
dji monde aux ennemis pour les découvrir, & afin de faire fauter les batteries qu’ils y auroient
établies.
Lori'qu’une place n’a qu’un feul front par. où
elle puilfe être attaquée, il eft bon de faire travailler
par avance aux coupures, que l’on garnit
en fui te de canon de fe r , ôc des autres dont les
lumières ont commencé à s’évader, Ôc qui, ne fe
trouvant plus en état de tirer plufieurs coups de
fuite, ne fçauroient férvir dans un autre pofte, •
La terre néceffaire pour touts ces ouvrages fe
tire de la cunette qu’on ouvre dans le foffé, ou
du fôffé même , fuppofé qu’on ne juge pas à
propos de la prendre dans quelque autre endroit
où elle pourroit faire faute aux ennemis pour la
conftruétion de leurs batteries ôc de leurs tranchées
: comme eela peut arriver dans un terrein
où , pour peu que l’on creufe , on trouve d’abord
le roc-ou l’eau , lorfque la place eft fituée fur
quelque grand penchant, on a coutume de tirer
la terre de quelque petit avancement extérieur
qui le trouve dans ce talus, ôc qui pourroit retenir
les ruines de la muraille , ce qui ferviroit à rendre
plutôt la brèche acceftible.
• S’il n’y a pas un nombre de puits ou de citernes
dans la place, on les remplit entièrement avec
de F eau qu’on fait tranfporter des environs , afin
de n’en pas manquer , fuppofé que les pluies n’en
donnaffent pas affez. On couvre l’ouverture de
ces puits ÔC de ces citernes avec des chevalets
faits de greffes planches , de manière que lés
pompes ne puiffent'pas s’y détenir deffus.
Si les magafins de la place ne font entièrement
à l’épreuve de la bombe, on diftribuera les vivres
& les munitions à un grand nombre de magafins,
afin de-ne pas perdre d’un feul coup une trop
groffe quantité de ces provifions.
Quoique le magafin de poudre foit ordinairement
à l’épreuve de toutes fortes de bombes, je
ne voudrois pourtant pas qu’on mît toute la
poudre dans un feul magafin f à caufe du danger
des écFairs, qui la cherchent, ainfi que l’expérience
nous le fait voir : j’en donnerois volontiers la
raifon, en difant que c’eft par une fympathie du
foufre, fi je ne craignois qu’une troupe de physiciens
modernes ne s’élevât contre moi.
Les voûtes des magafins, qui ne ffont pas affez
fortes, s’étayent avec de groffes planches appuyées
au haut de la voûte , & foutenues par de forts
étançons de bois de chêne ; on les couvre de
fumier Ôc de fafcines , & l’on jette un peu de terre par - deffus : de cette manière, la bombe
ne fçauroit écrafer la voûte par fon poids-, ni
communiquer fon feu aux fafcines. On doit pratiquer
la même chofe par rapport au magafin des
armes, lefquelles on doit faire raccommoder ÔC
les mettre en bon état de fervir.
* Si le front d’une place , qui répond à une
rivière, un la c , ou à la mer, eft foible ôc peut
..être battu, on plante dans ces eaux un double
I
rang de gros pieux , qui entrent fix ou fept pieds
en terre,, Ôc dont les têtes font à fleur d’eau, afin
que les ennemis, avec leurs chaloupes, n’abordent
pas, à la brèche.
Pour empêcher qu’ils ne puiffent arracher cette,
paliffade avec des cordes ôc des cabeftans qu’ils
porteront fur ces mêmes chaloupes , on placera
quelques canons ôc quelques pierriers dans un
pofte d’où cette paliffade .foit découverte ; on la
loutiendra aufti par des retranchements de fufiliers
ôc de moufquetaîres.
Je fuppofé que vous fournirez la place d’une
quantité îuffifante de'piquets, de pelles, de hottes
ôc d’outils de mineurs ; je fuppole encore que fi
fon fol eft de roche ou de fable, vous y ferez
tranfporter beaucoup de terre Ôc un grand nombre
de facs , de gabions, de tonneaux, de fafcines ÔC
de piquets pour les coupures , & pour réparer les
parapets.
J’ai déjà dit qu’il faut prendre dans les lieux
voifins des matelats ôc des facs de laine, qui
fervent à ce même ufage , & pour lés hôpitaux,
qu’on doit, autant qu’il eft pofîible , établir dans
des édifices à l’épreuve .de la bombe ou hors de
fa portée , ôc les pourvoir de bons médecins s
chirurgiens, médicaments , ôc de toutes les autres
chofes nécèffaires. -
On a befoin de beaucoup de fafcines goudronnées
pour voir les ennemis dans le foffé, ôc d’une
quantité de barils de poudre , avec une fufée a
un des fonds , pour les jetter par la brèche contré
ceux qui fe difpofent a" y monter : il faut aufti,
pour la même fin, quelques barriques chargées de
poudre , de bombes ÔC de grenades. Quelques-uns
veulent qu’on les mettent fur des roues > afin
qu’elles roulent plus facilement par la brèche.
Les places bien fortifiées s’approvifionnent ordinairement
pour quatre mois contre une attaque
de vive force , c’eft - à - dire pour trois mois de
défenfe , à compter du jour que les ennemis ont
occupé les avenues, & pour un mois de provifions
de réferve, de peur que, faute de provifions,
l’afliégeant ne prétende que la place fe rende à
difcrétion.
Quand la place fe prépare à foutenir un blocus,
à caufe que fa fituation avantageufe ne l’expofë
pas à un fiège , on doit y faire entrer autant de
vivres & de bois qu’elle peut en contenir, quelques
moulins, Ôc des chevaux ou des boeufs pour
tourner les meules ; du fourrage pour ces animaux
!
& pour ceux qu’on deftinera à changer d’un lieu
à un autre l’artillerie , les provifions des magafins
ruinés par lès bombes , la terre ÔC tout- ce qui
eft néceffaire pour les coupures , en cas que le
blocus fe changeât en un fiège : je fuppofé qu’on
fera aufti une bonne provifion de fourrage pour
la cavalerie ôc pour les beftiaux qui doivent fervir
pour la nourriture de la garnifon ÔC des habitants.
11 arrive quelquefois qu’une armée peu forte,
après avoir fait d’inutiles efforts pour prendre une
place trop bien fortifiée, en réduit le fiège à un
blocus : dans ce c a s , fourniffez-la d’une affez
grande quantité de provifions de bouche & de
guerre 3 qu’elle foit en état de foutenir l’une ôc
l’autre de ces opérations.
Le bruit s’étant répandu , en 1719 , que les
impériaux envoyoient le comte de Bonneval avec
douze mille hommes pour faire le fiège de Can
a r i , le gouverneur de cette place, qui avoit
trois mille hommes de bonnes troupes ,• crut que
les ennemis en perdroient béaucoup, à caufe de
*a faffon ôc du mauvais air du pays , ôc par
conféquent qu’ils fe verroient obligés de réduire
le fiège en blocus, en attendant qu’ils puffent
recevoir de nouvelles troupes : dans cette v u e ,
il fit une provifion de munitions pour un temps
raifonnable , Ôc de vivres pour une année.
Ce qui empêche ordinairèment d’approvifionner
fuffifamment une place qui doit foutenir un blocus,
eft la difficulté de trouver un affez grand nombre
de magafins à l’épreuve de la bombe ou hors de
fa portée, afin de mettre autant de vivres comme
on en a befoin dans les lieux propres à les conserver
; car les grains, la farine, le bifcuit Ôc lés
légumes demandent un endroit fec & aëré, le
vin un endroit froid, & la viande falée un magafin
frais fans humidité ; le bois fe met en tas dans
les places, ôc fert aufti d’épaulement contre, lés
•bombes.
On divife les fafcines ôc lés fourrages en différents
poftes, afin que les bombes ne brûlent pas
en une-fe.ule fois une groffe quantité de ces'provifions.
C ’eft pour éviter ce malheur du feu, qu’on
les appuie contre une haute muraille qui fe trouve
entre ces fortes de provifions ôc le front attaqué ,
parce qu’alors la bombe donne contre la muraille ,
ou elle paffe au-delà du magafin.
Le gouverneur doit arrêter dans fa place ou
faire venir des lieux voifins les forgerons , les
taillandiers , les armuriers, les maçons, les tailleurs
de pierres, les tonneliers, les charretiers &
les pionniers dont il peut avoir befoin durant le
fiège : il doit avoir une bonne provifion de groffes
planches , où autres bois , de charbon pour les
forges, & de fer : il donnera les ordres convenables
pour éviter que ces ouvriers Ôc ces artifans
ne s’échappent ou fe cachent ; on doit n é a n m o i n s
les bien traiter, ôc les payer non - feulement à
proportion du travail qu’ils auroient fait dans leurs
maifons , mais leur donner encore quelque chofe
de plus, par rapport au péril où ils font expofés
dans la place.
Je ne me fuis point attaché ici à entrer dans
un détail exaâ des hommes de chaque profeffion,
& de toutes les fortes de provifions dont chaque
place, aura befoin pour fa défenfe , parce que ce
détail formera une partie des calculs militaires que
j?ai propofé de donner au publie. D ’ailleurs le
géneraliflime , pour qui j’écris principalement ,
commettroit une très grande faute s’il s’enfermoit
dans la place, puifque fon devoir eft de fe tenir
en liberté, afin de difpofer le fecours Ôc de donner
les ordres néceffaires à l’armée ôc à tout le pays
d’alentour.
Lorfque Bacchide attaqua Bethbeften, Jonathas
Macchabée, chef du peuple de Dieu, laiffa Simon
fon frère dans la place ; mais Jonathas en fortit
pour tenir la campagne.
De Varmée retranchée auprès de la place qui deit
foutenir un fiège ou un blocus.
Si dans le voifinage de la place que les ennemis
ont deffein d’inveftir, il y a quelque terrein dont
.la fituation, aidée par l’art, puiffe mettre en fureté
votre armée , & lui donner enymëme temps la
facilité de recevoir fes fourrages Ôc fes vivre s,
dont auparavant on aura fait une abondante provifion
, ne différez point de' vous bien fortifier
dans ce terrein , afin d’incommoder les détachements
, les fourrages, les convois ôc les travaux
des ennemis , toutes les fois qu’à la faveur de
ce voifinage il fe préfentera quelque occafion:
favorable^
Don Fernand Gonzague donna ce eonfeil à
l’empereur Charles V , pour empêcher les François
de prendre la place de Renti, dont ils furent enfin
contraints de lever le fiège, par les incommodités
que lé voifinage des impériaux leur caufoit chaque
jour.
Amilcar avoit déjà mis le fiège devant Himera
lorfque Gélon , avec une armée inférieure à celle
des Carthaginois , s’approcha de cette place ;
s’étant fortifié auprès, il leur fit dix mille prr--
fonniers dans différentes courfes contre leurs
fourrages Ôc leurs détachements : enfin, il fçut fi
bien profiter de toutes les conjoriéhires favorables „
qu’il les obligea de lever le fiège.
Daphenée , capitaine de Syracufe * tint une
même conduite , Ôc il inquiétoit fi fort les ennemis
, qu Himilcon , Carthaginois, étoit fur le
point d’abandonner le fiège d’Agrigente, lorfqu’il
eut le bonheur de prendre fur mer un convoi de
vivres que de Syracufe on envoyoit à la place
afliégée.
Ce voifinage de votre armée fervira encore
pour empêcher les ennemis d’ofer donner l’afi'aut
à la place, ou du moins d’y envoyer beaucoup
de troupes, parce qu’il auroit à craindre de manquer
de forces pour s’oppofer à votre armée, fi
elle les attaquoit pendant l’affaut.
Le maréchal de Montluc, qui eft de ce fenti-
ment, rapporte l’exemple de François Ier, roi
de France , lorfque les troupes de l’empereur
Charles V avoient deffein d’affiéger Marfeille.
Meteîlus fe vit obligé de lever le fiège de
Zama, parce que les deux fois qu’il entreprit de
donner 1 affaut a la place, il fut toujours invefti
par l’armee de Jugurtha. ; de forte que Meteîlus
fe trouvoit contraint d’abandonner l’affaut, Ôc de