6. S i , pour me punir, on m’impofoit aujourd’hui
l’obligation de m’acquitter d’un de mes devoirs,
je changerois peut-être de manière de penfer &
d’agir; je ferois demain avec négligence & même
avec répugnance , ce que je faiiois hier avec zèle
& même avec plaifir. T e l eft le coeur humain.
7. Quand il s’agit des grands crimes j le juge
militaire d o it, comme le juge c iv il, décider feulement
fi l’accufé a mérité dé fubir la peiné' portée
par la loi : quand il Vagit des fautes légères-,' le
militaire , devenu cenfeur, peut avoir égard à la
conduite que le foldat a menée antérieurement.
8. Si les premiers châtiments militaires étoient
cruels , que feroient donc les plus élevés ? ils
feroient barbares : fi 'lè sj plus grands châtiments
étoient barbares , les r punitions dêviendroient
atroces : & pour punir les grands crimes1, Il-fàui
droit recourir aux derniers ràfinèments de la frience
des tyrans. Quand les châtiments font trop févères,
l’homme qui, même à fon infçu, calcule toujours ,
fe ‘décide aülfitôt à'commettre le crime j que la
faute : le juge ne prononce qu’avec une répugnance
e x t r ême e n f i n la roue ne fait pas. une
plus grande imprefljon que les verges.
' 9: Plus le châtiment eft prompt & voifin de la
faute , plus il eft jufte , plus il le paroît, & plus
i l eft utile ; il eft jufte , parce qu’il fauve-le coupable
de l’incertitude ; il le paroît aux yeux du
coupable & aux yeux des témoins de 1 fon châtiment
, parce que le fouvenir de la faute eft
préfent à leurs yeux ; il eft utile , parce que moins
il s’écoule de temps entre le châtiment & la
faute , plus l’idée de ces deux objets le lie intimement.
Pourquoi les peines terribles, dont nous
Pommes menacés par la religion, ne font-elles pas
fur notre efprit toute l’imprelfion qu’elles de vr oient
naturellement y faire ? C ’eft qu’elles ne doivent
nous être infligées que dans un temps que nous
regardons comme très 'éloigné.
îo. La certitude d’un châtiment modéré , fait
une plus forte impreffion que la crainte d’une peine
févère jointe à l’efpérance de l’éviter. Les exemples
d’impunité que la faveur ou la foihleffe arrachetft
fouvent, font donc les plus grands fléaux de l’état
militaire.
1 1 . On a prouvé fi fouvent que les châtiments
dévoient être proportionnés aux fautes, que nous
nous difpenferons d’en rapporter de nouvelles
preuves.
12.. On a été, fans doute , étonné de nous entendre
dire que les châtiments dévoient étire arbitraires
, nous, qui répétons fans celle , qu’on
doit bannir de l’état militaire tout pouvoir de ce
genre. Expliquons ce mot arbitraire. En difant que
les châtiments doivent être arbitraires, nous avons
entendu que la loi devoit fixer relativement à
chaque faute , le point de l’extrême rigueur &
celui de la plùs grande douceur , & laiffer au juge
la liberté de parcourir les échellons compris entre
les deux extrémités de cette échelle. Cette idée
! flous a été fuggérée par les fçavantes diflertations
d’un magiftrat d’une de nos cours lbuveraines ,
( M. Roedrer, conseiller au parlement de Metz.).'
Elle a été fortifiée par la comparaifon que nous
avons faite du code criminel militaire des Anglois ,
avec leur code criminèl civil.
En Angleterre, le code civil prévoit toutes les
fautes , toûts les délits & touts les crimes ; & il
détermine le châtiment , la punition & la peine
que le coupable doit fubir ; , tandis que le- code
criminel claffe feulement les fautes, les délits1 &
les crimes , & làifle1 les châtiments , les punitions
& les peines à l’arbitraire des officiers. Il eft vrai
que cet arbitraire eft modifié par une inftitution
très fâge, •& bien faite-pour être adoptée par touts
les légiflateurs militaires. C ’eft toujours un confeil
de guerre' général compofé de treize perfonnfes,
qui inflige les peines ; un confeil rëgimental compofé
de cinq officiers , qui ordonné' les punitions,
& un confeil - compofé de trois juges, qui condamne
aux châtiments.
Après avoir juftifié les principes que nous avons
pofés-fur les châtiments militaires, i f nous refte
a examiner fi. le châtiment appelle confions, eft
conformé à ces principes. *
Examen du châtiment appelle configne.
Le châtiment de la configne riz pas les mêmes
inconvénients que celui de là fallede difcipline &
de la prifon. J’ai interrogé fouvent des foldats de
bonne foi, à qui j’ayois connu jadis de la probité
& de l’honnéur : ils m’ont touts dit : c’eft en prifon
ou à la falle de difcipline que j ’ai perdu le peu
de vertu que j’avois ; c’eft la que j’ai appris à
tromper la Surveillance de mes bas-officiers, &
à induire, mes officiers en erreur ; c’eft là que j’ai
fait le complot qui m’a conduit a la chaîne : aflurés
que le bruit des clefs nous avertiroit de la venue
dé nos géoliers, nous formions hautement des
projets funeftes, où nous 110ns livrions publi-
quèment aux excès les plus condamnables. J’étois
fans guide, fans furveillans , & environnés d’hommes
dont' fes féntiments 'étoient corrompus , & les
moeurs dépravées, comment la probité & l’honneur
n’auroient-ils pas été bannis de mon ame ?
Le foldat configne eft au contraire fans ceffe fous
les yeux de fes bas-officiers, des vétérants & des
appointés ; vivant éloigné du cabaret, des femmes
perdues, de fes compagnons de débauche, ayant
fous les yeux de bons exemples, il contraâe peu-
. à-peu fhabitude d’une conduite régulière ; & l’on
fçait quel eft le pouvoir de l’exemple & celui de
l’habitude : en un mot, lorfqu’il redevient libre, il
eft meilleur qu’au moment où il a perdu fa libertés
Perdre fa liberté eft une punition grave, mais
cette perte n’eft que momentanée, quand on a
toujours fes camarades avec fo i , quand l’endroit
où l’on eft obligé de refter, eft .celui où l’on vit
ordinairement, la peine qu’on éprouve eft infiniment
allégée.'
Le
L e foldat confignê eft obligé de faire les corvées
de fa chambrée ; a in fi, touts ceux qui fe mettent
à l’abri de cette punition font réellement récom-
penfés.
L e foldat confignê mange à l’ordinaire ; il a la
même ration que le refte de fes camarades ; il-
couche dans fon lit : fon phyfique ne peut fouffrir
de ce châtiment.
L e foldat eft confignê, l’officier & le bas-oflîcier
font mis aux arrêts ; ces deux châtiments ne diffèrent
que par le nom ; le foldat n’eft donc point
a vili par le châtiment de la configne : ne devroit-
on pas faire encore difparoître la différence des
noms ?j..
Nous avons prouvé dans l’article c o n g é ; nous
démontrerons plus évidemment encore dans l’article
d u e l , qu’il ne faut jamais mettre le fervice
militaire au rang des punitions, puifque les corvées
n’ont jamais été regardées comme un fe rvice ,
& que l’exercice a toujours paffé pour une inf-
truélion : la configne ne contrarie point notre
fixième principe.
L e bonnet de p o lic e , la guêtre ou les bas de
deux couleurs différentes, font connoître à tout
un régiment, quels font les foldats qui ont mérité j
d’être confignés : cette punition eft donc publique.
Un mot d’un bas-officier fuffit pour çonfigner
•un foldat : cette punition peut donc être prompte
& voifine des fautes.
C e qui rend les châtiments incertains, c’eft leur
extrême févérité : toutes les fois que je me crois
■ obligé d’en vo y e r un foldat en prifon , ou de lui
infliger quelque punition grave , je cherche à ex-
cufer le cou pab le, & à éluder la loi. Qu and les
<hâtiments font légers, je fuis toujours jufte , parce
que l’humanité & la juftice ne fe combattent pas
dans mon coeur.
Comme on peut çonfigner un foldat pendant
un feul jour , pen dant.quinze, & même pendant
deux ou trois mois , on a la facilité de proportionner
le châtiment à la faute.
D ’après tout ce que nous venons de d ire , la
difcipline militaire doit des remerciments à celui
q u i , le premier, a imaginé de punir les foldats en
les confignant. Elle en devra de même à touts ceux
qui , .comme le créateur du châtiment de la configne
, placeront quelques nouveaux degrés dans
1 échelle des châtiments ou des punitions ; car il
eft très effentiel d’éloigner les peines capitales.
L ’hiftoire de touts les peuples prouve en effet que
ce n’eft point la févérité des châtiments qui diminue
le nombre des fau tes, mais la jufte proportion
entre les fautes & les châtiments ; que
ce n’eft point la cruauté induftrieufe des bourreaux
qui rend les délits rare s , mais la certitude
q u ils feront punis ,* que ce n’eft point enfin l’atrocité
des'peines , mais leur duree & leur publicité
qui les rend efficaces. ( C ) .
C O N T E U R . Voye^ C o r p s -p e -g a r d e .
C O N T R E -A P P R O C H E S , lignes ou tranchées Art militaire. Tome 11
que font les affiégés pour/venir attaquer les tranchées
des affiégeants.
L a ligne de contre-approches eft une tranchée
que font les affiégés, depuis leur chemin-couvert
jufqü’à la droite & à la gauche des attaques , pour
, découvrir ou envelopper les travaux des ennemis.
O n la commence à l’angle de la place d’armes de
-la demi-lune qui n’eft point attaquée , à cinquante
ou foixante toifes des attaques ,& . on la continue
auffi loin qu’il, eft nécèffaire pour v o ir l’ennemi
dans fes tranchées & dans fes lignes. C e tte ligne
doit partir précifément du chemin-couvert & de
la demi-lune, afin que fi l’ennemi vient à s’en emparer
, elle ne lui foit d’aucune utilité. L e gouverneur
enverra fouvent pen'dant la nuit , au
moyen de cette lig n e , des partis de cavalerie ou
d’infanterie, pour faire .quitter aux travailleurs
leurs poftes , & enlever fi l ’on peut les ingénieurs
qui conduifent les travaux. ( Savin , nouv. écol.
milit.^p. 280.).
Les contre - approches font peu emp loyé es ,
parce qu’elles deviennent trop dangereufes en
s’éloignant de la place. M . Gou lon propofe au
lieu de ces lignes , de placer pendant la nuit une
rangée de tonneaux ou de g abions, en s’avançant
dans la campagne à la diftance de 30 ou fo pas
de l’angle Taillant du chemin-couvert de la demi-
lune collatérale de l’attaque afin de pou voir le
matin enfiler la tranchée de derrière ces tonneaux.
Mais pour faire cette m anoeu vre, il faut que l’ennemi
n’ait pas de batterie tournée de ce côté-là ; autrement
il culbuteroit a v e c fon canon toute cette ef-
pèce de ligne. On remplit ces tonneaux ou gabions
de matière combuftible pour être en état de les
brûler lorfqu’on ne peut plus les foutenir , & que
l’ennemi v ien t pour s’en faifir. Ce lu i qui eft le
plus près de la paliffade du chemin-couvert, en
doit être au moins éloigne de la longueur d’une
hallebarde , afin qu’il ne puiffe y mettre le feu.
M. le chevalier Folard d i t , dans fon traité de
la défenfe des plaées des anciens , qu’il n’y a aucun
exemple formel des lignes de tontre-approches
depuis le fiége de Belgrade par Mahomet I I , en
1456 , c’eft-à-dire , depuis environ 3Q0 ans. C e pendant
elles ont été employées fort utilement
au fiége de B e rgopzoom, en 1622. Fritach le rapporte
en ces termes dans fon traité de fortification :
A u fiége de Bergopzoom il y avoit quantité
de contre-approches d’où les affiégés incommodèrent
tellement l’en n em i, qu’il ne s’en pouvoit approcher
que d’un pied ; outre qu’ils avoîent avancé
dans la campagne toutes fortes d’ouyrages extérieurs
, par le moyen de fqù els, comme auffi du
fecours , les Efpagnols furent contraints de quitter
le f iè g e , & c . V o ilà évidemment les contre-approches
en ufage depuis Mahomet II. Il y a grande apparence
que cet exemple; n’éft pas le feul. Mais quoi
qu’il en f o i t , fi T o n eft en état de foutenir une
ligne de contre-approches, on le fera encore davantage
de faire de bonnes forties qui pourront faire plus
M