du jour ,
l’imprudent Pharaon voulut les pourfuivre & prit
le même chemin ; mais les eaux revenant à leur
place, fubmergèrent fes; chars 6c fa cavalerie.
Amalec fut le premier peuple qui attaqua Ifraël.
Les hiftoriens Arabes lui attribuent une grande
puiffance , & il fe peut que les bergers conquérants
de- l’Egypte ayent été la plupart Amalécites.
Cinq rois de ce peuple fe réunirent, dilant, que
ces fugitifs d’Egypte méditaient leur perte, 6c
qu’il étoit prudent de s’oppofer à leurs .projets
dans le principe, avant qu’ils euffent augmenté
leurs forces par des fuccès 6c par la poffeflion dé
villes grandes 6c riches. M o y fe , connoiffant l’importance
d’un premier avantage, n’oublia rien de
ce qui pouvoit animer les llraélites. Il craignoit
pour ce peuple q u i, peu exercé dans l’art militaire
, alloit combattre des nations guerrières. Il
lui rappella touts les bienfaits qu’Ifraël avoit reçus
de fon Dieu , l’entière confiance qu’il devoif avoir
dans le fecours puiffant de la même main qui avoit
brifé fes chaînes. Il choifit les jeunes gens les
plus capables de porter les armes', mit à leur
tête Jofué , homme pieux , prudent, courageux ;
convint avec lui des dilpofitions générales, couvrit
par un corps de troupes l’endroit d’oii il
droit l ’eau, en défigna un autre pour garder Te
camp, donna ordre à ceux qui dévoient combattre
de s’armer de nuit, de manger, 6c d’être prêts
au lignai : il fut donné quand le jour parut. Moyfe,
toujours rempli de follicitude, exhorta le général
à penfer que l’efpérance de la nation repofoit toute
fur lu i , 6c que le fuccès alloit décider fa réputation
6c fa gloire : il excita le courage du foldat,
en lui mettant fous les yeux l’effet de la vi&oire,
le butin préfent, la terreur de l’ennemi, fes champs
ravagés, fes villes mifes au pillage. Jofué marcha
aux ennemis, & yon vit dans cette occalion ce
que peut l’extrême confiance. Les troupes convaincues
que Moyfe n’imploroit point en vain le fecours
de Dieu, repouffoient leurs ennemis tant qu’elles
voyaient fes mains élevées au ciel.; mais leur
courage s’abaiffoit avec elles , 6c l’Amalécite alors
avoit l’avantage. Cependant il fut enfoncé , mis
en fuite, 6c la défaite auroit été totale fi la nuit
n’étoitffurvenue.
Cette journée fut pour Ifraël d’un prix infini :
une bataille gagnée, l’ennemi effrayé , le cou- ;
rage 6c la confiance du peuple augmentés , un
butin immenfe.; beaucoup d’or & d’argent mon-
noyé , des troupeaux, des chevaux, des uften-
files , des armes ; les plus belles furent diffribuées
à ceux qui s’étoient diftingués par leur valeur.
Jofué fut loué par Moyfe en préfence des troupes,
qui joignirent à fon éloge leurs acclamations.
Ce chef du peuple ayant envoyé douze homme?
reconnoître la terre de Canaan , leur donna ordre
d’examiner Tefpèce des habitants, leur nombre ,
leur force ou leur f'oibleffe, la nature de leur fol ,
fa ftérilité ou fon abondance , fes produirions ,
& fi le pays étoit de plaine ou couvert de bois1;
qu’elles en étoient les villes , 6t fi elles avoient
une enceinte de murs.
Ils en firent le tour en quarante jours, & rap<-
portèrent qu’il étoit d’une fertilité prodigieufe ,
mais que les habitants leur avoient paru d’une taille
gigantesque , 6c qu’ils habitoient de grandes villes
entourées de murs. Ce rapport confterna les
Ifraélites. Cependant les exhortations de Caleb 6c
de Jofué , qui étoient au nombre des douze env
o y é s , 6c les menaces de Moyfe , rendirent
quelque ardeur au peuple. Il vint à fon conducteur
, 6c lui dit qu’il étoit prêt à marcher contre
l’ennemi. Mais Moyfe jugeant peut-être que fa
frayeur n’étoit point affez dilîipée refula de les
conduire. Ils marchèrent contre fon avis, 6c les
Cananéens 6c Amalécites étant defcendus des
montagnes, les mirent en fuite. Ainfi l’autorité
du chef s’augmentoit par, les revers même ; la
viâoire avec lui , la défaite fans lui paroiffoit
certaine.
Moyfe envoya demander aux Edomites la liberté
du paffage ; ils répondirent que, s’il le tentoit
ils s’y oppoferoient en armes. Ce peuple étoit
belliqueux. Il occupoit un pays de ,montagnes
qu’il avoit conquis fur les Horites. Moyfe l’évita
& conduifit fon peuple au mont de.Hor, où Arad ,
roi.de Chananaan combattit avéc avantage; Les
Ifraélites ne tardèrent pas à fe vengèr &. détrui-
firent fes villes. Enfuite paffant entre des pays
de Moab 6c d’Ammon, ils vinrent aux Amor-
rhéens , peuple iffu de Canaan , qui tenoit les
Ammonites relégués dans les montagnes.
Le peuple d’ilraël fit demander à Séhon leur
roi la liberté du paffage , en promettant qu’il
fuivroit la grande route, n’entreroit ni dans les
champs , ni dans les vignes , & n’approcher oit
point des puits jufqu’à ce qu’il eut paffé les frontières.
Loin d’y confentir, Séhon prend les armes ,
6c s’avance à Jafer. Il fut entièrement défait, 6c
perdit fon royaume dont il avoit conquis une partie
fur le roi de Moab. Hommes , femmes, enfans,
villes 6c bourgs , tout périt. Séhon fut tué d’un
coup de flèche , ainfi que la plupart des fuyards.
Les Hébreux excelloient à lancer les armes de
je t , 6c comme ils n’en avoient point de pefantes ,
ils joignoient facilement ceux qui fuyoient devant
,eux.U
n autre prince des Amorrhéens, O g , roi de
Bafan, de la race gigantefque des Réphaim, voulut
auffi arrêter les llraélites. Son fertile pays conte-
noit foixante villes fortifiées. Ce fut en vain qu’il
le défendit. Lui 6c fon peuple furent détruits .,
6c le vainqueur habita leurs champs 6i leurs
villes , entre les rivières d’Arnon , & de Jabock ,
qui fe jettent dans le Jourdain.
Les
Les Madianites vivoient alors fous cinq rois ou
chefs, 6c Balak, fils de Zippor, occupoit le trône
de Moab. Celui-ci effrayé à l’approche des lfrae-
lites , affembla les principaux de fa nation, 6c les
princes de Madian , pour délibérer fur ce qu ils
dévoient faire à l’approche d’un peuple qui, fuivant
fon expreflion , dévoreroit ce qui l’entouroit ,
comme le boeuf dévore l’herbe des campagnes.
Le fage Balaam confeilla d’employer d’autres armes
que l’épée , 6c d’envoyer au camp d’Ifraël leurs
plus belles femmes, pour féduire une partie des
Ifraélites , 6c en les attirant au culte des dieux
de Moab 6c de Madian , les feparer de leurs
frères.
Le confeil téuffit pleinement, & Moyfe, pour
en arrêter l’effet, fit égorger vingt-quatre mille des
prévaricateurs. Il envoya enfuite Phinee a la tete
d e douze mille hommes pour châtier les Madia- ,
sixtes. Celui-ci remplit fidèlement fa commiffion:
Les cinq rois perdirent une grande bataille & y
périrent; touts leurs fujets furent tues, les villes
incendiées ; les vainqueurs ne laifserent la vie
qu’aux femmes 6c aux enfants. Ils revinrent avec
un immenfe butin , confiftant en o r , en argent,
-en fer, en plomb, en étain, en une quantité pro-
digieufe de beftiaux. Moyfe courrouce contre les
femmes qui avoient été les inftruments de la fé-
duélion , ordonna qu’elles fuffent égorgées avec
touts les enfants mâles, 6c ne permit de rélerver
que les filles vierges. La'moitié du. butin fut le
partage des vainqueurs, un cinquantième de l’autre
moitié donné aux Lévites , le refte à ceux qui
t i’avoient point eu de part à l’expédition.
Moyfe étant mort, Jofué prit le commandement.
Il envoya du camp de Schittim auprès
du Jourdain deux hommes reconnoître le pays &
la ville de Jéricho. Une courtifanne , nommée
Rahab , leur apprit que les habitants étoient conf-
ternés de l’approche des llraélites. Jofué profita
-de leur épouvante , paffa le Jourdain , dirigea fa
marche vers cette ville , campa devant fes murs ,
6c pendant fix jours fes troupes l’environnèrent
une fois chaque jour. Le feptième , au fon des trompettes
, accompagné d’un cri de toute l’armée, il
attaqua Jéricho 6c s’én rendit maître. Touts les
êtres vivants y furent exterminés, excepté Rahab
6c fa famille, les édifices livrés aux flammes, l’or ,
l ’argent, & les vafes de fer 6c d’airain portés au
trétor du tabernacle.
Jofué envoya reconnoître la ville d’Haï près
de Bethaven, à l’orient de Bethel. On lui rapporta
que deux ou trois mille hommes fuffiroient
pour la détruire ; mais ceux qu’il en chargea prirent
la fuite , & il en périt trente-fix. Une perte fi
médiocre humilia ce peuple auffi facile à s’énor-
gueillir qu’à s’abattre.
Avant la prife de Jéricho, il avoit été expref-
fément défendu de réferver aucun des effets def-
tinés au tréfor facré. Cependant Achan , de la tribu
4e Juda, s’étoit rendu coupable de cette tranfgref-
Art militaire* Tome IL
fioîi ; il fut découvert, 6c avoua fa faute. Auffi-tot
Jofué fit prendre dans fa tente les effets qu il y
avoit enterrés , ordonna qu’ils fuffent portes^ dans
une vâllée voifine, avec touts fes biens , qu’on y
mena le coupable, fes fils 6c fes filles, fes boeufs ,
fes ânes & fes brebis. Là le malheureux Achan
fut lapidé , tout ce qui lui appartenoit confume
par le feu , les cendres couvertes d’un monceau
de pierre, 6c la vallée nommée Achor, ou vallée
du trouble. - /
Après cette rigoureufe execution Jofué marcha
contre Haï. Trente mille hommes d’élite furent
envoyés de nuit avec ordre de s’embufquer a
quelque diftance entre la ville 6c Béthel, du côté
de l’occident. Lui-même, accompagné des chefs-
du peuple fe mit le matin à la tête de l’armée ,
6c fe préfenta devant Haï du côté du nord une
vallée le féparoit des remparts, 6c fa ligne s’éten-
doit vers l’occident. Il avoit encore mis cinq mille
hommes en embufcade entre les deux villes, foit
pour féconder les autres, foit pour attaquer Bethel*
Dès que le roi d’Haï Tapperçut aux premiers
rayons du jou r, il fortit avec fes troupes. Les
Ifraélites, fuivant les ordres de leur chef, feignirent
de craindre, s’ébranlèrent, fe mirent dans
une efpèce de défordre, 6c prirent les chemins
du défert. Les Haïtiens ne doutant pas que cette
fuite ne fût auffi réelle que la première , jettèrent
de grands cris, s’exhortèrent l’un 1 autre , 6c les
pourfuivirent. Lorfque Jofué les v it affez éloignes
de leurs murs , 6c jugea qu’il ne reftoit plus
dans Haï & Béthel un feul défenfeur , il éleva
fon bouclier. A ce lignai les troupes embufquées
fe lè vent, marchent à la ville , 6c y mettent le
feu. Les Ifraélites voyant les flammes 6c la fumée.,
reviennent fur l’ennemi. Ceux-ci étonnés .de ce
changement fubit, confternés de voir leurs villes
en fe u , attaqués en même-temps par ceux qu ils
croyoient vaincus, 6c par les troupes embufquees,
furent tués- jufqu’au dernier. Les vainqueurs marchèrent
enfuite aux deux villes. Lordre etoit de
. ne ceffer d’égorger tant que Jofué tiendroit fon
bouclier élevé , 6c le bouclier fatal ne sabaiffa
que lorfque tout eut péri, tant hommes que femmes,
au nombre de douze mille. Ainfi le chef des Ifrae-
lites, qui en envoyant contre cette ville un détachement
trop foible, s’étoit fie legerement a un
rapport inexaét , tira un grand avantage de fa
faute même. Une fuite fimulée etoit le ftratageme
le plus propre à tromper un ennemi qu une fuite
réelle & récente avoit rempli d’audace, de confiance
6c de fécurité. Le feul qui fut pris 6c conduit
à Jofué fut le roi des Haïtiens : il fut crucifié.
La nouvelle de cette défaite s’étant répandue
dans la Paleftine , touts fes peuples prirent les
armes. Les feuls Gabaonites fentant leur foibleffe ,
recoururent à la rufe. Quelques-uns d’entre eux
prenant des vêtements ufés, déchirés, des outres
percés, des pains fecs 6c prefque en pouffière ,
fe préfentèrent au camp d’Ifraëi, 6c dirent a Jofué»