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diftinéte de l’éloignement des différents objets ;
il eft «bligë, pour tracer l’ordre de bataille , de
le fervir de quelque main étrangère. Et qui lui
répondra qu’une copié de fon plan ne fera point
envoyée à l’ennemi, avant même qu’il l’ait communiqué
aux officiers-généraux qui doivent le
faire exécuter ? D ’après cela, on peut juger combien
l’art du deiîin eft utile. Nous ne demanderons
cependant point au général de deffiner .avec l’élégance
d’unartifte : il.fuffit qu’il deffine.ayec cor-
reétion le plan à vue d’oife.au ; c’ëft le plus aifé,
& le plus" utile aux militaires.. Voyeç GO.NNOis-
SANCES MILITAIRES^
§. X I I.
De l'art d'écrire & de varier, '
Le général eft obligé d’entretenir une. correspondance
fuivié ' avec le prince &. les mîmftres i if
doit leur fendre ùn compté exaét "dé. fes.’ opérations
; il eft forcé d’écrireXàjdés Souverains,, à des
miniftres, & à des* magiftrats étrangers ; il a befoin
de diéter des ordres généraux, cç. de donner par
écrit des ordres particuliers, j ‘ fi dans toutes^ ces
cirQ.bpftfinc.es- il n’écrit pà|lpurement> fa langue , ff
fôn ftyTe rie reii.nit pas.rlâ^fx^pTiçité,. là, clarté jdé
çoncifton ^d^ériergfê ,.fes dëpêcbes & fes ordres,
peuvent n’être point enfé:ridus ôu donner lierià des
équivoques funeftés. O rd re . ). Une bonne,
traduétion des commentaires de Cæfar ferort le
modèle , d’après' lequel le commandant d’une !
armée, devroit former fon ftyle ; i l ‘appr.èndroit
danS'Cet ouvrage & â .vaincre à fendrecompte
de fes viéïoires. .
Il ne ïùffit pas au général de fçàvo'ir bien écrire :
41 doit encore lçavoir s’énoncer avec facilité ; il
doit ' s’êtrë accoutumé dé bonne heure à parler
en public. Veut-il ramener fesfoldats à une attaque
dont ils ont été repouffés ; les faire rougir de la
conduite qu’ils ont tenue dans le dernier combat ?
Veut-il calmer une émeute, appaifer une fédition ?
Dans toutes ces circonftances s’il” s’exprime avec
facilité : s’il fçaitfe conformer aux lieux, aux temps,
& à. la difpofition des foldats , il.ne peut manquer I
de faire fur eux les impreffions les plus fortes. Nous
renvoyons au mot harangue les règles & les exemples
relatifs à cés.divers objets.
Indépendamment des avantages que le général
d’armée retire de l’éloquen,ce pour animer ou rendre
le courage à fes troupes, il eft une infinité de
circonftances où il lui eft néceffaire de parler avec
force , de s’exprimer avec grâce ; en un mot.,
d’inftruire , de plaire & de toucher. Il a ouvert
.dans le confeil de fon prince un avis utile ; comment
fans éloquence perfuadera-t-il fon maître?
Comment parviendra-t-il fans le don de la parole
a ramener ; à fon opinion'des hommes froids . &
.timides ou mus, par des motifs moins purs que les I
fiens. Ûart de la parole lui eft encore néceffaire *
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dans, les cohfeils qu’il tiendra lui-même ; mas cët
art lui eft indifpenfabfe s’il a jamais à traiter avec
des fouverains...étrangers , ou des puiffances confédérées
, qui par timidité ou par des intérêts contraires
à ceux du prince qu’il fert, n’ofent tenter
quelque opération importante à la caufe commune.
En 1704, le duc de Marlbourough convaincu du befoin
de voler au fecours de l’Allemagne, dévaftée par
les Bavarois & les François réunis, propofe aux députés
Hollandois de conduire promptement l’armée
des alliés au fecpurs de l’empereur. Les pouvoirs
■ des députés ne s’étendent point auffi loin ; ils fe
retirent & rendent compte à leurs hautes puiffances
des propofitions de Marlbourough. Les états-généraux
après avoir employé un jour entier à débattre
cette opinion finiflent par ne vouloir point l’adopter ;
cependant on convient d’en conférer en plein confeil
avec le général'.1 Le duc fe préfente ;il fait une
peinture fi vive dès fcènes tragiques, dont l’Allemagne
eft le théâtre ;,il décrit d’une manière fi
vraie les .maux., prêts à innonder l’empire , qu’il
émeut les coeurs de ces inflexibles républicains. Il
montre; fi évidëmment l’opération qu’il propofe
comme le feul moyen, d’arrêter les. progrès des
François &. d,es Bavarois , ôc d’empêeher la.Hol*
lande & le: nefte de l’Europe, de fuccomber fous
les efforts, de. ces deux peuples .réunis,, quai commence
à perfuader les états.- généraux. Mais, les
ennemis font aux portes de leurs provinces , leurs
villes vont être dénuées dé fecours par l’éloignement
des troupes, qui font leur fureté , les Hollandais
balancent encore; alors le duc s’exprime avec
tant d’éloquence' & .de force ; il leur fait voir fi
clairement qu’ils n’o.nt rien à redouter , couverts
comme ils.le font par la Gueldre Efpagnole, &
les conquêtes qu’ils ont faites daris les campagnes
précédentes; qu’ils fe rendent, &~q?rient même
Marlbourough de former le plan de la campagne
d’après fes vues & fes projets. Nos faftes auroient-
ils tranfmis à nos neveux les malheureufes journées
de Ma’lplaquet, d’Oudenarde & d’Hochtedt , fi
Marlbourough n’eût eu le don de parlèr avec
force ; s’il n’eût été aiiffi éloquent, que bravé , auffi
bon orateur que général habile ?' ;
§ . X I I I.
Des fciences phyfiques.
Parmi les connoiffances utiles au général d*af mêeÇ
nous cçmpterons ’»t partie de l’aftronomie qui en-
féigne à fecohnoître le ciel ; il peut fe trouver des
circonftances où cette connoiffance lui fôit de
quelque fecours. Les deux Indes n’ont-elles point
des déferts, des forêts immenfes où les hommes
n’ont jamais pénétré, où il ne refte au moins'aucune
de leurs traces ? Comment guider alors durement
une armée fans la connqiffan.ce de cette
partie de l’affronomie ?
, Le général doit c.onnoître encoçe la durée des
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jours & des nuits pour calculer d’après ces con-
noiffances des opérations , dont laréuflire dépend
du moment de l’arrivée & de. celui de l’attaque.
Combien ne poUrrions-ndus pas citer de furprifes
qu’une erreur de calcul, à cet égard , a fait échouer.
11 peut être auffi utile au général de connoître
l’heure du le ver , du coucher de la lune ; & de
fçavoir prognçftiquer le temps qu’il fera le ; lendemain.
Il veut tenter une furprife , un brouillard
épais lux eft avantageux pour maiquer fa marche ;
habitué à reconnoître, à deviner fi la matinée
fuivante lui fera favorable ou contraire , il hâte
ou retarde les. préparatifs de faq attaque. Les vents
qui régnent dans une contrée quelconque , l’heure
à laquelle ils fe lèvent j leurs variations, tout cela
peut influer fur les opérations' du général ; tout
cela doit lui être connu, ■
Les connoiffances ptiles -en çhymie & en minéralogie
Se bornent à ce qui regarde la poudre ,,
fa fabrication, fes effets ; les méjtaux qu’on emploie
dans la fonte des canons & des boulets : le général
inftruit de ces détails , courra moins fouvent le
riftflie d’être trompé par les fubalternes.
Telles font les .connoiffances néceffaires aux
gené/aux. Toutes celles dont nous n’ayons pas parlé.,
ont Paru devoir être rangées dans la clalle des
connoiffances agréables ; & nous croyons devoir
répéter que le commandant en chef d’une armée, ;
rie doit le permettre de s’occuper de c e lle s - c i,
que lorfqu’il e ft , inftr uit des pi entières : convenons
en même, jaous aimerions bien mieux entendre
un général décider .brufquement comme
Pyrrhus., que Poliperchon eft à fon avis - le plus
vaillant des capitaines, que de- le v oir s.’érigeren)
juge des talents d’un aéteur , ou même d e là
beauté d’un paffage de mufique , de la hardieffe
du cifeau de Phidias , & de l’affu rance du pinceau
d’Apelle. Les beaux arts , je .le fçais, adouciffent
les moeurs de l’homme, ilsembelliffent la demeure,
ils ajoutent à fes plaiffrs , ils-charment fes peines. ■
Que le citoyen qui- ne répond pas de l’emploi de
tout fon temps à lafociété ., les .cultive avec ar-
.deur ; je.le loue., je l’admire ; mais celui qui afpire ;
a commander, les armées, doit le plus fouvent fe i
delaffer d un travail,utile par un travail utile. Il
vient de s’occuper d’un ouvrage militaire dont la
leélure a laffé fon attention ; qu’il l'ife un bon historien
, & bientôt fon, efprit aura repris fa première
activité ; qu’il,réfléchiffe après avoirflû , qu’ftécrive
après avoir réfléchi jamais l’ennui, ce mortel
ennemi du bonheur, ■ n’ofera s’approcher de lui :
chaque jour il acquerra quelques-unes des qualités
heureufes dont nous allons nous occuper.; & -elles
répandront l’éclat le plus v if fur les talents dont
il aura été doué , & fur les connoiffances dont il
aura enrichi fon efprit.
Des qualités en général.
On parle rarement dans le monde des qualités
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du guerrier, & l’on s’entretient fans cefle de leurs
talents. Qu’on n’imagine cependant pas que les
talents & les connoiffances puiffent, fur-tout dans
le général d’armée, fuppléer aux qualités morales &
phyfiques. Ce n’eft qu’en réunifiant beaucoup de
qualités heureufes avec un grand nombre de connoiffances
étendues-, qu’il peut efpérer de fixer la
victoire fur fes tracés', & de voir , dans le temple
de mémoire , fon bùfte couronné d’un laurier toujours
verd. /
On 11 a pas fait -petit-etre fentir affez vivement
aux généraux que leur conduite publique , leur vie
privée ; leurs aérions & leurs paroles influoient de
rla manière la ,plus forte , fur leurs fuçcès & fur
leur gloire ; on ne-leur a pas dit affez fouvent que
ne pouvant échapper à la ren om m é e& devant
feryir de modèle- à- un nombre immenfe de guerriers,
fournis à leurs ordres ,'ils ne peuvent impunément
avoir-des vices , 'dés'défauts , ni peut-être
des imperfeéhons ; on leur à trop répété , au contraire
, qu’on leur tient compte des plus ’petites
vertus, & qu’ils n’ont qu’à vaincre pour tranfmettre
glorieufement leur nom à la poftérité. Généraux ,
plus le rang, que vous occupez ‘eft élevé, plus
1 armée; que vous commandez eft nombreufe , pltis
votre naiftance eft illuftre , & plus on vous juge
feveremeni. Aucun de vos défautsrie nous échappe,
vous avez beau vous environner de votre grandeur
, on fçait vous en dépouiller pour percer
jufqu’à l’homme. On peut, il eft vrai, céder à la
crainte des légions que vous commandez ; on peut
etre retenu par la faveur dont vous jouiffez ; on
-peut pendant qüë vckis exercez une grande autorité
ne vous rien cont-éftèr ; ôn peut applaudir même
à jv.os vices de à vos travers. ; mais l’hiftoife qui
-n a à redouter ni votre puiffance ni vos armes,
ou laiffera votre nom dans l’oubli, ou le couvrira
d’un opprobre éternel ; comme elle eft jufte , elle
.confignera vos viétoires dans fes faftes ; mais par
Ja peinture de vos vices , elle répandra-1 fur vos
triomphes des nuages qui en terniront , & peut-être
même en feront difpàrôîîre l’éclat. En vain attribuerez
vous à votre prudéhëe ou à votre valeur
des fuccès qui furent l’ouvrage de vosfubordonnés ,
bientôt le plâtré tombera, on rie verra plus le nom
du roi d’Egypte , mais celui de l’architeéfe du
Phare. -Vos vices vous feront perdre la confiance
de votre maître , l’eftime de la nation, & l’amour
de vos foldats. Vos défauts fourniront des prétextes
& dés'armes à vos envieux:; les ennèmis de l’état
que vos vertus auroient amenés à vos pieds , feront
les plus grands'efforts pour 11e pas fe laiffer enchaîner
par un homme plus dangereux par fes paf-
fiôns après la viéloire , que par fes armes fur le
champ de bataille. Oeft'ainfi que la cruauté de
Cliffon , & du célèbre duc d’Albe , l’avarice de
Craffus , la hauteur de Lautrec & de Trivulce ,
multiplioient fous leurs pas le nombre de leurs
ennemis , tandis que les vertus de Scîpion l’Africain
contribuèrent à fes viétoires autant que fon