
B Ê C
Je luis l’envoyé public du peuple Romain : je
viens comme légat juftement St religieulement ;
qu’on ait foi à tnes paroles. ». Enfuite il expofoit
la demande, St prenoit Jupiter à témoin par cette
imprécation : « fi je fuis injufte St impie , en
demandant que ces hommes St ces choies me
foient livrées, à moi envoyé du peuple Romain ,
ne permets pas que jamais je jouifie de la patrie. ».
( Liv. L. i . c.'32. de R. 1 14 . av. J. C. 639. ).
Lorfqu’il avoit paffé les frontières , il répétoit
la même formule 8c le même ferment au premier
habitant du pays qu’il tencontroit, en y changeant
quelques mots ; il la répétoit en entrant dans
la ville principale; il la répétoit fur la place publique.
Si après trente-trois jours, nombre prefcrit
par la lo i, ce qu’il redemandoit n’étoit pas rendu ,
il déclaroit la guerre en ces termes ; « écoute
Jupiter, St toi Junon, 8t toi Quirinus, 8t touts
les dieux du N il, St vous dieux de la terre ; vous
dieux des enfers écoutez : je vous attelle que ce
euple eft injufte, 8t n’aquitte pas ce qu’il doit,
lais nous confulterons les anciens de notre patrie
fur ces chofes, St fur les moyens de recouvrer
ce qui nous eft dû. ».
Alors l’envoyé revenoit à Rome, 8t le roi con-
fultoit les fénateurs l’un après l’autre, à peu-près
en ces termes. « Sur les chofes, les différents,
les caufes dont le pater patratus du peuple Romain
des Quirites, a traité avec le pater patratus des
anciens latins , St avec les hommes anciens' latins,
lefquelles chofes dévoient être données, faites,
acquittées, St n’ont été par eux ni données, ni
faites, ni acquittées ; dis ce que tu opines. ». Le
fénateur interrogé répondoit : « j’opine qu’il eft
jufte de les recouvrer par une guerre légitime 8t
approuvée des dieux : c’eft ce dont je convients, à
quoi je confents. ».
Quand la majeure partie étoit de même avis,
on regardoit la guerre comme confentie ; 8t l’ufage
étoit que le fécial portât aux frontières du peuple
ennemi une halle armée de fon fer ou teinte de
fang, & dit en préfence, au moins de trois habitants
, en âge de puberté : « parce que les peuples
des anciens latins, & les hommes anciens
latins ont agi, ont attenté contre le peuple Romain
des Quirites; parce que le peuple Romain des
Quirites a ordonné qu’il y eût guerre contre les
anciens latins, 8c que le fénat du peuple Romain
des Quirites a opiné, confenti, accordé qu’il y
eût guerre contre les anciens latins ; à cette caufe,
moi 8c le peuple Romain, nous déclarons 8c faisons
la guerre aux peuples des anciens latins 8c
aux hommes anciens latins ; » en achevant ces
mots, il lançoit la hafte contre les frontières. C’eft
ainfi que les chofes réputées être dues par un autre
peuple étoient demandées alors, & les P omains
des iiècles fuivants confervèrent cet ufage.
Sous le confiftat de C. Servilius Ahala, 8c de
L. Papirius Mugilanus , on envoya des féciaux
vers les Yeïensj parce qu’ils avoient fait le ravage
D É C
fur les terres des Romains : ils ne furent pas
écoutés. O n délibéra enfuite fi la guerre feroit
déclarée par l’ordre du p eu p le , ou n un fénatus-
coniulte feroit fuffifant. Les tribuns l’emportèrent,
en menaçant d’empêcher la levée : ils obligèrent
les confuls à porter la délibération pardçvant le
p eu p le , 8c toutes les centuries ordonnèrent la
guerre. ( Liv. IV. C. 30. de R. 32.6. av. J. C. 427. ).
Cependant le fénat déclara quelquefois la guerre
avant de confulter le peuple. Les Samnites ayant
ravagé la Campan ie, 8c méprifé les représentations
des Romains à cet égard ; le fénat en v o y a
les féciaux demander des réparations; 8c comme
il n’y en eut aucune, ils réfolurènt après avoir
déclaré la guerre fuivant l’ufage folemn el, de prendre
incefiamment l’avis du peuple à ce fu je t , 8c
les deux confuls M. Valerius C o rv u s , 8c Aulus»
Cornélius Ç o ffu s , fortirent de Rome avec deux
armées par ordre du peuple. ( Liv. VU. C. 3 2.
de R. 410. av. J. C. 343- ).
O n v o it en d’autres occafions l’autorité du
peuple 8c celle du fénat fe réunir pour déclarer
la guerre. Lorfque les Palepolitains eurent fait des
incurfions dans les campagnes de Falerne 8c de
la Campanie, le fénat en vo y a vers eux des féciaux ,
8t le peuple ordonna la guerre d’après l’autorité du
fénat. ( ld . Vil. C. 22. de R. 426. av. J. C. 327. ) .
11 y avoit auiîi des formalités réglées pour confirmer
les traités. L e plus ancien que l’hiftoire ait
confervé , eft celui que les Romains 8c les Albains
firent avant le combat des Horaces 8c des Curiaces.
Il portoit que celui des deux peuples dont les
combattants refteroient vainqueurs, commande-
roit à l’autre fans oppofition ni trou b le, çum bona
pace. V o ic i les formalités 8c cérémonies qui furent
alors obfervées.
L e fécial demanda au roi Tullus : « ordonne-tu ,
ô r o i, de conclure ce traité a vec le pater patratus
du peuple Albain? » ? L e roi l’ayant ordonné;
le fécial continua : « je te demande, 6 r o i , l’herbe
p u re , (Sagmina » ) : le r o i , « prends l’herbe pure. ».
L e fécial ; « 6 r o i , nie fais-tu légat royal du peuple
Romain des Qu ir ite s , avec ces uftenfiles 8c mes
compagnons. ». Le r o i , « je le fa is , 8c qu’il foit
fait ainfi fans dommage ni pour moi ni p ou r le
peuple Romain des Quirites. ».
Il étoit d’ufage qu’un pater patratus fut constitué
pour faire le ferment 8c le recevoir. L e fécial
étoit Marcus Valerius. 11 fit pater patratus Spurius
F ü fiu s , en lui touchant la tête 8c les cheveux
a vec la v e r v e in e , 8c prononçant une longue formule.
E n lu ite , ayant lu les conditions : « écoute ,
dit-il, ô Jupiter; écoute pater patratus du peuplé
Albain , 8c toi peuple A lb a in , écoute. T e lle s que
ces claufes premières 8c dernières ont été lues
de ces tablettes ou de cette c i r e , fans aucun d o l,
8c telles qu’elles ont été parfaitement comprifes ;
le peuple Romain n’y .manquera pas le premier.
S’il y manquoit le premier par avis public 8c a v ec
d o l; ô Jupiter, frappe le peuple R oma in , comme
D É C
je frapperai aujourd’hui ce porc en ce lieu meme ,
8c frappe-le d’autant plus que tu as plus de force
8c de puiffance : » : il dit 8c frappa le porc avec
tin caillou.
Il n’y avoit que le fénat 8c le peuple Romain
'qui euffent le droit de ratifier un traité avec l’ennemi.
Le général n’avoit que le droit de -ftipu-
lation. Lorîque Pontius eut enfermé l’armée Romaine
aux fourches Caudines, il propofa un traite
à T . Veturius Calvinus, 6c Spurius Pofthumius :
mais ceux-ci dirent qu’un traite ne pouvoit avoir
lieu fans l’ordre du peuple, fans les féciaux 8c-
fans les cérémonies prefcrites. La paix faite en
cette occafion ne fut donc que ftipulee. Elle le
fut par les confuls, les légats, les quefteurs 8c
les tribuns de l’armée. Ils promirent de livrer fix
cents .cavaliers qui dévoient payer de leur tete.
l ’infraftion du pa&e, 8c il fut convenu du temps
dans lequel ces otages feroient remis, 8c larmee
emmenée fans armes. On n’aurcîit eu befoin, dit
Tite-Live, ni de ftipulants, ni d’otages , 8c deux
féciaujç feulement auroient ete necelfaires, dans
un traité" confirmé par l’imprécation du- fage , qui
foumettoit le peuple infrafteur à être frappé par
Jupiter, comme les féciaux frappoient le porc.
(£ iv . L. IX. C. 5. de R. 419. av. J. C. 334. ).
Le même hiftorien fait dire a Pofthumius, devant
le fénat : « le peuple Romain n eft point
engagé par ce traité, puifqu’il a été fait fans fon
ordre. Rien n’eft dû aux Samnites, que les corps :
des deux confuls, auteurs de cette paix. Qu ils
leur foient livrés nuds 8 c enchaînés. Délions le. i
peuple de l’obligation que nous lui avons impo- 1
fée, afin qu’aucune loi divine ou humaine ne
s’oppofe à ce qu’il renouvelle une guerre légitimé..
. . . Je ne prétends point, pères confcripts,
que les promeflès foient moins facrées que les
traités pour les hommes qui refpeéfent les obligations
humaines autant que celles de la religion :
mais je foutient% que ce qui peut obliger le peuple,
ne peut avoir de fanâion que par fon ordre. Si
avec le même orgueil qu’ils ont employé pour
arracher cette promeffe , les Samnites nous euffent
contraints de ftipuîer le don de nos villes ; diriez-
vous , tribuns, que le peuple Romain leur a été
donné légitimement, que cette v ille , ces temples,
ces lieux facrés, ces terres, ces eaux, appartiennent
aux Samnites. Je veux que la fuppofition de
livrer le peuple foit inadmiflïble, dans ce cas où
il ne s’agit que de notre promeffe. Quoi î fi nous
avions promis que le peuple Romain abandonne-
roit cette ville , la brûleroit, n’auroit plus fes loix ,
fes magiftrats, fon fénat, feroit fournis à des rois ?
Que les Dieux, direzrvous, nous foient plus propices
, mais que l'indignité du traitement ne délié
point de la promeffe ? Si elle peut obliger le peuple
en quelque chofe, elle le peut en toutes chofes :
peu importe ; (ce qui peut-être élèveroit des doutes
en quelque efprit ; ) ; peu importe fi un conful, un
tliéfcateur ou un préteur a promis. Les Samnites
D É C i(Sç
, eux-mêmes l’ont jugé ainfi. L a promeffe des confuls
leur a paru iniuffifante : ils ont exigé celle
- des légats, des quefteurs, 8c des tribuns. Q u ’on
ne s’informe donc point de ce que j’ai pu promettre
, puifque ni légats, ni quefteurs , n i tribuns,
ni moi co n fu l, nous n’avions le droit de ftipuîer
une paix qui n’étoit pas de mon refl’o r t , 8c que
je ne le pouvois pour v o u s , dont je n’avois aucun
ordre..........Q u ’a t on tranfigé a v e c v o u s , pères
confcripts, pu a v ec le peuple Romain ? qui peut
vous accufer ? qui fe dira trompé par vous ? fera-ce
l’ennemi ou le c itoyen ? vous n’avez rien promis à
l’ennemi. Aucun citoyen n’a reçu de vous l’ordre
de promettre. A in fi rien de commun entre vous
8c nous à qui vous n’avez rien ordonné , entre
vous 8c les Samnites avec lefquels vous n’avez
point tranfigé , nous feuls leur avons promis :
afièz riches de ce qui nous appartient, livrons nos
corps 8c nos âm e s , qu’ils exercent fur nous leurs
: v en g ean ce s, qu’ils aiguifent leurs glaives 8c leur
colère......A llo n s , V eturiu s, 8c vous qui promîtes
avec n ou s, allons racheter de ces têtes viies notre
garantie , 8c que notre fupplice rende libre les
armes romaines. ». L e fénat 8c les tribuns du
p eu p le , approuvant les raifons de Pofthumius,
8c admirant ces généreux citoyens , les firent conduire
au camp ennemi ; ou les féciaux les livrèrent
nuds 8c les mains liées derrière le dos au chef
des Samnites. Celui-ci les ren vo y a lib res, 6c la
guerre fut continuée.
Cependant ces deux peuples firent quelquefois
la guerre fans déclaration. Les OEginetes fiers de
leurs richeffes , 6c depuis longtemps ennemis des
Athéniens leur firent la guerre fans déclaration
, ( cutYipvKTov ). ( Hérodot L. V. C. 8 1 .) .
Craffus entra dans le pays des Partîtes , fans leur <
avoir déclaré la guerre , 8c répondit aux envoyés^
par lefquels Orodes lui fit demander les caufes
de fon irruption , qu’il les diroit dans Séieucie.
Alors un des Partîtes , frappant de fa main droite
la paume de fa gauche ; « il naîtra là des poils ,
dit-il , avant que tu fois à Séieucie. ». ( Dio. L.
XI. p. 143. A . B. ). Cæfar , ayant vaincu les
Japydes , entra fur les terres des Pannoniens ,
fans avoir reçu d’eux aucune in ju re , mais feulement
pour exercer fes trou pes, 8c les faire fiib-
fifter aux dépens d’autrui ; regardant comme jufte
ce que le plus fort pouvoit contre le plus foible.
( ld. L. XL1X. p. 472. A. ).
Dans le moyen â g e , les déclarations de guerre
étoient faites par des héraults, 8c on trouve auffit
dans nos hiftoires que cette formalité a été quelquefois
négligée. Aujourd’hui elles fe font par un
manifefte que la puiffance qui déclare la gu e rre,
envoie à celle qu’elle v a attaquer, 8c à toutes
les puiffances de l’Europe. V. D r o it m il it a ir e .
M a n if e s t e .
D É C O M P T E . Bordereau portant dédu&ion
des a v an ce s , 8c retenues furies appointements 8c
•émoluments dus. O n fait le décompte à une troupe ,